Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Réunion du 9 mars 2010 : 1ère réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • CFTC
  • pénibilité
  • âge

La réunion

Source

La mission a procédé à l'audition de Mme Pascale Coton, secrétaire générale adjointe, et de M. Patrick Poizat, secrétaire confédéral en charge des retraites, de la confédération française des travailleurs chrétiens (CFTC), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

Debut de section - Permalien
Pascale Coton

a d'abord réaffirmé la volonté de la CFTC de pérenniser les régimes de retraite par répartition ; la crise économique et financière a en effet clairement montré les limites d'un financement par capitalisation. Le système par répartition est le seul à tenir compte de la solidarité entre les générations et des droits non contributifs. Les produits de capitalisation ne peuvent se substituer à des dispositifs de retraite obligatoire ; ils doivent rester facultatifs car peu fiables.

Pour le secteur privé, la CFTC est attachée à une organisation duale avec une retraite de base, principalement assurée par la Cnav, et une retraite complémentaire gérée paritairement dans le cadre des régimes de l'association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et l'association des régimes de retraite complémentaire (Arrco). Ce système nécessite à l'évidence aujourd'hui une évolution de ses paramètres et notamment de ses voies de financement.

La CFTC n'est pas favorable à l'hypothèse d'une réforme systémique. Le passage à un système par points conduirait à une fusion des retraites de base et des retraites complémentaires ce qui risquerait de mettre en danger la pérennité des régimes de retraite complémentaire ; en outre, un tel mécanisme n'apporterait aucune visibilité supplémentaire. Le passage à un système en comptes notionnels, tel que celui adopté par la Suède, présente l'inconvénient majeur de faire fluctuer le niveau des pensions en fonction de l'état des comptes du régime de retraite, de l'économie ou de l'espérance de vie. Avec la crise, le gouvernement suédois a d'ailleurs dû mobiliser des ressources importantes pour limiter la baisse du niveau des pensions mais il disposait de réserves, ce qui n'est pas le cas en France où la CFTC rappelle qu'elle s'opposera à toute utilisation anticipée des avoirs du fonds de réserve des retraites (FRR). Enfin, comme l'indique le dernier rapport du conseil d'orientation des retraites (Cor), aucun de ces deux systèmes ne permet de rééquilibrer les comptes de la branche retraite, ce que recherche aujourd'hui le Gouvernement.

La CFTC rappelle qu'elle a pris acte de l'allongement de la durée d'assurance nécessaire pour bénéficier d'une pension de retraite à taux plein, fixée par la loi Fillon de 2003 à 162 trimestres aujourd'hui et 164 trimestres en 2012. En ce qui concerne l'âge de départ à la retraite, la CFTC revendique pour tous les salariés la possibilité du libre choix ; elle écarte toute évolution de l'âge minimum de liquidation de la pension et souhaite le maintien des deux âges pivots. Ainsi, ceux qui le souhaitent, notamment ceux qui remplissent les conditions de durée d'assurance, doivent pouvoir partir en retraite à soixante ans. Par ailleurs, il est important de maintenir l'âge de soixante-cinq ans pour un départ à la retraite quel que soit le nombre de trimestres cotisés ; cet âge représente une garantie sociale auquel tout assuré doit avoir droit sans abattement. En outre, il convient de prévoir des conditions spécifiques en lien avec la pénibilité du travail.

Cet attachement aux principes fondamentaux de la retraite nécessite une adaptation du financement des régimes. Celle-ci ne doit toutefois pas obérer les priorités que sont l'emploi et la revalorisation des salaires. La dynamique des recettes conditionne pour l'essentiel l'équilibre des régimes. A cet égard, la CFTC souhaiterait que soit effectuée une évaluation sérieuse des répercussions des exonérations de cotisations sociales sur l'emploi et que, en tout état de cause, l'ensemble des allégements de charges soit compensé, au centime près, par le budget de l'Etat.

Pour le régime de base, la CFTC estime que la piste la plus juste consisterait à prévoir une augmentation de la CSG appliquée à l'assiette la plus large possible englobant l'ensemble des revenus ; un accroissement d'un point de CSG produit 11,5 milliards d'euros de ressources supplémentaires. Une partie de cette hausse devrait être clairement destinée à la branche retraite. Pour les retraites complémentaires, il n'est pas envisageable d'augmenter le niveau de cotisation sans attribuer de points en contrepartie, c'est-à-dire en prévoyant une baisse du rendement ; il faudra donc que la hausse des cotisations soit partagée entre les entreprises et les salariés.

D'une façon plus générale, l'équilibre des régimes de retraite, qui est un investissement social de long terme et répond à un projet de société, doit reposer sur une juste répartition de la richesse produite ; or, depuis trente ans, le partage de la valeur se fait au bénéfice des actionnaires et au détriment des salariés. Le FRR représente un engagement vis-à-vis des générations futures ; il est important que soient définies les échéances auxquelles il sera utilisé et que soient pérennisées ses modalités d'abondement.

a ensuite insisté sur l'opposition de la CFTC à toute remise en cause du niveau des pensions de retraite. Le minimum vieillesse, qui doit correspondre aux besoins d'une vie décente, devrait être équivalent à 100 % du Smic pour toute personne ayant effectué une carrière à taux plein. Il est impératif que soit mis fin au déficit structurel du fonds de solidarité vieillesse (FSV) et qu'une réflexion sur l'adéquation entre ses recettes et ses charges soit menée.

