La réunion est ouverte à 10 heures.
Mes chers collègues, la séance est ouverte. Nous allons tout d'abord entendre la communication de notre collègue M. Gérard César sur la proposition de résolution européenne relative au maintien de la réglementation viticole, avant de recevoir M. Jean-Bernard Lévy, président du Groupe Électricité de France.
Monsieur le Président, mes chers collègues, la commission des affaires européennes a adopté avec quelques modifications le 17 mars dernier la proposition de résolution européenne présentée par notre collègue Roland Courteau et plusieurs de ses collègues, en application de l'article 73 quinquies du règlement, relative au maintien de la règlementation viticole. Notre commission disposait d'un délai d'un mois pour examiner cette proposition de résolution. En raison de la suspension des travaux parlementaires, nous n'avons pu le faire. En conséquence, cette proposition de résolution est devenue résolution du Sénat hier mardi 26 avril. Toutefois, il nous a semblé important à Roland Courteau et à moi-même que nous puissions faire état devant vous de son contenu.
Avant de vous présenter l'objet de cette résolution, je souhaiterais rappeler quelques éléments de contexte. Le secteur viticole est soumis à une règlementation spécifique établie en 2008 par le règlement du Conseil portant organisation du marché vitivinicole dit « OCM vins ». Ce règlement a depuis été intégré à droit constant dans l'OCM unique. Plusieurs règlements de la Commission viennent compléter ce texte. Ils portent sur le régime des plantations, sur les appellations d'origine protégées et les indications géographiques protégées, sur les pratiques oenologiques, ou encore sur l'étiquetage.
Une première réforme importante du secteur a concerné le régime d'autorisation des plantations de vignes. Certains se souviennent que l'adoption de ce nouveau régime a fait l'objet d'un âpre combat. En effet, en 2008, la Commission européenne avait prévu la libéralisation des droits de plantation à l'horizon 2016 dans le but d'améliorer la compétitivité dans ce secteur mais aussi de développer la production européenne dans un contexte d'augmentation de la demande mondiale de vin. Après une forte mobilisation de la quasi-totalité des États membres producteurs de vins, et notamment une forte mobilisation du Sénat, la Commission européenne a réexaminé la situation en 2012 et une solution de compromis a finalement été trouvée en faveur d'une libéralisation encadrée. Le système retenu est le suivant : des autorisations de plantations de vignes sont octroyées gratuitement ; elles ne sont pas cessibles et leur nombre ne pourra pas dépasser 1 % de la superficie totale du vignoble français par an. Ce nouveau régime d'autorisation est entré en vigueur le 1er janvier dernier.
La seconde réforme importante, qui fait l'objet de la résolution dont nous discutons ce matin, concerne la mise en conformité des textes applicables en matière de règlementation viticole avec le Traité de Lisbonne. C'est ce qu'on appelle la « lisbonisation » des textes. En effet, le Traité de Lisbonne a modifié le régime des actes d'application en distinguant les actes délégués et les actes d'exécution. Les actes délégués sont des actes non législatifs de la Commission européenne qui ne peuvent porter que sur des éléments non essentiels d'un acte législatif. Les actes d'exécution permettent à la Commission d'harmoniser les conditions d'exécution au sein des États membres. Je tiens à préciser que cette mise aux normes n'est ni obligatoire, ni urgente, ni susceptible d'entraîner une quelconque caducité des textes actuellement applicables si elle n'était pas réalisée.
La Commission européenne a soumis aux experts des États membres et aux professionnels du monde viticole des notes informelles qu'on appelle dans le jargon européen des « non paper ». Ces notes circulent et nous inquiètent fortement. Elles portent ainsi sur les procédures d'enregistrement des AOP/IGP et de modification des cahiers des charges ainsi que sur les normes de commercialisation, soit l'étiquetage, les pratiques oenologiques et les contrôles. Les modifications proposées auraient vocation à remplacer les dispositions de quatre règlements européens, à savoir le règlement qui prévoit les modalités d'application sur la politique de qualité pour les vins (AOP- IGP), l'étiquetage et la présentation des produits et les mentions traditionnelles, le règlement relatif au casier viticole, aux déclarations obligatoires, documents d'accompagnements et registres, le règlement concernant les programmes d'aide et les contrôles dans le secteur vitivinicole et, enfin le règlement sur les pratiques oenologiques.
À la lecture de ces documents, les professionnels, précédemment échaudés par la réforme des droits de plantation, ont immédiatement alerté les parlementaires et le ministre de l'agriculture. En effet, ils craignent que sous couvert de simplification des textes, il ne s'agisse en réalité une nouvelle fois de remettre en cause la règlementation vitivinicole afin de franchir un pas supplémentaire vers la libéralisation de ce secteur.
Le règlement du Sénat nous permettant de nous saisir de « tout document émanant d'une institution de l'Union européenne », c'est la raison pour laquelle les auteurs de la proposition de résolution ont pu réagir très en amont du processus. La Commission des affaires européennes du Sénat m'a désigné avec notre collègue Claude Haut, co-rapporteur de la proposition de résolution déposée par notre collègue Roland Courteau et ses collègues.
Quelques modifications ont été apportées mais elles ne remettent pas en cause sur le fond les dispositions de la proposition de résolution. Avec cette résolution, le Sénat rappelle deux points essentiels : premièrement, la nécessité de maintenir la spécificité du secteur vitivinicole et de le protéger d'une libéralisation brutale sans protection et, deuxièmement, la nécessité de veiller à ce que les appellations d'origine et les indications géographiques soient protégées contre toute utilisation visant à profiter abusivement de la réputation associée aux produits répondant aux exigences correspondantes et à protéger le consommateur contre toute adoption de nouvelles règles qui permettrait cette confusion. C'est notre sujet majeur d'inquiétude. Il est fondamental de protéger notre système AOP/IGP.
Alors que les questions portant sur l'étiquetage, les indications géographiques et les mentions traditionnelles qui forment un ensemble indissociable sont actuellement traitées dans un même document, la proposition de la Commission européenne consisterait au contraire à éclater ces dispositions dans des textes séparés. Il y aurait ainsi un règlement sur les normes de commercialisation qui traiterait notamment des questions d'étiquetage et un règlement sur les indications géographiques et les appellations d'origine. Or, non seulement cet éclatement des textes conduirait à une perte réelle de lisibilité, mais il reviendrait à nier la spécificité de la règlementation viticole, qui permet à la fois de garantir la bonne information du consommateur et de constituer en outre un véritable outil de gestion du marché. C'est pourquoi la résolution précise, d'une part, que le Sénat recommande au Gouvernement de veiller à ce que le processus engagé par la Commission européenne, sous couvert de simplification, ne disperse pas les dispositions applicables au secteur vitivinicole dans divers textes européens. Elle indique, d'autre part, qu'il souhaite que les dispositions relatives à l'étiquetage, les mentions traditionnelles et les indications géographiques continuent à être réunies dans un seul et même texte.
La résolution affirme également le souhait du Sénat de maintenir des outils de segmentation du marché permettant la distinction stricte entre des vins bénéficiant d'une appellation d'origine protégée ou d'une indication géographique protégée et des vins sans indication géographique.
En outre, la Commission des affaires européennes a estimé important de rappeler l'utilité des mentions traditionnelles comme les « château », « clos » ou « abbaye » qui sont réservées aux vins sous AOP et IG et qui ne sont pas mentionnées dans les avant-projets de la Commission européenne. La résolution précise en conséquence que les outils de valorisation des indications géographiques, notamment par le biais des règles d'utilisation des mentions traditionnelles sont nécessaires au rayonnement du secteur viticole.
Enfin, la résolution rappelle utilement la nécessité de maintenir l'interdiction, pour des vins sans indication géographique, de mentionner une origine géographique plus petite que celle de l'État membre, interdiction qui ne figure pas dans les avant-projets de la Commission européenne.
Au moment de l'examen de la proposition de résolution, la Commission européenne semblait - j'insiste sur ce terme - avoir reculé devant la mobilisation des États membres concernés. En effet, la direction générale Agriculture (DG Agri) a indiqué devant le Parlement européen qu'elle proposerait au commissaire européen « de retirer ce texte et de recommencer un nouveau processus de discussion ». Puis, lors d'une réunion de l'intergroupe Vin au Parlement européen le 8 mars dernier, le Commissaire européen à l'agriculture Phil Hogan a annoncé que la Commission allait revoir ses méthodes et indiqué le report de l'examen de ces textes à l'automne.
La Commission des affaires européennes du Sénat a néanmoins souhaité affirmer une position de fermeté, dans la mesure où la Commission européenne a indiqué qu'elle allait cependant poursuivre sa réflexion et que le chantier de la simplification des textes vitivinicoles serait mené à bien. Cette proposition de résolution européenne, adoptée à l'unanimité, est devenue résolution du Sénat hier. Une proposition de résolution allant dans le même sens est en cours d'examen à l'Assemblée nationale.
