Intervention de Sébastien Zanoletti

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 17 mars 2016 : 1ère réunion
Problématique des normes sanitaires et phytosanitaires applicables à l'agriculture des outre-mer — Contraintes normatives applicables à la filière de la banane

Sébastien Zanoletti, directeur Innovation et développement durable à l'UGPBAN et consultant pour l'Institut technique tropical (IT2) :

Les concurrents de la banane de la Martinique et de la Guadeloupe sur le marché européen sont principalement les pays d'Amérique centrale (Costa Rica, Colombie et Équateur) et d'Afrique (Côte d'Ivoire, Cameroun, Ghana). L'essentiel de la différence de compétitivité tient au coût de la main-d'oeuvre. 90 % des salariés des Antilles sont titulaires d'un contrat à durée indéterminée. Ils sont payés au moins au salaire minimum interprofessionnel garanti (SMIG), soit environ 90 euros par jour. En Afrique ou en Amérique centrale, le salaire varie entre 200 et 300 dollars par mois. Même s'il est compensé par le POSEI évoqué par Monsieur Detter, le différentiel est énorme.

Il y a également un différentiel de compétitivité lié aux normes. Ces normes, qui s'appliquent également à l'agriculture métropolitaine, concernent à la fois la partie « production », mais aussi le stockage et le transport, les stations de conditionnement.

Dans les champs, s'appliquent les normes environnementales et les normes relatives à la protection des salariés, aux matériels et aux équipements. Ces normes évoluent régulièrement. C'est le cas des exigences relatives aux tenues vestimentaires ou aux tracteurs qu'il va falloir changer car les cabines doivent dorénavant être hermétiques.

Ensuite, les bananes arrivent dans les stations de conditionnement où les régimes sont découpés en bouquets puis lavés et mis en cartons. Des normes spécifiques s'appliquent de l'entrée à la sortie de la station. Je pense notamment aux déchets, qu'ils soient organiques ou composés de plastique. Tous les déchets en plastique sont recyclés ou compressés. Faute de moyens adaptés sur place pour les traiter, certains déchets doivent être envoyés en métropole.

Toutes ces normes ne s'appliquent pas chez nos concurrents. Même s'il mériterait d'être affiné, j'ai estimé le surcoût lié aux normes à environ 150 euros par tonne.

Ces normes ont leur sens et nous ne les remettons pas en cause, même si, pensées pour la métropole, elles s'appliquent parfois mal à l'outre-mer. Le domaine phytosanitaire est celui pour lequel l'inadéquation normative est la plus importante. On estime aujourd'hui que 30 % des besoins phytosanitaires sont couverts en moyenne pour toutes les cultures d'outre-mer. En métropole, le taux était de 85 % et a été ramené à 80 % récemment. Le différentiel de produits autorisés pour les cultures d'outre-mer est énorme. La banane n'est pas la moins bien pourvue puisque le taux de couverture est de 60 %. Des cultures comme l'ananas ou l'igname ne disposent que d'un seul produit phytosanitaire autorisé. La production d'ananas a ainsi connu une chute vertigineuse en Guadeloupe et en Martinique.

Ces cultures des zones tropicales humides sont touchées par de nombreuses maladies. Si vous ne disposez pas des produits de traitement adaptés, la culture ne peut pas se développer, elle est condamnée.

Pour la banane, nous sommes en limite de possibilité de produire. La maladie principale est la cercosporiose, une maladie des feuilles. Depuis deux ou trois ans, nous réalisons environ sept traitements par an. Le Costa Rica en applique 65, soit un tous les 5 jours, l'Afrique et l'Équateur, une quarantaine. Alors que toutes les bananes du monde sont traitées par épandage aérien, même pour le bio, celui-ci a été arrêté chez nous et remplacé par des traitements terrestres, avec des coûts supplémentaires et un matériel qui devra encore évoluer.

Nos concurrents peuvent utiliser entre 50 et 100 produits autorisés. Ils ont un accès total à tout ce qui existe dans le monde. Nous disposons principalement de deux produits de traitement, issus d'un laboratoire suisse. Ces produits sont homologués pour dix ans puis réévalués. La semaine dernière, la firme nous a annoncé qu'en raison de la complication des procédures résultant de la nouvelle réglementation européenne 1107-2009 et du coût des études nécessaires, elle ne redéposera pas de dossier pour au moins l'un d'entre eux. Devant redéposer des dossiers pour de nombreux autres produits portant sur des grandes cultures françaises ou européennes, il n'y a pas d'équipe disponible pour travailler sur un marché considéré comme mineur. Or, le retrait de ce produit à horizon 2017 mettrait en danger la culture de la banane. Le même phénomène s'est produit pour la canne. À la suite du retrait d'un produit, une chute très importante des rendements avait été observée et seule la réintroduction du produit avait permis d'éviter la catastrophe. La toxicité du produit n'est pas en cause. C'est d'abord un problème économique.

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