Au cours d'une première réunion tenue dans la matinée, la mission a procédé à l'audition de M. Eric Aubin, membre de la commission exécutive, en charge des retraites, Mme Mijo Isabey et M. Gérard Rodriguez, conseillers confédéraux de la confédération générale du travail (CGT), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.
a d'abord indiqué que la CGT aurait souhaité qu'un bilan soit fait des précédentes réformes : en effet, la réforme Balladur de 1993 a eu un impact important et néfaste avec une baisse du niveau des pensions d'environ 20 % ; la réforme Fillon de 2003 l'a encore amplifiée et il aurait été utile d'en tirer les conséquences. En outre, comme l'avait indiqué en son temps la CGT, ces deux réformes n'ont pas permis de régler le problème du financement des régimes de retraite pour lesquels on prévoit un déficit de dix milliards d'euros en 2010. Dans son discours du mois de juin 2009, le Président de la République a annoncé le rendez-vous de 2010 en mentionnant trois éléments, l'âge légal de la retraite, la durée de cotisation et la pénibilité du travail, mais en oubliant la question du financement ; or, celle-ci est le point clé de la réforme. La loi de 2003 avait prévu un rendez-vous sur les retraites en 2012 : la CGT ne souhaitait pas l'avancer contrairement aux autres partenaires sociaux qui ont demandé son anticipation à la suite de la réforme des régimes complémentaires de 2009.
Selon la CGT, trois défis doivent aujourd'hui être relevés. Le premier est celui de la paupérisation programmée des retraités. En calculant les pensions par référence aux vingt-cinq et non plus aux dix meilleures années et en les indexant sur la hausse des prix au lieu de celle des salaires, on a provoqué une baisse de leur niveau de 20 %. Certes, aujourd'hui, il est affirmé que l'on ne touchera pas à ce niveau mais la question est en fait de redresser celui-ci, surtout si l'on tient compte du fait que 15 % des retraités font actuellement appel à l'aide alimentaire.
Le deuxième défi est celui de la perte de confiance des jeunes, comme en témoigne un certain nombre de sondages. La pérennité du régime de retraite par répartition est donc posée et pourtant, là encore, son principe a été clairement défendu par le Président de la République. Pour les jeunes, la question essentielle est de connaître l'âge auquel ils pourront partir à la retraite et avec quel niveau de pension.
Le troisième défi est celui du « chacun pour soi ». La CGT est très attachée au système solidaire ; le recours à d'autres mécanismes reviendrait à mettre en péril le système actuel.
Dans le cadre du rendez-vous de 2010, conformément aux annonces, deux éléments devraient être au centre du débat : l'âge légal de soixante ans et la durée de cotisation. Le dernier congrès de la CGT a clairement réaffirmé son attachement au maintien de l'âge légal de soixante ans. En effet, de moins en moins de salariés arrivent à l'âge de la retraite avec une carrière pleine et l'âge de cessation d'activité moyen de cinquante-huit ans et neuf mois n'a pas évolué depuis la loi Fillon. Par ailleurs, trois mesures récentes prises en direction des seniors rendraient la situation plus difficile si l'on reculait l'âge de soixante ans : la suppression progressive, avant 2012, de la dispense de recherche d'emploi (DRE) qui posera un problème pour 400 000 demandeurs d'emploi ; l'obligation d'accepter une offre raisonnable d'emploi (ORE) qui pourra contraindre des seniors à reprendre un travail dans des conditions inférieures à leur dernier emploi dans un contexte de marché du travail très difficile ; la suppression de l'allocation équivalent retraite (AER) laquelle, si elle a été exceptionnellement maintenue en 2009 et 2010, sera problématique pour les salariés qui ont le nombre d'annuités nécessaires à la liquidation d'une pension mais n'ont pas encore atteint l'âge légal de départ en retraite. Ces questions sont à mettre en lien avec le débat actuel sur les personnes en fin de droits ; celles-ci sont estimées à un million dont 400 000 ne devraient bénéficier d'aucune allocation. Au total, la CGT est favorable à ce que le salarié ait le choix de pouvoir faire valoir ses droits à soixante ans ou après.
L'augmentation de la durée de cotisation aurait aussi pour effet de reculer l'âge de départ en retraite. En effet, la situation du marché de l'emploi est compliquée : les jeunes entrent plus tardivement sur le marché du travail, vers vingt-trois/vingt-quatre ans, et ont un emploi véritablement stable entre vingt-sept et trente ans ; s'y ajoutent les carrières saccadées et les sorties prématurées du marché du travail. Aussi, l'augmentation de la durée de cotisation aboutirait inévitablement à une diminution du niveau des pensions, ce qui est contradictoire avec l'objectif annoncé de ne pas les baisser.
La question de la reconnaissance de la pénibilité figurait dans l'article 12 de la loi de 2003. Elle a fait l'objet de négociations pendant trois années et demie, entre février 2005 et juillet 2008. Ces négociations ont permis de réelles avancées, notamment sur la définition des critères de la pénibilité ayant un impact sur l'espérance de vie, tels que les efforts physiques ou psychiques, l'environnement agressif ou les rythmes de travail. Toutefois, deux éléments de blocage sont intervenus :
- le premier sur le fait que le dispositif devait reposer sur un avis médical, ce qui est contraire à l'esprit de la loi de 2003 qui définissait, dans un souci d'équité, un droit pour tous à prendre une retraite en pleine santé ;
- le second sur la question du financement, le Medef ne souhaitant pas participer financièrement à un dispositif qui, inévitablement, a un coût ; or, reporter celui-ci sur les pouvoirs publics n'est ni justifié ni raisonnable. Pour la CGT, le financement doit d'abord être assuré par l'employeur et, si nécessaire, un complément peut être prévu, par exemple en utilisant les fonds devenus disponibles du fait de la suppression de la douzaine de mécanismes de départs anticipés en retraite qui concernaient 850 000 salariés et coûtaient 9 milliards d'euros par an.
