Je refuse de faire de notre pays un acteur de second rang de la révolution numérique, et de nos concitoyens des consommateurs passifs de contenus produits par d’autres.
À la vérité, tout est question d’équilibre. Si le projet de loi penche plutôt du côté de l’intervention publique, c’est sur le fondement d’un constat : nous avons été trop impuissants à agir pour donner aux États et à leurs citoyens le contrôle de leur propre destin.
Nous faisons le choix de réguler de manière moderne, afin d’établir un environnement concurrentiel équilibré, qui favorise les nouvelles entreprises et protège les utilisateurs contre certaines pratiques constatées de la part d’acteurs du numérique finalement peu soucieux de respecter la loi, sinon celle qu’ils ont eux-mêmes édictée. Pour autant, nous n’avons pas opté pour une régulation excessive, car une intervention trop lourde se heurterait aux limites mêmes de l’exercice.
J’entends aussi que nous avancerions à contresens de l’Europe. C’est tout l’inverse ! Nous avons fait le choix d’un dialogue constructif, vigilant, actif avec Bruxelles, qui a permis une bonne coordination entre l’élaboration de ce projet de loi et les initiatives prises au niveau européen. Ainsi, les dispositions du projet de loi relatives aux données personnelles s’insèrent désormais parfaitement dans l’architecture fixée par le règlement européen qui vient d’être adopté sur le sujet. Quant à celles qui touchent à la loyauté des plateformes, elles sont conformes au droit de l’Union européenne en matière de pratiques commerciales et de droits des consommateurs.
On soutient également que le numérique et les avancées technologiques ne profiteraient qu’à une poignée. Là-dessus, on a raison. Ainsi, dans la « French Tech », cette formidable dynamique enclenchée sur tous les territoires, que chacun d’entre vous constate sur le sien, je vois beaucoup d’entrepreneurs hommes, jeunes, blancs et très éduqués. Or la vision du numérique que je défends est plus inclusive : le numérique est une chance pour l’intégration, pour l’insertion, pour l’égalité ! C’est pourquoi j’espère que la grande école du numérique fera son entrée dans le projet de loi au Sénat, et que vous permettrez l’octroi de bourses aux apprenants, afin que la formation aux futurs métiers du numérique ne rencontre pas d’obstacles financiers.
Les obligations relatives à l’accès au numérique pour les personnes en situation de handicap seront renforcées, sur le modèle des dispositions en vigueur dans les pays les plus progressistes en la matière, en particulier les pays nordiques. Dans ce domaine, nous avons le devoir collectif de placer la barre haut. La grande loi de 2005 sur le handicap a fixé en matière d’accessibilité des bâtiments des exigences qui n’ont pas été correctement appliquées. Nous devons apprendre de nos erreurs pour ne pas les reproduire et utiliser les technologies comme un formidable outil d’inclusion au service de tous.
Face aux situations d’impayés, qui se multiplient et constituent un nouveau problème social auquel nous devons répondre, le maintien de la connexion à internet permettra de lutter contre la précarité numérique des ménages les plus vulnérables. Nous lancerons une expérimentation locale avec les départements de Paris et de la Seine-Saint-Denis pour préfigurer le nouveau dispositif de maintien de la connexion.
Que l’on ne prétende donc pas que le Gouvernement ne fait rien !
À la vérité, la loi à laquelle ce projet de loi donnera naissance marquera une petite révolution : une petite révolution tranquille, comme j’aime à le dire.
Cette loi donnera à la France une longueur d’avance. De fait, le Royaume-Uni prépare pour l’été sa propre loi numérique, qui sera directement inspirée de la loi pour une République numérique. L’Union européenne a lancé voilà quelques jours une initiative pour favoriser l’essor de l’économie de la donnée. L’Italie vient d’annoncer un plan sur le très haut débit, trois ans après nous. Quant aux États-Unis, ils lancent tout juste une consultation pour garantir l’accès à internet aux publics fragiles.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je vous invite à relever ce défi, y compris sur le plan linguistique : efforçons-nous de ne pas utiliser un seul anglicisme, au nom de notre belle langue française, mais aussi en signe de reconquête !