Intervention de Annick Girardin

Réunion du 7 avril 2016 à 14h30
Déontologie droits et obligations des fonctionnaires — Adoption des conclusions d'une commission mixte paritaire

Annick Girardin, ministre de la fonction publique :

Monsieur le président, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, votre assemblée débat donc ce soir du projet de loi relatif à la déontologie et aux droits et obligations des fonctionnaires.

Ce texte a pour ambition de renforcer les valeurs que doivent incarner les agents publics au service de leurs concitoyens, tout en leur reconnaissant de nouveaux droits. Il conforte ainsi notre fonction publique, conformément à la politique menée par le Gouvernement depuis 2012.

À l’issue d’un important travail, les positions des deux chambres ont pu converger dans le cadre de la commission mixte paritaire réunie la semaine dernière.

Je souhaite profiter de ce débat pour rappeler le travail accompli par ma prédécesseur, Marylise Lebranchu, sur ce texte.

J’aimerais vous remercier particulièrement, monsieur le rapporteur Alain Vasselle, d’avoir su appréhender la portée de ce projet de loi et rechercher, dans le cadre de la commission mixte paritaire, les compromis qui ont permis d’aboutir au texte aujourd’hui soumis au Sénat. Certes, j’ai bien entendu, monsieur le rapporteur, que vous éprouviez quelques regrets et que vous nous donniez rendez-vous lors de l’examen de futurs textes…

Je tiens également à saluer Philippe Bas et Dominique Raimbourg, respectivement président et vice-président de la commission mixte paritaire, ainsi que la rapporteur de l’Assemblée nationale, Françoise Descamps-Crosnier.

Ce texte arrive donc « à bon port », à un moment tout à fait opportun puisqu’il vient actualiser et renforcer les droits et les obligations des fonctionnaires, sujet qui n’avait plus été abordé depuis une trentaine d’années et les quatre grandes lois de 1983, de 1984 et de 1986.

Ce projet de loi s’inscrit dans la continuité de ces textes fondateurs, en les modernisant et en les adaptant aux nouvelles attentes de la société, notamment en matière de transparence et d’exemplarité. Il reflète également le profond attachement du Gouvernement envers le statut de la fonction publique, l’unicité de ses principes fondateurs et le respect de la spécificité de ses trois versants.

Comme je l’ai rappelé devant les députés mardi soir, si ce texte est ambitieux, il est aussi juste, car il répond à une véritable attente tant des agents que des citoyens.

Je me réjouis qu’il puisse clarifier les principes qui guident l’action publique au quotidien. Pour la première fois, ces principes sont inscrits dans la loi : dignité, impartialité, intégrité, probité et neutralité. À ceux-là s’en ajoute un autre auquel je suis profondément attachée : le principe de laïcité, dont les contours sont ici précisément bornés.

Le fonctionnaire doit s’abstenir de manifester ses opinions religieuses dans l’exercice de ses fonctions, mais il doit aussi respecter la liberté de conscience et assurer l’égalité de traitement des usagers qu’il sert.

Ce projet de loi s’adresse à l’ensemble des agents publics dans une logique de cohérence, mais aussi de cohésion, une logique que vous avez réussi à restituer au travers des propositions que vous avez faites pour consolider le texte.

J’ajoute que ce texte vient prolonger et parachever la loi du 11 octobre 2013 relative à la transparence de la vie publique, car il instaure, dans le même esprit, les nouvelles obligations déontologiques imparties à l’ensemble des agents publics, civils et militaires. Il renforce notablement les pouvoirs de la commission de déontologie, qui devient ainsi une sorte de vigie déontologique pour notre fonction publique.

L’introduction dans le statut général des fonctionnaires de la protection des « lanceurs d’alerte » s’inscrit également dans ce contexte. La disposition introduite par le Sénat visant à l’interdiction, pour un fonctionnaire employé comme dirigeant d’un organisme public et d’une entreprise privée, de toucher des indemnités autres que les indemnités de congés payés relève du souci de renforcer la déontologie de la fonction publique. Une situation récente nous a laissé à tous un goût amer…

Le devoir d’exemplarité des fonctionnaires, quel que soit leur grade ou leur échelon, commence par le fait de ne pas toucher des indemnités indécentes dans le cadre de leur activité. C’était l’un des points sur lequel le Sénat avait, avec raison, insisté lors des débats parlementaires.

Outre les obligations déontologiques, ce projet de loi comporte des mesures fortes pour améliorer la situation des contractuels et favoriser leur accès à un contrat à durée indéterminée ou à la titularisation, pour mieux organiser les mobilités des fonctionnaires qui souhaitent rejoindre le territoire ultramarin où ils ont leurs attaches – je sais combien cette dernière mesure est attendue –, pour donner aux fonctionnaires les mêmes droits qu’aux salariés en matière de congés pour maternité, pour adoption et de paternité, pour étendre les missions du Centre national de la fonction publique territoriale, en vue de faciliter le développement de l’apprentissage, avec la mise en œuvre d’un dispositif d’accompagnement personnalisé des étudiants pour préparer les concours de catégorie A.