En matière de pénibilité, la prévention primaire est une priorité absolue ; l'approche de cette question ne peut se faire exclusivement sous l'angle de l'âge de départ à la retraite, ce qui justifie qu'elle soit traitée en dehors du problème des retraites. La CFTC regrette l'irresponsabilité du patronat sur ce sujet. La prise en compte de la pénibilité suppose une correction de l'usure au travail, ce qui signifie que doivent être mises en place des actions de prévention primaire en lien avec l'itinéraire du salarié et en fonction de son parcours d'exposition aux risques. Lorsque la prévention échoue, un principe de réparation doit trouver à s'appliquer : pour les personnes qui ont exercé un métier particulièrement pénible et dont l'espérance de vie se trouve réduite par rapport à celle des autres, un accès anticipé à la retraite grâce à un mécanisme de bonification doit être organisé.

L'emploi des seniors est une priorité qui nécessite un véritable engagement des entreprises ; il conviendrait de former et sensibiliser les personnels de recrutement et les cadres à la plus-value humaine qu'apportent les seniors. Les jeunes sont, de leur côté, soumis à une double peine avec une entrée tardive sur le marché de l'emploi et un risque de sortie bien plus tardive encore, tout en subissant un système de carrières hachées. Il est donc primordial de lancer une grande mobilisation pour l'emploi en recherchant les solutions les plus adaptées face au développement du chômage, de la précarité et de la pauvreté. L'un des meilleurs moyens d'augmenter les recettes de la sécurité sociale reste encore d'augmenter le nombre des cotisants.

Le régime de retraite des agents de la fonction publique est lié au statut général de la fonction publique ; une harmonisation de ses règles sur celles du régime général aurait pour conséquence une remise en cause de ce statut. Comparer les deux systèmes, qui se sont construits de manière différente, n'a pas de sens. Néanmoins, il faut souligner que l'alignement du nombre d'annuités nécessaires au bénéfice d'une pension, soit quarante et un ans, sera effectif en 2012. Le mode de calcul des pensions n'est pas comparable dans la mesure où, dans le secteur public, les primes, qui peuvent représenter une part non négligeable du salaire de base, ne sont prises en compte pour le calcul de la pension qu'à hauteur de 20 %. Un fonctionnaire ne part pas en retraite avec 75 % de son salaire mais seulement à peine 60 % de celui-ci dès lors que l'on y inclut les primes. En outre, contrairement au secteur privé, il n'y a pas d'indemnité de départ à la retraite dans la fonction publique.

La CFTC estime que le débat sur les retraites ne doit pas être l'occasion de créer des tensions entre les assurés des différents régimes mais plutôt d'instaurer un véritable dialogue sur la solidarité nationale et la répartition des richesses. Les propositions de la CFTC s'appliquent d'ailleurs sans distinction à tous les régimes. Un sondage par Internet les a validées : 67 % des adhérents de la CFTC sont favorables à une augmentation de la CSG dès lors que celle-ci est destinée à la branche retraite ; 71 % souhaitent conserver les deux âges pivots de soixante et soixante-cinq ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

Ayant constaté que la CFTC écarte l'idée d'une réforme systémique, M. Dominique Leclerc, rapporteur, a souhaité savoir pourquoi, dans le cadre d'une réforme paramétrique, celle-ci ne retient qu'un seul paramètre : celui de l'assiette et du taux de cotisation. Or, la perspective du vieillissement de la population laisse entrevoir une augmentation des dépenses sociales notamment au titre de la maladie, du logement, de la dépendance ou du handicap ; est-il légitime de laisser peser le poids de ces dépenses sur les jeunes générations ? De même, la CFTC ne souhaite pas que la question de la pénibilité soit traitée dans le cadre de la réforme du système des retraites ; mais n'y a-t-il pas une contradiction avec la volonté de maintenir les régimes spéciaux ? Le FRR a été créé pour permettre un lissage des besoins des régimes de retraite à partir de 2020 mais il devait, à cette échéance, détenir 150 milliards d'euros de réserve, alors qu'il n'en compte que 30 milliards aujourd'hui ; par rapport aux enjeux, il ne pourra donc qu'apporter une solution très limitée. Si l'on se contente de faire évoluer quelques paramètres dans un premier temps, il parait indispensable de ne pas s'affranchir d'une réflexion plus large pour la suite ; en particulier, ne faut-il pas, d'ores et déjà, envisager certains rapprochements entre les régimes afin de développer plus de transparence et d'équité dans le système ?

Debut de section - Permalien
Pascale Coton

a déploré la désinformation des citoyens par la presse de même que l'opposition entretenue entre les salariés du secteur public et ceux du secteur privé. En effet, même dans les régimes spéciaux, les avantages ne sont pas ceux que l'on croit. Ainsi, à titre d'exemple, les salariés d'EDF cotisant à un taux supérieur à ceux des régimes de base ou de la fonction publique. Si l'on veut comparer les régimes, il faut effectuer une comparaison complète. Certes, les métiers pour lesquels les régimes spéciaux ont été créés ont évolué ; l'enquête menée par la CFTC auprès de ses adhérents montre que, dans ce cas précis, les salariés concernés sont prêts à travailler plus longtemps.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

est convenu du caractère absurde de certaines comparaisons. Toutefois, il existe de réelles différences, par exemple en matière d'avantages familiaux ou de la possibilité de partir en retraite après quinze ans de service dans la fonction publique sans décote, qui mériteraient d'être revues au nom de la transparence et de l'équité. La différence de taux de cotisation constatée entre l'institution de retraite complémentaire des agents non titulaires de l'Etat et des collectivités publiques (Ircantec) et l'Agirc-Arrco fait actuellement l'objet de réactions très vives que l'on peut comprendre.

