Intervention de Christian Renault

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 31 mars 2016 : 1ère réunion
Problématique des normes sanitaires et phytosanitaires applicables à l'agriculture dans les outre-mer — Perspectives de développement de l'agriculture biologique

Christian Renault, associé du Cabinet AND-International :

Nous n'avons pas voulu par notre étude décourager définitivement le développement de l'agriculture biologique dans les DOM. Nous avons essayé d'être les plus réalistes possibles. Il faut avouer que la situation n'est pas facile. Produire local pour une consommation locale est l'axe de développement qui doit être privilégié. Se lancer dans une gamme de légumes courants ou produire des oeufs entre tout à fait dans ce cadre et peut participer à atteindre l'objectif de 20 % de la restauration collective. L'idée, comme en métropole d'ailleurs, est de procéder progressivement en introduisant des aliments bio petit à petit, sans vouloir immédiatement proposer un menu bio complet. Les produits qui se développent le plus vite sur le marché sont les oeufs et le lait bio, qui représente 10 % de la consommation courante des ménages de l'Hexagone. En effet, ces produits restent peu onéreux et le label « bio » n'introduit pas un écart de prix très important par rapport aux produits conventionnels car il n'est pas difficile, techniquement, à obtenir. La production laitière n'est pas très importante dans les DOM mais la production d'oeufs peut s'y développer. Par exemple, la production locale à La Réunion couvre l'ensemble de la consommation locale, tout en important l'alimentation des poules. On peut accroître la proportion de « bio » sur ce marché. L'intérêt serait ensuite de l'associer à des cultures maraîchères « bio » en tirant partie de l'engrais naturel et non minéral apporté par les déjections des poules.

De mémoire, le département de La Réunion s'est impliqué en octroyant des aides à la certification. Ce type de soutien est régulièrement pratiqué par les collectivités territoriales dans l'Hexagone. Notre étude ne pouvait pas prendre en compte les nouvelles actions des DOM dans le cadre du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) 2014-2020. Ils ont pu faire des choix favorables à l'agriculture biologique. Cela mérite d'être vérifié.

Si l'on se concentre sur la production locale en mode biologique de légumes courants et d'oeufs, on contrecarrera en partie la tendance à l'augmentation des importations. Il serait toutefois illusoire de penser pouvoir se passer des importations de produits d'épicerie. C'est la même chose en métropole. Prenons l'exemple des pâtes : elles doivent être importées d'Italie car c'est là que pousse le blé dur et qu'est produite la semoule « bio ».

Je n'accepte pas l'analyse qui voudrait que la banane dominicaine ne soit pas biologique. Bien évidemment, on peut toujours pousser les exigences encore plus loin. En matière d'agriculture biologique, différents systèmes de contrainte existent. L'Union européenne a adopté un règlement de niveau de contraintes médian et la réglementation française a dernièrement été abaissée au niveau d'exigence européen. La philosophie qui prévaut dans l'Union européenne est de disposer d'un socle de base et de laisser les consommateurs s'orienter, s'ils le souhaitent, vers des modalités de production et de marques encore plus exigeantes. Il existe en effet des démarches professionnelles autour de cahiers des charges durcis. Je pense aux réseaux Naturland en Allemagne ou Demeter, notamment sur la vigne ou le blé en biodynamie. Les rendements sont nettement plus faibles qu'en mode conventionnel mais les produits sont vendus à des prix beaucoup plus élevés. Certains militent pour la spécialisation des exploitations alors que le règlement européen autorise une mixité des exploitations qui peuvent produire à la fois en mode conventionnel pour une culture et en mode biologique pour une autre. Si nous adoptions le principe de spécialisation, nous perdrions environ 25 % des surfaces « bio » de métropole.

D'une manière générale, la production de bananes en République dominicaine répond aux grands principes de l'agriculture biologique. Les produits phytosanitaires utilisés sont connus et listés, ce qui n'est pas toujours le cas dans l'agriculture conventionnelle. Aucun pesticide, ni aucun engrais d'origine chimique n'est employé. Des contrôles sont effectués. Certes, la France ajoute ses propres normes contraignantes sur les autorisations de mise sur le marché et les produits phytosanitaires utilisables. Le problème se pose aussi au sujet de la pomme « bio », objet d'un désaccord de fond avec l'Italie. Pour soigner une maladie de la pomme, appelée la tavelure, le même produit est autorisé en Italie et interdit en France, que cela soit en mode de production biologique ou conventionnel. C'est la raison pour laquelle le consommateur français mange des pommes « bio » italiennes. Ce n'est pas la réglementation « bio » qui est en cause mais la réglementation générale d'utilisation des produits phytosanitaires. Tous les producteurs maraîchers et fruitiers français vous diraient que par rapport à leurs concurrents belges ou espagnols, ils disposent de moins de produits autorisés. Ce problème n'est propre ni aux DOM, ni à l'agriculture biologique.

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