Nous avons le sentiment que les ARS s'éloignent progressivement de la mission qui leur a été confiée par le législateur, tandis que s'installe un fossé d'incompréhension entre les ARS et les établissements. Ce constat renvoie à plusieurs problématiques.
On peut d'abord s'interroger sur la nature des relations entre les ARS et les établissements hospitaliers. Je ne reviens pas ici sur les comportements individuels dommageables de certaines personnes au sein des ARS, qui sont heureusement très minoritaires mais n'ont pas contribué à instaurer un climat de confiance. On constate que les équipes des ARS, en dépit de leur mission de régulation, privilégient une intervention directe. Selon nous, la loi a au contraire conçu les ARS comme des autorités devant s'appuyer sur les acteurs de santé et soutenir leurs projets dans le cadre d'une politique partenariale. C'est d'ailleurs ce qui avait fait tout le succès des ARH : celles-ci travaillaient avec les acteurs sans se substituer à eux.
Des ARH aux ARS, on est passé d'équipes d'état-major composées de 15 à 20 personnes à des équipes de 200 à 300 personnes travaillant presque uniquement sur l'hôpital. Les acteurs ont aujourd'hui un sentiment d'étranglement qui est dû notamment au nombre très important de circulaires, que nous avons évoqué, et d'inspections. Un grand CHU de l'Est a ainsi fait l'objet de 30 inspections en une année et a du mobiliser quatre ETP simplement pour les coordonner.
On relève ensuite une asymétrie dans la tutelle exercée par les ARS. Ma collègue de la FHP évoquait tout à l'heure la consanguinité entre les ARS et les établissements publics. Cette consanguinité, nous la ressentons parfois comme une contrainte : les ARS, qui connaissent très bien l'hôpital public, s'en occupent beaucoup, et même beaucoup trop. Le travail de coordination doit concerner tous les acteurs, y compris les acteurs privés.
Tout ceci renvoie au point de savoir si les ARS entretiennent avec les acteurs une relation partenariale et de confiance ou une relation de tutelle. En raison du modèle génétique des ARS, c'est plutôt un rapport de tutelle que l'on constate malheureusement sur le terrain : les ARS ayant à la fois une mission de contrôle et une mission de régulation, l'une l'emporte nécessairement sur l'autre. Des équipes de direction nous ont rapporté leurs difficultés de positionnement vis-à-vis des ARS : il est difficile de manifester des désaccords dans un cadre partenarial lorsque l'on doit ensuite être évalué par la même autorité dans un cadre de tutelle.
Les ARS sont avant tout victimes du pilotage national. Investies de très nombreuses missions par le législateur, elles sont aussi bombardées de circulaires. Il est nécessaire de recentrer le pilotage pour lui conférer une dimension plus stratégique. Nous avons noté avec satisfaction les déclarations de la ministre et les prises de position du secrétaire général des ministères des affaires sociales, et nous appelons à une évolution très forte dans ce sens.