a d'abord indiqué que la CGT aurait souhaité qu'un bilan soit fait des précédentes réformes : en effet, la réforme Balladur de 1993 a eu un impact important et néfaste avec une baisse du niveau des pensions d'environ 20 % ; la réforme Fillon de 2003 l'a encore amplifiée et il aurait été utile d'en tirer les conséquences. En outre, comme l'avait indiqué en son temps la CGT, ces deux réformes n'ont pas permis de régler le problème du financement des régimes de retraite pour lesquels on prévoit un déficit de dix milliards d'euros en 2010. Dans son discours du mois de juin 2009, le Président de la République a annoncé le rendez-vous de 2010 en mentionnant trois éléments, l'âge légal de la retraite, la durée de cotisation et la pénibilité du travail, mais en oubliant la question du financement ; or, celle-ci est le point clé de la réforme. La loi de 2003 avait prévu un rendez-vous sur les retraites en 2012 : la CGT ne souhaitait pas l'avancer contrairement aux autres partenaires sociaux qui ont demandé son anticipation à la suite de la réforme des régimes complémentaires de 2009.
Selon la CGT, trois défis doivent aujourd'hui être relevés. Le premier est celui de la paupérisation programmée des retraités. En calculant les pensions par référence aux vingt-cinq et non plus aux dix meilleures années et en les indexant sur la hausse des prix au lieu de celle des salaires, on a provoqué une baisse de leur niveau de 20 %. Certes, aujourd'hui, il est affirmé que l'on ne touchera pas à ce niveau mais la question est en fait de redresser celui-ci, surtout si l'on tient compte du fait que 15 % des retraités font actuellement appel à l'aide alimentaire.
Le deuxième défi est celui de la perte de confiance des jeunes, comme en témoigne un certain nombre de sondages. La pérennité du régime de retraite par répartition est donc posée et pourtant, là encore, son principe a été clairement défendu par le Président de la République. Pour les jeunes, la question essentielle est de connaître l'âge auquel ils pourront partir à la retraite et avec quel niveau de pension.
Le troisième défi est celui du « chacun pour soi ». La CGT est très attachée au système solidaire ; le recours à d'autres mécanismes reviendrait à mettre en péril le système actuel.
Dans le cadre du rendez-vous de 2010, conformément aux annonces, deux éléments devraient être au centre du débat : l'âge légal de soixante ans et la durée de cotisation. Le dernier congrès de la CGT a clairement réaffirmé son attachement au maintien de l'âge légal de soixante ans. En effet, de moins en moins de salariés arrivent à l'âge de la retraite avec une carrière pleine et l'âge de cessation d'activité moyen de cinquante-huit ans et neuf mois n'a pas évolué depuis la loi Fillon. Par ailleurs, trois mesures récentes prises en direction des seniors rendraient la situation plus difficile si l'on reculait l'âge de soixante ans : la suppression progressive, avant 2012, de la dispense de recherche d'emploi (DRE) qui posera un problème pour 400 000 demandeurs d'emploi ; l'obligation d'accepter une offre raisonnable d'emploi (ORE) qui pourra contraindre des seniors à reprendre un travail dans des conditions inférieures à leur dernier emploi dans un contexte de marché du travail très difficile ; la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER) laquelle, si elle a été exceptionnellement maintenue en 2009 et 2010, sera problématique pour les salariés qui ont le nombre d'annuités nécessaires à la liquidation d'une pension mais n'ont pas encore atteint l'âge légal de départ en retraite. Ces questions sont à mettre en lien avec le débat actuel sur les personnes en fin de droits ; celles-ci sont estimées à un million dont 400 000 ne devraient bénéficier d'aucune allocation. Au total, la CGT est favorable à ce que le salarié ait le choix de pouvoir faire valoir ses droits à soixante ans ou après.
L'augmentation de la durée de cotisation aurait aussi pour effet de reculer l'âge de départ en retraite. En effet, la situation du marché de l'emploi est compliquée : les jeunes entrent plus tardivement sur le marché du travail, vers vingt-trois/vingt-quatre ans, et ont un emploi véritablement stable entre vingt-sept et trente ans ; s'y ajoutent les carrières saccadées et les sorties prématurées du marché du travail. Aussi, l'augmentation de la durée de cotisation aboutirait inévitablement à une diminution du niveau des pensions, ce qui est contradictoire avec l'objectif annoncé de ne pas les baisser.
