Après avoir jugé indispensable de promouvoir une approche globale des comptes publics, M. Robert Baconnier a fait part de ses interrogations sur l'opportunité de modifier le rôle des partenaires sociaux dans la gestion des différentes caisses. Se fondant sur sa propre expérience de personne qualifiée au sein des instances dirigeantes de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss), il a regretté que le fonctionnement du paritarisme se traduise par la perte de beaucoup de temps, en raison de l'exposition préalable des positions de principe de chacune des organisations syndicales. Trouver des solutions et dégager un compromis n'est ainsi pas toujours facile à réaliser. Par ailleurs, la mise en oeuvre de l'exigence de « démocratie sociale », exposée dans le Préambule de la constitution de 1946, apparaît déjà dans les faits largement effective, dans la mesure où la consultation et la négociation avec les syndicats sont de toute façon indispensables.
S'agissant plus particulièrement de la tendance à long terme à la fiscalisation croissante des recettes de la protection sociale, une assiette essentiellement fondée sur les revenus du travail demeure, à son avis, justifiée pour le financement de l'assurance chômage, et celui des prestations contributives d'une façon générale. La question est posée, en revanche, pour les dépenses de solidarité. Il s'est par ailleurs prononcé en faveur de la CSG, tout en estimant qu'il n'y a pas d'assiette miracle ou unique et qu'il est parfaitement concevable de combiner entre eux plusieurs modes de financement différents.
L'invention de la CSG en 1990 a constitué, au même titre que la généralisation de la TVA en 1966, une réforme fondatrice. A l'origine, la CSG était essentiellement assise sur les revenus du travail et se substituait largement à des cotisations maladie. Mais elle a ensuite été étendue aux revenus du capital, ce qui permet désormais à notre pays de disposer, à l'instar de ses partenaires européens, d'un outil de financement moderne et dynamique compensant les défauts de l'impôt sur le revenu des personnes physiques, notamment son excessive personnalisation.
Si la tendance à la fiscalisation de la protection sociale est probablement inéluctable, l'idée d'une budgétisation de son mode de financement apparaît quant à elle beaucoup plus contestable : compte tenu de la logique assurantielle de nombreuses prestations versées, il ne semble pas opportun de confier au budget général l'ensemble des transferts sociaux.
S'agissant plus particulièrement du débat lancé en janvier 2006 par le Président de la République sur l'élargissement à la valeur ajoutée de l'assiette des cotisations patronales, M. Robert Baconnier a souligné, d'une part, que cette idée ancienne avait été formulée dès 1974, d'autre part, que le rapport publié par le conseil d'analyse stratégique est apparu assez réservé sur une telle perspective. Cette notion peut certes sembler séduisante en première analyse, car elle vise à mieux répartir la charge de l'Etat providence et à réduire les coûts salariaux. Mais le risque d'une pénalisation des investissements n'est pas négligeable et on peut craindre des transferts de charges massifs entre les assurés sociaux : il conviendrait donc de faire preuve de beaucoup de prudence. Pour autant, ce débat lancé par l'actuel président de la République ne sera pas sans conséquence sur la prochaine législature et de nombreuses études ont été récemment publiées à ce sujet.
Ce dossier est extrêmement complexe, y compris sur le plan juridique. La Cour de justice des communautés européennes instruit en effet actuellement un recours formulé contre un impôt régional sur la valeur ajoutée créé au bénéfice des régions italiennes. Le débat français sur le financement de la protection sociale comporte donc nécessairement une dimension européenne, d'autant plus qu'en l'absence d'unanimité des vingt-sept pays membres sur les questions fiscales, le rôle du juge communautaire est ici décisif.
Invité par le président à développer sa vision de l'avenir du système français de protection sociale, M. Robert Baconnier a estimé qu'il ne sera pas possible d'accroître indéfiniment les prélèvements obligatoires et qu'à échéance de dix ou quinze ans, les mécanismes personnels d'assurance auront certainement tendance à se développer. On constate déjà l'impossibilité d'une généralisation de la prise en charge du coût de la dépendance sur des fonds publics et l'intérêt d'un développement complémentaire des assurances privées.
Il a également exprimé son hostilité à la proposition de M. François Hollande de financer les retraites par la CSG, le recours à l'impôt ne devant, à ses yeux, être opéré que pour le minimum vieillesse, c'est-à-dire le financement de la solidarité.
Le projet de fusion de l'impôt sur le revenu et de la CSG est certes séduisant, mais aussi dangereux, dans la mesure où la « mauvaise assiette » risque de chasser la « bonne ». Il convient de préserver, en effet, la simplicité de la CSG face à un impôt sur le revenu mité par les « niches fiscales ».