a rappelé tout d'abord l'attachement des Français à leur système de protection sociale, qui est particulièrement développé par rapport aux autres pays. De ce point de vue, si une réforme systémique permettait éventuellement de répondre aux questions de l'égalité de traitement, notamment en termes d'effort, et de la répartition entre la solidarité et la contributivité, elle ne résoudrait pas le problème majeur : celui du financement. Reporter les décisions sur ce sujet serait néfaste. Qui plus est, un changement de système serait difficile et long, alors même que la population, notamment les classes moyennes, ont des attentes fortes en termes de charge d'impôts et de contributions sociales.
La complexité des régimes actuels correspond à des situations et à une histoire elles-mêmes complexes et il est possible d'en améliorer la lisibilité par des moyens simples, dans le cadre existant. Surtout, les Français sont d'abord attachés au niveau de leur retraite ; outre qu'un système en comptes notionnels ou par points se révèle en fait moins protecteur et moins transparent, une telle réforme reviendrait au fond à baisser le niveau des pensions. De plus, ce changement est porteur de risques, quant au pilotage ou à la gouvernance, notamment pour y définir les places respectives des partenaires sociaux et de l'Etat.
En fait, l'urgence réside dans la nécessité de faire face au déséquilibre financier et au déficit démographique. La connaissance par chacun de son niveau de vie à la retraite et du rapport entre sa pension et son dernier salaire d'activité est devenue faible, voire inexistante ; de plus, l'affichage d'un taux moyen de remplacement n'a plus de réalité concrète tant les écarts sont importants. C'est pourquoi il faudrait aller vers la fixation d'un niveau minimum de prestations, notamment dans le secteur privé.
Par ailleurs, trois paramètres entrent en ligne de compte pour toute évolution du système : le niveau des retraites, celui des cotisations et la durée d'activité. Il ne serait ni juste ni légitime d'utiliser le premier de ces leviers, qu'il est au contraire nécessaire de préserver. En ce qui concerne les cotisations, il était envisagé un transfert entre celles destinées à l'assurance chômage et celles pour la vieillesse, ce qui n'est plus possible aujourd'hui en raison du contexte économique. De plus, les salaires ne peuvent plus être utilisés comme seule source de financement de la protection sociale car ils sont progressivement dépréciés et nivelés par le bas, ce qui réduit l'assiette d'autant. Enfin, on ne peut pas exclure a priori une augmentation, légère, du taux de cotisation. En ce qui concerne la durée d'activité, on constate qu'elle a plutôt tendance à diminuer, tant à l'entrée dans la vie active qu'à sa sortie, alors même que le temps passé en retraite augmente. De plus, l'amélioration de la productivité ne peut plus être suffisante pour améliorer seule le financement du système.
Parmi les deux moyens d'action liés à la durée d'activité, à savoir le nombre des annuités de cotisation et l'âge de départ à la retraite, Mme Danièle Karniewicz a privilégié celui de l'âge, qui permet de ne pas opposer les parcours professionnels des assurés et qui produit l'action la plus forte sur les équilibres financiers. Pour autant, le système doit mieux prendre en compte les périodes d'études dans le calcul de la retraite ; à cet égard, le dispositif actuel de rachat d'années n'est pas une solution judicieuse, car il coûte trop cher aux personnes qui le choisissent. Enfin, on constate aujourd'hui des différences importantes et non justifiées dans la prise en compte de certaines périodes d'activité, par exemple entre l'apprentissage chez un artisan et celui en lycée professionnel.
En conclusion, l'évolution du système des retraites demandera un effort colossal de pédagogie, prenant en compte, d'une part, le fait que sa remise en cause nécessiterait de toute façon l'intervention des pouvoirs publics sous forme de minima sociaux financés par des impôts, d'autre part, le fait qu'il ne faut pas opposer les générations entre elles, ce qui serait destructeur pour la société.