Intervention de Alain Milon

Réunion du 7 avril 2016 à 14h30
L'offre de soins dans les territoires ruraux

Photo de Alain MilonAlain Milon :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce débat sur l’offre de soins dans les territoires ruraux me rappelle les échanges que nous avions eus ici même lors de l’examen du projet de loi HPST, lorsque nous évoquions la régionalisation de la politique de santé, ou, plus récemment, il y a quelques semaines, à l’occasion de la discussion du texte relatif à la modernisation de notre système de santé.

La garantie de l’accès aux soins apparaît comme la première attente des habitants des territoires ruraux en termes de services. On prévoit, à l’horizon de 2025, une baisse de 10 % du nombre de médecins, soit 21 000 médecins de moins, ainsi qu’une diminution de 15 % de la densité médicale, qui passerait de 336 à 283 médecins pour 100 000 habitants.

De fortes disparités existent à cet égard entre les territoires, le nombre de généralistes pouvant varier, d’une région à l’autre, de 194 à 137 pour 100 000 habitants. Ce sont près de 2, 5 millions de nos concitoyens qui vivent dans des zones en difficulté ou fragiles de ce point de vue.

Pour certains patients, se faire soigner en ville mobilise plusieurs professionnels de santé et représente un parcours complexe. Quelles sont les pistes qui pourraient permettre de faire évoluer les choses ou à quelle méthode recourir pour parvenir à une meilleure connaissance du rôle de chacun, pour faciliter les échanges d’informations entre professionnels des secteurs sanitaire, médico-social et social ?

Une première réponse tient déjà au mode d’exercice permis par les maisons de santé pluriprofessionnelles : en limitant les tâches administratives des médecins et en favorisant les coopérations, il optimise l’emploi d’une partie de la ressource médicale. Le développement de ces établissements est un des éléments de réponse à la désaffection des jeunes médecins pour la médecine générale et aux problèmes de démographie médicale, ce développement ne pouvant se faire que sur l’initiative, non exclusive certes, des professionnels.

En outre, l’exercice au sein des maisons de santé contribue à améliorer la qualité des soins, en facilitant la coordination des prises en charge des patients.

Par ailleurs, la loi prévoit aujourd’hui un ensemble d’outils cohérents destinés à améliorer l’offre de santé dans les territoires : les contrats d’engagement de service public, permettant aux étudiants en médecine de recevoir une bourse mensuelle en contrepartie de leur engagement à exercer ponctuellement dans des zones où l’offre médicale est faible ; l’adaptation du nombre d’internes formés dans chaque université aux besoins de la région ; une meilleure organisation des soins avec l’élaboration d’un volet ambulatoire du schéma régional d’organisation des soins, le SROS ; l’accroissement de la souplesse dans l’organisation de la permanence des soins ; la contractualisation entre l’agence régionale de santé et les offreurs de soins au travers du contrat pluriannuel d’objectifs et de moyens, le CPOM ; les contrats locaux de santé.

Enfin, la télémédecine, ou télésanté, offre des potentialités importantes en termes d’offre de santé.

À ce propos, il me semble que l’amélioration de l’offre de soins en ruralité, comme en ville d’ailleurs, passe par une couverture numérique totale du territoire. Nous sommes tous conscients des risques liés à l’existence de zones blanches toujours pas desservies par les réseaux de téléphonie mobile ou par internet. Or, je le redis une nouvelle fois, le développement de l’e-médecine est nécessaire pour permettre une couverture médicale satisfaisante, et la télémédecine, tout comme la télésurveillance des patients hospitalisés chez eux, est une piste à explorer en vue d’une intégration aux services des pôles pluridisciplinaires de santé.

Cependant, si l’aspect géographique est bien connu des élus, notamment dans les territoires ruraux, il ne faut pas non plus négliger la pénurie de médecins facturant au tarif de la sécurité sociale, y compris dans les zones urbaines les plus denses. Nous sommes tous d’accord ici pour affirmer qu’il faut tenter d’y remédier et qu’il est donc urgent de mettre fin à cette fracture sanitaire, de lutter contre la renonciation aux soins que l’on constate de ce fait de la part d’un nombre croissant de Français et de traiter la problématique de la répartition des médecins sur le territoire national.

Nous en revenons en fait au débat sur la désertification médicale que nous avons déjà eu dans cet hémicycle, à la question de savoir s’il faut en rester aux politiques purement incitatives ou s’orienter non pas vers la coercition – personne n’y est favorable, du moins je l’espère –, mais vers une forme de régulation.

Pourtant, comme je l’ai déjà souligné, les rapports du Conseil national de l’Ordre des médecins sur la démographie médicale montrent que, contrairement à ce que l’on peut croire, le nombre des installations dans les régions considérées comme sur-denses diminue. C’est en particulier le cas dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur : les médecins y sont nombreux, mais vieillissants, et les jeunes s’installent ailleurs, notamment en Alsace.

S’agissant des jeunes médecins, nous savons que ceux-ci ont aujourd'hui tendance à vouloir exercer en groupe plutôt que de manière isolée. Bien souvent, par ailleurs, ils sont formés à l’hôpital et ne sont pas assez sensibilisés à la notion de médecine de proximité.

Vous le savez bien, mes chers collègues, il est beaucoup plus facile de trouver la solution à un problème lorsqu’on laisse les personnes directement concernées en discuter et y réfléchir entre elles. Ainsi, pour remédier à court terme aux problématiques qui handicapent le système de santé dans les territoires ruraux, il faudra aussi tenir compte de ces éléments, comme il faudra mener une large réflexion avec les jeunes médecins eux-mêmes, que nous devrons habituer au contact avec les patients, et non pas uniquement avec la maladie.

Je souhaite évoquer maintenant un autre constat fait par la commission des affaires sociales. Pour certaines professions de santé, des accords ont permis de modifier la répartition des installations. J’insiste sur le fait que cette évolution est le résultat d’accords, et non pas de l’instauration d’une obligation légale, et donc sur la nécessité d’instaurer un dialogue et une concertation.

Les sénateurs du groupe Les Républicains sont attachés à l’exercice libéral de la médecine. Aussi ai-je proposé, m’inspirant de ces expériences, que, dans le cadre de la négociation de la convention devant être signée entre les caisses d’assurance maladie et les syndicats de médecins, y compris – et surtout – les syndicats de jeunes médecins, une discussion se tienne obligatoirement avec les médecins, les professionnels des secteurs sanitaire, médico-social et social, sur la façon dont doit être réglé le problème de la répartition des installations entre les zones sur-denses et les zones sous-denses, afin de déboucher sur l’identification d’actions d’amélioration, notamment en termes de communication d’informations entre professionnels, d’élaboration de protocoles locaux de prise en charge et d’organisation des soins.

Nous avons toujours considéré que les discussions conventionnelles qui ont lieu assez régulièrement entre la sécurité sociale et les syndicats de médecins pour régler différents problèmes de la médecine sont le meilleur cadre pour évoquer cette question.

Pour conclure, je dirai que, si nous sommes tous conscients de la nécessité d’avoir une vision de l’état de santé des populations des territoires ruraux et de ses déterminants fondée sur une sélection d’indicateurs, il me semble que, dans la mesure où nous serons amenés à faire des choix et à mettre en place de nouvelles stratégies, les Français doivent connaître le coût réel de leur santé.

C’est pourquoi il n’est pas envisageable que la prochaine campagne pour l’élection présidentielle se déroule sans que l’on parle de santé, de prévention, de recherche, de médecine prédictive, sans que soient abordés les problèmes du coût de la santé et de la nouvelle façon dont on doit financer la sécurité sociale.

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