La question de la reconnaissance de la pénibilité figurait dans l'article 12 de la loi de 2003. Elle a fait l'objet de négociations pendant trois années et demie, entre février 2005 et juillet 2008. Ces négociations ont permis de réelles avancées, notamment sur la définition des critères de la pénibilité ayant un impact sur l'espérance de vie, tels que les efforts physiques ou psychiques, l'environnement agressif ou les rythmes de travail. Toutefois, deux éléments de blocage sont intervenus :
- le premier sur le fait que le dispositif devait reposer sur un avis médical, ce qui est contraire à l'esprit de la loi de 2003 qui définissait, dans un souci d'équité, un droit pour tous à prendre une retraite en pleine santé ;
- le second sur la question du financement, le Medef ne souhaitant pas participer financièrement à un dispositif qui, inévitablement, a un coût ; or, reporter celui-ci sur les pouvoirs publics n'est ni justifié ni raisonnable. Pour la CGT, le financement doit d'abord être assuré par l'employeur et, si nécessaire, un complément peut être prévu, par exemple en utilisant les fonds devenus disponibles du fait de la suppression de la douzaine de mécanismes de départs anticipés en retraite qui concernaient 850 000 salariés et coûtaient 9 milliards d'euros par an.
La CGT a écrit à trois reprises aux ministres du travail qui se sont succédé dans l'espoir que les négociations avancent mais celles-ci n'ont pu aboutir ; une mission de l'Igas n'a pas non plus permis de débloquer la situation. Le dossier de la pénibilité est néanmoins urgent, à la fois vis-à-vis du « stock » de salariés qui ne sont plus en capacité de travailler et pour lesquels on utilise de façon abusive les dispositifs d'invalidité, de maladie ou de chômage, et à l'égard des nouvelles populations pour lesquelles il convient de définir un juste rapport entre prévention et réparation, de façon à garantir l'objectif de finir une carrière en pleine santé.
La solution au problème de l'équilibre financier des retraites est, selon la CGT, avant tout liée à l'emploi. En effet, un million d'emplois créés représente 5 milliards d'euros supplémentaires pour les caisses de retraite. La priorité est de développer l'emploi des dix-huit/soixante ans, de limiter le temps partiel subi, d'accueillir les salariés exclus du marché du travail, et non d'augmenter le taux d'activité des plus de soixante ans. Le problème de l'emploi des seniors reste entièrement posé car les accords signés sont dans l'ensemble peu contraignants, sans compter le nombre d'accords conclus dans le seul but d'échapper à la pénalité de 1 % prévue par la loi.
La CGT propose quatre pistes pour assurer le financement des systèmes de retraite :
- la première vise à élargir l'assiette des cotisations, comme le préconisait la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2009 ; il s'agit de soumettre à cotisations l'ensemble des revenus aujourd'hui exonérés, en particulier l'intéressement, la participation, les plans d'options d'achat d'actions ou les bonus, ce qui représenterait 3 milliards d'euros supplémentaires pour les seuls régimes de retraite et 9 milliards pour l'ensemble de la protection sociale ;
- la deuxième consiste à mettre en place une modulation des cotisations en fonction du rapport de la masse salariale à la valeur ajoutée, c'est-à-dire à traiter différemment les secteurs d'activité en favorisant ceux qui sont à forte main-d'oeuvre. Les deux secteurs extrêmes sont, de ce point de vue, la construction, dont 81 % de la valeur ajoutée représentent de la masse salariale, et l'immobilier, où ce ratio n'est que de 31 %. Une telle modulation ne rapporterait pas forcément des montants importants mais, en favorisant l'emploi, elle est porteuse d'avenir ;
- la troisième tend à modifier les règles applicables aux exonérations de charges qui représentent plus de 30 milliards d'euros, l'idée étant d'y mettre un terme et, en tout état de cause, de ne plus les accorder sans conditions ni contreparties ; or, cette politique se poursuit, comme en témoignent encore certaines récentes revendications du Medef relatives aux possibilités d'embauche de personnes en fin de droits ;
- la dernière piste est celle de l'augmentation des cotisations, principalement des employeurs, mais aussi, si nécessaire, des salariés. Les derniers sondages montrent en effet que les salariés, notamment les plus jeunes, préfèrent envisager un taux de cotisation plus élevé, dès lors qu'un niveau de pension correct leur est garanti, plutôt qu'une durée plus longue du travail. En outre, les taux de cotisations employeurs n'ont pas évolué depuis plus de vingt ans.
La part du Pib consacrée aux retraites devrait pouvoir augmenter de six à huit points et atteindre 18 % du Pib ; c'est un choix de société qui parait financièrement possible, surtout s'il est mis au regard de l'évolution de la part du Pib consacrée aux dividendes, passée en quelques années de 3,2 % à 8,5 %.
La CGT propose que soit mise en place une « maison commune des régimes de retraite », non pas dans un but d'unification des régimes mais afin de garantir un socle commun de droits à toute la population s'appuyant sur trois éléments : un départ à la retraite à soixante ans, un taux de remplacement de 75 % du revenu d'activité, calculé à partir du dernier salaire dans le secteur public et des dix meilleurs années dans le secteur privé, enfin la reconnaissance des métiers pénibles. Cette maison commune devrait être gérée par des représentants élus des assurés.