Intervention de Alain Gubian

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 27 juin 2007 : 2ème réunion
Etat des comptes de la sécurité sociale — Audition de M. Alain Gubian directeur financier de l'agence centrale des organismes de sécurité sociale acoss

Alain Gubian, directeur financier de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale :

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Alain Gubian, directeur financier de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (Acoss).

Présentant la situation des finances de l'Acoss, M. Alain Gubian, directeur financier de l'Acoss, a tout d'abord souligné le surcroît d'encaissements de cotisations sociales en provenance du secteur privé, lié à une dynamique de la masse salariale très supérieure à ce qui avait été envisagé. Une rentrée supplémentaire de 270 millions d'euros provenant du secteur privé a ainsi été constatée dès le mois de février dans les résultats de janvier prenant en compte des encaissements assis sur le dernier trimestre de 2006. Le mouvement s'est prolongé en mai avec les résultats du premier trimestre pour les petites entreprises et du mois de mars pour les plus grandes : le surcroît d'encaissements a atteint 310 millions d'euros. Au 15 juin 2007, le taux de progression de l'assiette salariale dans le secteur privé calculé sur un an, entre le premier trimestre 2006 et le premier trimestre 2007, s'élevait à 5,1 %. Rien qu'entre le quatrième trimestre 2006 et le premier trimestre 2007, la hausse de la masse salariale a été de 2 % alors qu'elle avait atteint 3,3 % sur l'ensemble de l'année civile 2005 et 4,2 % sur la totalité de l'exercice 2006.

Le taux de 5,1 % en glissement annuel apparaît cependant dopé par le versement de primes très élevées dans le secteur bancaire. Ce sont ces primes qui expliquent à elles seules la moitié du taux de progression de 2 % constaté entre le quatrième trimestre 2006 et le premier trimestre 2007.

Dès lors, il apparaît vraisemblable que l'évolution de la masse salariale sur l'ensemble de l'exercice 2007 sera un peu moins élevée que ce que laisse prévoir la dynamique actuelle. On s'attend ainsi à un taux de 4,8 % représentant tout de même 0,6 point de plus par rapport aux conjonctures établies en début d'année. Ce taux se décomposerait approximativement en 1,5 point lié à l'augmentation de l'emploi et 3,3 points de progression du salaire moyen par tête. Il convient de rappeler qu'un point de masse salariale en plus correspond à une recette supplémentaire de 1,7 milliard d'euros.

Si l'on compare toutefois les finances de l'Acoss au calcul prévisionnel établi en janvier sur la base des hypothèses de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2007, la situation apparaît moins favorable. En effet, la loi de financement avait été établie à partir d'une projection de progression annuelle de la masse salariale de 4,6 %. Ce taux, ayant été généralement considéré comme excessivement optimiste, avait ensuite été ramené par les conjoncturistes à 4,2 % en début d'année. Si l'on se réfère donc à la loi de financement, le surcroît de progression de la masse salariale par rapport aux projections ne serait que de 0,2 point (au lieu de 0,6 point si l'on se réfère aux conjonctures révisées du début de l'année), soit un gain pour l'Acoss de 350 millions d'euros environ.

Le bilan des recettes est « impacté » par un surcroît d'exonérations. A ce sujet, M. Alain Gubian a rappelé qu'en 2007 est entré en vigueur le nouveau mode de financement de la compensation des exonérations générales de cotisations. Depuis 2006, les sommes correspondantes n'étaient déjà plus directement compensées par l'Etat, mais financées par une affectation de recettes fiscales, le « panier fiscal ». En 2007, la compensation « à l'euro l'euro » par le panier de recettes n'est en outre plus garantie, puisque la composition du panier ne pourra être corrigée que si le constat est fait d'un écart de plus de 2 % entre le coût des allégements et celui des recettes censées le compenser. En outre, le différentiel ne sera comblé que dans le cadre de la plus prochaine loi de finances après le constat préalable de l'existence de cet écart dans un rapport, soit au minimum en 2009 pour un écart constaté au terme de l'exercice 2007.

a fait observer que l'écart de 2 % à partir duquel une correction est, le cas échéant, mise en oeuvre dans le panier des recettes représente tout de même 400 millions d'euros. Les organismes de sécurité sociale peuvent ainsi se voir opposer une sorte de franchise de plusieurs centaines de millions d'euros en cas d'excédent du montant d'exonération sur les recettes sans que le différentiel leur soit remboursé.