Debut de section - Permalien
Patrick Poizat, secrétaire confédéral en charge des retraites

a estimé que beaucoup de désinformation entoure cette dernière question. L'article 8 de la récente loi sur la Poste a prévu une négociation qui est en cours entre, d'un côté, l'Ircantec, de l'autre, l'Agirc-Arrco, et qui devra aboutir avant le mois de juin. Les sommes en jeu sont naturellement impressionnantes mais elles seront mises en jeu sur une durée très longue. Le FRR n'est pas aujourd'hui dans la situation imaginée au moment de sa mise en place et c'est bien ce que la CFTC critique car ce fonds devait permettre de lisser les besoins des régimes de retraite à partir de 2020 et assurer un équilibre intergénérationnel dont tout le monde souligne l'importance aujourd'hui. Un système en comptes notionnels introduirait d'ailleurs aussi une différence non souhaitable entre les générations. Une étude détaillée de l'Insee sur les évolutions démographiques, attendue pour la fin de l'année, permettra d'approfondir cette question.

La CFTC est également très attachée à la question de l'équité intragénérationnelle afin de prendre en compte les différences d'espérance de vie constatées entre les salariés d'une même génération selon les métiers exercés. Cette question devra faire partie de la concertation qui sera engagée à partir de la fin du mois d'avril et des moyens financiers devront y être consacrés. Face à la crise, les régimes sociaux ont fait preuve de leur efficacité et de leur rôle d'amortisseur. Il est donc impératif de trouver les solutions pour maintenir ces régimes et un socle de garantie sociale, parties intégrantes du pacte de la Nation. Il est dommage que les négociations sur la pénibilité et le dialogue entre les entreprises et les organisations syndicales n'aient pas abouti. Il s'agit, au-delà même de la question du financement, de faire face à des situations sociales parfois lourdes en matière de handicap, de maladie ou même de dépendance.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

a fait valoir que le principal objectif de la prise en compte de la pénibilité est d'apporter une solution aux inégalités constatées à l'arrivée de l'âge de la retraite. L'existence de nombreux régimes contribue à entretenir une réelle illisibilité du fonctionnement des régimes de retraite : ne doit-on pas envisager, à terme, un rapprochement entre ces régimes et la manière d'y procéder ? Enfin, elle a souhaité savoir ce que recouvre la proposition d'élargissement de l'assiette des cotisations.

Debut de section - Permalien
Patrick Poizat, secrétaire confédéral en charge des retraites

a fait observer qu'une rationalisation des différents régimes est déjà intervenue avec la fermeture de plus de six cent quarante régimes et le regroupement de vingt et un régimes de base dans le Gip Info Retraite. Ce mécanisme d'information sur les droits accumulés, mis en place par la réforme de 2003, est important et utile ; il est complété par le relevé annuel de points que fournissent l'Agirc et l'Arrco sur Internet.

Debut de section - Permalien
Pascale Coton

a indiqué que l'élargissement proposé de l'assiette des cotisations vise les plans d'option d'achat d'actions, les retraites chapeau ou encore l'intéressement. Le sondage effectué par la CFTC a montré qu'une majorité de ses adhérents est favorable à une cotisation sociale sur les sommes versées au titre de l'intéressement. Il en est de même pour l'augmentation de la CSG dès lors que celle-ci est affectée à la retraite. Ces propositions ont le mérite de ne pas faire de différence entre les secteurs public et privé.

Debut de section - Permalien
Patrick Poizat, secrétaire confédéral en charge des retraites

a précisé que l'appréciation favorable donnée à une augmentation de la CSG est liée à la condition que cette hausse soit utilisée pour garantir l'équilibre et le niveau des retraites ; en revanche, les adhérents ont montré leur hostilité à la création d'une taxe nouvelle et spécifique.

Debut de section - Permalien
Pascale Coton

a ajouté qu'une grande majorité des sondés sait à quel âge elle pourra partir en retraite. La faculté de prendre sa retraite après quinze ans de service dans la fonction publique n'est pas générale, elle est limitée aux femmes qui ont élevé trois enfants et dont l'un au moins a moins de neuf ans. En outre, dans le secteur public, seuls les trimestres effectivement cotisés sont pris en compte.

Debut de section - Permalien
Patrick Poizat, secrétaire confédéral en charge des retraites

a estimé que le mécanisme de la surcote se met en place progressivement ; actuellement, 13 % des salariés prennent leur retraite avec le bénéfice d'une surcote, ce qui correspond à une évolution librement consentie. Cependant, on note aussi que seuls 38 % des personnes qui partent en retraite sont effectivement en emploi à cette date.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

a souhaité savoir en quoi la fusion des régimes de base et complémentaires, par exemple dans le cadre d'un système par points, constitue un risque pour le paritarisme.

Debut de section - Permalien
Patrick Poizat, secrétaire confédéral en charge des retraites

a rappelé la volonté de la CFTC du maintien d'une organisation duale des systèmes de retraite. Son inquiétude provient des déclarations de certains partenaires sociaux qui voudraient mettre en place un grand système unifié des retraites. L'expérience de la gestion paritaire de l'Agirc-Arrco a montré que, depuis 1947, chaque fois que cela a été nécessaire et encore récemment pour faire face à la crise économique, les paramètres ont été modifiés par la négociation pour maintenir l'équilibre du système. La gestion paritaire a du sens et le passé de la CFTC en a fait la preuve.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a demandé si les simulations éventuellement faites pour mesurer l'impact des propositions avancées permettaient d'espérer un équilibre financier à terme du système de retraite afin de garantir sa pérennité.