La CGT a écrit à trois reprises aux ministres du travail qui se sont succédé dans l'espoir que les négociations avancent mais celles-ci n'ont pu aboutir ; une mission de l'Igas n'a pas non plus permis de débloquer la situation. Le dossier de la pénibilité est néanmoins urgent, à la fois vis-à-vis du « stock » de salariés qui ne sont plus en capacité de travailler et pour lesquels on utilise de façon abusive les dispositifs d'invalidité, de maladie ou de chômage, et à l'égard des nouvelles populations pour lesquelles il convient de définir un juste rapport entre prévention et réparation, de façon à garantir l'objectif de finir une carrière en pleine santé.
La solution au problème de l'équilibre financier des retraites est, selon la CGT, avant tout liée à l'emploi. En effet, un million d'emplois créés représente 5 milliards d'euros supplémentaires pour les caisses de retraite. La priorité est de développer l'emploi des dix-huit/soixante ans, de limiter le temps partiel subi, d'accueillir les salariés exclus du marché du travail, et non d'augmenter le taux d'activité des plus de soixante ans. Le problème de l'emploi des seniors reste entièrement posé car les accords signés sont dans l'ensemble peu contraignants, sans compter le nombre d'accords conclus dans le seul but d'échapper à la pénalité de 1 % prévue par la loi.
La CGT propose quatre pistes pour assurer le financement des systèmes de retraite :
- la première vise à élargir l'assiette des cotisations, comme le préconisait la Cour des comptes dans son rapport de septembre 2009 ; il s'agit de soumettre à cotisations l'ensemble des revenus aujourd'hui exonérés, en particulier l'intéressement, la participation, les plans d'options d'achat d'actions ou les bonus, ce qui représenterait 3 milliards d'euros supplémentaires pour les seuls régimes de retraite et 9 milliards pour l'ensemble de la protection sociale ;
- la deuxième consiste à mettre en place une modulation des cotisations en fonction du rapport de la masse salariale à la valeur ajoutée, c'est-à-dire à traiter différemment les secteurs d'activité en favorisant ceux qui sont à forte main-d'oeuvre. Les deux secteurs extrêmes sont, de ce point de vue, la construction, dont 81 % de la valeur ajoutée représentent de la masse salariale, et l'immobilier, où ce ratio n'est que de 31 %. Une telle modulation ne rapporterait pas forcément des montants importants mais, en favorisant l'emploi, elle est porteuse d'avenir ;
- la troisième tend à modifier les règles applicables aux exonérations de charges qui représentent plus de 30 milliards d'euros, l'idée étant d'y mettre un terme et, en tout état de cause, de ne plus les accorder sans conditions ni contreparties ; or, cette politique se poursuit, comme en témoignent encore certaines récentes revendications du Medef relatives aux possibilités d'embauche de personnes en fin de droits ;
- la dernière piste est celle de l'augmentation des cotisations, principalement des employeurs, mais aussi, si nécessaire, des salariés. Les derniers sondages montrent en effet que les salariés, notamment les plus jeunes, préfèrent envisager un taux de cotisation plus élevé, dès lors qu'un niveau de pension correct leur est garanti, plutôt qu'une durée plus longue du travail. En outre, les taux de cotisations employeurs n'ont pas évolué depuis plus de vingt ans.
La part du Pib consacrée aux retraites devrait pouvoir augmenter de six à huit points et atteindre 18 % du Pib ; c'est un choix de société qui parait financièrement possible, surtout s'il est mis au regard de l'évolution de la part du Pib consacrée aux dividendes, passée en quelques années de 3,2 % à 8,5 %.
La CGT propose que soit mise en place une « maison commune des régimes de retraite », non pas dans un but d'unification des régimes mais afin de garantir un socle commun de droits à toute la population s'appuyant sur trois éléments : un départ à la retraite à soixante ans, un taux de remplacement de 75 % du revenu d'activité, calculé à partir du dernier salaire dans le secteur public et des dix meilleurs années dans le secteur privé, enfin la reconnaissance des métiers pénibles. Cette maison commune devrait être gérée par des représentants élus des assurés.
a souhaité savoir comment pourrait être mise en application et évaluée la reconnaissance de la pénibilité. Les Français sont aujourd'hui désireux de plus de transparence et d'équité et soucieux d'un rapprochement des principaux paramètres des différents régimes tels que le taux de cotisation ou les droits accordés ; ils ont des doutes sur le principe de la solidarité intergénérationnelle. Est-il pertinent de vouloir favoriser le rapprochement des régimes dans un souci de meilleure gestion, les gains attendus d'une telle évolution étant estimés par certains à plusieurs milliards d'euros par an ?
a fait valoir que, pour la pénibilité, deux dispositifs devront être mis en oeuvre. Le premier concernera le « stock » des salariés ayant exercé des métiers pénibles. De nombreux travaux et études ont été réalisés et les priorités sont connues ; il ne devrait donc pas être compliqué de déterminer des critères objectifs et des moyens de financement adaptés. Pour les nouveaux salariés, les travaux du Cor ont mis en évidence la possibilité d'établir une traçabilité des métiers exercés et de mise en place de bonifications. Ce dossier est urgent car il existe des salariés qui ne peuvent achever leur carrière et pour lesquels aucun dispositif de prise en charge n'est accessible, sauf à passer par une phase de minima sociaux. Tous les éléments d'une solution sont désormais connus ; il est possible de trouver les moyens de reconnaître la pénibilité sans pour autant mettre en difficulté les entreprises.
