Intervention de Alain Vasselle

Réunion du 7 avril 2016 à 14h30
Déontologie droits et obligations des fonctionnaires — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Photo de Alain VasselleAlain Vasselle, rapporteur pour le Sénat de la commission mixte paritaire :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous arrivons aujourd’hui au terme d’un long processus : ce projet de loi avait été déposé il y a deux ans et demi, le 17 juillet 2013, avant d’être rectifié par le Gouvernement le 17 juin dernier.

Le texte qui vous est soumis est issu de la commission mixte paritaire qui, le 29 mars, s’est tenue au Sénat pendant près de deux heures.

Nous parvenons donc au terme d’un important travail parlementaire : le Sénat aura examiné pas moins de 386 amendements sur ce texte, dont 204 ont été adoptés.

Je tiens à saluer le travail très précis réalisé par l’Assemblée nationale et, tout particulièrement, par sa rapporteur, Mme Françoise Descamps-Crosnier, avec qui j’ai pu aborder dans le détail tous les sujets. Il me semble que nous sommes parvenus à un compromis équilibré, dans lequel les apports du Sénat sont nombreux.

Je rends également hommage à Mmes Marylise Lebranchu et Annick Girardin, qui ont successivement défendu ce projet de loi à la fois riche et complexe.

Je commencerai par quelques rappels sur le contenu du texte, qui comporte un volet déontologique et un volet social, ce dernier résultant des pourparlers conduits entre les syndicats et le Gouvernement.

En matière de déontologie, sont rappelés les principes essentiels de la fonction publique : impartialité, intégrité, dignité, neutralité et laïcité.

Des déclarations d’intérêts et de situation patrimoniale devront être faites par ceux qui occupent les postes les plus sensibles, afin de prévenir tout conflit d’intérêts. Les compétences de la commission de déontologie concernant les départs vers le secteur privé – ce que l’on appelle plus communément le « pantouflage » – sont également renforcées.

Enfin, des dispositifs spécifiques ont été intégrés dans le texte en cours d’examen pour les militaires et les magistrats administratifs et financiers.

Concernant le volet social, le texte contient diverses dispositions issues du dialogue entre l’État et les organisations syndicales.

Il s’agit, par exemple, de l’extension jusqu’en 2018 du dispositif de la loi Sauvadet de résorption de la précarité, de la création d’un nouveau congé avec traitement de deux jours pour les représentants du personnel au sein des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail, les CHSCT, etc.

Un délai de prescription de trois ans en matière disciplinaire est également prévu au bénéfice des agents publics.

Je rappelle que le texte initial prévoyait une harmonisation plus complète du régime disciplinaire des trois fonctions publiques, mais cette volonté n’a finalement pas pu être mise en œuvre, eu égard aux divergences persistantes entre les syndicats et les employeurs publics. Nous avons donc supprimé les articles 13 et 13 bis.

Quels ont été les apports du Sénat à ce texte ?

Notre assemblée a suivi une ligne de conduite constante, visant à renforcer l’efficacité des procédures déontologiques et à garantir un juste équilibre entre les droits des agents, d’une part, et les marges de manœuvre nécessaires aux employeurs, d’autre part.

Les propositions du Sénat qui ont été retenues par la commission mixte paritaire s’articulent autour de trois axes : la déontologie, l’intérim et la fonction publique territoriale.

Concernant les dispositifs déontologiques, nous avons veillé à ce qu’ils soient plus efficaces et respectent les droits des agents.

Ainsi, sur l’initiative du Sénat, la déclaration de situation patrimoniale est envoyée après la nomination du fonctionnaire, et non avant, afin de ne pas contraindre la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique à examiner la situation de candidats non retenus.

De plus grandes garanties de confidentialité sont offertes pour la déclaration d’intérêts versée au dossier du fonctionnaire. Ce document est, en effet, susceptible de comporter des informations relatives à la vie privée des agents, qu’il convient de ne pas divulguer. Ce point a fait l’objet d’un échange au sein de la commission mixte paritaire : nous souhaitions que toutes garanties soient apportées quant à cette confidentialité, et des engagements très clairs ont été pris par l’Assemblée nationale sur ce point.

Enfin, le Sénat n’a pas « cédé » sur le devoir de réserve, contrairement à ce qu’a pu écrire la presse. Certes, il a accepté que ce principe ne figure pas dans le texte, mais à la condition que les députés précisent très clairement, en commission mixte paritaire, la volonté du législateur, à savoir que le respect de ce principe jurisprudentiel soit maintenu sous le contrôle du juge administratif.