Depuis, la situation a de nouveau évolué. Nous avons appris avant la suspension des travaux parlementaires que la Commission européenne avait convoqué le 20 avril dernier une réunion du groupe d'experts, à laquelle participaient des représentants du ministère de l'agriculture, pour leur soumettre des avant-projets de textes portant uniquement sur les AOP et les IG, les avant-projets sur les normes de commercialisation n'ayant pas été examinés lors de cette réunion.
Cette procédure, qui contredit les propos de Phil Hogan devant les parlementaires européens, est particulièrement regrettable. Le bureau « Vin et autres boissons » du ministère de l'agriculture m'a indiqué avoir fait part lors de cette réunion de ses réserves quant à la procédure suivie par la Commission européenne et m'a assuré rester particulièrement vigilant sur ces textes. Je vous invite mes chers collègues à être également extrêmement attentifs dans les semaines et les mois qui viennent sur ces questions. En effet, nous serons très certainement conduits à nous saisir de nouveau de ces sujets. L'expérience de la bataille des droits de plantation et de la réalisation des vins rosés à partir d'un mélange de vin rouge et de vin blanc nous incite à rester mobilisés pour la défense de la viticulture européenne et française. Je vous remercie.
Merci, mon cher collègue, pour cette communication. Je donne la parole à notre collègue M. Roland Courteau qui est à l'origine de cette initiative.
Merci, Monsieur le Président. Je tenais également à remercier notre collègue M. Gérard César pour sa communication. Sous le prétexte de la mise en conformité de la réglementation communautaire viticole avec le Traité de Lisbonne, la Commission européenne entend simplifier la législation. En fait de simplification, il s'agit plutôt de dérégulation du secteur, qui permettrait aux vins sans indication géographique de se parer de certains atouts réservés jusqu'à présent aux vins sous AOP et IG. On ne retrouve plus dans les textes proposés par la Commission européenne des éléments essentiels comme l'interdiction pour les vins sans indication géographique d'indiquer une origine plus petite que celle de l'État membre. On ne différencie plus dans l'étiquetage les vins sans indication géographique d'une part, et les vins avec indication géographique comme les AOP ou les IGP, d'autre part. En fait, sous couvert de simplification, la Commission européenne était en train de remettre en cause, comme l'a souligné notre collègue M. Gérard César, les équilibres des réformes de 2008 et de 2013, et de démanteler la réglementation spécifique du secteur viticole, et cela, sans mandat politique. D'où notre proposition de résolution européenne afin de dénoncer la méthode suivie et l'absence d'informations transparentes de la Commission européenne. Nous souhaitons aussi que ce processus dit de simplification ne disperse pas les dispositions en vigueur dans le secteur vitivinicole dans différents textes européens. Nous demandons surtout le maintien de la réglementation protectrice du secteur vinicole, et notamment la distinction des vins AOP et IGP de ceux sans indication géographique.
Enfin, nous appelons la Commission européenne à maintenir l'interdiction pour les vins sans indication géographique d'indiquer une origine géographique plus petite que celle de l'État membre. Nous exigeons que le projet de simplification ne remette pas en cause les fondements de la politique vitivinicole européenne. Je remercie nos deux commissions, la Commission des affaires économiques et celle des affaires européennes, d'avoir suivi notre initiative. Je signale que la même proposition de résolution est en cours d'examen en ce moment par nos homologues de la Commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale. Suite à cette mobilisation, le Commissaire européen en charge de l'agriculture, comme l'a rappelé Gérard César, aurait annoncé en mars dernier le retrait des textes et se serait engagé à ne pas remettre en cause les équilibres actuels de la législation européenne. Or, surprise inquiétante, nous venons d'apprendre que la Commission européenne venait de convoquer, le 20 avril, une réunion du groupe d'experts pour examiner des avant-projets de textes portant sur les AOP et les IG. Une telle démarche est contraire aux engagements pris par le Commissaire et les organisations professionnelles françaises dénoncent l'absence de vision d'ensemble des projets. Les États membres seraient bien inspirés de réagir et c'est en ce sens que nous devrions saisir le ministre de l'Agriculture. En outre, il nous paraît important de souligner que le Commissaire européen devrait, au moins, respecter ses engagements !
Je vais totalement dans le sens souhaité par notre collègue, M. Roland Courteau. Ce que nous apprenons est inadmissible. Un engagement a été pris par un Commissaire européen qui n'est pas tenu. Une telle situation justifierait qu'une délégation de notre commission, avec des membres de la Commission des affaires européennes, demande à être reçue par le Commissaire à l'agriculture.
Ce sujet induit de sérieuses conséquences pour nombre de territoires. Nous sommes tout à fait solidaires de cette résolution par laquelle nous agissons face à ces mouvements incontrôlés.
Comme vient de le dire le Président Lenoir, il serait en effet bon que nous rencontrions Phil Hogan pour lui faire part de notre volonté de maintenir l'équilibre qui existe. Il ne faut pas permettre l'adoption d'une règlementation qui viendrait bouleverser notre panorama de productions et ruinerait tous les efforts accomplis par les viticulteurs pendant des années en matière notamment d'étiquetage, d'appellations et de protection des terroirs. Certaines régions françaises restreignent déjà la plantation de leurs vignobles bien en-deçà de 1 % de leur superficie, afin d'assurer l'équilibre du marché. Laisser la porte grande ouverte à des vins sans indication géographique conduira à des rendements importants qui se solderont par l'absence de la qualité au détriment des consommateurs. Je ne peux ainsi que souscrire à la proposition qui vient de vous être faite par le Président Lenoir. S'agissant de la délégation, celle-ci pourrait comprendre, outre notre président, le Président de la Commission des affaires européennes, M. Jean Bizet, le co-rapporteur de la Commission des affaires européennes, M. Claude Haut, notre collègue M. Roland Courteau et moi-même. Nous exposerions ainsi au Commissaire Hogan notre position au regard du contenu de ce « non paper » qui, bien qu'il s'agisse d'une note informelle nous donne déjà une bonne indication des axes de réflexion de la Commission. Je suis tout à fait d'accord avec la position de mon collègue M. Roland Courteau.
Je donne acte de cette communication sur cette proposition de résolution qui est devenue résolution du Sénat hier. Comme il a également été signalé, une proposition de résolution identique est en cours d'examen à l'Assemblée nationale.
Compte tenu de l'accord sur cette résolution, qui fait également l'objet d'un examen à l'Assemblée nationale, et de la communication qui vient de nous en être faite, il me semble important de manifester notre soutien à la communication qui vient de nous être présentée par notre collègue M. Gérard César et dont le contenu a été réaffirmé par notre collègue M. Roland Courteau. Une telle démarche me paraît symboliquement nécessaire.
Nous pouvons manifester notre soutien à cette communication mais je rappelle que d'un point de vue formel, le Sénat a d'ores et déjà adopté cette proposition de résolution.
Informons-nous, d'ordinaire, nos homologues français du Parlement européen de ce type de démarche ? Je ne me souviens pas, lorsque je siégeais à Strasbourg, avoir reçu directement de mes homologues députés ou sénateurs, une quelconque notification de leurs prises de position. Il me paraît important d'informer nos collègues de Strasbourg de notre vote ! Une telle démarche permettrait également de leur exposer les raisons de notre position.
Surtout que nos parlementaires européens nous ont toujours soutenus, lors de l'adoption de la règlementation relative aux autorisations de plantations de vignes !
Je soumets donc aux voix l'adoption de ce rapport. Son adoption est manifestement unanime !
J'ajoute que tous les pays producteurs, comme l'Italie et l'Espagne, partagent la position de la France. Il était important de le souligner.
La réunion est reprise à 11 heures.
Nous accueillons ce matin M. Jean-Bernard Lévy, président directeur général d'EDF. Pour tout dire, nous étions convenus du principe d'une telle audition il y a quelque temps mais compte tenu des contraintes des uns et des autres, nous n'avons pas pu la fixer avant ce matin, ce qui s'avère finalement une date très opportune au vu des annonces faites la semaine dernière. M. Lévy est accompagné de MM. Xavier Girre, qui a pris la succession de M. Piquemal, démissionnaire, au poste de directeur exécutif groupe en charge de la direction financière et Bertrand Le Thiec, directeur des affaires publiques.
Monsieur le Président, l'entreprise EDF traverse actuellement une zone de turbulences importante et suscite un certain nombre d'inquiétudes. Dans un contexte marqué par la chute des prix de marché de l'électricité sous l'effet de l'injection croissante des énergies renouvelables, EDF est en effet confrontée à une équation financière particulièrement difficile puisque l'entreprise doit dans le même temps faire face à des investissements massifs : rachat d'Areva NP, construction des EPR anglais, financement du « grand carénage » - c'est-à-dire la prolongation de la durée de vie des centrales actuelles -, investissements dans les énergies renouvelables, etc.
Lors du conseil d'administration de vendredi dernier, ont été annoncées plusieurs mesures pour rétablir la trajectoire financière du groupe, que vous aurez certainement l'occasion de nous détailler : soutien de l'État par sa participation à l'augmentation de capital annoncée et par le versement du dividende en actions pour les deux prochaines années, baisse des investissements, économies supplémentaires et cessions d'actifs.
Il reste que certains projets d'EDF sont aujourd'hui contestés, à commencer par la construction des deux EPR d'Hinkley Point. Sur ce point, monsieur le Président, je souhaiterais que vous répondiez aux questions suivantes : est-il exact que le « contrat pour différence » conclu avec le Gouvernement britannique garantit le prix de vente de l'électricité mais pas les volumes ? Quel est le partage des risques entre EDF et son partenaire chinois CGN, avec lequel EDF a construit plusieurs réacteurs en Chine ? Maintenez-vous vos objectifs en termes de délais de construction et de taux de disponibilité ?
J'aurais bien d'autres questions à vous poser, qu'il s'agisse du rachat d'Areva NP, de la fermeture de Fessenheim ou encore de la réduction de la part du nucléaire telle qu'elle est prévue par la loi mais dont nous attendons encore qu'elle soit précisée par la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE), mais je ne doute pas que mes collègues ne manqueront pas de vous les poser et vous cède sans plus attendre la parole.
Je vous remercie monsieur le Président. C'est avec plaisir que je répondrai à l'ensemble de vos questions et commencerai par évoquer un sujet majeur pour EDF, c'est-à-dire l'état de son principal marché, le marché de gros de l'électricité, qui est très déprimé : en deux ans, les prix ont été divisés par deux, passant d'environ 50 euros par MWh en 2014 - et même 60 euros un peu avant - à 27 ou 28 euros aujourd'hui. Les raisons de cette évolution sont connues : elle est liée pour l'essentiel à la baisse des prix des matières énergétiques alors que dans le même temps, de nouvelles capacités de production se déploient. Nous ne sommes du reste pas les seuls à en souffrir et plusieurs grands énergéticiens connaissent des difficultés encore plus fortes que les nôtres : certains sont déficitaires, d'autres doivent se scinder en plusieurs entités indépendantes. Or, s'agissant d'EDF, il n'est question ni de l'un ni de l'autre : nous sommes un groupe intégré et nous le resterons ; EDF a en outre été bénéficiaire chaque année, ce que nous devons à la fois aux compétences de nos salariés - à qui je rends hommage - et au choix historique du nucléaire qui met à la disposition de nos clients une électricité bien moins chère que chez nos voisins, une électricité abondante, qui assure à la fois notre sécurité d'approvisionnement et nous permet d'exporter et de maintenir des emplois en France, et, enfin, une électricité qui est particulièrement décarbonée.
À mon arrivée à la tête de l'entreprise, j'ai jugé nécessaire de lui donner un cadre de travail à long terme, la « stratégie Cap 2030 », inscrite dans la transition énergétique et fondée sur notre vision du monde de demain. Demain, l'énergie sera bas-carbone - c'est une demande forte des opinions publiques. Demain, les consommateurs, auparavant passifs, seront aussi des acteurs, pilotant leur consommation et produisant eux-mêmes de l'électricité. Les moteurs de la croissance économique de demain fonctionnent à l'électricité : je citerai la mobilité électrique ou le développement rapide des technologies de l'information et de la communication, à travers les data center ou tous les objets qui font désormais notre quotidien.
Dans ce monde nouveau où la production décentralisée va se superposer au modèle centralisé et hiérarchique actuel, EDF doit apporter des réponses, d'abord en développant des offres numériques et décentralisées ; ensuite, en continuant à proposer un mix de production bas-carbone remarquable - nous jouons à cet égard très bien de la complémentarité entre les nouvelles énergies renouvelables, l'hydraulique et le nucléaire - ; enfin, en trouvant des compléments de croissance dans des zones géographiques dynamiques.
En matière d'innovation, EDF a pour caractéristique très forte d'être l'un des rares énergéticiens à disposer d'une capacité de recherche autonome. Notre effort de recherche et développement (R&D) atteint 600 millions d'euros par an, nous employons 2 000 chercheurs, principalement en France mais aussi, par exemple, dans la Silicon Valley, et cherchons à nous inscrire dans un nouvel éco-système. Cet effort d'innovation se traduit déjà de façon concrète : dix millions de nos clients disposent d'un espace client digital et notre application e.quilibre, qui aide à faire des économies d'énergie, est déjà utilisée dans un million de foyers.
Nous souhaitons aussi développer des solutions décentralisées pour répondre aux besoins des collectivités territoriales car l'innovation passe souvent par les territoires. Nous voulons valoriser les potentiels d'énergies renouvelables locales comme la chaleur renouvelable, la biomasse ou la géothermie. Nous sommes au premier plan en matière de mobilité électrique et innovons dans l'éclairage public ainsi qu'en matière d'efficacité énergétique des bâtiments. Je donnerai simplement deux exemples : l'ensemble éolien catalan, qui représente 96 MW et permettra de valoriser dès cet été le potentiel de vent des Pyrénées orientales en produisant l'équivalent de la consommation d'une ville de 120 000 habitants ; en Vendée, nous travaillons avec le syndicat départemental d'énergie pour déployer 125 bornes de recharge électrique qui permettront de mailler l'ensemble du territoire.
En matière de production bas-carbone, EDF est déjà exemplaire puisque nous émettons seulement 15 grammes de CO2 par kWh produit, soit vingt fois moins que la moyenne européenne grâce à des choix historiques remarquables, en faveur du nucléaire et de l'hydraulique. Cela ne nous empêche pas d'avoir des ambitions fortes en matière d'énergies renouvelables : exploiter davantage encore le potentiel hydraulique et faire porter nos efforts sur l'éolien, le solaire et la chaleur renouvelables. On l'ignore souvent mais EDF est le premier producteur d'énergies renouvelables en Europe et l'un des premiers dans le monde, derrière les opérateurs chinois. Chaque année, nous investissons environ 2 milliards d'euros, soit un peu plus que ce que nous consacrons aux nouveaux moyens de production nucléaire, et nous avons pour objectif, en 2030, de doubler notre parc installé en le portant de 28 GW à 50 GW. Nous sommes présents bien sûr en France mais aussi dans de nombreux autres pays. Nous avons des contrats d'approvisionnement avec de grandes entreprises comme Ikea, Google ou Microsoft ; à titre d'exemple, nous alimentons certains des data center de ce dernier à partir d'un parc éolien installé près de Chicago.
Je suis convaincu que l'avenir reposera sur le bon mix entre les énergies renouvelables et le nucléaire, qui assure une grande disponibilité et une excellente prévisibilité à un coût très compétitif - nous avons d'ailleurs mis en place des méthodes de gestion assez uniques qui permettent de moduler la production de notre parc nucléaire pour compléter la production renouvelable.
Au-delà du développement des énergies renouvelables, il importe de conforter le parc nucléaire existant au travers du « grand carénage », qui est à la fois porteur d'emplois et s'avère très rentable pour la collectivité nationale, le tout en augmentant encore le niveau de sûreté, sous le contrôle et sous réserve de l'accord de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN). En optimisant les coûts, nous avons pu ramener le montant du « grand carénage » à 51 milliards d'euros courants sur la période 2014-2025, soit 15 % de moins que notre évaluation initiale, ce qui représentera en moyenne 40 % de nos investissements annuels. Il s'agit d'un bon investissement qui permettra, en prolongeant la durée de vie d'installations existantes, de continuer à bénéficier d'une électricité au meilleur coût.
Nous préparons aussi l'avenir avec l'EPR, avec pour premier objectif la mise en service de Flamanville. Nous avons franchi en mars, conformément au calendrier annoncé, un premier jalon clé et nous sommes donc en ligne avec la prévision d'un démarrage au dernier trimestre 2018. Une nouvelle organisation du chantier, nettement plus efficace, a été mise en place.
J'en viens au projet d'Hinkley Point, pour lequel le conseil d'administration aura prochainement à se prononcer sur une décision finale d'investissement. Si les prix de marché étaient restés autour des 50 euros du MWh, nous aurions déjà pris cette décision mais la chute brutale des prix fin 2015 nous a imposé de commencer par sécuriser la trajectoire financière d'EDF, c'est le sens des annonces de vendredi dernier. J'ai également décidé de consulter le comité central d'entreprise (CCE) comme les représentants du personnel m'en avaient fait la demande de façon unanime.
Le projet Hinkley Point conserve toutes ses qualités : c'est d'abord un projet extrêmement rentable, avec un « contrat pour différence (CfD) » conclu avec le Gouvernement britannique qui sécurise le prix de vente de l'électricité produite sur trente-cinq ans - de 2025 à 2060 - tout en l'indexant sur l'inflation. Sur soixante-dix ans - dix ans de construction et soixante ans d'exploitation -, le projet affiche ainsi un taux de rentabilité d'environ 9 % par an, dont 95 % sont réalisés sur les trente-cinq années de prix garantis. Le CfD a été validé par la Commission européenne, il est donc robuste. Contrairement à une loi qui pourrait être modifiée ultérieurement, il s'agit d'un contrat bilatéral signé avec les autorités britanniques. En outre, nous n'investissons pas seuls mais avec notre partenaire chinois historique, CGN, qui connaît l'EPR puisqu'il en construit deux à Taishan et qui a décidé de porter un tiers de l'investissement total, soit 8 milliards d'euros. Le projet s'inscrit donc dans un excellent climat de confiance, tant avec nos partenaires britanniques que chinois.
En second lieu, c'est un projet mûr : tous les accords sont prêts, les contrats avec les principaux fournisseurs et prestataires sont finalisés et les équipes sont organisées. Nous intégrerons bien entendu le retour d'expérience de Flamanville et de Taishan ; c'est du reste déjà le cas pour l'ingénierie et la conduite du chantier et ce le sera encore pour la mise en service. Le premier béton de sûreté intervenant en 2019, soit après la mise en service de Taishan 1 et de Flamanville 3, les deux réacteurs britanniques seront les cinquième et sixième EPR construits dans le monde.
Il reste que vu l'ampleur du projet, j'ai demandé à ce qu'une revue des risques soit conduite fin 2015 : elle a conclu que les risques sont connus et surmontables moyennant l'application d'un certain nombre de recommandations qu'EDF mettra en oeuvre en totalité. Comme dans tout projet de cet ordre, il y aura par ailleurs d'autres revues de risques en cours de réalisation.
Un report ne serait pas opportun. Il n'est ni nécessaire ni faisable et les risques en seraient nombreux : le client pourrait se tourner vers des solutions alternatives - nous ne manquons pas de concurrents qui s'engouffreraient dans la brèche ainsi créée -, le CfD deviendrait caduc, cela mettrait en péril notre partenariat avec CGN, les contrats avec les principaux fournisseurs, qui représentent 70 % des coûts, devraient être renégociés et les sommes déjà engagées seraient en grande partie perdues.
Je suis donc convaincu qu'Hinkley Point doit se faire maintenant, une fois que nous aurons recueilli l'avis du CCE. Ce projet ouvre des perspectives absolument majeures pour la filière nucléaire française, qui emploie environ 220 000 personnes, et nous permettra à la fois de disposer d'une offre compétitive lorsqu'il sera question de renouveler le parc national et de conforter notre crédibilité à l'export, car comment être crédible à l'étranger si nous ne commandons pas à nous-mêmes nos propres produits ?
Pour revenir au contexte économique, l'ampleur et la rapidité de la baisse des prix de marché s'explique par la baisse de certains facteurs de consommation, dont nous pouvons selon les cas nous réjouir - c'est le cas pour l'efficacité énergétique - ou la déplorer - je pense ici à la désindustrialisation du pays qui touche en particulier les industries dites « électro-intensives » -, et que les facteurs de hausse de la consommation ne suffisent pas à compenser, qu'ils soient liés à la hausse de la démographie ou aux nouveaux usages électriques. Au total, la demande est donc relativement stable alors que l'offre augmente chaque année : 2 000 MW d'énergies renouvelables ont ainsi été connectés au réseau français en 2015. Selon les marchés, ces niveaux de prix ne devraient guère évoluer dans les deux ou trois ans qui viennent.
Or, EDF est désormais beaucoup plus exposée aux prix de marché, à hauteur de 65 % de sa production contre moins de 20 % il y a encore quelques années. Cette évolution est la conséquence de la suppression progressive des tarifs réglementés jaunes et verts qui produira son plein effet en 2016 et 2017. Tout ceci crée les conditions d'un déséquilibre durable sur les comptes d'EDF et réduit d'autant nos capacités à financer nos investissements.
Ce déséquilibre est cependant soluble à condition de prendre les mesures adaptées car nous n'avons pas d'autre choix que d'investir pour financer le « grand carénage », développer les énergies renouvelables et le nouveau nucléaire, commencer à renouveler le parc existant à l'horizon 2030 sans oublier de poursuivre les investissements sur les réseaux pour en améliorer la qualité, continuer à enfouir des lignes, raccorder les énergies renouvelables ou déployer le compteur Linky.
Pour faire face à l'ensemble de ces investissements et sécuriser la situation financière d'EDF dans un monde en mutation, nous avons annoncé plusieurs séries de mesures. Il s'agit tout d'abord d'optimiser nos investissements en assurant une plus forte sélectivité des projets tout en tirant les conséquences de la fin d'un certain nombre d'investissements que nous n'aurons pas à reproduire, qu'il s'agisse de la rénovation de moyens de production dans les îles, du terminal gazier de Dunkerque ou du nouveau campus de Saclay. Ainsi, nous économiserons environ 2 milliards d'euros par an d'ici à 2018, en passant de 12,7 milliards d'euros d'investissements annuels à environ 10,5 milliards. Ces montants n'incluent pas les investissements nouveaux - Linky, Flamanville, Hinkley Point - qui vont se poursuivre.
Nous allons ensuite poursuivre et amplifier la réduction de nos charges opérationnelles, qui s'est élevée à 300 millions d'euros en 2015 (soit 1,4 % de nos charges) et pour lesquelles nous avions fixé en février un objectif de 700 millions d'ici à 2018 avant de le relever, vendredi dernier, à au moins un milliard d'ici à 2019. Comme partagé avec les représentants des salariés, nous serons amenés à ne pas renouveler tous les départs en retraite, à développer la mobilité et à cibler nos recrutements sur les métiers en tension et sur ceux qui sont au coeur de la stratégie de l'entreprise, en particulier dans le numérique. L'évolution de l'emploi avait du reste été largement anticipée au début de la décennie 2010 afin d'organiser la transmission des compétences entre les générations. Au total, nous allons donc diminuer les effectifs dans le cadre de la trajectoire annoncée en CCE en janvier mais sans aller au-delà.
Nous avons aussi annoncé un plan de cessions d'actifs d'au moins dix milliards d'euros à l'horizon 2020 de façon à concentrer le périmètre d'EDF sur ses actifs clés en cédant des participations minoritaires, des actifs de production thermique hors de France et en concrétisant le chantier de l'évolution du capital de RTE, dont EDF possède aujourd'hui 100 % des parts sans pouvoir en assurer une gouvernance normale, et en lien avec les nouvelles orientations stratégiques de RTE.
Enfin, le plan inclut un rôle essentiel de l'État, à la fois comme actionnaire et comme régulateur du secteur. En tant qu'actionnaire, l'État a accepté de voir son dividende versé en actions pour les deux prochaines années, comme il l'avait déjà fait en 2015, ce qui a permis de renforcer les fonds propres d'environ 1,8 milliard d'euros. Un projet d'augmentation de capital de 4 milliards d'euros, que l'État souscrira à hauteur de 3 milliards, sera par ailleurs soumis au conseil d'administration d'ici à la clôture des comptes 2016 si les conditions de marché le permettent. Par ces deux mesures, l'État, en tant qu'investisseur avisé, accompagnera le groupe dans une période d'investissements stratégiques.
Mais l'État est aussi un régulateur et de ce point de vue, nous avons besoin d'adapter le modèle de marché actuel qui n'est pas durable, ce dont témoignent les difficultés de tous les grands énergéticiens européens. Aujourd'hui, aucun investissement en Europe ne se réalise sans être subventionné. Une évolution est donc indispensable car la régulation systématique des investissements ne peut être la seule réponse à l'ouverture des marchés à la concurrence.
Pour cela, il faut d'abord donner un prix au carbone pour la production électrique : la Grande-Bretagne et la Suède l'ont fait et le Président de la République a annoncé, à l'occasion de la dernière conférence environnementale, une démarche unilatérale de la France pour fixer un prix plancher du carbone afin d'entraîner les autres pays sur la même voie. Or, chez certains de nos voisins, nous observons encore des investissements dans des centrales au charbon ou au lignite, ce qui interpelle sur la cohérence entre les objectifs affichés et les politiques réellement mises en place. Nous considérons qu'un prix de 30 à 40 euros la tonne de CO2 permettrait de remettre dans le bon ordre de mérite les moyens de production en fonction de leurs niveaux d'émissions, et notamment de replacer les centrales à gaz devant celles au charbon.
Nous souhaitons aussi que soit reconnue la valeur des capacités de production nécessaires à la sécurité d'approvisionnement dans le cadre de ce que l'on appelle le « marché de capacité ». D'après nos analyses, en cas de période de grand froid durable comme nous l'avons connue en 2012, l'organisation actuelle du marché, avec la fermeture de nombreuses centrales non rentables et des prix de marché aussi déprimés, ne garantit pas l'absence de black out.
Enfin, il est nécessaire de créer un nouveau cadre régulatoire qui permette d'engager de nouveaux investissements sur la base des prix de marché alors qu'aujourd'hui, ces investissements ne sont décidés que lorsqu'ils sont couverts par des garanties de prix et qu'ils sont donc financés par une augmentation de la facture des clients finals.
En conclusion, EDF est à un tournant de son histoire. En soixante-dix ans, nous avons construit pour la collectivité nationale un parc de production capable d'alimenter l'ensemble de nos clients de façon efficace mais nous vivons désormais une phase de transition, énergétique, numérique, marquée par un nouveau modèle de marché, plus décentralisé, qui nous impose d'écrire une nouvelle page de la vie de l'entreprise. Mon rôle est de m'assurer qu'EDF soit en mesure de poursuivre sa mission, de s'ancrer davantage encore dans les territoires et de répondre aux enjeux climatiques. Nous avons désormais une stratégie et les moyens de remplir nos missions. Je vous remercie.
Je souhaiterais revenir sur le montant de vos différents investissements. Concernant Hinkley Point, les 16 milliards d'euros correspondent-ils au coût total et quelles sont les parts respectives d'EDF et de CGN ? S'agissant du « grand carénage », vous avez évoqué la somme de 51 milliards d'euros mais j'avais compris que votre évaluation était plutôt de l'ordre de 55 milliards. À combien s'élève le rachat d'Areva NP - on parle de 2,5 milliards - ? Alors que la dette d'EDF s'élève déjà à 37,5 milliards d'euros, j'observe que l'État participera à hauteur de 3 milliards à l'augmentation de capital de 4 milliards mais le compte n'y est pas si l'on additionne tous les investissements. Vous avez un partenaire chinois dans le projet Hinkley Point ; pourquoi ne recourrez-vous pas à ce même type de partenariats, y compris avec des acteurs français, pour financer le « grand carénage » et alléger ainsi une partie de votre dette, étant rappelé qu'il y a déjà cinq centrales françaises dont vous ne détenez pas le capital à 100 % ?
En matière d'énergies renouvelables, vous nous avez dit votre volonté de continuer à vous développer. Or, si l'on prend l'exemple du Danemark, où la moitié de la production électrique est d'origine éolienne, on observe que les entreprises n'en peuvent plus car elles paient leur électricité trois fois plus cher. N'est-il pas temps de freiner sur cette question ?
Le report de quelques mois de la décision finale d'investissement sur Hinkley Point et la consultation du CCE sont les bienvenus mais selon moi, il serait plutôt nécessaire de reporter le projet de deux ou trois ans au vu des risques actuels. C'est aussi l'avis des syndicats et il est largement partagé. Il ne s'agit pas de renoncer au projet mais de le reporter pour mieux assurer sa réussite. Un lancement dès à présent ne ferait-il pas courir à EDF un risque existentiel au moment où l'entreprise fait face à de nombreuses difficultés : une conjoncture dégradée, un contexte industriel défavorable, une situation financière préoccupante, le rachat d'Areva NP et le financement du « grand carénage » ou encore la modification du schéma de participation sur le projet. Allez-vous persister ? Quant à l'argument selon lequel le client pourrait se tourner vers vos concurrents en cas de report, je n'y crois pas : seul l'EPR est certifié par l'autorité de sûreté britannique et seul EDF dispose à la fois des terrains et de l'autorisation de construire. Il faudrait par conséquent plusieurs années à un concurrent pour être en mesure de répondre.
Quelle est votre stratégie sur l'Europe ? Vous indiquez que vous investissez dans les énergies renouvelables mais l'on observe que vous vendez des actifs renouvelables, pourtant rentables, tout en prenant dans le même temps de nouveaux engagements dans d'autres projets, qu'en est-il exactement ?
Comment voyez-vous évoluer votre dette ? Vous avez annoncé au moins dix milliards d'euros de cessions d'actifs à l'horizon 2020 mais j'avais cru comprendre que vous envisagiez d'en céder 6 milliards dès 2016, qu'en est-il ? Concernant Hinkley Point, vous nous avez dit qu'il y avait un engagement sur les prix mais y a-t-il aussi un engagement sur les quantités ?
L'hypothèse d'une fermeture de Fessenheim fin 2016 est de plus en plus évoquée or, vous avez réalisé d'importants travaux sur ces deux tranches. Serez-vous indemnisés en cas de fermeture, la question valant aussi pour les autres parties prenantes suisses et allemandes ?
Depuis ces quinze dernières années, EDF évolue dans un processus de libéralisation impensé. Impensé par l'État et les gouvernements successifs comme par les dirigeants de l'entreprise. La situation actuelle, qui est extrêmement préoccupante, nous conforte dans l'idée qu'il n'y a pas de vision claire ni partagée. On assiste au dépeçage progressif de l'un des plus grands énergéticiens au monde, comme le montre encore l'injonction bruxelloise de libéralisation de la production hydraulique. Nous avons connu des disparitions de grandes entreprises dans d'autres secteurs et EDF n'est pas à l'abri. Il faut par conséquent en revenir aux principes qui ont guidé la nationalisation des entreprises énergétiques il y a soixante-dix ans : indépendance énergétique, péréquation tarifaire, sollicitation modérée de l'État et modèle social exemplaire. C'est comme cela qu'EDF a contribué à notre compétitivité, à notre souveraineté et au rayonnement international de notre pays. Il faut donc maintenir ce cap tout en l'adaptant aux enjeux de la transition énergétique et en s'opposant à la financiarisation des marchés de l'énergie. Vous l'avez dit, monsieur le Président, le modèle de marché actuel n'est pas durable. Il s'agit là d'une question politique majeure qui orientera le devenir d'EDF, dont la stratégie industrielle doit être au bénéfice premier des consommateurs et des entreprises.
Vous avez, monsieur le Président, annoncé la fermeture de la centrale au fioul de Porcheville dès 2017 alors qu'elle était prévue pour 2023. Je comprends l'importance des enjeux financiers mais je souhaiterais rapprocher cette question des propos que vous avez tenus sur le marché de capacité, alors que cette centrale était justement mobilisée par très grand froid. Que vont devenir les 200 employés d'EDF, quelles actions ont été entreprises à l'égard des nombreux prestataires concernés - 130 entreprises dans la vallée de la Seine - et quelles sont les pistes de reconversion du site ?
Vous n'avez pas abordé la question des déchets nucléaires et du démantèlement des centrales alors que les coûts pourraient exploser. La suppression annoncée de 3 500 postes se fera-t-elle au détriment de la présence territoriale ? Je trouve la note « salée »... En matière de recherche fondamentale et appliquée, travaillez-vous sur la question de l'hydrogène et sur le numérique ?
Monsieur le Président, vous avez défini un plan stratégique pour l'horizon 2030. Dès lors que votre production est très majoritairement d'origine nucléaire, je ne peux imaginer que vous ayez établi ce plan sans avoir une idée des fermetures de centrales que vous pourriez envisager. Combien de centrales seraient concernées, lesquelles et quelles assurances avez-vous reçu de l'État ?
Parmi les cessions d'actifs figure l'ouverture de 50 % du capital de RTE pour un montant de 3,5 milliards d'euros. Pouvez-vous nous en dire plus ? S'agissant des économies supplémentaires annoncées, quelles en sont les modalités et selon quel calendrier ces efforts seront-ils faits ? Vous comprendrez nos inquiétudes sur la situation financière d'EDF, qui aura aussi à supporter le poids du rachat d'Areva NP. Parmi les charges figure aussi le financement du Centre industriel de stockage géologique (Cigéo) dont le coût a été renchéri, selon la dernière estimation, à 25 milliards d'euros : comment comptez-vous y répondre et quelles provisions immédiates avez-vous faites ? Comment envisagez-vous l'évolution des prix de l'énergie et pensez-vous que la durée soit suffisamment prise en compte dans nos débats publics ? Je pense en particulier au fait que la loi fixe un objectif de réduction de la part du nucléaire à 50 % du mix électrique en moins de dix ans, ce qui semble illusoire à nombre d'entre nous au regard de la durée de vie des centrales. À cet égard, comment voyez-vous la prolongation de cette durée de vie ?
Vous avez dit souhaiter optimiser encore notre potentiel hydraulique, sachant qu'EDF gère aujourd'hui environ 80 % du parc. Or, la Commission européenne s'impatiente et nous met en demeure d'ouvrir les concessions à la concurrence. Lorsque les appels d'offres seront lancés, EDF entend-il se porter candidat ? Concernant la redevance hydraulique mise en place en 2006 et qui représente environ 25 % du chiffre d'affaires, il semblerait qu'EDF ne l'acquitte pas, contrairement à la Compagnie nationale du Rhône (CNR), qu'en est-il ? Il s'agit là d'une ressource importante pour les collectivités concernées.
EDF est exemplaire dans de nombreux domaines. Le fait que l'entreprise ait été créée voilà soixante-dix ans par le Conseil national de la Résistance et que l'État en soit encore l'actionnaire à 85 % n'est pas pour rien dans le fait qu'EDF ait su préserver notre indépendance énergétique et fournir une électricité peu chère aux particuliers comme aux entreprises. Monsieur le Président, vous vous êtes montré rassurants, en particulier sur le contrat d'Hinkley Point, mais cela ne nous empêche pas d'avoir certaines inquiétudes. Les délais et les coûts de Flamanville ayant dérapé à plusieurs reprises, n'y a-t-il pas un risque de nouveau report de la date de mise en service ou de nouveau surcoût ? Il ne faudrait pas que l'EPR devienne le « Concorde » de l'énergie française.
Concernant le stockage de l'énergie, qui est essentiel, collaborez-vous avec d'autres acteurs européens en matière de recherche ?
Pourquoi ne pas attendre, par prudence, la certitude de la bonne mise en service de Flamanville avant de s'engager sur le projet Hinkley Point ? Concernant les énergies renouvelables, je suis assez heureux que vous n'ayez pas évoqué la biomasse dans la mesure où le projet pharaonique lancé par E.On à Gardanne nuit considérablement au développement local de la filière bois. Enfin, dans le cadre du « grand carénage », EDF compte-t-il s'appuyer sur les entreprises locales comme cela avait été bien fait au moment de la construction des centrales ?
Monsieur le Président, je vous trouve très serein au vu des enjeux mais vous vous devez sans doute de l'être... N'oublions pas que nous sommes au lendemain de l'anniversaire de la catastrophe de Tchernobyl. Vous avez rappelé que nous produisons une électricité abondante et moins chère que celle de nos voisins mais qu'en est-il des provisions et des garanties pour financer le démantèlement des centrales ? Au-delà, considérez-vous qu'EDF, compte tenu de son savoir-faire, peut développer ses activités dans le démantèlement ?
Dans le cadre de la loi « transition énergétique », nous avions longuement débattu de la situation des zones non interconnectées et en particulier des petites îles qui n'ont finalement pas obtenu de statut particulier. Seriez-vous prêts à déléguer à de petits opérateurs la mise en oeuvre, à titre expérimental, de projets collaboratifs et innovants ?
Nous constatons que les accidents climatiques se font de plus en plus nombreux ces dernières années, impactant souvent le réseau électrique. Aujourd'hui, sans électricité, toute la vie économique s'arrête : il est crucial que le dépannage intervienne rapidement. Je suis donc inquiet d'une éventuelle baisse des personnels affectés à la remise en service du réseau.
Certaines rumeurs laissent entendre qu'EDF s'orienterait vers la suppression des tarifs « EJP » (effacement des jours de pointe). Or, pour les agriculteurs, ce régime est très important, car avec le séchage en grange l'été, qui nécessite beaucoup d'énergie, et l'absence de consommation l'hiver, il permet des économies conséquentes. Pouvez-vous nous rassurer sur le maintien du tarif ?
Vous avez par ailleurs brièvement évoqué le sujet Ikea. Est-il possible de nous donner plus de précisions ?
Pour terminer, j'évoquerai la baisse conséquente de l'action EDF en bourse, qui est passée de 32 euros à 12 euros... Quelles peuvent être les conséquences d'une telle baisse ? Celle-ci traduit-elle, ou pourrait-elle entraîner, un manque de confiance dans l'entreprise ?
Franck Montaugé l'a évoqué, EDF va fêter ses soixante-dix ans. Je crois que les anciens, qui portaient une démarche de bien commun, ne seraient pas fiers de ce qu'est devenu EDF...
Dans votre propos, vous n'avez pas présenté votre stratégie industrielle. Vous avez précisé que les économies faites par l'entreprise sont en hausse, passant de 700 millions à un milliard d'euros. Elles sont rendues possibles par les suppressions d'emplois, car certains départs à la retraite ne seront pas remplacés. Pouvez-vous nous préciser la répartition de ces suppressions de postes ? Je suis particulièrement inquiet pour la R&D et la production ...
Enfin, la loi dite « Nome » impose à EDF de vendre un quart de sa production à ses concurrents à un prix inférieur à son coût de revient. Ce qui revient à subventionner la concurrence, en quelque sorte... Où en est-on ?
Je vous remercie pour votre présentation, monsieur le Président. Elle contribue à redonner confiance dans votre entreprise, et c'est très important.
Pouvez-vous nous dire quelques mots du prix du baril de pétrole, qui semble atteindre des niveaux particulièrement bas ?
Je suis également curieux de connaître votre stratégie par rapport à RTE. Nous connaissons tous l'échec du dossier SNCF/RFF... Qu'allez-vous faire avec RTE ?
Vous avez rappelé la forte ambition qui vous anime en termes de développement des énergies renouvelables. Je souhaite pour ma part vous interroger sur l'hydroélectricité.
La Commission européenne a mis la France en demeure, lui enjoignant d'accélérer l'ouverture à la concurrence de ses concessions hydroélectriques. Où en sont les discussions entre EDF, l'État et la Commission européenne sur ce sujet ? Une disposition de la loi de transition énergétique prévoyait par ailleurs la possibilité de repousser l'échéance de l'ouverture à la concurrence dans le cas où de gros travaux seraient entrepris sur les infrastructures. Or, vous nous avez annoncé que les investissements d'EDF baisseront dans les prochaines, quelles seront alors vos priorités ? Cela impactera-t-il nos 435 centrales hydroélectriques et nos 622 barrages ? La filière hydroélectrique est cruciale pour nos vallées, il faut la préserver !
Quelle est votre stratégie en matière de développement des ressources durables, et plus particulièrement, quelles en sont les perspectives d'évolution dans la répartition des différentes énergies renouvelables ?
Monsieur le Président, vous avez fait part de votre souhait de développer des solutions décentralisées. Les îles non-productrices d'électricité dépendent beaucoup trop des énergies fossiles, et l'énergie y est très chère. C'est le cas en particulier de la Dominique, petite île située entre la Guadeloupe et la Martinique. Où en est le projet de développement d'une centrale géothermique sur cette île qui en a grand besoin ?
Depuis 2010, vous avez anticipé certains besoins en recrutement. Or un rapport de la Cour des Comptes, paru en mars dernier, met en lumière les problèmes de recrutement rencontrés par certaines filières industrielles, notamment dans des métiers comme la robinetterie ou le soudage. 110 000 emplois seraient à pourvoir à l'horizon 2020, dont 70 000 emplois de niveau bac à bac +3. Le rapport souligne également une faiblesse de la ressource en encadrement, due en particulier à des délais de formation particulièrement longs. Compte tenu de ces éléments, pouvez-vous nous préciser votre stratégie en matière d'emploi ?
Le numérique prend une part de plus en plus conséquente dans la société. Comment intégrez-vous cette nouvelle dimension ? Quelle est votre stratégie par rapport aux objets connectés ?
Par ailleurs, les personnes électro-sensibles sont très inquiètes de l'arrivée des compteurs connectés Linky. Qu'en est-il des ondes émises par ces compteurs ?
Quelle est la rentabilité de l'interconnexion de notre réseau électrique, notamment avec l'Espagne ? Une nouvelle connexion traverse l'Aude et les Pyrénées-Orientales jusqu'au Perthus : les échanges avec l'Espagne sont-ils fructueux ?
Pour ma part, je voudrais que l'on revienne sur Fessenheim. Sachant que l'ASN a renouvelé son agrément pour dix ans, ce qui nous pousse au-delà de 2020, estimez-vous cohérente la volonté du Gouvernement de fermer cette centrale ? L'impact financier d'une telle fermeture a été évalué, dans un rapport parlementaire bipartisan, à près de 4 milliards d'euros. Quel serait le montant de l'indemnisation qui devrait être versée par l'État à EDF si le projet de fermeture se concrétisait ?
Le Gouvernement a également indiqué vouloir réduire le nombre de réacteurs nucléaires en service. Quels sont, selon vous, les critères à prendre compte pour la fermeture de certains réacteurs ? L'âge vous paraît-il un élément pertinent ?
Enfin, concernant RTE, la loi est très claire puisqu'elle indique que RTE doit être à 100 % public. Avez-vous des informations qui laisseraient supposer un changement sur ce sujet ?
Je vous félicite, mes chers collègues, pour la brièveté de vos interventions : vingt-deux d'entre nous sont intervenus en 33 minutes, bravo !
Je vais faire de mon mieux pour répondre à tout le monde mais il y a eu beaucoup de questions, très diverses. Je vous demande par avance de m'excuser si ma réponse n'est pas très structurée.
Je commencerai par le projet d'EPR à Hinkley Point. Plusieurs d'entre vous m'ont interrogé sur la garantie des volumes vendus. Je vous confirme que nous sommes doublement garantis sur les volumes, d'abord par une garantie générique tenant au fonctionnement du système électrique britannique qui donne la priorité aux installations de base - et donc au nucléaire qui produit en base -, ensuite par une garantie spécifique intégrée au CfD négocié avec le Gouvernement britannique. Nous n'aurons donc aucun souci, ni pour produire les volumes attendus, ni pour les vendre au prix contractualisé, ni pour les écouler sur le marché.
Deux actionnaires se partagent le financement du projet, évalué à 24 milliards d'euros, et les risques dans des proportions à peu près équivalentes : EDF, qui prendra en charge les deux-tiers, soit 16 milliards, et notre partenaire chinois pour le tiers restant, soit 8 milliards. En pratique, le projet ayant débuté depuis plusieurs années, la totalité de ces investissements n'est pas devant nous mais sans doute avons-nous déjà dépensé 10 % à 15 % de ces sommes. Les risques sont partagés mais dans la mesure où EDF, maître d'ouvrage, fournit le réacteur et l'exploitera, nous avons mis en place un système qui se veut incitatif pour récompenser EDF du travail déjà accompli ou à l'inverse nous pénaliser un peu en cas de retard ; mais les montants en cause sont tout à fait minimes et ne pourraient faire varier les parts respectives d'EDF et de CGN que d'1 % à 2 % au plus.
Hinkley Point est un grand projet. Je suis convaincu que nous avons choisi le bon moment pour le lancer et que nous avons mis toutes les chances de notre côté en tirant, chaque jour, les leçons des chantiers de Flamanville mais aussi de Taishan, où nos équipes et celles d'Areva sont présentes. D'ailleurs, le chantier du bâtiment nucléaire ne débutera qu'en 2019, c'est-à-dire quand nous aurons terminé les essais de l'EPR de Flamanville. Aujourd'hui, nous réalisons essentiellement des études, des travaux de terrassement ainsi que des travaux spécifiques au site d'Hinkley Point. Par exemple, l'eau du canal à Bristol est assez boueuse : c'est une caractéristique propre au site, qui va nécessiter des aménagements particuliers sur lesquels nous pouvons d'ores et déjà avancer. Démarrer Hinkley Point dans la foulée de Flamanville permettra en outre d'assurer une très bonne continuité dans la gestion de nos compétences. Si nous retardions la décision, comme certains le demandent, nous aurions à nouveau une rupture dans les chantiers. Ainsi, la décision que nous voulons prendre aujourd'hui sur Hinkley Point se cale donc, au niveau du calendrier, du mieux possible par rapport à l'achèvement de Flamanville. Du reste, les deux équipes engagées sur ces chantiers communiquent très bien et partagent le retour d'expérience.
En ce qui concerne la durée de réalisation, qui est un sujet essentiel, nous nous sommes fixés des objectifs en prenant en compte les différents aléas. Nos calculs sont-ils justes ? L'avenir nous le dira mais avons provisionné du temps et de l'argent pour pallier ces aléas en fonction de notre meilleure appréciation à date des risques, et même en cas de délais supplémentaires, nous avons démontré que la rentabilité du projet serait à peine écornée. La garantie de l'équilibre financier du projet passe en effet par les trente-cinq ans de prix garantis, c'est là un point essentiel. Un décalage serait par conséquent désagréable mais ne bouleverserait en rien l'équilibre du projet.
Vous avez été nombreux à m'interroger sur la programmation de l'avenir de nos centrales nucléaires. La position d'EDF est très claire : la loi de transition énergétique a été votée, le Gouvernement est en train de mettre en place les textes d'application et nous nous conformerons à la loi de la République.
Comme cela a été prévu, la centrale de Fessenheim sera fermée lorsque l'EPR de Flamanville sera mis en service, fin 2018. Le Gouvernement a souhaité que le dispositif qui conduira à cette fermeture soit bouclé dès cette année 2016. Quelles sont les étapes de ce processus ? D'ores et déjà, nous discutons depuis quelques semaines avec le négociateur désigné par la ministre de l'indemnisation d'EDF dès lors que nous subissons un préjudice économique indiscutable qui nécessite d'être chiffrée. Une fois que le montant de l'indemnité aura été fixé, nous aurons à préparer l'approbation par le conseil d'administration de cette convention passée avec l'État puis à présenter la demande d'abrogation de l'autorisation d'exploiter en décembre, conformément au calendrier demandé par la ministre et rappelé par le Président de la République lors de la conférence environnementale. Les instances représentatives du personnel seront bien entendu consultées compte tenu des conséquences sociales de la fermeture.
En ce qui concerne la partie de la programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) consacrée aux énergies renouvelables, EDF s'inscrit clairement dans l'accélération des investissements. Nous menons à la fois une politique volontariste de construction, notamment dans l'éolien et le solaire, mais aussi une politique de cession de certains actifs qui nous permet d'équilibrer notre bilan. Notre rôle consiste à construire un maximum d'infrastructures produisant de l'énergie décarbonée, ce qui n'implique pas nécessairement d'en conserver la propriété en totalité. Nous en gardons certaines, nous en exploitons beaucoup et nous en cédons d'autres à des investisseurs, qui sont très intéressés par ces produits financiers prévisibles.
Le Gouvernement doit mettre à la consultation la partie nucléaire de la PPE d'ici au 1er juillet. Nous verrons alors les scénarios proposés et comment nous pourrons les appliquer à l'horizon 2018-2019, une fois que l'évolution de la consommation électrique, de la production d'énergie, et les prévisions d'exportation auront été mesurées. EDF ne prendra pas position d'ici là, d'autant que - et la ministre l'a rappelé récemment - tout ceci dépend de l'avis de l'ASN qui doit se prononcer, tranche par tranche, sur chaque site, sur la possibilité de prolonger l'exploitation. Néanmoins, j'ai plaisir à vous dire qu'aux États-Unis, des installations similaires aux nôtres et qui fonctionnent depuis plus de soixante ans, sont en passe de se voir renouveler leur autorisation d'exploitation pour vingt ans supplémentaires. C'est un scénario qui n'est pas à exclure en France. Voilà, j'espère, qui répond aux interrogations de Daniel Dubois.
Vous ne pouvez pas faire mieux dans votre réponse, je l'entends, mais je n'ai toujours pas la réponse à mes questions...
J'ai exposé tous les éléments en ma possession, j'attends maintenant que la partie nucléaire de la PPE soit précisée.
Notre collègue Roland Courteau, président du Conseil supérieur de l'énergie, aura la primeur des propositions du Gouvernement : on compte sur lui pour nous tenir informés !
Pour répondre à Mme Estrosi Sassone, oui, nous avons parfois des difficultés à recruter dans certains métiers, mais sans doute pas pour ce qui concerne l'encadrement. Il y a en revanche un déficit évident dans l'enseignement professionnel qui ne nous permet pas de disposer de toute la main d'oeuvre qualifiée dont nous aurions besoin, notamment en ce qui concerne les soudeurs, les robinetiers, les monteurs électriques, ce qui nous oblige souvent - et je le regrette - à nous tourner vers de la main d'oeuvre étrangère. Dans le cadre de la préparation du « grand carénage », nous travaillons étroitement avec de nombreuses entreprises de taille intermédiaire (ETI) et petites et moyennes entreprises (PME). Mais demeure un problème manifeste d'adéquation entre l'offre et la demande dans certains de nos métiers, et une évolution est nécessaire pour que nos jeunes soient mieux orientés professionnellement, vers des domaines en besoin de main d'oeuvre.
Philippe Leroy et Jean-Pierre Bosino m'ont interrogé sur la stratégie industrielle du groupe. Une concertation, aux niveaux local et national, est en place avec les entreprises qui nous accompagnent : les process et méthodes actuellement en place nous permettent de préparer au mieux nos partenaires aux chantiers que nous allons leur confier.
Plusieurs d'entre vous se sont également montrés inquiets quant au coût du démantèlement et du stockage des déchets nucléaires. Dans les comptes d'EDF figurent des provisions pour la gestion des déchets en fin de vie et pour le démantèlement. Or, sachez que si je signe les comptes avec sérénité, c'est parce que je m'assure auparavant qu'ils sont sincères. Si je ne le faisais pas, je serais bien évidemment en faute. J'ai donc vérifié que nous avions évalué à leur juste valeur les dépenses qui vont devoir être faites. Nous disposons d'ailleurs déjà d'un certain retour d'expérience puisque nous démantelons la précédente génération de réacteurs au graphite. Nos devis ont été vérifiés par nos commissaires aux comptes, la Cour des comptes se penche régulièrement sur le montant de nos provisions et un troisième audit indépendant a encore été récemment réalisé à la demande du ministère. Tous ces contrôles ont confirmé que nos comptes reflètent sincèrement ces charges. L'activité de démantèlement du parc est pour EDF un projet industriel important. Lorsque le ministère a prévu une augmentation des dépenses prévisionnelles sur Cigéo, nous avons répercuté cette prévision en augmentant les provisions de 800 millions d'euros.