a rappelé l'hostilité de la CGT au calendrier de l'agenda social annoncé le 15 février 2010 car celui-ci ne permettra pas de vrai débat public ni de partage des connaissances sur le dossier des retraites. Des comparaisons entre les systèmes de retraite du secteur privé et de la fonction publique peuvent certes être effectuées mais il ne faut pas oublier, si l'on souhaite raisonner en terme d'équité, d'y inclure les régimes particuliers des députés et des sénateurs. Chacun des régimes a sa cohérence propre liée notamment aux différences de profil de carrière entre les secteurs public et privé. Par exemple, si l'on calculait la pension à partir du dernier revenu d'activité dans le privé, on pourrait aboutir à une baisse de celle-ci par rapport au mécanisme actuel ; de la même façon, dans le secteur public, une prise en compte des revenus des dix ou vingt-cinq meilleures années aboutirait aussi à une baisse des pensions. Une autre différence est liée à la possibilité de valider un trimestre de cotisations à partir d'un travail équivalent à deux cents heures rémunérées au Smic dans le privé alors que, dans le secteur public, la validation s'appuie sur les services effectifs. Il est donc impératif de bien expliquer les mécanismes applicables aux deux secteurs et de ne pas opposer les salariés entre eux. Si, dans le secteur privé, on avait une véritable sécurité sociale professionnelle empêchant les pertes de salaires ou d'ancienneté, on pourrait envisager un rapprochement avec les règles du secteur public.
La vraie question est en réalité celle du revenu de la retraite à soixante ans. De ce point de vue, un système comme celui des comptes notionnels est très pénalisant car il ne s'intéresse pas au revenu des retraités mais seulement à l'équilibre du régime. Pourrait-on imaginer dans quelques années que, en dehors même de l'impact économique très substantiel que cela aurait, 22 millions de retraités vivent avec le même revenu que les 14 millions de retraités actuels ?
Il n'est donc pas souhaitable de chercher à unifier les régimes mais plutôt de les solidariser car il y a encore beaucoup de marges de progrès pour permettre aux salariés de disposer d'une retraite complète à soixante ans, par exemple en prenant mieux en compte des années d'études ou des périodes de précarité. La maison commune proposée par la CGT doit permettre de travailler sur ces questions et d'inverser la logique de dégradation des droits que l'on constate, comme c'est le cas pour les avantages familiaux. L'idée est donc de solidariser les régimes et les salariés.
a insisté sur les difficultés rencontrées par les polypensionnés : la mise en place de la maison commune pourrait faciliter la reconnaissance de leurs droits, de même qu'un retour au calcul des pensions à partir des dix meilleures années. On a, en effet, sous-estimé les conséquences de la réforme Balladur de 1993 sur ce point ; le bilan de cette décision reste donc à faire en mesurant à la fois les conséquences pénalisantes pour les salariés ayant connu des problèmes de carrière ou disposant de bas salaires et, en contrepartie, le coût représenté par le versement du minimum contributif à certains de ces salariés. En revenant aux dix meilleures années, beaucoup de salariés pourraient constituer leurs droits propres à la retraite, en particulier de nombreuses femmes. Des études plus claires, notamment du Cor, seraient utiles sur cette question.
a souhaité connaître les critiques précises opposées par la CGT à un changement de système. La maison commune permettra-t-elle d'envisager un rapprochement des régimes et une meilleure lisibilité, le manque de transparence actuel étant source de débats et d'affrontements entre les salariés ? Peut-on même envisager une réflexion sur l'évolution des régimes spéciaux, dont la justification est parfois moins nette aujourd'hui qu'il y a quelques années ?
a fait observer que le rapport du Cor montre clairement la difficulté de la mise en place d'une réforme systémique. Le système suédois, en particulier, ne répond pas à deux questions fondamentales, à savoir l'âge et le niveau de pension au moment du départ à la retraite. Il ne s'agit pas d'un système à prestations définies car c'est l'espérance de vie qui sert à mesurer le niveau des pensions. Un tel mécanisme est à la fois complexe et incertain ; la crise a d'ailleurs entraîné une baisse des pensions en Suède de 3 %, malgré l'intervention des pouvoirs publics. La priorité est plutôt de redonner confiance au système français actuel qui est viable. Il ne s'agit pas tant de faire une réforme paramétrique que de régler la question du financement des régimes. Il est évident que les choses doivent évoluer si l'on considère qu'il y a de plus en plus de retraités qui vivent plus longtemps mais la question qui se pose aujourd'hui est celle des ressources.
a rappelé que la retraite assure le reflet de la vie active. Dans le secteur privé, les salariés disposent d'un contrat de travail qui est rompu au moment de la retraite ; dans le secteur public, les agents sont régis par un statut lié aux missions de service public qui ne s'éteint pas avec la pension. Dans les deux secteurs, on observe aujourd'hui une dégradation de la qualité de l'emploi, par exemple avec le non remplacement des fonctionnaires qui partent à la retraite. Cela justifie donc que soit défini un socle commun de droits autour d'un départ à la retraite à soixante ans et d'un taux de remplacement de 75 %. Les moyens d'y parvenir peuvent ensuite être différents selon les secteurs. La maison commune aurait aussi pour mission de gérer la compensation financière entre les régimes et de travailler sur des questions comme la reconnaissance des années d'études.