Si cette situation se présentait, l'impact serait immédiat dès 2007 non seulement en trésorerie mais également en comptabilité.

En l'état actuel des données, les rentrées fiscales du panier de recettes semblent progresser au rythme de ce qui était attendu avec même un léger supplément de 100 millions d'euros provenant de la taxe sur les salaires versée par le secteur bancaire, correspondant au surplus de primes mentionné plus haut.

L'Acoss a dû cependant prendre en compte un risque de supplément d'exonérations « Fillon » important qui aurait une double origine. La première procède de l'application de l'article 14 de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2006. Cet article, en effet, a précisé que les calculs d'exonérations se font pour les entreprises d'intérim sur les heures rémunérées quelle qu'en soit la nature et non sur les heures effectives. Les entreprises concernées peuvent recalculer leurs exonérations selon les nouvelles règles, avec effet rétroactif au 1er janvier 2006. Après un démarrage relativement lent, les bénéficiaires potentiels ont accéléré le mouvement en 2007 et l'on s'attend à un surcroît de demandes de recalcul à l'été. L'impact retenu par la prévision Acoss est de 300 à 500 millions pour 2006, ce qui laisse présager un impact sur 2007 de 800 millions d'euros supplémentaires dont la compensation n'est pas prévue dans le panier de recettes fiscales.

La seconde source potentielle d'alourdissement des exonérations Fillon provient du projet du Gouvernement de supprimer les cotisations sociales sur les heures supplémentaires, en contrepartie de laquelle il n'est prévu aucune recette de couverture en l'état.

S'agissant des exonérations ciblées, cette année encore il apparaît que le montant réel de certaines d'entre elles est nettement supérieur aux prévisions figurant dans l'annexe 5 de la loi de financement. C'est le cas de celles concernant les départements d'outre-mer, les apprentis et les services à la personne. Les deux dernières de ces exonérations sont sur une courbe de croissance particulièrement dynamique.

Parallèlement à ce pronostic assez défavorable sur les rentrées, les décaissements sont accrus principalement sur la maladie, du fait du dérapage de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), et sur la vieillesse avec un nombre de départs anticipés plus élevés que celui initialement attendu. Dès lors, la variation de trésorerie de l'Acoss devrait être supérieure à ce qui était attendu. Seuls les décaissements de la branche famille semblent être en retrait par rapport aux hypothèses de départ avec des dépenses de RMI moins dynamiques et un freinage assez net des allocations logement.

A la fin septembre 2007, la variation de trésorerie de l'Acoss serait ainsi de 12 milliards d'euros au lieu des 11 milliards attendus. A la fin de l'année, cet écart d'un milliard d'euros par rapport aux prévisions pourrait encore s'accroître.

Dans ces conditions, le solde négatif du compte Acoss est prévu à 24,5 milliards d'euros à fin septembre, sans risque toutefois de dépassement du plafond de 28 milliards d'euros à ce stade. Cependant, de septembre à la fin de l'année, les risques de dépassement apparaissent très importants. D'une part, on l'a vu, les compensations sont déjà insuffisantes. A cela, s'ajoute le surcroît de dépenses et aussi d'exonérations, conduisant à des encaissements minorés malgré l'amélioration de la situation de la masse salariale. Enfin, il conviendra de prendre en compte également, pour deux mois en trésorerie, le coût des allègements de cotisations sociales sur les heures supplémentaires qui devraient être votés pendant la session extraordinaire.