Debut de section - Permalien
Patrick Poizat, secrétaire confédéral en charge des retraites

a souligné que le rapport du Cor, qui sera rendu public le 14 avril, devrait permettre ces évaluations grâce à une actualisation des différents paramètres en jeu. Les partenaires sociaux sont d'accord pour mettre un terme à la baisse du rendement des pensions, notamment pour sauvegarder la crédibilité des régimes. Ce seront donc les autres critères, parmi lesquels la hausse des cotisations, qui seront mis à l'étude. La légitimité des travaux du Cor, effectués en lien avec la Cnav, l'Insee ou encore l'Agirc-Arrco, est reconnue par tous. En effet, il est essentiel que les bases de calcul et les critères retenus soient identiques pour permettre de mesurer les évolutions et de faire les choix qui s'imposent.

Debut de section - Permalien
Mm. Bernard Devy, et Mathias Riboh, conseiller technique de Force ouvrière (FO)

Puis la mission a procédé à l'audition de MM. Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur Retraites, et Mathias Riboh, conseiller technique de Force ouvrière (FO), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

Debut de section - Permalien
Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur Retraites

a tout d'abord relevé que les réformes se succèdent depuis 1993. Les régimes de retraite sont soumis à la conjoncture économique et aux évolutions démographiques et ont besoin d'être pilotés. Le nombre de retraites versées a considérablement augmenté au cours des dernières décennies et les pensions, servies à des personnes qui ont eu des carrières pleines, se situent souvent à un niveau assez élevé. Dans le même temps, les retraités sont remplacés par des salariés dont les revenus sont plus faibles. Il en résulte une forte baisse du niveau des cotisations, sans même prendre en considération la récente crise économique. L'essentiel pour l'avenir du système de retraite est de savoir sur quelle masse salariale il sera possible de compter. A cet égard, il convient de rappeler que 1 % d'augmentation de la masse salariale dans le secteur privé entraîne 660 millions d'euros de cotisations supplémentaires.

FO, qui a été à l'origine de l'édifice construit à partir des années 1950 en matière de retraite, est attachée au système par répartition composé d'un régime de base et de régimes complémentaires, qui a permis d'élever le niveau de vie des retraités.

Depuis quelques mois, on tente de dresser les salariés les uns contre les autres en mettant en avant les inégalités qui résultent des différents régimes. Mais le système de retraite reflète la réalité de la vie professionnelle et n'est pas là pour remédier à des inégalités qui ne lui sont pas dues. Une telle logique de réduction des inégalités par le biais des retraites conduirait à la limite à vouloir faire travailler les femmes plus longtemps, au motif que leur espérance de vie est plus élevée que celle des hommes... En ce qui concerne les différences public-privé, l'application à un postier des règles de prise en compte des vingt-cinq meilleures années pour le calcul de la pension conduirait à une diminution de 25 % du montant de sa retraite.

Le système de retraite permet déjà de corriger certaines inégalités de la vie professionnelle. Ainsi, les majorations de durée d'assurance pour les femmes ayant élevé des enfants sont parfaitement justifiées au regard des inégalités entre hommes et femmes en termes de carrière. Le fonds de solidarité vieillesse (FSV), qui doit permettre de financer une grande partie de ces avantages non contributifs et qui joue en conséquence un rôle d'amortisseur en cas de crise, a vu ses ressources provenant de la contribution sociale généralisée (CSG) amputées au cours des dernières années et enregistre en conséquence un déficit de plus de 4,5 milliards d'euros.

L'objectif essentiel d'un système de retraite est d'assurer à chacun, au moment du départ, un revenu de substitution permettant de disposer d'une autonomie financière. Aujourd'hui, un million de retraités vivent en dessous du seuil de pauvreté. FO est favorable à une augmentation du minimum vieillesse et à une révision des conditions d'attribution du minimum contributif.

En ce qui concerne la mise en oeuvre d'un régime universel de retraite, celle-ci apparaît largement utopique, surtout au regard du calendrier des négociations prévu pour la réforme de 2010. La France compte aujourd'hui trente-huit régimes, mais beaucoup de progrès ont été effectués dans la voie de l'harmonisation. Le seul paramètre qui n'a pas donné lieu à un rapprochement est celui du rendement des différents régimes. En 2003, FO a fait des propositions destinées à simplifier la situation des polypensionnés et de telles mesures restent d'actualité. Ainsi, lorsqu'une personne passe du régime général au régime agricole, il serait plus simple de faire liquider la pension par la dernière caisse plutôt que de procéder à une double liquidation dans chaque caisse. Le système des comptes notionnels, mis en place en Suède, revêt un caractère fortement contributif et individuel qui remet en cause les solidarités. La mise en place d'un tel régime impliquerait un changement complet du financement des mécanismes non contributifs, qui sont particulièrement importants alors que les carrières sont désormais accidentées et que les salariés ne sont souvent plus en activité lorsqu'ils atteignent l'âge de la retraite.

La comparaison entre secteur privé et secteur public en matière de retraite est dénuée de fondement. En effet, dans le secteur privé, l'amélioration de l'équilibre financier du système implique l'existence du plus grand nombre d'actifs possible. Dans le secteur public, au contraire, il vaut mieux avoir le moins de fonctionnaires possible pour limiter les coûts.

Aujourd'hui, la question qui se pose est celle du financement du système. Le Gouvernement veut montrer aux institutions européennes qu'il se préoccupe de l'équilibre de ses comptes publics. Ce problème de financement serait moins aigu s'il avait été possible de transférer des cotisations de l'assurance chômage vers l'assurance vieillesse, comme cela avait été prévu en 2003. Ces difficultés de financement justifient que certains sujets soient examinés attentivement. Actuellement, la Cnav verse 4,9 milliards d'euros au titre de la compensation entre régimes, dont 2,2 milliards au bénéfice du régime agricole. Cette compensation est-elle entièrement justifiée ? Les exonérations de charges sociales représentent environ 33 milliards d'euros, dont 10 % ne sont pas compensées. Le FSV a été privé d'une partie des ressources qui lui étaient affectées. La taxation des bénéfices non réinvestis pourrait apporter des sommes importantes. Enfin, l'équilibre du système dépend évidemment de la capacité de la France à retrouver le chemin de la croissance et de l'emploi.