a demandé des précisions sur la proposition d'une modulation des cotisations en fonction de la masse salariale, solution qui apparait comme particulièrement novatrice en matière de financement de la protection sociale.
est revenu sur le constat de paupérisation programmée des retraités lié à la politique actuelle d'écrasement des salaires et des retraites. Cette question est liée à celle du million de personnes bientôt en fin de droits dont 400 000 ne bénéficieront d'aucune allocation. Est-il possible de pousser un peu plus loin l'analyse sur la notion de « retraités pauvres » dont on estime qu'ils pourraient représenter 15 % des retraités ? Le dossier de la pénibilité doit-il être dissocié ou réglé en préalable à la réforme des retraites ? Pourrait-il entraîner une réforme des retraites « par le bas » ?
a souhaité savoir si la reconnaissance de la pénibilité pouvait recevoir une solution à travers le système des retraites. Les exonérations de charges sociales sont apparues au moment de la mise en place des trente-cinq heures ; elles étaient donc conditionnées par ce dispositif ; si on les supprime aujourd'hui, comment mettre en place une conditionnalité ? Les salariés disent être prêts à une augmentation des cotisations au titre de la retraite : dans quelles limites une telle hausse pourrait-elle être acceptable ? Les propositions de financement présentées par la CGT sont-elles compatibles avec la viabilité de l'économie ? Enfin, les travaux du Cor ne permettent-ils pas déjà une connaissance partagée du dossier des retraites que la CGT appelle de ses voeux ?
a fait valoir que, pour la CGT, le règlement du dossier de la pénibilité est un préalable à la réforme des retraites. Dans beaucoup de secteurs, on observe un décrochage des salariés à partir de cinquante ans ; dès lors, la possibilité de reculer l'âge légal de la retraite, sauf pour les salariés ayant exercé un métier pénible, n'est pas acceptable. Le Président de la République a proposé la mise en place d'une commission ad hoc sur ce sujet mais on ne connaît ni ses objectifs, ni sa lettre de mission, ni son calendrier. Une telle concertation parallèle n'est pas souhaitable ; en effet, toutes les options ont déjà été présentées et l'heure est à la décision. L'article 12 de la loi Fillon liait implicitement la reconnaissance de la pénibilité à la question des retraites. De fait, la prévention et la réparation ne s'opposent pas ; il faut qu'un dispositif de réparation soit mis en place et financé en s'appuyant sur les politiques de prévention des entreprises. La CGT est hostile aux primes de pénibilité mises en place dans certains secteurs car « la pénibilité ne s'achète pas » mais doit recevoir une reconnaissance collective.
Le bénéfice des exonérations de charges sociales doit impérativement être conditionné à la politique salariale et de l'emploi des entreprises. La demande du Medef de pouvoir bénéficier de nouvelles exonérations pour l'embauche de salariés en fin de droits n'est pas recevable car elle conduira inévitablement à des licenciements pour pouvoir procéder aux embauches exonérées.
Les propositions avancées par la CGT sont compatibles avec l'économie mais il faut reconnaître que certains paramètres sont mal maîtrisés. Par exemple, une hausse de 0,1 point du taux de fécondité permettrait de résoudre la moitié du problème de financement des retraites à l'horizon 2050. Ces propositions sont en tout cas supportables par les entreprises surtout si elles sont mises en regard des bénéfices des entreprises du Cac 40 qui, bien qu'en baisse, restent très confortables, ou des résultats plutôt bons des PME. L'argent disponible doit aller au plus grand nombre, c'est-à-dire les salariés et les retraités, et non à quelques uns. Le scandale est qu'aujourd'hui le salariat ne protège plus de la pauvreté.
a estimé que les salariés n'attendent pas aujourd'hui une meilleure lisibilité, par exemple sur les régimes spéciaux, mais une assurance sur l'âge et le niveau de la retraite. Ils sont, en outre, très attachés au repère de soixante ans, qui n'est pas seulement symbolique car plus de 70 % des nouveaux retraités de 2008 avaient au plus soixante ans à la date de leur départ ; les sondages confortent ce constat : l'âge de soixante ans est le plus souvent mentionné comme celui souhaité pour un départ en retraite. C'est face à ces attentes sur le revenu et l'âge que se fonde l'opposition de la CGT au régime par comptes notionnels car celui-ci ne répond pas à ces deux exigences. Si l'on se situe dans une dynamique positive en matière de retraite, il sera possible de gagner en lisibilité ; en revanche, dans le cadre d'une logique régressive, il sera difficile de faire évoluer les régimes spéciaux. Quoi qu'il en soit, la CGT estime nécessaire que le plus grand nombre de citoyens ait une maîtrise partagée du dossier des retraites.
La proposition de moduler les cotisations des entreprises s'appuie sur le constat que certaines entreprises ont de réelles difficultés tandis que d'autres engrangent des bénéfices exorbitants. Il n'est donc pas absurde d'imaginer une différence de traitement entre ces entreprises, idée qui fait d'ailleurs son chemin y compris parmi les entrepreneurs. Il faut, en outre, souligner que la compensation des exonérations de cotisations est à la charge du budget et donc financée par l'impôt ; il paraît légitime de s'interroger sur une utilisation plus productive de ces sommes, par exemple au profit de l'éducation ou de certains services publics. L'une des raisons de l'attractivité de la France auprès des étrangers est la qualité de ses services publics, il est par conséquent pleinement justifié de vouloir les maintenir et les développer. Cet exemple montre la viabilité économique des propositions de la CGT, à bien des égards plus pragmatiques et plus intéressantes que celles du Gouvernement.
