… mais le projet de loi est porteur d’une ambition qui va bien au-delà : il doit non seulement être le reflet de son temps, mais aussi préparer le pays à l’avenir numérique, pour faire de la France un champion incontestable dans ce domaine.
Voilà quarante ans, nous fixions le cadre du développement de l’informatique avec les lois instaurant la Commission nationale de l’informatique et des libertés, la CNIL, et la Commission d’accès aux documents administratifs, la CADA. Voilà dix ans, la loi pour la confiance dans l’économie numérique a établi le régime de responsabilité des acteurs de l’internet.
Quant au présent texte, sa plus grande nouveauté réside dans le pari de l’économie et de la société de la donnée ; il s’agit de mettre au point un cadre choisi et maîtrisé permettant l’essor de la data. Pour la première fois, l’infrastructure se construit sans qu’on la voie, puisque nous mettons en place, outre des tuyaux, des pylônes et des antennes, les fondations de l’économie et de la société de la donnée.
Avec la création d’une mission de service public de la donnée, l’exigence d’une publication présentant un certain niveau de qualité, qu’il s’agisse du format utilisé, de la granularité ou de l’interopérabilité, est enfin mise en avant pour certaines données de référence. Cette exigence de qualité vise à permettre l’accès aux données et le maniement de celles-ci, pour permettre l’invention de produits et de services innovants toujours plus nombreux et pour affiner l’efficacité des politiques publiques.
Je pense en particulier à la Base Adresse nationale, si utile pour identifier les foyers à atteindre dans le cadre du déploiement du très haut débit Fiber To The Home, le FTTH, et à la base Sirene, qui recense 10 millions d’entreprises en activité en France, mais aussi à la base de l’Institut national de l’information géographique et forestière et à son référentiel à grande échelle, qui cartographie le territoire pour mieux aider à la prise de décision dans les domaines de la protection de l’environnement, de l’aménagement du territoire, des transports, de l’agriculture et de la prévention des risques.
En vérité, l’enjeu de l’accès aux données est fondamental !
Avec l’introduction du concept de données d’intérêt général et l’obligation de publier des données publiques par défaut dans des standards ouverts, l’ambition n’est plus uniquement de rendre les données publiques, mais de les faire circuler. La donnée n’est pas une ressource rare, comme le pétrole ; elle est comme l’air, comme la lumière : elle doit se diffuser.
Reste que, pour actualiser le logiciel républicain, il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton. Il faut définir collectivement la vision stratégique, politique que nous souhaitons promouvoir. Car, oui, le numérique, objet transversal, est aussi un objet politique. De ce point de vue, le Gouvernement poursuit une action cohérente qui sous-tend en filigrane tout le projet de loi.
Au cours de nos débats, je serai donc sans doute appelée à contrer un à un certains arguments, en explicitant les objectifs politiques visés, centrés sur les valeurs de la République.
Ainsi, la transparence de l’action publique, l’open data, l’ouverture des résultats et des données scientifiques, l’ouverture des codes sources, la transmission des algorithmes, la promotion des logiciels libres, la possibilité pour les chercheurs de faire de l’appariement de données à l’aide du numéro d’identification national, toutes ces mesures d’ouverture ne relèvent-elles que d’une mode passagère ? Ne sont-elles qu’un moyen de se faire plaisir, un gimmick politico-cosmétique ?
Non ! Elles marquent une évolution profonde de la manière de faire action publique, d’améliorer l’efficacité des services publics. Au demeurant, il faut le comprendre comme une réaffirmation, par la donnée, du rôle de l’intervention publique. De fait, le débat se déplace : il ne s’agit plus de savoir si l’on veut plus ou moins de services publics, mais, grâce aux données, de travailler à « mieux de services publics ».
Pour la première fois, en plein scandale des Panama papers, l’ambition démocratique d’une plus grande transparence des institutions rejoint un autre objectif : la création de valeur par l’innovation grâce à l’utilisation des données et à la diffusion des savoirs.
Ce texte serait-il une contrainte de plus pesant sur les collectivités territoriales ?