Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, je me réjouis que débute aujourd’hui l’examen d’un projet de loi que l’on nous promettait depuis longtemps et qui était très attendu. En effet, il n’y a guère eu de texte d’importance sur le thème du numérique depuis la loi de 2004 pour la confiance dans l’économie numérique, dont je fus le rapporteur pour la commission des affaires économiques.
Dans un domaine où tout évolue si rapidement, il est bon d’actualiser des dispositions dont certaines ont déjà une douzaine d’années, mais aussi de traiter de nouvelles questions, qui ne se posaient pas voilà quelques années, mais qui sont devenues tout à fait fondamentales ; je pense en particulier à la notion de neutralité du net et à la régulation des plateformes.
Il est bon aussi, de mon point de vue, d’avoir ouvert l’élaboration du texte à la concertation, dans l’esprit de l’économie collaborative qu’il promeut. Je voudrais souligner l’aspect novateur de cette démarche, mise en œuvre à travers une consultation en ligne, et dont on peut penser qu’elle sera rééditée à l’avenir pour d’autres textes, sans bien entendu devenir systématique.
Il reste toutefois certaines interrogations sur l’économie générale du projet de loi.
Ainsi, nous nous sommes interrogés sur l’opportunité de certaines mesures, notamment celles figurant aux articles 21 à 24, relatifs à la régulation des plateformes, qui anticipent le règlement européen relatif à la protection des données personnelles. Dans la mesure où ce règlement doit être adopté définitivement dans peu de temps et entrera en vigueur d’ici à deux ans, fallait-il prendre dès à présent des mesures en droit interne, au risque que certaines ne soient pas entièrement compatibles avec les futures règles européennes et que celles-ci nous obligent à modifier notre droit dans quelques mois ?
Madame la secrétaire d’État, nous comprenons bien votre souci d’être pionnière dans ce domaine et de pousser les institutions européennes dans la bonne direction en allant plus loin qu’elles ; mais il ne faudrait pas que cela se fasse au détriment de la sécurité juridique de nos entreprises. De ce point de vue, n’y a-t-il pas un risque de segmentation nationale du droit européen du numérique, nos entreprises étant soumises à un cadre plus contraignant que celui applicable à leurs concurrents dans d’autres États membres de l’Union européenne ? Cette inquiétude est revenue fréquemment dans nos auditions et je me dois de la relayer.
La commission des affaires économiques a supprimé des articles nouveaux introduits par l’Assemblée nationale, qui n’avaient pas vocation à figurer dans ce projet de loi ou étaient incompatibles avec le droit européen, comme, entre autres, les articles 20 bis A, 20 sexies, 22 bis et 23 ter, et à en préciser ou clarifier d’autres, comme les articles 20 bis, 21, 22 et 23, parmi d’autres.
En particulier, nous avons modifié l’article 39, relatif à l’entretien des abords du réseau téléphonique. Nous aurons une discussion à ce sujet, d’autant que mon collègue Patrick Chaize, rapporteur pour avis de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable, et moi-même avons une vision différente de la chaîne de responsabilités entre l’opérateur du service universel et les propriétaires privés. Nous vous présenterons deux amendements identiques visant à maintenir le caractère incitatif du dispositif que nous avons adopté en commission et à le clarifier lorsqu’une collectivité utilise ce réseau téléphonique dans le cadre d’un réseau d’initiative publique, pour déployer la fibre optique.
Sous cette réserve, je pense, madame la secrétaire d’État, que nous pourrons trouver des consensus, du moins pour les articles dont la commission des affaires économiques a été saisie !