est revenue sur la question de la paupérisation des retraités. Il est indispensable qu'existe un minimum de pension dans l'ensemble des régimes, revendication d'ailleurs portée depuis des années par la CGT auprès de l'Arrco. Actuellement, environ 50 % des salariés sont au minimum contributif, du fait de la politique salariale des entreprises qui, par exemple dans le commerce, développent les parts aléatoires de rémunération largement exonérées de cotisations au détriment des salaires. De même, l'arrivée à la retraite de cohortes ayant connu des périodes de chômage et davantage de temps partiel laisse entrevoir une amplification de la tendance à la baisse des pensions, déjà largement entamée à la suite de la réforme de 1993. En matière de pénibilité, il serait préférable de recourir à des mécanismes de retraite anticipée car les régimes de retraite en porteront le coût financier ; si l'on organise des dispositifs de préretraite, il faudrait prévoir un encadrement rigoureux car on pourrait voir apparaître des inégalités de traitement en fonction des branches.
Puis la mission a procédé à l'audition de MM. Jean-Louis Malys, secrétaire national en charge des retraites, et Yves Canévet, secrétaire confédéral de la confédération française démocratique du travail (CFDT), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.
a indiqué que les deux rapports du conseil d'orientation des retraites (Cor) prévus pour cette année constituent une base de réflexion très utile, sur laquelle la CFDT compte s'appuyer pour faire valoir sa position. Le premier rapport, présenté en janvier 2010, porte sur les modalités techniques de remplacement du calcul actuel des pensions par les régimes de base d'assurance vieillesse soit par un régime par points, soit par un régime en comptes notionnels. Non seulement le conseil rappelle les caractéristiques du système actuel, mais il analyse aussi la faisabilité d'une transition vers un nouveau système. Le second rapport, qui sera publié à la mi-avril, entend actualiser les projections financières réalisées par le Cor en 2007 afin de tenir compte des conséquences de la crise économique sur les régimes de retraite. Il devrait permettre de distinguer la part conjoncturelle des déficits - directement liée à la dégradation du contexte économique - de la part structurelle - relative aux tendances de fond que sont le vieillissement de la population et l'augmentation de l'espérance de vie.
L'originalité de la CFDT par rapport aux autres organisations syndicales tient à son investissement fort dans la réforme de 2003, ainsi que dans sa participation active aux bilans d'étape quadriennaux prévus par la loi Fillon. Le rendez-vous de 2008 est un semi-échec, dans la mesure où les véritables problèmes n'ont pas été abordés. La CFDT considère que le rendez-vous de 2010 est utile mais craint que la question d'une réforme en profondeur du système ne soit éludée. Elle plaide donc pour un grand débat démocratique, sous la forme d'un « Grenelle des retraites », qui permettrait non seulement de traiter le sujet des retraites, mais aussi de thèmes plus globaux comme le vieillissement, la dépendance ou la santé. Le système de retraite français, mis en place après la Seconde Guerre mondiale, nécessite de profonds changements car il n'est plus adapté à la société actuelle.
Pour le rendez-vous de cette année, la CFDT poursuit quatre objectifs :
- trouver des solutions pérennes au problème du financement du système de retraite. Le choix d'une simple réforme comptable, qui consisterait seulement à modifier les paramètres actuels, risquerait d'aboutir à un nouveau rafistolage ;
- lier la question des retraites à celle de l'emploi, en particulier des jeunes et des seniors ;
- redonner confiance aux Français dans leur système de retraite, surtout aux jeunes générations qui s'attendent à bénéficier d'un niveau de pension moindre que celui de leurs parents et grands-parents ;
- mettre en oeuvre une réforme juste qui remédie aux nombreuses inégalités du système actuel : inégalités d'espérance de vie, inégalités hommes-femmes, inégalités de parcours professionnel, etc. Leur résorption est une priorité ; la réforme ne sera efficace que si elle est juste.
La CFDT s'oppose au report de l'âge de la retraite car cette mesure ne ferait qu'accroître les injustices existantes, en sanctionnant ceux qui ont commencé à travailler jeunes. Le système de retraite ne doit plus être figé sur le critère de l'âge ; il doit, au contraire, permettre le libre choix du départ à la retraite. Les salariés ont, en effet, des aspirations différentes concernant leur âge de départ, dont il faut tenir compte. S'agissant de l'équilibre financier du système, il est évident qu'il faudra travailler plus longtemps. L'augmentation de la durée de cotisation est l'un des moyens d'y parvenir, mais encore faut-il que les carrières professionnelles permettent de cotiser plus longtemps ; ce qui pose la question de l'entrée des jeunes sur le marché du travail et du maintien dans l'emploi des seniors. Par ailleurs, de nouveaux financements ne sont pas à exclure, comme l'utilisation du fonds de réserves pour les retraites (FRR).
a fait remarquer que la crise économique a au moins le mérite de révéler les faiblesses du système de retraite. Certes, une évolution des paramètres s'impose, mais celle-ci ne réglera pas le problème du financement à long terme. Afin de pérenniser les régimes de retraite et redonner confiance dans le système, il est indispensable de rapprocher progressivement les différents paramètres pour l'ensemble des assurés. Par quels moyens peut-on évoluer vers plus de justice, de transparence et de lisibilité ? Le mécanisme des comptes notionnels permet-il de parvenir à ces objectifs ?
a signalé que la position de la CFDT sur la possibilité d'une réforme systémique n'est pas complètement arrêtée ; elle le sera sans doute à l'occasion du congrès qui doit se tenir à Tours en juin 2010. En revanche, il n'est pas question d'écarter cette hypothèse a priori comme certains le font. Le système actuel étant à bout de souffle, il est logique de s'interroger sur la pertinence du passage à un nouveau système. Les règles actuelles pénalisent en effet un trop grand nombre d'assurés, par exemple les fonctionnaires ayant moins de quinze ans de services, les polypensionnés, les salariés touchant des revenus modestes. La question d'une réforme systémique intéresse particulièrement les jeunes générations pour qui le système actuel est illisible et injuste.
