Le Gouvernement sollicite le retrait de l’amendement n° 441 rectifié, au profit de l’amendement n° 210 rectifié.
Pour ce qui concerne l’amendement n° 153 rectifié, il ne s’agit nullement de mettre en cause la nécessité de trouver un équilibre entre, d’une part, le respect du secret commercial et industriel des services publics industriels et commerciaux lorsque ceux-ci sont soumis à la concurrence, et, d'autre part, les données d’intérêt général.
Toutefois, dans la rédaction actuelle de l’amendement, tous les services de l’État pourraient se prévaloir d’une situation de concurrence pour ne pas communiquer leurs documents administratifs, puisque l’exception du secret commercial et industriel est étendue à toutes les administrations mises en situation de concurrence. Par exemple, on peut considérer que les organismes de recherche publique sont mis en situation de concurrence par rapport à d’autres laboratoires de recherche situés à l’étranger !
Je suis donc défavorable à cet amendement, dont l’adoption viderait le projet de loi d’une partie de son ambition en matière d’open data.
Le Gouvernement est également défavorable à l’amendement n° 157 rectifié bis. Il me semble très important d’être précis en droit. Les mots ont un sens ! Le secret industriel et commercial, ce n’est pas la même chose que le secret des affaires.
Il se trouve qu’un débat similaire a eu lieu à l’Assemblée nationale. La position trouvée paraît équilibrée, puisqu’elle permet de respecter le secret industriel et commercial des entreprises publiques pour la partie de leurs activités qui est en situation concurrentielle. L’objectif est bien là. Il ne s’agit nullement, par exemple, de nuire à la capacité de la SNCF ou de la RATP de soutenir la concurrence d’autres entreprises étrangères. Absolument pas !
À l’inverse, il ne faudrait pas que, au bénéfice d’une acception très large du secret des affaires, une entreprise publique, qui reçoit des financements publics pour conduire une partie de ses missions de service public, puisse jouer sur la situation de concurrence dans laquelle elle se trouve pour se soustraire à ses obligations.
Or je crains que nous n’aboutissions à cela si la rédaction faisant mention du « secret des affaires » est adoptée. La notion de secret industriel et commercial existe depuis la loi CADA, votée en 1978. Depuis quarante ans, son contenu a pu être précisément défini, comme cela a été indiqué à l’Assemblée nationale.
Tout d’abord, il s'agit du secret des procédés ou du savoir-faire. Typiquement, le code source d’un logiciel autoproduit par une entreprise publique pourrait entrer dans cette catégorie et, ainsi, ne pas faire l’objet d’une publication.
De même, le secret des informations économiques et financières, lorsque celles-ci protègent des documents sensibles, comme les comptes d’une entreprise, est une exception qui doit empêcher la publication.
Le secret des stratégies commerciales ou industrielles fait lui aussi partie du secret commercial et industriel. En relève, par exemple, le fait de ne pas communiquer les prix, les remises ou les offres spéciales pratiqués, ou encore la liste des fournisseurs d’une entreprise.
Ces différents éléments sont inscrits dans une jurisprudence solide, vieille de plusieurs décennies. En revanche, la notion de secret des affaires, si elle est mentionnée, à quelques reprises seulement, dans le code du commerce et dans quelques jurisprudences disparates, n’a jamais été définie en droit.
Il est vrai qu’une directive européenne est en cours de discussion sur le sujet, mais vous avez dû lire dans les journaux, mesdames, messieurs les sénateurs, que son contenu est très polémique, notamment du fait d’une absence notable, celle de la protection des lanceurs d’alerte.
Il est tout à fait prématuré et sans doute déplacé de vouloir introduire la notion de secret des affaires par le biais du présent projet de loi, parce que cela emporterait une confusion juridique, voire un recul démocratique, et je pèse mes mots !
En effet, s'agissant de la confusion juridique, une commune pourrait s’interdire désormais de fournir à ses propres habitants les détails d’un marché public, au motif que cela porterait atteinte au secret des affaires avec le prestataire avec lequel elle a contracté, ou un ministère refuser de fournir aux citoyens les éléments d’un partenariat public-privé, alors que la diffusion de ces informations est au cœur même de cette notion nouvelle, innovante, précurseur des « données d’intérêt général », qui intéresse les États-Unis, le Royaume-Uni et la Commission européenne !
Pour ce qui est du recul de la démocratie et des droits, je veux rappeler que nos concitoyens financent par l’impôt les missions de service public qui sont conduites par les entreprises publiques. Ils doivent avoir accès aux informations publiques produites à leur sujet !
En réalité, mesdames, messieurs les sénateurs, si la notion de secret des affaires est introduite dans ce texte, on considéra que le Sénat a enterré l’open data en France.