Parmi les modifications paramétriques envisagées à l'occasion du rendez-vous 2010 figurent l'allongement de la durée de cotisation et le recul de l'âge minimal de départ. La durée de cotisation a déjà été fortement étendue alors que, dans le même temps, l'entrée dans la vie active n'a cessé d'être retardée. Ainsi, la génération née en 1970 compte sept trimestres de cotisations en moins à trente ans que la génération née en 1950 alors qu'on lui demande de cotiser onze trimestres de plus. La durée moyenne d'activité est actuellement de trente-huit ans. L'augmentation de la durée de cotisation n'est donc pas sans limites. Quant à l'âge minimal de départ, fixé à soixante ans, il s'agit d'un droit qu'il convient de ne pas remettre en cause, l'âge légal de départ avec le bénéfice du taux plein demeurant fixé à soixante-cinq ans.

Dans le système allemand, souvent mis en avant pour justifier l'augmentation de l'âge minimal de départ, les paramètres se combinent différemment. Les salariés peuvent partir à n'importe quel âge à condition d'avoir cotisé pendant quarante-cinq ans. Ils peuvent bénéficier d'une retraite à taux plein à soixante-cinq ans s'ils ont cotisé pendant trente-cinq ans.

Le recul de l'âge minimal de départ en France est d'autant moins justifié qu'avec la baisse du chômage, il est probable que de nombreux salariés vont finir leur carrière en incapacité de travail ou en retraite anticipée.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

a observé que la remise en cause des compensations entre régimes, la compensation des exonérations de charges ou un hypothétique retour de la croissance ne seront sans doute pas suffisants pour équilibrer de manière pérenne le système de retraite. Il s'est interrogé sur l'intérêt de mettre en place un système universel par points.

Debut de section - Permalien
Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur Retraites

a estimé que le problème de financement des retraites n'est pas aussi catastrophique qu'on le dit parfois. En 1960, les retraites représentaient 5,4 % du Pib, qui s'élevait alors à 372 milliards d'euros. Aujourd'hui, les retraites représentent 13,1 % du Pib mais celui-ci atteint 1 650 milliards d'euros. Le régime par points est déjà connu dans les régimes complémentaires qui ont permis aux partenaires sociaux de créer un deuxième pilier de retraite par répartition. Ces régimes sont sans doute le dernier lieu où est pratiqué un véritable paritarisme dans le cadre d'une autonomie de négociation et de gestion. Les partenaires sociaux ont géré ces régimes de manière responsable en trouvant les solutions pour faire face aux difficultés financières : augmentation des cotisations, appel de cotisations non créatrices de droits, diminution des taux de rendement... Toutes les mesures prises depuis 1993 ont contribué à faire baisser le niveau des retraites et la France est le seul pays en Europe où est pratiquée une revalorisation des pensions indexée sur les prix. Le passage à un régime par points généralisé et appliqué à la retraite de base ferait disparaître les mécanismes non contributifs puisque le nombre de points est exclusivement lié aux cotisations payées. Ceci dit, un système par points pourrait sans doute davantage faire l'objet de mesures de pilotage qu'un régime de comptes notionnels. Il existe cependant un risque de fragilisation de la répartition dans un contexte où l'on sent monter un ressentiment des jeunes générations à l'encontre des retraités.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

a demandé si une augmentation des cotisations ou de la CSG constituerait une piste envisageable pour faire face au problème de financement actuel. La création d'un régime universel, utopique à brève échéance, présenterait-elle une utilité et serait-elle possible à long terme afin d'améliorer la lisibilité du système pour éviter de dresser les citoyens les uns contre les autres ? Par ailleurs, comment prendre en compte la pénibilité, c'est-à-dire l'inégalité pendant l'activité professionnelle ? Les solutions en ce domaine relèvent-elles de la responsabilité individuelle ou de la responsabilité collective ?

Debut de section - Permalien
Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur Retraites

a indiqué que FO n'est pas opposée à l'augmentation des cotisations. Dès lors que l'assurance maladie a un caractère universel plus affirmé que la retraite, il conviendrait peut-être de transférer un point de cotisation de la branche maladie vers la branche vieillesse, soit 4,1 milliards d'euros, tout en augmentant d'un point la CSG, ce qui représente environ 11 milliards d'euros. Cette hausse de CSG, qui devrait s'accompagner d'une nouvelle architecture de cette contribution pour qu'elle repose plus qu'actuellement sur les revenus du capital, pourrait permettre à la fois de compenser la perte de cotisations subie par l'assurance maladie, de restituer au FSV ses recettes perdues et de consacrer 3 milliards d'euros à la dépendance.

La mise en place d'un régime universel supposerait de remettre en cause les mécanismes non contributifs existant aujourd'hui. Ainsi, les majorations de durées d'assurance accordées aux femmes ne sont pas destinées à augmenter leur pension mais à leur permettre de partir plus tôt. Dans un système de comptes notionnels, cette majoration serait transformée en cotisations et ne permettrait pas forcément aux femmes de partir plus tôt, le niveau de la pension étant lié à l'espérance de vie de chaque génération. En voulant simplifier le système actuel, on risque de recréer d'autres inégalités et complexités. Le système suédois, très souple dans ses paramètres, a montré ses limites lorsqu'est apparue la crise économique.