Toute la difficulté consiste, en fait, à trouver un système qui maintienne le principe de répartition, tout en étant financièrement attractif. La technique des comptes notionnels permet d'y parvenir :
- non seulement elle garantit que les retraites seront gérées par répartition, mais elle assure aussi l'équilibre financier du système à long terme ;
- elle rend plus transparents et plus équitables les mécanismes de solidarité. Force est de constater qu'en France, les avantages non contributifs liés à la retraite sont profondément injustes. Ainsi, les majorations de durée d'assurance (MDA) ne sont d'aucun apport pour les femmes ayant eu des carrières complètes, les majorations pour trois enfants et plus profitent avant tout aux hommes et aux assurés les plus aisés, l'allocation volontaire des parents au foyer (AVPF) a pour effet pervers d'éloigner les femmes du marché du travail. La redistribution s'effectue donc à l'envers ;
- elle offre la possibilité de redéfinir le financement de la protection sociale, en réorganisant le fléchage des solidarités. Par exemple, il pourrait être envisagé que les caisses responsables de l'indemnisation du chômage alimentent les caisses de retraite.
Toutefois, il faut avoir conscience qu'un système en comptes notionnels comporte aussi des inconvénients. Il pourrait donc être imaginé un modèle hybride, adapté à notre société. Par ailleurs, sachant que le taux de remplacement va inéluctablement baisser dans les décennies à venir, le développement d'un système d'épargne collectif et sécurisé pour l'ensemble des salariés ne doit pas être négligé. Quelle que soit la voie choisie, toute réforme en profondeur du système demande du temps et du courage politique. En aucun cas, elle ne doit être l'occasion de dresser les assurés les uns contre les autres. Ce risque existe actuellement, les fonctionnaires ayant le sentiment de passer pour des boucs émissaires. Avec la révision générale des politiques publiques, ils font déjà face à une situation difficile ; ce n'est pas le moment de remettre en cause leurs retraites. Enfin, si l'on décide d'autoriser les fonctionnaires à cotiser sur leurs primes, cela risque de coûter très cher à leurs employeurs que sont l'Etat, les collectivités territoriales et les hôpitaux.
Après avoir insisté sur le caractère complexe et illisible du système actuel, Mme Christiane Demontès, rapporteure, a demandé sur quels points la CFDT souhaite qu'il y ait des avancées à l'occasion du rendez-vous de 2010.
a insisté sur trois priorités :
- la première est la prise en compte de la pénibilité. Alors que la CFDT a pris l'initiative en 2007 de relancer les négociations, celles-ci se sont soldées par un échec en juillet 2008. Pourtant, les partenaires sociaux étaient parvenus à un accord s'agissant, d'une part, du volet prévention, d'autre part, de la définition des critères de pénibilité. Il est aujourd'hui indispensable de reprendre les négociations là où elles se sont arrêtées ;
- la deuxième est le règlement de la question des polypensionnés. Ce statut est en effet en train de se banaliser du fait de la plus grande diversité des parcours professionnels - beaucoup de fonctionnaires sont d'abord passés par le privé ; le système de retraite doit dorénavant prendre en compte cette évolution ;
- la troisième est la résorption des nombreuses injustices du système, précédemment évoquées.
La question de l'épargne salariale ne doit pas non plus être oubliée. Il est hypocrite d'affirmer que le pilier assurantiel ne doit pas exister ; le choix d'épargne est une décision personnelle respectable. Certes, beaucoup de dispositifs ont déjà été mis en place pour développer l'épargne retraite, mais ils profitent avant tout aux plus favorisés. L'objectif est donc de les rendre accessibles au plus grand nombre et de les sécuriser.
a déploré que le débat actuel sur les retraites soit l'occasion d'une attaque sans précédent contre les fonctionnaires, alors que ceux-ci sont garants de la solidarité et de l'intérêt général.
a demandé des précisions sur les nouvelles sources de financement du système de retraite envisagées par la CFDT.
a souhaité savoir quel pourrait être le calendrier d'une réforme systémique.
a demandé si le diagnostic de la CFDT sur l'opportunité d'une réforme systémique est partagé par les autres partenaires sociaux. La CFDT ne se sent-elle pas isolée ?
a insisté sur le fait que la CFDT n'est pas, sur le principe, opposée à la mise en oeuvre d'une réforme de la fonction publique. Ce qu'elle déplore, c'est la méthode utilisée par l'exécutif qui consiste à ne pas renouveler un fonctionnaire sur deux, à réorganiser les services sans concertation et souvent pour un résultat peu pertinent. Autrement dit, une sorte de machine infernale contre les fonctionnaires est à l'oeuvre. Sur la question du financement, il faut rappeler l'importance du principe de contributivité : les retraites doivent avant tout être le reflet des cotisations versées par les assurés au cours de leur vie professionnelle. Les aléas de carrière (maladie, chômage) doivent, quant à eux, être financés via des transferts entre caisses. Etant donné l'aggravation du déséquilibre démographique, une augmentation des cotisations retraite, comme le prévoyait la loi de 2003, ne doit pas non plus être écartée. Il pourrait également être envisagé d'élargir l'assiette des cotisations à d'autres revenus, à condition que les cotisations continuent à reposer prioritairement sur les salaires.
