Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 26 avril 2016 à 21h30
République numérique — Article 4, amendement 216

Axelle Lemaire, secrétaire d'État :

Le Gouvernement est favorable aux amendements identiques n° 303, 332 et 618. Par conséquent, il demande le retrait de l’amendement n° 216 rectifié ; à défaut, il émettra un avis défavorable.

Le texte issu de la commission des lois du Sénat a introduit la notion d’analyse de risques systématique avant la publication de données par une administration. Il s’agit selon moi d’une fausse bonne idée.

Tout d’abord, une analyse de risques systématique est déjà réalisée. L’article 4 du projet de loi prévoit d’obliger les administrations d’anonymiser rigoureusement les documents qu’elles publient. Elles doivent les soumettre à un traitement permettant de rendre impossible l’identification des personnes. Cette obligation est donc déjà satisfaite par l’article 4 du texte.

En outre, le respect de cette norme n’impose pas que l’administration effectue une telle analyse de risques à chaque fois qu’elle publie un nouveau document comportant des données personnelles. Il s’agirait d’une charge beaucoup trop lourde et d’un frein beaucoup trop important à la publication des données publiques. C’est un peu comme si on imposait aux médecins, toutes les fois qu’ils prescrivent un médicament, de réaliser leur propre évaluation scientifique de la molécule utilisée !

Inscrire dans la loi une telle obligation serait totalement irréalisable en pratique et impossible à contrôler. Ce serait suspendre une épée de Damoclès au-dessus de l’open data, notamment pour les collectivités locales, au moment de procéder à la publication des données.

Cela étant, je partage naturellement l’objectif visé, à savoir la protection des données personnelles. Il existe en effet des risques de réidentification, via l’utilisation du big data, de l’intelligence artificielle. C’est pourquoi il est essentiel de faire progresser les techniques d’anonymisation. Celles-ci sont très nombreuses, graduées, parfois complexes. Elles vont d’une simple occultation des nom, prénom et date de naissance, que l’on fait disparaître d’un document, à des méthodes statistiques très sophistiquées, qui utilisent la notion de « bruit statistique » ou des bases de données rendant moins réidentifiantes certaines variables.

L’action du Gouvernement va dans ce sens. Par exemple, je souhaite lancer un appel à projets dans le cadre du programme d’investissements d’avenir afin d’encourager la recherche et développement dans le secteur des technologies d’anonymisation. Cependant, l’amendement n° 216 rectifié va beaucoup trop loin, d’où l’avis favorable du Gouvernement sur les amendements visant à supprimer l’analyse de risques.

L’amendement n° 531 rectifié prévoit que la CNIL assiste les administrations pour réaliser l’analyse de risques. C’est faire peser une autre charge supplémentaire non seulement sur les administrations qui publient, mais de surcroît également sur la CNIL, qui n’est absolument pas demandeuse et n’aurait en réalité par les ressources nécessaires pour remplir cette tâche.

Quant aux amendements identiques n° 161 rectifié et 279 rectifié, le Gouvernement y est aussi défavorable. Il s’agit d’introduire une réserve relative au droit de propriété littéraire et artistique. Or la CADA a rappelé de nombreuses fois que la disposition concernée n’avait pas pour objet ni pour effet d’interdire la communication publique de ce type de documents. La CADA se borne à rappeler la proscription de l’utilisation collective qui pourrait être faite de documents incluant des droits de propriété littéraire et artistique, notamment l’interdiction de reproduire – je songe à la photocopie –, de diffuser et d’utiliser à des fins commerciales les documents concernés.

Par ailleurs, il existe des sanctions assorties en cas de non-respect des droits de propriété littéraire et artistique. À mes yeux, cet amendement est redondant. Je n’en vois donc pas l’intérêt ni l’utilité.

Pour autant, il explique aussi, et j’en viens à la position défendue par M. Frassa sur les données culturelles, l’absence de la mention expresse de données culturelles dans l’intérêt à publier. Dans la mesure où ce type de données est protégé par des droits spécifiques, cela ajouterait une complexité supplémentaire au moment d’analyser l’obligation de diffuser ou pas. Néanmoins, rien n’empêche les administrations de décider de publier ces données culturelles lorsque les droits de propriété littéraire et artistique sont bien protégés. Cela justifie l’absence de la mention expresse de données culturelles dans les données d’intérêt économique, social, sanitaire et environnemental.

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