Intervention de François Baroin

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 11 mai 2010 : 1ère réunion
Rendez-vous 2010 pour les retraites — Audition de M. François Baroin ministre du budget des comptes publics et de la réforme de l'etat

François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat :

a tout d'abord noté que le rendez-vous 2010 a démarré avec un calendrier, une méthode et un pilote, qui est le ministre du travail, Eric Woerth. Le financement du système de retraite est très dégradé. Nul ne met plus en cause la nécessité d'une réforme, même si quelques voix s'élèvent encore, à l'Assemblée nationale, pour en contester le bien fondé. Les projections du Cor sont désormais connues : les tensions sur le système sont si fortes qu'elles menacent sa pérennité.

Si donc une réforme s'impose, il n'est cependant pas question, pour le Gouvernement, de remettre en cause le système par répartition, fruit d'une avancée majeure qui a permis de donner aux personnes âgées, grâce à la solidarité intergénérationnelle, une fin d'existence décente. Ce système est ce que l'on a créé de mieux dans notre pays, déjà très en avance en matière sociale. Il garantit un droit au repos fondé sur un équilibre entre temps travaillé et temps de retraite. Notre société lui doit nombre de ses principes et de ses valeurs. Préserver ce système, telle est la tâche difficile que le Président de la République a confiée à Eric Woerth.

Le déséquilibre financier est sévère. Le déficit dépassera les 30 milliards en 2010, dont 10 milliards pour le régime général. Selon les projections du Cor, ce déficit, dans un scénario qui retient pourtant l'hypothèse optimiste d'un taux de chômage à 4,5 %, atteindrait 50 milliards en 2050. Aujourd'hui, une pension sur dix est financée à crédit. Ce sera le cas de deux sur dix dans quelques années. Si nous ne faisons rien, la génération qui nous suit devra payer la retraite de ses grands-parents et celle de ses parents : que lui restera-t-il ? Nous n'avons pas le droit de continuer sans rien faire.

En 2050, le besoin de financement cumulé dépassera le montant du Pib. Il représentera deux fois notre dette actuelle. Or, 2050, c'est demain. Il faut anticiper dès à présent sur les évolutions démographiques structurelles : l'espérance de vie s'accroît et le ratio actifs-retraités se dégrade. Avec un départ à soixante ans, ce sont vingt-cinq ans d'inactivité en moyenne que finance la collectivité - vingt-sept ans pour les femmes, vingt-deux ans pour les hommes - au moment même où la génération des baby-boomers arrive à l'âge de la retraite. Le ratio entre actifs et retraités doit passer de 1,8 en 2010 à 1,2 en 2050.

L'objectif du Gouvernement, dès avant la crise, a été de retrouver un équilibre durable, conformément à l'engagement du Président de la République. La crise de 2008-2009 a accéléré la dégradation des comptes en provoquant un fort recul des recettes. Au point qu'a été atteint en 2009 le niveau de déficit que l'on n'attendait que pour 2020 : c'est dire la violence de la crise.

Plusieurs réformes ont déjà eu lieu : celle du régime général en 1993, celle du régime de la fonction publique et du régime général en 2003, celle des régimes spéciaux en 2008. Sans elles, la situation serait aujourd'hui intenable. Il faut poursuivre, faute de quoi nous serons, à terme, dans l'incapacité de financer le système. Sans compter que nous renforcerons par là notre crédibilité vis-à-vis de nos partenaires et des investisseurs qui nous aident à financer notre dette. La crise grecque nous interpelle tous : aucun grand pays européen ne peut y être indifférent.

Le Gouvernement a retenu une méthode, la concertation avec les partenaires sociaux et l'ensemble des acteurs, et des pistes, qui passent par l'employabilité des seniors et la prise en compte de la pénibilité de certaines activités. L'option d'une baisse des pensions a d'emblée été écartée. Le Gouvernement privilégie celle d'un allongement du temps d'activité, plus cohérente compte tenu du contexte démographique et de l'allongement de l'espérance de vie en bonne santé. Mais il faut être réaliste : le rapport du Cor souligne que le recul de l'âge de départ en retraite et l'augmentation des cotisations ne suffiront pas à rééquilibrer le système. Dans les hypothèses les plus volontaristes, telles qu'un report de l'âge légal de départ en retraite à soixante-cinq ans couplé à un allongement de la durée de cotisation à 43,5 annuités, le besoin de financement du régime général ne serait couvert, en 2050, qu'à 57 %. Il ne s'agit ici que d'hypothèses du Cor, pas d'un plan de travail, mais cela donne la toile de fond.

Dans un scénario d'âge légal de départ porté à soixante-trois ans, avec une hypothèse de chômage à 4,5 %, c'est-à-dire proche du plein emploi, les recettes ne seraient que de 17 milliards pour un besoin de financement de 64 milliards, soit 26 % seulement des besoins de financement. Et ces ordres de grandeurs valent pour tous les régimes.

Des recettes nouvelles peuvent être attendues de la refonte du système d'exonérations fiscales et sociales. Le Président de la République a également évoqué un prélèvement spécifique sur les hauts revenus ou sur les revenus du capital. Mais il faudra rester vigilants, pour ne pas peser sur le coût du travail et le pouvoir d'achat : la France a des taux de prélèvements obligatoires, de dépense publique et de redistribution parmi les plus élevés.

C'est un principe d'équité qui nous guidera, comme il a guidé, déjà, la convergence des règles entre le public et le privé. Il conviendra de prendre en compte le problème de l'employabilité des seniors et celui de la pénibilité de certaines activités. Car comment envisager de travailler plus longtemps si le taux d'emploi des seniors reste insuffisant ? Passé un certain âge, il est difficile, dans notre pays, de retrouver un emploi et la crise a aggravé le phénomène. Il faudra être imaginatifs et solidaires.

La réforme ne sera juste que si elle prend en compte la pénibilité, qui n'est pas la même dans toutes les tâches. Les entreprises devront traiter la question. Sans doute faudra-t-il faire évoluer les postes, adapter les métiers en fonction de l'âge.

Notre responsabilité collective est lourde, ce n'est pas une affaire de gauche ou de droite. Nous sommes responsables à l'égard de nos enfants et de nos petits-enfants. Nous sommes tous face à un choix d'avenir, qui doit être un choix collectif. Il faudra travailler auprès de l'opinion publique pour faire partager nos constats. Lorsque les décisions seront arrêtées, dans un débat vertueux avec la représentation nationale, nous aurons fait oeuvre utile.

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