Par ailleurs, le maintien de l’intérim dans les trois fonctions publiques, qui avait initialement été remis en cause, alors qu’il constitue, à mon sens, une souplesse indispensable à la continuité du service public, a été décidé sur l’initiative du Sénat.

Nous avons également œuvré pour assurer une gestion plus rationnelle des fonctionnaires territoriaux, en reprenant à la fois des dispositions de la proposition de loi que j’avais déposée avec plusieurs dizaines de sénateurs en septembre 2015 et des mécanismes proposés par Mmes Troendlé et Di Folco, dont je salue l’engagement sur ce texte.

Ainsi, nous avons maintenu le droit en vigueur pour les recrutements sans concours des agents de catégorie C, alors que le Gouvernement souhaitait la mise en place de comités de sélection, qui aurait à mon sens représenté une charge supplémentaire pour les collectivités territoriales. Je souhaite que nous fassions confiance aux élus locaux, qui gèrent quotidiennement des dizaines de fonctionnaires, pour faire marcher les services publics.

Nous avons en outre sécurisé les actions des centres de gestion, afin de leur permettre, par exemple, d’assurer des prestations d’archivage à la demande des collectivités.

Ils pourront mettre en œuvre la dégressivité de la rémunération des fonctionnaires territoriaux momentanément privés d’emploi sur une période de trois ans. C’était une demande formulée par Mme Di Folco, au nom de tous les présidents de centre de gestion.

Nous avons étendu le recours aux concours sur titres, afin de faciliter le recrutement de certains professionnels de santé, comme les infirmiers ou les puéricultrices.

Nous avons maintenu le juge administratif dans les conseils de discipline de la fonction publique territoriale.

Enfin, nous permettrons aux centres de gestion un meilleur suivi des « reçus-collés », en créant l’obligation, pour les lauréats des concours de la fonction publique territoriale, de donner des informations écrites sur leur situation. Nous engageons aussi les centres de gestion à suivre eux-mêmes leur devenir.

Je voudrais maintenant esquisser quelques perspectives concernant des propositions du Sénat qui n’ont pas été retenues à ce stade mais qui continueront, à mon sens, de faire débat.

Le Gouvernement et l’Assemblée nationale ont rejeté l’idée d’une fusion entre la commission de déontologie et la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique. Mme Di Folco avait présenté un amendement sur ce sujet. Subsistent ainsi des enchevêtrements de compétences entre ces deux structures, qui ne renforcent pas la lisibilité des dispositifs déontologiques, même si l’Assemblée nationale et le Sénat ont amélioré leur articulation. Sur ce point, je pense avoir raison trop tôt, cette fusion me semblant difficilement évitable à moyen terme.

Sur le temps de travail dans la fonction publique, nous attendons avec impatience, madame la ministre, le rapport de M. Philippe Laurent, puisque vous aviez insisté auprès de moi pour que ne soient pas maintenus les dispositifs que nous avions adoptés.

Il me semble difficilement justifiable que certains fonctionnaires territoriaux, qui ne représentent pas la majorité des agents, bien entendu, puissent travailler moins de trente-cinq heures par semaine, alors que l’on demande des efforts au secteur privé, notamment dans le cadre du projet de loi El Khomri, qui fera l’objet de très longs débats…

De même, je continue de penser que l’introduction d’un ou de plusieurs jours de carence dans la fonction publique serait une mesure d’équité entre le public et le privé, comme l’a rappelé Mme Jacqueline Gourault lors de la commission mixte paritaire. Pensant ouvrir la voie à un compromis, Mme Gourault avait déposé un amendement prévoyant un jour de carence, mais nos collègues de l’Assemblée nationale ne l’ont pas entendu ainsi. Nous avons cédé, avant sans doute d’y revenir un peu plus tard…

Par ailleurs, la généralisation des primes de performance dans la fonction publique doit être examinée précisément et en dehors de considérations purement idéologiques.

Enfin, je regrette que la question de l’âge du départ à la retraite d’un fonctionnaire ne soit traitée que de manière marginale et pour répondre à un cas particulier que tout le monde a en tête. Je vous renvoie à l’article 27 du projet de loi.

J’appelle de mes vœux la poursuite du débat sur l’ensemble de ces perspectives, notamment lors de la discussion du projet de loi « égalité et citoyenneté », qui doit être prochainement examiné par le conseil des ministres. J’espère, madame la ministre, que nous pourrons avoir à cette occasion aussi un débat approfondi, de façon à faire avancer les choses.

En conclusion, la commission vous propose, mes chers collègues, d’adopter le présent texte, au regard des nombreux apports du Sénat que la commission mixte paritaire a retenus.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion