Intervention de Jean-Bernard Lévy

Commission des affaires économiques — Réunion du 27 avril 2016 à 10h00
Audition de M. Jean-Bernard Lévy président-directeur général d'électricité de france

Jean-Bernard Lévy, président-directeur général d'EDF :

Certains ont évoqué une prétendue diminution des effectifs. En fait, nous avons créé près de 10 000 emplois. Beaucoup d'embauches avaient été faites au lancement du nucléaire, sous la présidence de Georges Pompidou, et nous devons aujourd'hui assurer la transmission des compétences, notamment dans le secteur du nucléaire. C'est un domaine compliqué, la formation est longue et se compte en années ! C'est la raison pour laquelle nous avons beaucoup embauché cette dernière décennie : les plus jeunes ont pu travailler en binôme avec des anciens qui partent aujourd'hui à la retraite puisque la relève est formée : c'est peut-être la raison pour laquelle vous avez l'impression d'une diminution d'effectifs, mais c'est tout à fait normal ! Nous continuerons dans le futur à embaucher de manière à préserver tous les secteurs, y compris la R&D, monsieur Bosino ! Certes, tous les départs à la retraite ne seront pas remplacés, mais au final, nos effectifs sont en augmentation, et ce même si la consommation d'électricité, elle, reste stable...

Au sujet de l'arrêt de la centrale de Porcheville, je tiens à rassurer Sophie Primas. Cette centrale, dont deux des quatre tranches ont été fermées en 2008, ne fonctionne pas, et ne présente aucune rentabilité pour EDF. Quelque 190 agents y sont encore affectés, ainsi qu'un petit nombre de prestataires. Nous avons d'ores et déjà ouvert le dialogue social, au cas où la centrale serait définitivement arrêtée avant 2018. Nous avons également rencontré Pierre Bédier, président du conseil départemental des Yvelines, afin d'évoquer une éventuelle cession d'une partie du terrain par EDF, afin qu'il puisse faire l'objet d'un programme de revitalisation.

En ce qui concerne la place du numérique, nous y attachons de l'importance, dans la mesure de nos moyens... Nous disposons d'environ 600 millions d'euros par an pour la R&D, répartis en fonction de nos objectifs stratégiques. Une partie de cette somme est affectée à la recherche et au développement de la production « classique » - en particulier pour le nucléaire et l'hydraulique. Nous menons également des travaux autour des réseaux intelligents et de l'utilisation du numérique pour optimiser l'efficacité de la production, et même améliorer la gestion de la consommation par les utilisateurs eux-mêmes. ERDF porte par ailleurs un ambitieux chantier sur les smartgrids. C'est un sujet qui intéresse énormément les territoires et les métropoles, et trois expérimentations sont déjà en cours à Lyon, Nice et Toulouse.

Enfin, vous l'avez mentionné, nous déployons les nouveaux compteurs connectés, les compteurs Linky. Ce déploiement soulève de nombreuses inquiétudes, mais je tiens à vous rassurer : tout d'abord, les informations fournies par Linky ne sont transmises qu'à ERDF, à des fins de facturation. Seuls les Français qui le souhaitent - et uniquement ceux qui le souhaitent, j'insiste sur ce point - verront ces données adressées à leur prestataire en vue d'une optimisation de leur consommation. Enfin, ces nouveaux compteurs émettent très peu d'ondes, bien moins que d'autres appareils ménagers comme les fours à micro-ondes. Je sais que certains élus locaux ne sont pas satisfaits de ce nouveau dispositif, mais il est prévu par la loi, et la loi doit s'appliquer partout : tentons d'être raisonnables...

Parlons finances ! Le prix du baril de pétrole est légèrement remonté, et se situe aujourd'hui à environ 45 dollars. Le prix du charbon, lui, est plutôt constant. Ce qu'il faut surtout regarder, c'est le tableau dans son ensemble : le prix de l'électricité a diminué.

La loi « Nome » ne s'applique pas à ces prix-là. Nous avons l'obligation de vendre à 42 euros par MWh une partie de notre production d'origine nucléaire, mais je ne vois pas pourquoi quelqu'un qui pourrait acheter son électricité 28 euros par MWh viendrait nous l'acheter à 42 euros... Dès lors, depuis deux semestres, nous ne vendons plus d'électricité aux conditions de la loi « Nome ». On peut d'ailleurs s'interroger sur la pertinence de ce dispositif car, quel que soit le prix fixé, haut ou bas, c'est toujours au détriment d'EDF !...

M. Poniatowski s'est enquis du coût du grand carénage : nous avons optimisé ce chantier d'environ 15 %, et nous l'estimons aujourd'hui à 51 milliards d'euros courants, contre 55 milliards d'euros en euros 2012. Le rachat de l'activité réacteurs d'Areva ne nous coûtera, elle, que 1,25 milliard d'euros, puisque nous n'acquerrons que 51 % de l'activité.

Venons-en à la dette : aujourd'hui, elle est chiffrée à 37 milliards d'euros, elle n'a cessé d'augmenter. Nous sommes en plein examen de notre capacité à rembourser, en prenant en compte tous les engagements hors bilan, comme les retraites. Quoiqu'il en soit, nous n'avons pas identifié de difficultés particulières à la levée de la dette pour les trois prochaines années. Cependant, nous avons beaucoup de dette à renouveler à l'horizon 2020, et notamment la dette hybride construite en 2013-2014, qui est au coeur de nos préoccupations.

La recapitalisation d'EDF aura un impact significatif sur l'évolution de la dette. Après cette augmentation du capital, nous aurons les moyens de financer nous-mêmes nos investissements et de mener le « grand carénage ». Nous n'avons pas l'intention d'ouvrir le capital de nos centrales nucléaires. Il existe certes déjà quelques participations très minoritaires - Chooz, Bugey, Tricastin, Fessenheim - mais nous n'avons pas l'intention d'aller au-delà.

Nous voulons par ailleurs céder 10 milliards d'euros d'actifs, mais je ne peux pas m'engager sur une répartition dans le temps de ces cessions : en vendre 6 milliards cette année serait formidable mais soyons prudents et réalistes dans nos prévisions. Dans tous les cas, nous devrons absolument nous assurer de la cohérence de nos investissements avec notre situation financière.

Pour terminer sur les sujets financiers, un mot sur la baisse de l'action en bourse. Celle-ci n'a aucune incidence directe sur notre activité ; nous pouvons simplement déplorer que les détenteurs des actions - et parmi eux un certain nombre de salariés - aient perdu de l'argent : c'est évidemment regrettable. Il faudra prêter attention à l'impact de cette baisse sur l'image d'EDF. Aujourd'hui, nous levons de la dette sans problème et nous bénéficions donc d'une image plutôt positive sur les marchés de dette. Nous n'avons pas de tension sur la prime de risque : à nous de faire en sorte que cela continue.

Enfin, M. Larcher, la centrale géothermique en Dominique a fait l'objet d'un appel d'offres, et celui-ci a malheureusement été remporté par un de nos concurrents.

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