Intervention de Jean-Bernard Lévy

Commission des affaires économiques — Réunion du 27 avril 2016 à 10h00
Audition de M. Jean-Bernard Lévy président-directeur général d'électricité de france

Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF :

Je vais faire de mon mieux pour répondre à tout le monde mais il y a eu beaucoup de questions, très diverses. Je vous demande par avance de m'excuser si ma réponse n'est pas très structurée.

Je commencerai par le projet d'EPR à Hinkley Point. Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur la garantie des volumes vendus. Je vous confirme que nous sommes doublement garantis sur les volumes, d'abord par une garantie générique tenant au fonctionnement du système électrique britannique qui donne la priorité aux installations de base - et donc au nucléaire qui produit en base -, ensuite par une garantie spécifique intégrée au CfD négocié avec le Gouvernement britannique. Nous n'aurons donc aucun souci, ni pour produire les volumes attendus, ni pour les vendre au prix contractualisé, ni pour les écouler sur le marché.

Deux actionnaires se partagent le financement du projet, évalué à 24 milliards d'euros, et les risques dans des proportions à peu près équivalentes : EDF, qui prendra en charge les deux-tiers, soit 16 milliards, et notre partenaire chinois pour le tiers restant, soit 8 milliards. En pratique, le projet ayant débuté depuis plusieurs années, la totalité de ces investissements n'est pas devant nous mais sans doute avons-nous déjà dépensé 10 % à 15 % de ces sommes. Les risques sont partagés mais dans la mesure où EDF, maître d'ouvrage, fournit le réacteur et l'exploitera, nous avons mis en place un système qui se veut incitatif pour récompenser EDF du travail déjà accompli ou à l'inverse nous pénaliser un peu en cas de retard ; mais les montants en cause sont tout à fait minimes et ne pourraient faire varier les parts respectives d'EDF et de CGN que d'1 % à 2 % au plus.

Hinkley Point est un grand projet. Je suis convaincu que nous avons choisi le bon moment pour le lancer et que nous avons mis toutes les chances de notre côté en tirant, chaque jour, les leçons des chantiers de Flamanville mais aussi de Taishan, où nos équipes et celles d'Areva sont présentes. D'ailleurs, le chantier du bâtiment nucléaire ne débutera qu'en 2019, c'est-à-dire quand nous aurons terminé les essais de l'EPR de Flamanville. Aujourd'hui, nous réalisons essentiellement des études, des travaux de terrassement ainsi que des travaux spécifiques au site d'Hinkley Point. Par exemple, l'eau du canal à Bristol est assez boueuse : c'est une caractéristique propre au site, qui va nécessiter des aménagements particuliers sur lesquels nous pouvons d'ores et déjà avancer. Démarrer Hinkley Point dans la foulée de Flamanville permettra en outre d'assurer une très bonne continuité dans la gestion de nos compétences. Si nous retardions la décision, comme certains le demandent, nous aurions à nouveau une rupture dans les chantiers. Ainsi, la décision que nous voulons prendre aujourd'hui sur Hinkley Point se cale donc, au niveau du calendrier, du mieux possible par rapport à l'achèvement de Flamanville. Du reste, les deux équipes engagées sur ces chantiers communiquent très bien et partagent le retour d'expérience.

En ce qui concerne la durée de réalisation, qui est un sujet essentiel, nous nous sommes fixés des objectifs en prenant en compte les différents aléas. Nos calculs sont-ils justes ? L'avenir nous le dira mais avons provisionné du temps et de l'argent pour pallier ces aléas en fonction de notre meilleure appréciation à date des risques, et même en cas de délais supplémentaires, nous avons démontré que la rentabilité du projet serait à peine écornée. La garantie de l'équilibre financier du projet passe en effet par les trente-cinq ans de prix garantis, c'est là un point essentiel. Un décalage serait par conséquent désagréable mais ne bouleverserait en rien l'équilibre du projet.

Vous avez été nombreux à m'interroger sur la programmation de l'avenir de nos centrales nucléaires. La position d'EDF est très claire : la loi de transition énergétique a été votée, le Gouvernement est en train de mettre en place les textes d'application et nous nous conformerons à la loi de la République.

Comme cela a été prévu, la centrale de Fessenheim sera fermée lorsque l'EPR de Flamanville sera mis en service, fin 2018. Le Gouvernement a souhaité que le dispositif qui conduira à cette fermeture soit bouclé dès cette année 2016. Quelles sont les étapes de ce processus ? D'ores et déjà, nous discutons depuis quelques semaines avec le négociateur désigné par la ministre de l'indemnisation d'EDF dès lors que nous subissons un préjudice économique indiscutable qui nécessite d'être chiffrée. Une fois que le montant de l'indemnité aura été fixé, nous aurons à préparer l'approbation par le conseil d'administration de cette convention passée avec l'État puis à présenter la demande d'abrogation de l'autorisation d'exploiter en décembre, conformément au calendrier demandé par la ministre et rappelé par le Président de la République lors de la conférence environnementale. Les instances représentatives du personnel seront bien entendu consultées compte tenu des conséquences sociales de la fermeture.

En ce qui concerne la partie de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) consacrée aux énergies renouvelables, EDF s'inscrit clairement dans l'accélération des investissements. Nous menons à la fois une politique volontariste de construction, notamment dans l'éolien et le solaire, mais aussi une politique de cession de certains actifs qui nous permet d'équilibrer notre bilan. Notre rôle consiste à construire un maximum d'infrastructures produisant de l'énergie décarbonée, ce qui n'implique pas nécessairement d'en conserver la propriété en totalité. Nous en gardons certaines, nous en exploitons beaucoup et nous en cédons d'autres à des investisseurs, qui sont très intéressés par ces produits financiers prévisibles.

Le Gouvernement doit mettre à la consultation la partie nucléaire de la PPE d'ici au 1er juillet. Nous verrons alors les scénarios proposés et comment nous pourrons les appliquer à l'horizon 2018-2019, une fois que l'évolution de la consommation électrique, de la production d'énergie, et les prévisions d'exportation auront été mesurées. EDF ne prendra pas position d'ici là, d'autant que - et la ministre l'a rappelé récemment - tout ceci dépend de l'avis de l'ASN qui doit se prononcer, tranche par tranche, sur chaque site, sur la possibilité de prolonger l'exploitation. Néanmoins, j'ai plaisir à vous dire qu'aux États-Unis, des installations similaires aux nôtres et qui fonctionnent depuis plus de soixante ans, sont en passe de se voir renouveler leur autorisation d'exploitation pour vingt ans supplémentaires. C'est un scénario qui n'est pas à exclure en France. Voilà, j'espère, qui répond aux interrogations de Daniel Dubois.

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