La pénibilité ne doit pas être traitée en même temps que la réforme des retraites, le risque étant d'aboutir à un recul de l'âge légal de départ à la retraite, le départ à soixante ans ne demeurant possible que pour les salariés ayant exercé des métiers pénibles.

Le traitement de la pénibilité passe d'abord par une amélioration des conditions de travail et de l'organisation de celui-ci, prenant en compte non seulement la pénibilité physique mais aussi le stress et les risques psychosociaux. La prise en compte de la pénibilité doit se faire à la fois au niveau des métiers et des postes de travail. Elle passe par un renforcement des comités d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT), l'intervention de médecins et d'ergonomes, l'amélioration des conditions d'exercice des fins de carrière, notamment par un développement des temps partiels. En ce qui concerne la réparation de la pénibilité qui n'aura pu être évitée, une cotisation d'un montant très faible, par exemple 0,1 %, pourrait être prélevée sur l'ensemble des activités, afin de permettre le départ anticipé des personnes ayant exercé dans certains postes ou métiers. Le traitement purement individuel de cette question aboutirait en fait à diriger les personnes ayant exercé des métiers pénibles vers un régime d'invalidité financé par l'assurance maladie dans l'attente de l'arrivée à l'âge de la retraite. Il serait souhaitable que les partenaires sociaux puissent de nouveau négocier pendant une courte période sur ce sujet. De nombreux points d'accord ont en effet été dégagés, les négociations achoppant sur le financement des mesures de compensation de la pénibilité. En tout état de cause, cette question ne peut être traitée exclusivement en lien avec les retraites.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

a souhaité savoir si un régime par points permettrait de préserver les mécanismes non contributifs actuellement en vigueur. A propos d'un éventuel transfert des cotisations de la branche maladie à la branche vieillesse, il a observé que, dans les années 1950, 95 % des prestations de maladie étaient financées par des cotisations sociales et que ce taux n'est plus que de 60 %.

Debut de section - Permalien
Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur Retraites

a souligné qu'il est possible de prendre en compte des mécanismes non contributifs dans un régime par points. Les régimes Agirc-Arrco retiennent ainsi les compléments familiaux dans la valeur d'achat et la valeur de service du point. Néanmoins, si le régime par points devait être généralisé, il conviendrait de prévoir explicitement les modalités de financement des dispositifs de solidarité.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a souhaité savoir quelles ressources permettraient de financer les régimes en déficit démographique dans l'hypothèse d'une remise en cause des compensations entre régimes. Il a demandé à connaître le taux de croissance à atteindre pour assurer l'équilibre financier du système.

Debut de section - Permalien
Bernard Devy, secrétaire confédéral en charge du secteur Retraites

a rappelé qu'un taux de croissance supérieur à 1,5 % permet de créer de l'emploi. Le Cor actualisera prochainement ses projections, sur la base des prévisions du ministère de l'économie et des finances auxquelles il apporte des correctifs entendant éviter à la fois d'être trop optimiste ou de désespérer la population. A cet égard, le Medef a récemment proposé que l'hypothèse fondant les prévisions du Cor soit celle d'un taux de progression de la productivité de seulement 1,2 %, alors qu'était envisagé un taux de 1,5 %, pourtant déjà faible. Un tel niveau de croissance de la productivité signifierait la fin de l'industrialisation de la France et sa transformation en une société de services. En tout état de cause, les projections du Cor seront forcément inquiétantes, même en faisant la part des éléments structurels et des facteurs conjoncturels.

En ce qui concerne la compensation entre régimes, il devient difficile de ne pas la mettre en avant. Le soutien à l'agriculture, qui compte aujourd'hui 600 000 exploitants contre trois millions autrefois, est justifié mais l'Etat doit nécessairement assumer une responsabilité face à une telle situation.

La mission a enfin procédé à l'audition de Mme Danièle Karniewicz, secrétaire nationale en charge de la protection sociale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, secrétaire nationale en charge de la protection sociale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

a rappelé tout d'abord l'attachement des Français à leur système de protection sociale, qui est particulièrement développé par rapport aux autres pays. De ce point de vue, si une réforme systémique permettait éventuellement de répondre aux questions de l'égalité de traitement, notamment en termes d'effort, et de la répartition entre la solidarité et la contributivité, elle ne résoudrait pas le problème majeur : celui du financement. Reporter les décisions sur ce sujet serait néfaste. Qui plus est, un changement de système serait difficile et long, alors même que la population, notamment les classes moyennes, ont des attentes fortes en termes de charge d'impôts et de contributions sociales.

La complexité des régimes actuels correspond à des situations et à une histoire elles-mêmes complexes et il est possible d'en améliorer la lisibilité par des moyens simples, dans le cadre existant. Surtout, les Français sont d'abord attachés au niveau de leur retraite ; outre qu'un système en comptes notionnels ou par points se révèle en fait moins protecteur et moins transparent, une telle réforme reviendrait au fond à baisser le niveau des pensions. De plus, ce changement est porteur de risques, quant au pilotage ou à la gouvernance, notamment pour y définir les places respectives des partenaires sociaux et de l'Etat.

En fait, l'urgence réside dans la nécessité de faire face au déséquilibre financier et au déficit démographique. La connaissance par chacun de son niveau de vie à la retraite et du rapport entre sa pension et son dernier salaire d'activité est devenue faible, voire inexistante ; de plus, l'affichage d'un taux moyen de remplacement n'a plus de réalité concrète tant les écarts sont importants. C'est pourquoi il faudrait aller vers la fixation d'un niveau minimum de prestations, notamment dans le secteur privé.