Et le provisionnement pour le barrage de Poutès ? Vous l'aviez prévu, celui-ci ? Faites-le donc !
Vous m'offrez une excellente transition vers le sujet suivant : l'hydroélectricité. La Commission européenne estime que la France n'est pas en conformité avec la directive sur l'ouverture à la concurrence des concessions hydroélectriques. Au-delà de la réponse juridique apportée par l'État, la Commission européenne nous a fait savoir récemment sa volonté de débuter des discussions pour avancer sur le sujet. Des appels d'offres seront lancés : EDF y répondra, bien sûr, car il s'agit de préserver notre patrimoine, voire d'exploiter mieux encore notre potentiel hydraulique. Quoiqu'il en soit, et pour la pérennité de nombreuses filières, nous nous devons d'assurer la continuité de la production hydraulique. J'en profite pour préciser à Elisabeth Lamure que nous payons bien les redevances hydrauliques prévues dans les textes !
Sur le sujet du statut de RTE, il est vrai que la situation actuelle est curieuse. Si EDF détient 100 % des actifs de l'entreprise, le régulateur - et c'est parfaitement justifié - nous impose de ne pas nous mêler des affaires de RTE. D'ailleurs, M. Calvet, c'est la raison pour laquelle je ne peux rien vous dire sur l'interconnexion de notre réseau avec l'Espagne : je ne suis pas le bon interlocuteur... L'étanchéité entre RTE et EDF est donc totale.
Notre projet s'inscrit dans le cadre de la loi actuelle qui prévoit que la totalité du capital de RTE est détenu par des entités publiques. Dès lors qu'elle est en accord avec la stratégie industrielle de RTE - mais ce sera à François Brottes de le dire -, une ouverture du capital dans le courant de l'année permettrait sans doute de clarifier la situation patrimoniale d'EDF, car détenir des actifs sans pouvoir les gérer est une situation pour le moins bizarre !
Certains ont évoqué une prétendue diminution des effectifs. En fait, nous avons créé près de 10 000 emplois. Beaucoup d'embauches avaient été faites au lancement du nucléaire, sous la présidence de Georges Pompidou, et nous devons aujourd'hui assurer la transmission des compétences, notamment dans le secteur du nucléaire. C'est un domaine compliqué, la formation est longue et se compte en années ! C'est la raison pour laquelle nous avons beaucoup embauché cette dernière décennie : les plus jeunes ont pu travailler en binôme avec des anciens qui partent aujourd'hui à la retraite puisque la relève est formée : c'est peut-être la raison pour laquelle vous avez l'impression d'une diminution d'effectifs, mais c'est tout à fait normal ! Nous continuerons dans le futur à embaucher de manière à préserver tous les secteurs, y compris la R&D, monsieur Bosino ! Certes, tous les départs à la retraite ne seront pas remplacés, mais au final, nos effectifs sont en augmentation, et ce même si la consommation d'électricité, elle, reste stable...
Au sujet de l'arrêt de la centrale de Porcheville, je tiens à rassurer Sophie Primas. Cette centrale, dont deux des quatre tranches ont été fermées en 2008, ne fonctionne pas, et ne présente aucune rentabilité pour EDF. Quelque 190 agents y sont encore affectés, ainsi qu'un petit nombre de prestataires. Nous avons d'ores et déjà ouvert le dialogue social, au cas où la centrale serait définitivement arrêtée avant 2018. Nous avons également rencontré Pierre Bédier, président du conseil départemental des Yvelines, afin d'évoquer une éventuelle cession d'une partie du terrain par EDF, afin qu'il puisse faire l'objet d'un programme de revitalisation.
En ce qui concerne la place du numérique, nous y attachons de l'importance, dans la mesure de nos moyens... Nous disposons d'environ 600 millions d'euros par an pour la R&D, répartis en fonction de nos objectifs stratégiques. Une partie de cette somme est affectée à la recherche et au développement de la production « classique » - en particulier pour le nucléaire et l'hydraulique. Nous menons également des travaux autour des réseaux intelligents et de l'utilisation du numérique pour optimiser l'efficacité de la production, et même améliorer la gestion de la consommation par les utilisateurs eux-mêmes. ERDF porte par ailleurs un ambitieux chantier sur les smartgrids. C'est un sujet qui intéresse énormément les territoires et les métropoles, et trois expérimentations sont déjà en cours à Lyon, Nice et Toulouse.
Enfin, vous l'avez mentionné, nous déployons les nouveaux compteurs connectés, les compteurs Linky. Ce déploiement soulève de nombreuses inquiétudes, mais je tiens à vous rassurer : tout d'abord, les informations fournies par Linky ne sont transmises qu'à ERDF, à des fins de facturation. Seuls les Français qui le souhaitent - et uniquement ceux qui le souhaitent, j'insiste sur ce point - verront ces données adressées à leur prestataire en vue d'une optimisation de leur consommation. Enfin, ces nouveaux compteurs émettent très peu d'ondes, bien moins que d'autres appareils ménagers comme les fours à micro-ondes. Je sais que certains élus locaux ne sont pas satisfaits de ce nouveau dispositif, mais il est prévu par la loi, et la loi doit s'appliquer partout : tentons d'être raisonnables...
Parlons finances ! Le prix du baril de pétrole est légèrement remonté, et se situe aujourd'hui à environ 45 dollars. Le prix du charbon, lui, est plutôt constant. Ce qu'il faut surtout regarder, c'est le tableau dans son ensemble : le prix de l'électricité a diminué.
La loi « Nome » ne s'applique pas à ces prix-là. Nous avons l'obligation de vendre à 42 euros par MWh une partie de notre production d'origine nucléaire, mais je ne vois pas pourquoi quelqu'un qui pourrait acheter son électricité 28 euros par MWh viendrait nous l'acheter à 42 euros... Dès lors, depuis deux semestres, nous ne vendons plus d'électricité aux conditions de la loi « Nome ». On peut d'ailleurs s'interroger sur la pertinence de ce dispositif car, quel que soit le prix fixé, haut ou bas, c'est toujours au détriment d'EDF !...
M. Poniatowski s'est enquis du coût du grand carénage : nous avons optimisé ce chantier d'environ 15 %, et nous l'estimons aujourd'hui à 51 milliards d'euros courants, contre 55 milliards d'euros en euros 2012. Le rachat de l'activité réacteurs d'Areva ne nous coûtera, elle, que 1,25 milliard d'euros, puisque nous n'acquerrons que 51 % de l'activité.
Venons-en à la dette : aujourd'hui, elle est chiffrée à 37 milliards d'euros, elle n'a cessé d'augmenter. Nous sommes en plein examen de notre capacité à rembourser, en prenant en compte tous les engagements hors bilan, comme les retraites. Quoiqu'il en soit, nous n'avons pas identifié de difficultés particulières à la levée de la dette pour les trois prochaines années. Cependant, nous avons beaucoup de dette à renouveler à l'horizon 2020, et notamment la dette hybride construite en 2013-2014, qui est au coeur de nos préoccupations.
La recapitalisation d'EDF aura un impact significatif sur l'évolution de la dette. Après cette augmentation du capital, nous aurons les moyens de financer nous-mêmes nos investissements et de mener le « grand carénage ». Nous n'avons pas l'intention d'ouvrir le capital de nos centrales nucléaires. Il existe certes déjà quelques participations très minoritaires - Chooz, Bugey, Tricastin, Fessenheim - mais nous n'avons pas l'intention d'aller au-delà.
Nous voulons par ailleurs céder 10 milliards d'euros d'actifs, mais je ne peux pas m'engager sur une répartition dans le temps de ces cessions : en vendre 6 milliards cette année serait formidable mais soyons prudents et réalistes dans nos prévisions. Dans tous les cas, nous devrons absolument nous assurer de la cohérence de nos investissements avec notre situation financière.
Pour terminer sur les sujets financiers, un mot sur la baisse de l'action en bourse. Celle-ci n'a aucune incidence directe sur notre activité ; nous pouvons simplement déplorer que les détenteurs des actions - et parmi eux un certain nombre de salariés - aient perdu de l'argent : c'est évidemment regrettable. Il faudra prêter attention à l'impact de cette baisse sur l'image d'EDF. Aujourd'hui, nous levons de la dette sans problème et nous bénéficions donc d'une image plutôt positive sur les marchés de dette. Nous n'avons pas de tension sur la prime de risque : à nous de faire en sorte que cela continue.
Enfin, M. Larcher, la centrale géothermique en Dominique a fait l'objet d'un appel d'offres, et celui-ci a malheureusement été remporté par un de nos concurrents.
Nous faisons notre maximum.
Merci, monsieur le Président, pour la précision de vos réponses. Merci à tous, chers collègues, pour votre respect du temps de parole. Nous poursuivrons bien évidemment nos échanges avec François Brottes et RTE.
La réunion est levée à 12 h 55.