Mon intervention aura le même fondement que celle de Mme la secrétaire d’État. Je m’intéresserai d’abord à la procédure, avant d’en venir au fond du sujet, à savoir l’intégration, dans ce projet de loi, du secret des affaires.
Mes chers collègues, anticiper la transposition d’une directive, sans permettre un débat démocratique et partagé permettant de bien mesurer de quoi il s’agit, cela me gêne profondément. Si l’on commence à aller plus loin que la transposition des directives, à quoi servira le Parlement ? En effet, une grande part de notre législation repose aujourd’hui sur les décisions prises par l’Union européenne.
Le distinguo entre le secret industriel et le secret commercial, auquel, en tant que présidente de la commission de la culture, je suis extrêmement sensible, a été rappelé. Il s’agit en effet de la question des brevets et de la propriété intellectuelle. Le secret des affaires peut aussi servir de fondement à une entreprise pour attaquer soit un journaliste soit un ancien salarié qui ferait des révélations, au motif que celles-ci constituent un préjudice pour l’activité de l’entreprise en question.
Le vote récent par le Parlement européen de la directive sur le secret des affaires inquiète, car ce texte fixe un cadre très large, visant à protéger de nombreuses informations auxquelles l’opinion publique pourrait s’estimer en droit d’accéder. Les garde-fous prévus sont insuffisants, puisqu’ils placent la liberté d’informer sous l’épée de Damoclès de décisions judiciaires fondées sur des notions trop floues.
Le risque, c’est de transposer la sévérité du système luxembourgeois à l’ensemble des pays européens, alors que la plupart d’entre eux sont beaucoup plus protecteurs s’agissant de la liberté d’informer. En outre, la directive ne fait à aucun moment référence à la protection des sources.
En janvier 2015, nous avions débattu de ce sujet dans le cadre de la loi Macron, à l’occasion de l’examen de certains amendements, sans que le dispositif proposé protège réellement la liberté d’informer.
Certes, il est important de le rappeler, nos entreprises doivent protéger leur capital stratégique, ainsi que les informations non brevetables, mais indispensables à leur fonctionnement et à leur développement. Selon moi, un véritable débat est nécessaire en la matière. Par ailleurs, le statut légal des lanceurs d’alerte doit également faire l’objet d’une réflexion.
Tous ces débats sont devant nous. Nous aurons l’occasion d’évoquer de nouveau ces questions dans le cadre de l’examen de la proposition de loi visant à renforcer la liberté, l’indépendance et le pluralisme des médias. De grâce, n’anticipons pas trop des débats qui sont de première importance pour la démocratie !