Sur ces bases, le solde négatif moyen pourrait doubler sur l'année 2007 par rapport à 2006. Compte tenu des hausses des taux d'intérêts (en moyenne le taux de financement passerait de 2,94 % en 2006 à près de 4 % en 2007), le résultat net de trésorerie atteindrait 730 millions d'euros après 271 millions d'euros en 2006, soit une multiplication de la charge d'intérêt par un coefficient de 2,7.

Grâce aux dispositions de la loi de financement pour 2007, l'Acoss a pu cette année, pour la première fois, émettre des billets de trésorerie avec un solde compris entre 2,8 et 3 milliards d'euros. Ces produits très souples permettent des économies chiffrées à 400 000 euros par point de base et par milliard emprunté par année, soit, pour 3 milliards en moyenne, 1,2 million d'euros. Le volume de billets de trésorerie émis par l'Acoss devrait atteindre 5 milliards d'euros d'ici la fin de l'année.

La dette de l'Etat vis-à-vis du régime général s'est élevée à 3,5 milliards d'euros à fin décembre 2006 pour l'ensemble des exonérations et 3,1 milliards fin janvier, compte tenu des montants versés en début d'année au titre de l'exercice 2006 et des exercices antérieurs. Ce montant de dette est en hausse de 800 millions d'euros par rapport à 2005. S'agissant des prestations, la dette brute était de 2,6 milliards fin décembre et 1,6 milliard fin janvier. Dans ces conditions, la dette d'ensemble de l'Etat à l'égard du régime général s'élevait à 6,1 milliards d'euros fin décembre et 4,7 milliards fin janvier.

Si l'on ajoute à ces totaux les retards du fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui représentent 4,9 milliards d'euros, l'addition de la dette Etat et FSV à l'égard de la sécurité sociale portée par l'Acoss s'élève à 10 milliards d'euros.

S'agissant de la seule dette de l'Etat, hors FSV, le surcroît d'intérêts est estimé pour 2006 à 168 millions d'euros soit environ le montant des droits tabac affectés au régime général en 2007 pour leur couverture.

En octobre 2006, 238 millions d'euros auraient dû être versés par l'Etat conformément à l'échéancier prévu pour la compensation du coût des exonérations : 151 millions d'euros pour les dispositifs apprentis et 87 millions d'euros pour la professionnalisation. Rien n'a été versé en novembre et décembre. En janvier, en période complémentaire, 12 millions d'euros ont été accordés pour les contrats de professionnalisation et 86 millions d'euros pour les apprentis. Manquent donc toujours, depuis octobre, 65 millions d'euros pour les apprentis et 75 millions d'euros pour les contrats de professionnalisation.

a ensuite détaillé le contenu de l'avis de l'Acoss sur la partie relative aux heures supplémentaires du projet de loi portant sur le travail, l'emploi et le pouvoir d'achat (Tepa).

Le texte prévoit deux dispositifs : une réduction des cotisations salariales et une réduction forfaitaire des cotisations patronales.

La réduction de cotisations salariales consiste en pratique en une exonération complète des cotisations salariales d'assurance maladie et d'assurance vieillesse, des cotisations de retraite complémentaire, des cotisations d'assurance chômage et des contributions CSG et CRDS pesant sur les salaires. L'addition de tous ces prélèvements est de 21,5 points. Cependant, la réduction de cotisations sera imputée au titre de chaque salarié uniquement sur le montant des cotisations salariales de sécurité sociale (assurance maladie et assurance vieillesse) dues chaque mois pour celui-ci. Cette imputation sera effectuée sur le total des cotisations d'assurance maladie et d'assurance vieillesse et pas seulement sur les cotisations correspondant aux heures supplémentaires. En conséquence, dans le cas d'un salarié effectuant quatre heures supplémentaires par semaine, ce sont 2,7 points qui seront défalqués de ce total.

