Intervention de Christian Cambon

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 14 juin 2006 : 3ème réunion
Audition de M. Christian Cardon président de la commission de compensation

Photo de Christian CambonChristian Cambon, président de la commission de compensation :

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la mission a procédé à l'audition de M. Christian Cardon, président de la commission de compensation.

En guise d'introduction, M. Christian Cardon, président de la commission de compensation, a indiqué que les réserves formulées dans le rapport Pelé-Normand de juillet 2004 sur le manque de fiabilité des éléments de calcul de la compensation restent encore aujourd'hui valables, et ce pour trois raisons.

En premier lieu, tous les régimes ne connaissent pas avec précision leurs effectifs. A titre d'exemple, ceux du régime général sont simplement estimés à partir des statistiques de l'Institut national de la statistique et des études économiques (Insee), après déduction des effectifs des autres régimes.

Ensuite, toutes les caisses ne sont pas en mesure de déterminer le nombre de leurs cotisants en « équivalents carrière complète », pour les personnes ayant cotisé dans plusieurs régimes différents, ni même le montant de leur masse salariale plafonnée, ou encore le détail des périodes cotisées de leurs adhérents. Même s'ils devront prochainement améliorer leur outil statistique, conformément aux dispositions de la loi du 21 août 2003 portant réforme des retraites, ces régimes ne connaîtront pour autant jamais avec exactitude le décompte de ces périodes pour les assurés ayant déjà liquidé leur retraite en 2004.

Abordant ensuite la question de l'extrême sensibilité des paramètres de la compensation dont le rapport Pelé-Normand fait état, M. Christian Cardon a estimé qu'elle a trois origines. En premier lieu, le mécanisme même de la compensation, consistant à faire entrer tous les assurés sociaux dans un seul grand régime de retraite fictif, n'est assorti d'aucun système d'écrêtement. En second lieu, l'importance des effectifs et des montants financiers en cause est telle, que de faibles évolutions en pourcentage suffisent pour provoquer des transferts très élevés, se chiffrant en millions d'euros supplémentaires à verser ou à recevoir par les régimes concernés. Enfin, les paramètres de la compensation peuvent subir des évolutions d'une ampleur considérable en peu de temps. A titre d'exemple, le nombre des cotisants du régime des exploitants agricoles a brutalement chu de 20.000 unités entre 2005 et 2006.

Ces trois facteurs conjugués rendent aléatoire tout processus de réforme : certains régimes bénéficiaires de la compensation une année peuvent ainsi devenir débiteurs l'année suivante. En fait, les simulations accompagnant chaque hypothèse de réforme envisageable ne sont réellement valables que pour l'année où elles ont été établies ; au-delà, l'incertitude est très grande.

Puis M. Christian Cardon a évoqué la réforme des critères de compensation intervenue à l'automne 2002, rappelant qu'elle avait consisté à prendre en compte les chômeurs dont les cotisations sont financées par le fonds de solidarité vieillesse (FSV). Cette réforme n'avait pas été approuvée, en son temps, par la commission de compensation, mais elle a été considérée, a posteriori, par la Cour des comptes, dans son rapport public sur la sécurité sociale de septembre 2003, comme cohérente « avec la pratique actuelle qui ne distingue pas dans les ressources des régimes ce qui relève des cotisations et ce qui relève des financements extérieurs dont ils bénéficient ».

En réalité, l'opposition exprimée par la commission de compensation obéissait à différents motifs, tenant aussi bien aux conditions dans lesquelles cette modification était intervenue (son président d'alors, M. Zuber, se plaignant d'avoir découvert cette réforme a posteriori), qu'à des raisons de fond, dans la mesure où celle-ci apparaissait très défavorable au régime général.

A la question de savoir s'il convient de renforcer les pouvoirs de la commission de compensation, M. Christian Cardon a répondu que les dispositions de l'article 7 de la loi portant réforme des retraites apparaissent à ses yeux suffisantes, sous réserve toutefois que les décrets d'application prévus soient effectivement pris. Or, la rédaction desdits décrets est achevée depuis plusieurs mois, mais leur publication se heurte, semble-t-il, à une opposition du ministère de l'agriculture, qui porterait sur des points marginaux.

Invité ensuite à préciser les raisons pour lesquelles, de 1994 à 2002, la prestation de référence avait été calculée contre l'avis de la commission de compensation, M. Christian Cardon a rappelé qu'à compter de la création du FSV, les soldes de compensation ont pris en compte, dans l'établissement de la prestation de référence, les majorations pour enfant. La réforme de l'automne 2002 comportait, par ailleurs, deux volets contradictoires, en supprimant ces prestations de l'assiette de calcul tout en intégrant, à l'inverse, les cotisations et les effectifs des chômeurs parmi les paramètres. Là encore, la commission de compensation avait fait part de son désaccord : la cohérence aurait voulu que ces deux séries de données soient ou bien intégrées, ou retirées ensemble du mode de calcul, au lieu de se succéder dans le temps.

Poursuivant son exposé, M. Christian Cardon a confirmé que les propositions du rapport Pelé-Normand tendant, d'une part, à la mise en place d'une double procédure de contrôle, d'autre part, à la modification du calendrier habituel de travail de la commission de compensation, n'ont pas été mises en oeuvre. Néanmoins, la première de ces préconisations pourrait connaître un début d'application dans le cadre de la nouvelle procédure de certification des comptes de la sécurité sociale : il devrait être possible, en effet, de demander aux certificateurs de vérifier l'exactitude des éléments de calcul utilisés pour la compensation. La question de la modification du calendrier de travail de la commission de compensation continue, en revanche, de se heurter à la difficulté que rencontrent encore certains régimes pour fournir, dans les délais nécessaires, les indications qui leur sont demandées, notamment celui des fonctionnaires civils de l'Etat.

Evoquant ensuite la constitution d'un « Manuel du technicien », M. Christian Cardon a indiqué que des questionnaires ont été envoyés par le secrétariat de la commission des comptes, auxquels les régimes ont répondu en début d'année. Un groupe de travail ad hoc examinera prochainement les différences existant entre les méthodes utilisées et appréciera l'opportunité de définir les bonnes pratiques à suivre. Cette période d'évaluation, qui s'étendra d'octobre 2006 à juin 2007, doit déboucher sur l'élaboration de ce « Manuel du technicien » pour octobre 2007.

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