Intervention de Christophe Jacquinet

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 20 juin 2012 : 1ère réunion
Financement des établissements de santé — Audition de M. Christophe Jacquinet président du collège des directeurs généraux des agences régionales de santé ars

Christophe Jacquinet :

Au nom des vingt-six directeurs d'ARS, je vous remercie de votre accueil.

Mes observations porteront sur les seules activités de MCO, soit les séjours hospitaliers en soins de courte durée en médecine, chirurgie, obstétrique, puisque la T2A ne s'applique pas encore aux SSR, c'est-à-dire aux soins de suite et de réadaptation, et encore moins à la psychiatrie et la santé mentale.

La T2A, d'abord, a quelques bienfaits. La situation est la suivante. D'un côté, l'Ondam hospitalier évolue moins favorablement : 2,8 % en 2010 et en 2011, 2,56 % en 2012. De l'autre, les établissements sont confrontés à des baisses de tarifs. Cette année, les tarifs progressent de 0,19 %, ce qui équivaut à une légère diminution en euros constants. En revanche, en 2011, établissements hospitaliers publics et établissements de santé privés d'intérêt collectif - Espic - ont enregistré une baisse des tarifs de 0,2 % et les établissements privés commerciaux de 0,9 %, après une diminution de 0,8 % pour les premiers et une hausse de 1 % pour les seconds en 2010. Or le déficit consolidé des établissements publics, d'après la DGOS, a considérablement régressé durant cette période : il est passé de 360 millions en 2008 à 185 millions en 2009 puis à 180 millions en 2010. Conclusion, la T2A a permis la réduction des déficits hospitaliers. L'objectif financier, formellement fixé aux directeurs d'ARS en avril 2010, est rempli : une diminution du déficit structurel des établissements publics de 14 % en 2010, après une baisse plus importante de 23% en 2009. Cette réduction passe par des gains de productivité, en particulier sur les activités de plateaux techniques comme la chirurgie et la cardiologie interventionnelle.

Les limites de la T2A sont évidemment nombreuses. Premièrement, la tarification à l'activité est probablement plus adaptée pour les activités de chirurgie et de plateaux techniques que pour l'activité de médecine. Elle prend insuffisamment en compte la complexité grandissante des prises en charge. Le nombre de malades chroniques augmente : 15 % de la population souffrirait d'une pathologie chronique ; la population des patients âgés de plus de soixante-quinze ans grossit également, 5,5 millions aujourd'hui, le double dans vingt ans. La souffrance psychique et les pathologies psychiatriques se développent considérablement. Soit dit en passant, cette observation vaut pour le MCO comme pour le SSR. Ensuite, le nombre de médecins se réduisant jusqu'en 2025, l'enjeu est, via le système de financement, de continuer à intégrer dans nos hôpitaux la motivation médicale et, surtout, de permettre aux directeurs d'établissement et aux médecins hospitaliers de se rejoindre sur des valeurs d'efficience médico-économique. Par parenthèse, moins il y a de médecins, et la Picardie le sait bien, pour être le territoire le plus touché par le manque de professionnels de santé, plus l'efficience est à rechercher.

Deuxièmement, la T2A, parce qu'elle introduit une concurrence entre établissements de santé, freine les coopérations hospitalières publiques. Il faudrait pouvoir valoriser le parcours du patient et financer le travail de coordination entre professionnels de santé que cela implique. Je pense, entre autres, à la prise en charge des accidents vasculaires cérébraux. La T2A ne prend pas en compte cette dimension. Elle fait aussi obstacle au regroupement des activités entre plusieurs établissements publics autour d'un plateau technique, celui-là même qui préserverait l'offre chirurgicale dans les territoires qui en ont besoin. De fait, pour les chefs d'établissement, le rapprochement équivaut à une perte de recettes. Les communautés hospitalières de territoire répondent partiellement à cette difficulté. Reste le dispositif de fusion d'établissement, utile pour développer les coopérations hospitalières, dès lors qu'il n'y a pas de problème d'accès aux soins.

Troisièmement, la T2A ne valorise pas les activités de petit volume sur des territoires qui en ont besoin. Elle représente un modèle économique inabouti, cela m'a toujours frappé. De fait, on a considéré que la T2A était un modèle à appliquer aux établissements hospitaliers, qu'ils soient publics ou privés. Le coût marginal de chaque séjour est fonction de l'activité. Or le tarif unitaire pour un acte de plateau technique est le même, quel que soit le nombre d'actes pratiqués. Résultat, les gros établissements bénéficient d'un effet de rente et les établissements situés sur un territoire isolé souffrent de difficultés récurrentes de financement. Pour prévenir ce risque de déficit, les ARS ne disposent que des aides à la contractualisation, les fameuses AC. La solution consisterait à appliquer à la T2A un coefficient d'activité minorant ou majorant les tarifs, notamment pour les actes de plateaux techniques, ainsi qu'un coefficient d'accès aux soins dans un certain nombre d'établissements sur décision de l'ARS, qu'il s'agisse du secteur MCO ou des SSR. Ce dernier coefficient valoriserait les activités réalisées sur les territoires où cet accès au soin doit être garanti.

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