En principe, cet abattement ne devrait pas poser de problème puisqu'il demeure inférieur au montant total des cotisations salariées versées au régime général, soit 7,5 % se décomposant en 0,75 % pour la maladie et 6,75 % pour la vieillesse. Le salaire net du salarié sera accru à due proportion de l'abattement de 2,7 points.

Le projet de loi instaure par ailleurs une réduction forfaitaire au bénéfice des employeurs. Le montant de la réduction devrait être fixé à 1,5 euro par heure supplémentaire dans les entreprises d'au plus vingt salariés et à 0,5 euro par heure supplémentaire dans les autres entreprises.

La réduction forfaitaire de cotisations patronales est cumulable avec l'exonération Fillon. Dans certains cas, très peu nombreux, il pourra arriver que le montant de la réduction forfaitaire dépasse le total des cotisations restant à la charge de l'employeur. La situation concerne quelques milliers d'entreprises dans lesquelles le salaire horaire du salarié est strictement au niveau du Smic et le taux de cotisation accidents du travail-maladie professionnelle n'excède pas 1,3 % .

Pour prendre en compte la situation spécifique de ces entreprises, le projet de loi permet à l'employeur d'imputer en trésorerie le surplus de la réduction patronale sur les cotisations salariales à reverser à l'Urssaf.

Cette possibilité ne pose pas de problème au niveau du paiement et en trésorerie puisque le montant dû au titre de la part salariale restera toujours élevé. Elle soulève en revanche pour l'Acoss une difficulté sérieuse pour la gestion comptable et l'enregistrement des écritures correspondantes, du fait de l'absence d'identité de nature juridique entre les cotisations salariales et patronales.

Afin de surmonter cette difficulté, l'Acoss propose de plafonner le montant de la réduction de cotisations au montant de cotisations patronales restant effectivement dû. Cette solution serait gérée sans impact important dans le système d'information selon les règles classiques d'exonérations.

a indiqué que l'Acoss évalue à 5 milliards d'euros le surcoût du dispositif proposé pour la sécurité sociale. Ce total se décompose en 2,7 milliards au titre des exonérations de cotisations salariales, un milliard pour les exonérations patronales et enfin 900 millions d'euros de surcroît du coût des allègements Fillon.

En effet, le projet de loi prévoit une modification du mode de calcul de ces allègements permettant de prendre en compte le taux de majoration appliqué à la rémunération des heures supplémentaires.

En l'état, on l'a vu, le panier de recettes fiscales devrait tout juste permettre de couvrir en 2007 le coût des allègements généraux dont ceux du dispositif Fillon. Par voie de conséquence, le surcoût de 900 millions calculé par l'Acoss n'est pas actuellement pris en compte et ne peut faire l'objet à ce stade d'aucune compensation avant 2009.

Quant au coût à proprement parler des deux exonérations de cotisations salariales et patronales, le projet de loi ne prévoit rien pour l'instant au sujet de leur compensation. Il n'est ainsi pas indiqué si celle-ci prendra la forme d'une subvention budgétaire ou si elle sera assurée au travers du mécanisme du panier de recettes fiscales. Selon le cas, le montant des produits sera ou non « impacté ». En tout état de cause, la trésorerie de l'Acoss en sera modifiée avec un risque accru de dépassement du plafond de 28 milliards d'euros prévu par la loi de financement.

Dans son avis, l'Acoss pointe enfin que le dispositif proposé n'aborde pas les autres mesures d'exonérations patronales et suggère de prévoir un principe général de non-cumul de ces mesures avec la réduction forfaitaire patronales « heures supplémentaires ». Par ailleurs, le projet de loi propose qu'une évaluation du dispositif soit effectuée au 1er juillet 2009. L'Acoss souhaite que cette date soit reportée à l'automne de la même année afin qu'elle puisse disposer des informations utiles à la réalisation de cette évaluation.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion