Intervention de Hakki Akil

Commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées — Réunion du 16 décembre 2015 à 9h03
Crise irako-syrienne et question des réfugiés- Audition de M. Hakki Akil ambassadeur de turquie en france

Hakki Akil, ambassadeur de Turquie en France :

Merci de m'avoir donné l'occasion de m'adresser une fois de plus à cet auditoire aussi prestigieux, où je puis voir beaucoup d'amis et de connaissances.

Le moment est fort approprié pour parler de ce qui se passe dans la région. Nous nous trouvons face à un tournant en matière de lutte contre Daech et d'évolutions de la Syrie.

Vous avez évoqué les priorités turques. Ce sont celles de la coalition : nous n'avons pas de priorités différentes - sauf peut-être le combat que nous menons contre le PKK. Les priorités turques sont les mêmes que les françaises, américaines ou celles du monde occidental.

La dernière fois que nous nous sommes vus, les attentats d'Ankara et de Paris n'avaient pas encore eu lieu. Je voudrais une fois de plus exprimer mes condoléances aux familles de tous ceux, citoyens français et turcs, qui ont perdu la vie lors de ces événements.

L'autre fait nouveau est l'intervention militaire musclée des Russes en Syrie. C'est pendant ces opérations que les avions russes ont violé l'espace aérien turc. Nous les avons prévenus à plusieurs reprises que la Turquie ne pouvait permettre que les avions militaires russes violent notre espace aérien.

Les 3 et 5 octobre, nous avons appelé leur ambassadeur. Nos premiers ministres se sont entretenus entre eux. Le président turc s'est même adressé au président russe lors du sommet du G20 en disant que les règles d'engagement de l'aviation turque étaient claires et que les pilotes avaient instruction d'abattre tout appareil violant notre espace aérien, conseillant de demander aux pilotes russes de répondre aux sommations de l'aviation turque.

C'est suivant ces règles qu'un pilote turc a abattu un avion militaire russe qui avait violé notre espace aérien, sans toutefois qu'il ait pu savoir s'il s'agissait d'un avion russe ou syrien, les deux utilisant le même type d'appareil.

Dernièrement, lors de la conférence de Riyad, s'est dégagée une large coalition d'opposants au régime syrien, dont ceux qui avaient participé aux conférences de Moscou, du Caire et d'Istanbul. Il faut dire que les Saoudiens ont fait du bon travail en réunissant presque tous les représentants des groupes qui combattent contre le régime syrien et contre Daech, dont l'opposition à Bachar al-Assad.

Ces représentants, au nombre de cent quatre, ont publié un communiqué dans lequel ils expliquaient très clairement que la coalition fixait le départ de Bachar al-Assad comme condition préalable à la transition. Ils exprimaient également leur désir d'une Syrie démocratique, séculaire et conservant son intégrité territoriale. Ce communiqué est selon moi très important pour l'avenir de la Syrie.

Après les attentats, la France a déployé sa diplomatie pour former une grande coalition. Nous avons dit que nous avions du mal à croire à celle-ci, les intérêts des Russes et de la coalition occidentale ne coïncidant pas exactement selon nous. Le temps nous a donné raison, et nous nous sommes rendu compte que les frappes aériennes russes étaient destinées à 91 % à l'opposition syrienne modérée contre seulement 9 % à Daech.

Ce sont là les chiffres des Américains et de la coalition. On a compté beaucoup de dommages collatéraux et de morts civils. Rien que dans la région turkmène où les frappes aériennes ont été concentrées, on a dénombré plus de 500 morts civils.

Une réunion a eu lieu à Paris le 14 décembre avec la coalition internationale et dix ministres des affaires étrangères pour préparer la réunion de New York. Tous les participants ont estimé que le communiqué était une bonne base ; nous disposons à présent d'un texte très clair de l'opposition syrienne modérée, qui demande à connaître la position du régime avant de négocier les noms des représentants du régime qui seront autour de la table pour négocier l'avenir de la Syrie.

Nous en sommes là...

John Kerry a tenté de convaincre les Russes de venir à New York. Ceux-ci réclament la constitution de listes de groupes terroristes - rouges, vertes, jaunes, etc., et reportent la solution aux calendes grecques. Il est en effet très difficile que tout le monde puisse s'entendre sur ce genre de listes.

En Irak, la situation est malheureusement de plus en plus sensible. Une coalition s'est formée entre les Iraniens, les Russes, les Syriens et le gouvernement d'Abadi.

L'Irak risque de connaître un démembrement si cette politique continue. Sur le terrain déjà, on assiste à un démembrement de fait ; nous essayons d'éviter qu'il ne devienne politique. Nous ne voulons en effet pas avoir à nos frontières une région dominée par Daech et qui risque de devenir autonome.

La présence des Turcs et des Américains, ainsi que celle des membres de la coalition, commence à être mise en cause, le pouvoir irakien ne voulant ni des soldats américains ni des forces turques. La coalition veut quant à elle exercer son contrôle sur le territoire irakien, tandis que l'Iran essaie de faire passer la présence des milices chiites en Irak pour une force de paix.

Si vous le voulez bien, je reviendrai aux problèmes des réfugiés dans une seconde partie.

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