Par ailleurs, trois paramètres entrent en ligne de compte pour toute évolution du système : le niveau des retraites, celui des cotisations et la durée d'activité. Il ne serait ni juste ni légitime d'utiliser le premier de ces leviers, qu'il est au contraire nécessaire de préserver. En ce qui concerne les cotisations, il était envisagé un transfert entre celles destinées à l'assurance chômage et celles pour la vieillesse, ce qui n'est plus possible aujourd'hui en raison du contexte économique. De plus, les salaires ne peuvent plus être utilisés comme seule source de financement de la protection sociale car ils sont progressivement dépréciés et nivelés par le bas, ce qui réduit l'assiette d'autant. Enfin, on ne peut pas exclure a priori une augmentation, légère, du taux de cotisation. En ce qui concerne la durée d'activité, on constate qu'elle a plutôt tendance à diminuer, tant à l'entrée dans la vie active qu'à sa sortie, alors même que le temps passé en retraite augmente. De plus, l'amélioration de la productivité ne peut plus être suffisante pour améliorer seule le financement du système.

Parmi les deux moyens d'action liés à la durée d'activité, à savoir le nombre des annuités de cotisation et l'âge de départ à la retraite, Mme Danièle Karniewicz a privilégié celui de l'âge, qui permet de ne pas opposer les parcours professionnels des assurés et qui produit l'action la plus forte sur les équilibres financiers. Pour autant, le système doit mieux prendre en compte les périodes d'études dans le calcul de la retraite ; à cet égard, le dispositif actuel de rachat d'années n'est pas une solution judicieuse, car il coûte trop cher aux personnes qui le choisissent. Enfin, on constate aujourd'hui des différences importantes et non justifiées dans la prise en compte de certaines périodes d'activité, par exemple entre l'apprentissage chez un artisan et celui en lycée professionnel.

En conclusion, l'évolution du système des retraites demandera un effort colossal de pédagogie, prenant en compte, d'une part, le fait que sa remise en cause nécessiterait de toute façon l'intervention des pouvoirs publics sous forme de minima sociaux financés par des impôts, d'autre part, le fait qu'il ne faut pas opposer les générations entre elles, ce qui serait destructeur pour la société.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

a souhaité connaître la position de la CFE-CGC sur l'introduction d'une dose d'épargne retraite dans le socle obligatoire des régimes et sur les retraites « chapeau ».

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, secrétaire nationale en charge de la protection sociale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

a estimé que les réformes tendant à une individualisation du système des retraites sont souvent présentées de manière tronquée, car on laisse entendre que les systèmes par répartition ne savent pas faire face aux évolutions démographiques. Or, la capitalisation ne fait pas mieux ; elle ajoute même des risques supplémentaires en termes de taux de rendement, en raison des incertitudes sur les placements financiers. De plus, la puissance publique abdiquerait dans ce cas ses responsabilités, ce qui ne serait pas acceptable pour les jeunes. L'introduction de la capitalisation dans le régime obligatoire de base ne répondrait pas non plus aux besoins ; elle répondrait éventuellement à des objectifs économiques, par exemple de développement des marchés des actions, mais les citoyens sont mieux protégés dans un système par répartition. En outre, les frais de gestion d'un régime par capitalisation sont, dans les faits, plus élevés. Si des compléments de retraite sont fréquemment apportés individuellement, par exemple par l'investissement immobilier lors de la vie active, il est important de définir collectivement un socle de répartition à un niveau élevé. En ce qui concerne les retraites « chapeau », qui sont en réalité en train de disparaître en raison de leur coût pour les entreprises, elles posent simplement le problème de la différence entre les systèmes à prestations et à cotisations définies.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

a interrogé Danièle Karniewicz sur les modalités d'évolution de l'âge de départ en retraite et sur l'idée d'uniformiser les régimes. En outre, elle s'est demandé si la pénibilité du travail devait être intégrée à la réforme des retraites ou traitée à part.

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, secrétaire nationale en charge de la protection sociale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

a considéré que l'âge auquel on peut partir avec un taux plein de liquidation est d'ores et déjà supérieur à soixante ans, ce qui rend cette référence virtuelle. En conséquence, il faut agir sur l'âge de départ et stabiliser le nombre d'annuités nécessaires, d'autant plus que ce dernier moyen d'action pénaliserait à la fois les femmes et les personnes qui ont étudié. D'ailleurs, l'idée d'une « retraite à la carte » est bien inscrite dans la réforme de 2003.

Ensuite, aucun pays n'a intégré la pénibilité dans son système de retraite et cette question relève des conditions de travail et de la santé au travail, donc de l'entreprise, et non des régimes vieillesse. Pour autant, l'augmentation de l'âge auquel il est possible d'obtenir une liquidation des pensions à taux plein a une conséquence sur le débat relatif à la pénibilité et il serait, par exemple, nécessaire de renforcer la qualité des visites médicales pour permettre des changements de poste ou des classements en invalidité, mais la question relève alors soit de la gestion des ressources humaines au sein de l'entreprise, soit des régimes d'invalidité. En outre, il n'existe pas aujourd'hui de suivi, tout au long de la vie, du parcours professionnel, un curriculum laboris n'étant pas encore disponible. Enfin, la question du financement reste pendante, notamment la répartition entre ce qui est à la charge de la collectivité et ce qui est à la charge des entreprises.

