Intervention de Colette Mélot

Réunion du 26 avril 2016 à 14h30
République numérique — Discussion en procédure accélérée d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Colette MélotColette Mélot, rapporteur pour avis :

Monsieur le président, madame la secrétaire d’État, mes chers collègues, la commission de la culture, de l’éducation et de la communication s’est vu déléguer au fond le chapitre II du titre Ier du projet de loi pour une République numérique, consacré à l’économie du savoir, à l’exception de l’article 18.

Nos débats se sont concentrés, pour l’essentiel, sur les articles 17, 18 bis et 18 ter, qui soulèvent la délicate question du juste équilibre qu’il convient de maintenir entre le respect de la propriété intellectuelle et le développement de la recherche publique, dans un contexte où le numérique modifie les pratiques en profondeur. Cet équilibre, résultat d’un compromis malaisé entre les intérêts des parties, ne fut pas facile à trouver, la liberté des uns ne devant pas entraîner de trop lourds désavantages pour les autres.

Internet et le développement de réseaux sociaux scientifiques ont des conséquences considérables sur la science, en permettant une diffusion très rapide des connaissances dans tous les pays et en facilitant grandement les recherches bibliographiques.

Pourtant, la forte augmentation du nombre de revues créées et d’articles publiés chaque année s’accompagne paradoxalement d’un accès plus limité des chercheurs aux publications et d’un renchérissement global des dépenses d’acquisition. Deux facteurs sont en cause : l’augmentation spectaculaire des coûts des abonnements par certains éditeurs et la cession des droits d’auteur du chercheur au profit de l’éditeur, de plus en plus souvent perçue comme une véritable confiscation, dans la mesure où elle est généralement réalisée à titre exclusif et gracieux.

Consciente de la nécessité de faciliter l’accès aux travaux financés par des fonds publics, la commission de la culture soutient le dispositif prévu à l’article 17, fondé sur l’instauration d’un droit secondaire d’exploitation par l’auteur de la publication à l’issue d’une période d’embargo de six mois dans le domaine des sciences et de la technique et de douze mois dans celui des sciences humaines et sociales. Toutefois, elle reste soucieuse de ne pas mettre en péril le modèle économique des éditeurs. C’est la raison pour laquelle nous écouterons avec attention vos propos, madame la secrétaire d’État, au sujet du plan d’accompagnement des revues en sciences humaines et sociales.

Par ailleurs, je souhaite préciser que le développement du libre accès ne dispense pas le Gouvernement de stabiliser les budgets affectés à l’acquisition de ressources documentaires par les organismes de recherche et les universités, qui risquent, sinon, de devoir réduire le nombre de leurs abonnements.

En outre, il me paraît important d’étendre le système de licences nationales négociées au niveau centralisé à des consortiums de revues n’appartenant pas aux grands éditeurs, sans quoi une rente de situation serait assurée à ces derniers au détriment de revues plus fragiles.

Au-delà des bouleversements introduits par l’article 17 en matière d’open access des publications scientifiques, le droit de la propriété intellectuelle a été affaibli par l’introduction dans le projet de loi, à l’Assemblée nationale, des articles 18 bis, relatif à la fouille de corpus scientifiques, dite « text and data mining », ou TDM, et 18 ter, ouvrant droit à la liberté de panorama. Tout en étant soucieuse de la préservation du droit d’auteur, j’ai jugé que ces deux nouvelles exceptions étaient justifiées. Le TDM constitue en effet une technique de recherche numérique dont la France, soumise à la concurrence internationale de pays où elle est autorisée, ne saurait raisonnablement se priver.

Toutefois, la forme choisie par l’Assemblée nationale – une exception au droit d’auteur que la directive européenne du 22 mai 2001 relative au droit d’auteur et aux droits voisins dans la société de l’information n’autorise pas aujourd’hui – ne nous a pas paru appropriée ; nous lui avons préféré une limitation de la liberté contractuelle, en imposant aux éditeurs d’autoriser le TDM sans obstacle technique ni rémunération supplémentaire.

En ce qui concerne l’article 18 ter, nous avons choisi d’ouvrir son champ aux associations constituées sous le régime de la loi de 1901.

Sur tous ces sujets, nous sommes convaincus de l’intérêt des équilibres ainsi établis et nous appelons à leur maintien.

Pour conclure, je souhaite évoquer l’article 17 bis, qui assouplit les conditions d’enseignement à distance.

Ce type d’enseignement offre une opportunité majeure pour démocratiser la formation, lutter contre les inégalités et renforcer la visibilité et l’attractivité de l’enseignement supérieur français. Toutefois, son développement se heurte actuellement à deux obstacles : l’obligation d’un volume d’enseignement minimum en établissement et des conditions restrictives de délivrance d’un diplôme.

La voie réglementaire étant plus adaptée pour lever ces difficultés, même si la loi peut poser certains grands principes, je serai particulièrement attentive aux mesures que prendra le ministère de l’éducation nationale pour faire rapidement sauter ces deux verrous qui bloquent le développement de l’enseignement supérieur à distance !

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