Intervention de Christian Renault

Délégation sénatoriale à l'Outre-mer — Réunion du 31 mars 2016 : 1ère réunion
Problématique des normes sanitaires et phytosanitaires applicables à l'agriculture dans les outre-mer — Perspectives de développement de l'agriculture biologique

Christian Renault, associé du Cabinet AND-International :

Dans le cadre du marché unique européen, la solution aux problèmes que vous évoquez réside dans l'étiquetage et l'information du consommateur, non pas obligatoire mais volontaire. Le réseau Biocoop a créé une marque propre avec un cahier des charges spécifique plus exigeant que le règlement européen.

La banane dominicaine répond à la réglementation européenne puisqu'elle est contrôlée par des organismes agréés par l'Union européenne. De plus, elle n'est pas importée directement dans les ports français mais, comme beaucoup de produits, elle passe par Rotterdam ou Anvers, y compris lorsque l'importateur est français. Ainsi, nous importons des bananes belges ou néerlandaises puisqu'elles sont déjà sur le marché européen. Toutefois, le marché de la banane « bio » commence à se segmenter : on distingue déjà la niche de la banane « bio » équitable, plutôt produite en Équateur et qui répond à un second niveau de certification tenant compte des conditions socio-économiques de production. La banane produite dans les Antilles françaises mériterait sans aucun doute d'être étiquetée « équitable » au regard des conditions de travail et du niveau des rémunérations des salariés beaucoup plus favorables que dans les pays concurrents. Sur le marché du café et du chocolat « bio », plus de la moitié des volumes écoulés bénéficie du label équitable.

Le label « banane durable » est compatible avec l'emploi de produits phytosanitaires chimiques, il ne sera donc jamais conforme aux principes de l'agriculture biologique. Il peut être envisagé de développer de la banane « bio » à petite échelle dans les DOM pour que la technique se développe et se diffuse et pour que progressivement les producteurs y adhèrent. Les techniques d'agriculture raisonnée permettent de limiter le recours aux pesticides et aux herbicides et peuvent à terme converger vers la démarche de l'agriculture biologique. Mais aujourd'hui, pour être clair, la banane durable des Antilles est moins « bio » que la banane « bio » de République dominicaine. Tous les spécialistes vous le confirmeront. Je sais que l'on répond souvent que la République dominicaine utilise un produit autorisé par le règlement européen mais auquel les producteurs français ne peuvent pas recourir. La réalité est plus complexe. C'est surtout le banol, une huile minérale produite par Total qui est visée. Il se trouve qu'en effet les huiles minérales sont autorisées par le règlement européen. Ce qui est interdit aux Antilles, à la suite de mouvements locaux et de décisions de justice, c'est l'épandage aérien, par hélicoptère, qui est le seul mode d'utilisation vraiment efficace du banol. L'usage de banol en culture biologique est autorisé par la norme européenne, qui n'interdit pas non plus l'épandage aérien.

Les organismes certificateurs en savent davantage que quiconque, puisqu'ils sont les seuls à avoir une vision détaillée de ce qui se passe dans les DOM et dans les pays tiers. Peut-être pourriez-vous prévoir d'en auditionner certains. Nous pouvons affirmer sur la base de notre enquête de terrain que tout se déroule dans un cadre légal aussi bien dans l'Union européenne qu'en République dominicaine et que les principes de l'agriculture biologique définis par l'IFOAM sont respectés.

Par ailleurs, j'aimerais évoquer le travail d'une coopérative biologique en Guyane qui produit, en lien avec le CIRAD, du bois raméal fragmenté pour doper les sols pauvres en humus. Il s'agit de broyer et laisser pourrir à l'air du bois pour produire rapidement un compost naturel. En matière de complémentarité des cultures, je peux également signaler une expérience à La Réunion où des courges sont associées à la canne pour lutter contre les parasites. En résumé, le développement de l'agriculture biologique dans les DOM demande du temps, des budgets d'expérimentation et une ouverture d'esprit du monde agricole ultramarin pour reconnaître que ce type de techniques peut être aussi efficace que les produits phytosanitaires, qui sont par ailleurs achetés aux coopératives... Il ne faut pas négliger que la production biologique bouleverse les schémas économiques habituels.

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