L'uniformisation des régimes semble difficile à réaliser. Autant l'amélioration de la lisibilité du système, la garantie du niveau des pensions et la convergence entre les taux d'effort et de rendement sont importantes, autant cette uniformisation est peu utile dans les faits.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Gournac

a rappelé que le marché du travail français est caractérisé par des difficultés importantes à l'entrée et à la sortie de la vie active. Le faible taux d'emploi des seniors révèle une divergence entre la date officielle et la date réelle de la cessation d'activité. A cet égard, quelle est la position des autres organisations syndicales sur l'idée de repousser l'âge de départ à la retraite ?

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, secrétaire nationale en charge de la protection sociale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

a relevé que les modèles développés par le Conseil d'orientation des retraites (Cor) montrent que le paramètre de l'âge est le plus efficace. D'ailleurs, tous les autres pays ont utilisé ce levier : par exemple, alors que leur système est à l'équilibre avec un âge de départ à soixante-cinq ans, les Allemands ont choisi de le porter progressivement à soixante-sept pour mieux préparer l'avenir. En décalant l'âge de départ à la retraite, on repousse aussi naturellement l'âge de cessation effective de l'activité. D'ailleurs, dans les comparaisons européennes, la France est mal placée pour le travail des seniors car la classe d'âge utilisée par les statistiques est celle des cinquante-cinq à soixante-quatre ans.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Leclerc

a alors cité l'exemple de la Finlande qui a connu ce mouvement naturel de décalage de la cessation d'activité à la suite de la décision d'augmenter l'âge du départ à la retraite.

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, secrétaire nationale en charge de la protection sociale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

a cependant estimé que ce changement de comportements doit être accompagné de mesures sur le mal-être au travail, car se pose un véritable problème de valorisation du travail des seniors.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

a évoqué les études longues, qui pourraient être prises en compte par les régimes d'assurance vieillesse. Un dispositif de bonification, pris en charge par l'entreprise et par l'Etat au titre du bénéfice que tire la collectivité de la présence d'actifs formés, pourrait être envisagé et les employés pourraient éventuellement y contribuer. Une telle mesure permettrait à la fois d'augmenter dès à présent les cotisations au bénéfice des régimes et d'accorder aux personnes concernées la possibilité d'atteindre en fin de carrière le nombre d'annuités nécessaires.

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, secrétaire nationale en charge de la protection sociale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

a considéré que la solidarité nationale peut, dans certaines conditions, prendre en compte cet élément, mais l'augmentation de l'âge de départ à la retraite est plus juste. Par ailleurs, alors que les stages sont de plus en plus importants dans les cursus universitaires, ils restent mal rémunérés et ne sont pas pris en compte comme trimestres de cotisation ; cette injustice devrait être corrigée. De plus, la possibilité pourrait être offerte aux étudiants de commencer à cotiser pour leur retraite, ce qui serait moins douloureux financièrement pour eux que le rachat d'années d'études.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a souhaité obtenir des précisions sur l'âge exact auquel il faudrait fixer le départ à la retraite pour assurer le financement du système. En Allemagne, une réforme comprenant un système de retraite complémentaire par capitalisation a été adoptée pour compenser la baisse prévisible du taux de remplacement dans le régime de base : que penser de cette mesure ? Par ailleurs, si le régime par répartition est plus protecteur que celui par capitalisation, quel est le niveau de prélèvements obligatoires compatible avec une économie mondialisée ? Enfin, les positions de certains syndicats sur les calendriers respectifs des travaux relatifs à la pénibilité et à la réforme des retraites semblent parfois différentes entre ce qui paraît dans la presse et ce qui ressort des auditions, conduisant à s'interroger sur ce que souhaitent au fond les organisations syndicales.

Debut de section - Permalien
Danièle Karniewicz, secrétaire nationale en charge de la protection sociale de la Confédération française de l'encadrement - Confédération générale des cadres (CFE-CGC)

a estimé difficile, avant même le début des négociations, de dévoiler d'ores et déjà des objectifs en termes d'âge de départ à la retraite. L'abaque du Cor fournit des données chiffrées assez précises : par exemple, reculer l'âge d'un an permet tout de suite de dégager deux milliards d'euros. De plus, dans un système comme celui des retraites, une mesure produit d'autant plus d'effets qu'elle s'applique rapidement. Pour autant, la démographie n'est jamais linéaire ; elle évolue, si bien que les réformes doivent avoir un objectif très progressif et sur le long terme, c'est-à-dire une période de vingt ou trente ans. Cet affichage de longue durée permettrait en outre de rassurer les Français.

La réforme allemande présente, certes, une belle façade, mais le système mis en place revient à tenter de compenser par la capitalisation un abandon partiel de la répartition, alors même que cette dernière est un système plus juste et plus efficace. Cette réforme, comme d'autres, aboutit finalement à diminuer le taux de remplacement et le niveau des pensions, ce que la CFE-CGC refuse. Les paramètres employés dans certains systèmes s'ajustent de manière automatique, ce qui peut avoir de sérieuses conséquences pour certaines catégories de la population.

Si le niveau des prélèvements obligatoires ne présente, en effet, guère de marges de manoeuvre aujourd'hui, la question du choix entre la solidarité collective et la prise en charge individuelle reste entière. De ce point de vue, la lisibilité du système actuel est insuffisante : la compensation entre régimes ne ressort pas toujours de la solidarité et la politique familiale s'appuie sur des modèles anciens, qui posent clairement des difficultés en s'appliquant dans des enveloppes constantes.

Enfin, Mme Danièle Karniewicz a estimé que la pénibilité et les retraites sont deux sujets distincts.

Debut de section - PermalienPhoto de Christiane Demontès

Alors que Mme Christiane Demontès, rapporteure, soulignait que cette position se retrouve dans de nombreuses auditions, Mme Danièle Karniewicz a mis en garde contre les mécanismes liés à tort aux retraites, par exemple celui des carrières longues.