Comme le souhaitait l’Assemblée nationale, le texte introduit également la prescription de l’action disciplinaire. Ainsi, aucune procédure disciplinaire ne pourra être engagée au-delà d’un délai de trois ans à compter du jour où l’administration a eu connaissance effective de la réalité, de la nature et de l’ampleur des faits passibles de sanction, le délai étant interrompu en cas de poursuites pénales.

Je rends hommage à la commission mixte paritaire, qui a su trouver la rédaction propre à fixer avec la plus grande clarté les contours de ce nouveau droit. Cet article instaure ainsi une liberté fondamentale pour les fonctionnaires, tout en préservant les intérêts du service public lorsqu’un agent a failli.

Autre avancée, les droits des agents et de leurs familles sont élargis avec le renforcement de la protection fonctionnelle. Malheureusement, les agents sont régulièrement les cibles de violences, et il est indispensable de leur manifester un soutien inconditionnel.

À travers eux, à travers parfois un membre de leur famille visé par les violences du seul fait de sa qualité de parent d’un agent public, c’est en réalité l’État ou la collectivité publique au sein de laquelle ils exercent leurs fonctions qui est visé. Ce sont eux qui sont en première ligne.

Je reviens tout juste d’un déplacement à Berlin, où j’ai eu le plaisir d’échanger avec mon homologue allemand, Thomas de Maizière, lors d’une conférence sur les violences à l’encontre des fonctionnaires. Nous constatons, dans nos deux pays, une hausse des violences à l’encontre des agents publics. Une étude menée en 2012 et en 2013 nous apprend que, en France, 43 % des agents publics se disent victimes de violences verbales ou physiques. Il nous fallait donc agir.

En matière de ressources humaines, le Sénat a appuyé le renforcement des centres de gestion de la fonction publique territoriale.

La loi prévoira désormais que ces structures peuvent assurer toute tâche administrative et des missions d’archivage, de numérisation, de conseil en organisation et de conseil juridique, à la demande des collectivités et de leurs établissements.

Enfin, cette loi modernise le dialogue social dans la fonction publique, par exemple en instaurant des obligations en matière de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des instances professionnelles.

Telles sont les grandes lignes de ce texte de compromis auquel vous avez grandement contribué. C’est un texte juste et équilibré, qui rappelle constamment que de nouveaux droits supposent de nouveaux devoirs.

Je remercie la commission mixte paritaire d’avoir retiré certaines propositions qui ne me semblaient pas conformes à l’équilibre et à la justice nécessaires. Je pense notamment à l’instauration de trois jours de carence. Nous avons clairement une divergence sur ce point ; je n’ai pas besoin d’y revenir aujourd’hui.

Le Parlement va adopter un texte efficace pour moderniser la fonction publique, mais aussi pour la protéger. Dans un contexte où son utilité est sans cesse mise en question, notamment dans la presse, à l’heure où certaines personnalités politiques en appellent de manière à peine voilée à son démantèlement, je le redis avec force : les fonctionnaires, les agents publics ne sont pas des travailleurs comme les autres ; ils sont au service de la collectivité et sont les principaux garants de la bonne santé de notre société. Mieux que personne, ils incarnent l’intérêt général, et ce serait une grave erreur que de sous-estimer leur apport et leurs efforts au service de nos concitoyens.

Enfin, je profite de cette occasion pour rappeler les marques de confiance que le Gouvernement a déjà données aux agents de la fonction publique.

Je pense à la revalorisation des salaires des personnels de catégorie C, les plus bas de la fonction publique, en février 2014 et en janvier 2015. Nous mettons maintenant en œuvre le protocole sur les carrières et les rémunérations, le PPCR, dont la loi de finances pour 2016 a posé les grands principes et qui nous conduit à modifier quelque 500 textes d’ici à la fin de l’année. Nous serons au rendez-vous.

Enfin, je vous rappelle que le Gouvernement a décidé de revaloriser le point d’indice de la fonction publique, qui était gelé depuis juillet 2010. Il augmentera de 0, 6 % au 1er juillet 2016 et de 0, 6 % au 1er février 2017, ce qui représente une hausse de 1, 2 % en année pleine.

Toutes ces mesures constituent un signal fort de reconnaissance du travail des agents publics. Elles marquent l’intérêt que nous portons tous, je n’en doute pas, au service public, dans un contexte budgétaire difficile.

Dans la continuité de ces réalisations, permettez-moi d’évoquer devant vous les perspectives que je souhaite tracer pour la fonction publique de demain, celle du XXIe siècle.

Mon approche se fonde sur trois grandes pistes de réflexion : tout d’abord – cela fait écho au présent texte –, la réaffirmation de la laïcité comme condition d’un vivre ensemble apaisé ; ensuite, l’innovation, qui doit permettre à la fonction publique de mieux s’adapter à l’évolution des attentes de nos concitoyens ; enfin, l’engagement des jeunes au service de l’État, qui constitue à mes yeux une nécessité dans le difficile contexte actuel.

Pour cela, nous aurons besoin d’une fonction publique qui se modernise et s’adapte en permanence, d’une fonction publique ouverte à la diversité des talents de notre pays, exemplaire dans la gestion de ses ressources humaines et dans le comportement de ses agents et, bien sûr, transparente.

Tel est le sens du texte qui vous est soumis aujourd’hui, tel est le sens de mon engagement au service de la fonction publique, de ses agents et des citoyens qu’elle sert au quotidien.

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