Je vous remercie de nous avoir invités à cette table ronde. J'aimerais, de manière liminaire, réaffirmer la position de la FHF, qui a toujours été favorable à la création des ARS. Il nous semble nécessaire d'avoir des structures permettant d'assurer une cohérence entre la médecine hospitalière, la médecine de ville et le secteur médico-social.
Du rapport Fourcade au rapport Couty, en passant par le rapport de la mission Hôpital coordonnée par Frédéric Boiron, président de l'Association des directeurs d'hôpital (ADH), et Francis Fellinger, ancien président de la Conférence des présidents de commission médicale d'établissement (CME) de centres hospitaliers, les constats dressés par la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2012 apparaissent largement partagés. Les ARS ont une vraie utilité ; c'est pourquoi il est nécessaire de développer leurs moyens d'action et leur autonomie par rapport aux administrations centrales. Mais elles présentent également des insuffisances et leur fonctionnement doit évoluer.
Le fonctionnement des ARS est marqué par un excès de bureaucratie. Celui-ci se manifeste d'abord dans leurs relations avec les administrations centrales, comme en témoigne le rythme de publication des instructions (plus d'une par jour ouvrable) auxquelles s'ajoutent les multiples communications par voie électronique. Ce fonctionnement bureaucratique se répercute sur les relations entre les ARS et les établissements. L'exemple des projets régionaux de santé (PRS), qui font en moyenne plus de 1 000 pages et qui sont détaillés à l'extrême, est à ce titre éloquent. Afin de répondre à l'enjeu de contrainte budgétaire, les ARS vont très loin dans leurs relations avec les établissements. J'ai en tête l'exemple d'un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (CPOM) conclu entre une ARS et un hôpital qui contenait 1 000 objectifs et 200 indicateurs, parmi lesquels le taux d'allaitement dans la maternité : c'est une quasi-instruction ! Dans le cadre de l'amélioration de la performance de la politique d'achats des établissements, qui avait été souhaitée à juste titre par le ministère, les ARS sont allées jusqu'à proposer de créer des dispositifs d'achats placés sous leur contrôle. C'est aller trop loin.
Les hôpitaux ont ainsi le sentiment d'une intrusion constante dans leur management et leur gestion. Il est nécessaire de recentrer les ARS sur leurs missions d'animation, d'accompagnement et de stratégie. Elles doivent intervenir quand c'est nécessaire, par exemple lorsqu'une initiative volontariste doit être prise sur la question des équilibres financiers des établissements ou lorsque surviennent des situations de blocage. Il faut cependant introduire davantage de discussion lorsqu'elles interviennent dans la gestion quotidienne des établissements. Il est légitime que les ARS puissent définir une stratégie, une orientation, un cap. Mais elles doivent laisser aux professionnels le choix des voies et moyens pour atteindre ces objectifs.
Ce modèle de management s'explique peut-être par les conditions d'installation des ARS, qui ont réuni les moyens des administrations préexistantes dont elles ont repris les compétences. Il n'est pas certain qu'il aurait fallu procéder autrement mais, de fait, les ARS ont adopté un modèle plutôt bureaucratique. Le problème du management des ARS prend donc peut-être sa source dans les conditions - rapides - de leur mise en place, mais il est temps maintenant de faire évoluer le dispositif.
Par ailleurs, le fonctionnement des ARS, qui devrait associer pleinement l'Etat et l'assurance maladie, est en réalité hémiplégique. L'assurance maladie et l'Etat semblent procéder de logiques parallèles qui ne se rejoignent pas, à tel point que, selon le sentiment exprimé par certaines ARS, l'une peut parfois apparaître comme parasite de l'autre. Autrement dit, les ARS ne sont pas encore totalement installées. Là encore, nous relevons un problème de mise en place, sans contester le dispositif lui-même.
En résumé, et comme l'ont préconisé les différents rapports que j'ai évoqués, les ARS doivent privilégier leurs missions de stratégie, d'accompagnement et d'appui à la communication quasi quotidienne d'instructions et à la remontée d'indicateurs dont on ne sait pas ce qu'ils deviennent. A cet égard, les ARS sont de véritables cimetières d'indicateurs...