Tant mieux, diront certains. Ce n’est pas mon avis, ni celui de la commission des finances. Car si ces sujets sont parmi les plus difficiles à traiter, ils sont aussi parmi les plus importants : la révolution numérique doit s’accompagner d’une révolution fiscale, que nous ne pouvons pas différer plus longtemps.
À cet égard, les choses avancent, il faut le reconnaître, mais bien doucement.
Le meilleur exemple est peut-être celui des plateformes en ligne, les Uber et autres Airbnb dont on parle tant.
Le projet de loi en donne pour la première fois une définition claire et pose les premiers jalons d’une nécessaire régulation, ainsi que d’une juste protection des consommateurs. Il manquait à ce dispositif un volet fiscal, qui, lui aussi, ne peut être considéré que comme un premier jalon. Sur l’initiative de la commission des finances, un article 23 quater a donc été introduit dans le projet de loi qui fait obligation à ces plateformes de déclarer automatiquement les revenus de leurs utilisateurs.
Cette proposition avait déjà reçu le soutien quasi unanime du Sénat à l’automne dernier, lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016. Depuis lors, plusieurs pays se sont engagés dans cette voie, en particulier l’Allemagne, l’Espagne et l’Estonie.
Je serai bref au sujet de deux autres articles de nature fiscale, les articles 37 A et 37 D.
L’article 37 A prolonge jusqu’en 2022 l’éligibilité au FCTVA des dépenses des collectivités territoriales pour la construction de pylônes dans le cadre de la couverture du territoire en téléphonie mobile.
Quant à l’article 37 D, il étend le suramortissement dit Macron de 40 % aux coinvestissements des opérateurs dans le déploiement de la fibre optique. Il s’agit d’une mesure d’équité, neutre pour les finances publiques puisque les doubles déductions ne seront pas possibles.
Ces deux mesures ont elles aussi été adoptées par le Sénat lors de l’examen du projet de loi de finances pour 2016, contre l’avis du Gouvernement. Celui-ci a manifestement changé d’avis aujourd’hui, ce dont je ne puis que me réjouir.
L’article 41 du projet de loi est plus substantiel. Il vise à élargir la possibilité de proposer des paiements par SMS et, plus largement, ce qu’on appelle la « facturation opérateur », par laquelle les achats sont directement imputés sur la facture téléphonique ou internet de l’abonné.
Aujourd’hui, seuls peuvent donner lieu à un tel paiement les produits directement consommés au moyen de l’appareil, par exemple une sonnerie ou un jeu pour téléphone. L’article 41 élargit la possibilité de payer par « facturation opérateur », conformément à la deuxième directive sur les services de paiement, la DSP 2, adoptée en 2015, à tout contenu numérique ou service vocal, quel que soit le dispositif utilisé pour son achat ou sa consommation, ainsi qu’aux tickets électroniques et aux dons à des associations caritatives.
Il sera donc possible de donner deux ou trois euros à la Croix-Rouge ou à l’UNICEF par un simple SMS. Afin de permettre aux campagnes de dons par SMS de commencer dans les meilleurs délais, comme le souhaitent les associations, la commission des finances a supprimé la date d’entrée en vigueur de janvier 2018 initialement prévue pour cet article.
Tous ces paiements par « facturation opérateur » seraient soumis à un double plafond de 50 euros par opération et de 300 euros par mois. Prévoir un plafonnement est la moindre des choses, car, si le paiement par SMS est plébiscité pour sa simplicité et sa fluidité, il comporte aussi un certain nombre de risques : l’explosion potentielle des factures pour les familles dont les adolescents oublient que certains services sont payants, des arnaques et des pratiques douteuses de certains services.
Je terminerai en abordant l’un des articles qui ont le plus mobilisé nos collègues à l’Assemblée nationale et au Sénat. C’est aussi celui qui a en grande partie justifié la saisine de la commission des finances. Je veux parler de l’article 42, relatif aux compétitions de jeux vidéo.
Quel est le problème de fond ? Les compétitions de jeux vidéo, dès lors qu’elles donnent lieu à un droit d’inscription à l’entrée et qu’elles offrent une récompense au vainqueur, sont aujourd’hui considérées comme des loteries au regard de la loi. Or les loteries sont prohibées par l’article L. 322-1 du code de la sécurité intérieure. Il est donc nécessaire de préciser les conditions dans lesquelles les compétitions de jeux vidéo peuvent obtenir une dérogation pour se tenir en toute légalité.
De l’avis de tous, le dispositif adopté par l’Assemblée nationale était loin d’être parfait. Je crois que M. le rapporteur et moi-même sommes parvenus à trouver un bon équilibre, en nous appuyant notamment sur le rapport d’étape de nos collègues Jérôme Durain et Rudy Salles.
Il s’agit de concilier le développement de cette filière, qui représente un potentiel économique important pour la France, et la maîtrise des risques d’addiction au jeu des mineurs, ainsi que des risques de fraude.
M. le rapporteur s’est exprimé sur l’autorisation des tournois physiques. Pour sa part, la commission des finances considère qu’il est possible d’autoriser ces compétitions, dès lors qu’elles ne sont pas précédées d’une préqualification payante en ligne et, partant, ne relèvent pas de la compétence de l’Autorité de régulation des jeux en ligne.