a indiqué que, avec la crise économique, le rendement d'un point de contribution sociale généralisée (CSG) sur les revenus de capitaux a diminué de 18 %, passant de 1,35 milliard à 1,11 milliard d'euros.
a insisté sur la nécessité de maintenir le lien entre salaire et retraite, le salaire étant le revenu intrinsèquement le plus stable. Cela n'empêche toutefois pas que les cotisations retraite reposent pour partie sur d'autres types de revenus. S'agissant du calendrier de la réforme, il est évident qu'une réforme systémique suppose une temporalité assez longue ainsi qu'un effort de pédagogie. La plupart des pays qui ont choisi cette voie, comme la Suède, ont tous pris un peu de hauteur de vue. La CFDT avait donc souhaité que la réforme des retraites donne lieu à un très large débat, étalé dans le temps. Chacun sait que les résultats des mesures prises en matière de retraite sont, de toute façon, longs à se faire sentir et qu'il n'y a donc pas d'inconvénient à préparer sereinement la réforme pour tenter de parvenir à un consensus national. Dès lors qu'on semble s'orienter vers une réforme purement paramétrique sans aucune réflexion sur les questions de justice sociale, la CFDT s'y opposera. Elle ne s'estime pas isolée dans la mesure où elle ressent une attente profonde de changement de système, notamment chez les jeunes. Il est intéressant d'observer que les décideurs en matière de retraite sont pour la plupart proches de l'âge de la retraite et restent encore marqués par un mode de fonctionnement du système, qui était celui de la période dite « des trente glorieuses », caractérisé notamment par des carrières linéaires. Il est particulièrement inquiétant de constater, dans les sondages d'opinion, que les jeunes ont perdu confiance dans la répartition et considèrent la capitalisation comme plus efficace. Par ailleurs, l'objectif pour la CFDT ne consiste pas simplement à se positionner par rapport au rendez-vous de 2010, mais aussi à réfléchir à horizon plus lointain. Enfin, les possibilités de rapprochement avec les autres partenaires sociaux sont plus ouvertes qu'on ne le dit parfois.
La mission a enfin procédé à l'audition de MM. Julien Guez, chef du service Retraites et prévoyance de la direction de la protection sociale, et Guillaume Ressot, directeur des affaires publiques du mouvement des entreprises de France (Medef), dans le cadre du rendez-vous 2010 pour les retraites.
a estimé que la situation actuelle du système de retraite est particulièrement préoccupante : actuellement, 10 % des retraites ne sont pas financées ; le déficit de la branche vieillesse du régime général devrait atteindre 10 milliards d'euros en 2010. Dans ses dernières prévisions, le conseil d'orientation des retraites (Cor) évaluait ce déficit annuel à 25 milliards en 2020 et à 70 milliards en 2050. Compte tenu de la crise économique, le déséquilibre pourrait même atteindre 100 milliards en 2050. La situation de court terme s'est donc dégradée, tandis que les perspectives à plus longue échéance sont plus sombres encore, sous l'effet de l'arrivée à l'âge de la retraite des générations du baby-boom et de l'allongement de l'espérance de vie, qui a augmenté de dix ans depuis les années 1960 et va continuer à croître. Dans ce contexte, le nombre de cotisants pour un retraité est passé de quatre, dans les années 1960, à 1,8 aujourd'hui et devrait chuter à 1,5 en 2020 puis 1,2 en 2050.
Face à cette situation, le Medef souhaite la mise en oeuvre d'une réforme durable et non un simple ajustement. Le nombre de leviers d'action est limité : soit on demande davantage aux actifs pour assurer le paiement des pensions, soit on donne moins aux retraités, soit on modifie le rapport entre le nombre d'actifs et le nombre de retraités.
Il n'existe pas de marges de manoeuvre substantielles pour augmenter le niveau des prélèvements ou les cotisations, dès lors que la France se situe au quatrième rang des pays de l'OCDE pour le niveau de ses prélèvements et de ses cotisations et au deuxième rang pour le niveau des cotisations employeurs. La diminution des pensions n'est pas non plus une solution acceptable si l'on aspire à sauver le régime de retraite par répartition. Dans ces conditions, la solution la plus juste du point de vue de l'équité intergénérationnelle consisterait à allonger la durée d'activité, l'augmentation de l'espérance de vie permettant de travailler plus longtemps.
L'accroissement de la durée d'activité peut passer par l'allongement de la durée de cotisation ou le recul de l'âge minimal de départ. Le recul de l'âge minimal a un effet plus important sur l'équilibre des comptes à court terme et est moins défavorable que l'allongement de la durée de cotisations pour les femmes et pour les jeunes générations qui entrent tardivement sur le marché du travail. Au contraire, l'accroissement de la durée de cotisation nécessaire pour avoir une retraite à taux plein est plus efficace à long terme et ne pénalise pas ceux qui sont près de la retraite et ceux qui entrent tôt sur le marché du travail.
L'allongement de la durée d'activité, qui devrait être opéré de manière progressive comme l'ont été les réformes conduites à l'étranger, aura un impact sur le taux d'emploi des seniors. Ce taux n'est aujourd'hui que de 38 % pour les cinquante-cinq/soixante-quatre ans, mais ce chiffre global masque d'importantes différences entre les catégories d'âge puisque la France a un excellent taux d'emploi des cinquante/cinquante-quatre ans. Ce niveau d'emploi diminue pour les cinquante-cinq/cinquante-neuf ans et s'effondre pour les soixante/soixante-quatre ans. L'âge légal de départ joue évidemment un rôle dans ce phénomène. Le faible taux d'emploi des seniors est également dû au développement massif des préretraites à partir des années 1980 pour lutter contre le chômage.
En ce qui concerne l'éventualité d'une réforme systématique consistant à passer d'un régime par annuités à un régime par points ou en comptes notionnels, le dernier rapport du Cor a montré qu'une telle réforme est possible, qu'elle nécessite un délai de transition assez long, d'une dizaine d'années environ, et enfin, qu'elle ne règle pas à elle seule le problème de financement du système. Un régime par points ou en comptes notionnels serait sans doute plus lisible pour les assurés et plus facile à piloter par les gestionnaires. Il serait cependant nécessaire de le paramétrer, tout comme le régime par annuités. Ainsi, il faudrait débattre de la conservation des mécanismes non contributifs actuels et de leur financement ainsi que du champ de ce nouveau régime. Faudrait-il unifier tous les régimes de base, publics et privés, ou l'ensemble des régimes du privé, de base et complémentaires ? Il faudrait enfin statuer sur l'organisation de la gouvernance du nouveau système. Dans ces conditions, une réforme systémique peut être envisagée, mais l'objectif immédiat doit être d'assurer la soutenabilité du système de retraite.
Le rendez-vous 2010 devrait aborder la question de la constitution d'un supplément de retraite par capitalisation. Les projections du Cor montrent que les règles actuelles de calcul des pensions vont conduire à une diminution des taux de remplacement. Le développement de la capitalisation pourrait permettre de stabiliser le taux de remplacement.
La pénibilité du travail doit être prise en compte en fonction de critères objectifs et individualisés. La définition de catégories larges susceptibles d'être concernées par la pénibilité reviendrait à recréer des systèmes de préretraite ou des régimes spéciaux. Il convient qu'une commission médicale ad hoc apprécie l'impact de la vie professionnelle sur la situation de santé objective du salarié pour déterminer si la pénibilité doit être compensée.
a demandé si les mesures prises en faveur de l'emploi des seniors produisent les effets attendus. Il s'est aussi interrogé sur les moyens de favoriser une insertion plus rapide des jeunes sur le marché du travail.
a fait valoir que la France se caractérise encore par une entrée tardive des jeunes sur le marché du travail et une sortie précoce des seniors, par le biais notamment des ruptures conventionnelles. S'il est manifeste qu'une réforme paramétrique est nécessaire en 2010, peut-on considérer qu'un changement de système pourrait être utile et envisageable à plus long terme ?
a estimé que la priorité doit être d'assurer la soutenabilité à court, moyen et long termes du système. Un éventuel changement de régime ne pourrait quant à lui s'inscrire que dans une perspective de moyen ou de long terme.
En ce qui concerne la politique de l'emploi, il convient d'abord de constater que la situation est actuellement difficile pour l'ensemble des salariés et pas seulement pour les seniors. Une politique volontariste d'emploi des seniors doit être conduite simultanément avec un allongement de la durée d'activité. Quant à l'insertion professionnelle des jeunes, la priorité est de limiter le délai entre la fin des études et le premier emploi stable, dès lors que l'allongement de la durée des études est un facteur d'évolution positif. En définitive, l'amélioration de l'emploi est un élément essentiel de la soutenabilité du système de retraites mais ne saurait suffire à rétablir l'équilibre des comptes. En 2007, en prenant pour hypothèse un taux de chômage de 4,5 % entre 2015 et 2050, le Cor prévoyait néanmoins un déficit annuel de 70 milliards d'euros en 2050.
a demandé si la modulation des cotisations en fonction du rapport entre masse salariale et valeur ajoutée constituerait une piste de réforme possible pour améliorer le financement des retraites. Il a noté que plusieurs des organisations entendues par la mission ont critiqué la multiplication des exonérations de charges ne s'accompagnant pas de créations nettes d'emploi.
a souhaité savoir si le développement de la capitalisation ne risque pas d'aggraver les inégalités qui pèsent déjà sur les plus modestes.
revenant sur la question d'un éventuel développement de la capitalisation, s'est interrogé sur la pertinence de la réforme conduite en Allemagne sous l'impulsion de Walter Riester. Il a souhaité connaître le sentiment du Medef sur le lien entre pénibilité et retraite et sur les possibilités d'élargir l'assiette de financement du système de retraite.
a tout d'abord noté que l'assiette de financement de la protection sociale a donné lieu à des travaux importants en 2006 sous l'égide du Centre d'analyse stratégique. Ces études ont montré qu'aucune formule de financement de la protection sociale ne cumule l'ensemble des avantages qui peuvent en être attendus. Modifier l'assiette de financement revient, en fait, à mettre en oeuvre un mode de prélèvement différent sur le Pib sans nécessairement résoudre les déséquilibres financiers existants. En ce qui concerne les exonérations de charges, une étude du conseil d'orientation pour l'emploi (COE) a montré que leur disparition conduirait à la suppression de 800 000 emplois.
Le développement de la capitalisation ne creuserait pas nécessairement les inégalités si cette possibilité était ouverte au plus grand nombre. En l'absence de toute évolution, les projections du Cor montrent que le taux de remplacement baissera de 10 % entre 2006 et 2050. La réforme allemande des retraites est très intéressante, dans la mesure où elle a consisté à modifier de manière limitée le taux de cotisations, à prévoir une diminution, elle aussi mesurée, du taux de remplacement et à accroître la durée d'activité en portant de manière très progressive l'âge de départ à la retraite de soixante-cinq à soixante-sept ans. L'incitation à la capitalisation réalisée parallèlement doit permettre à ceux qui le souhaitent de stabiliser le taux de remplacement. 13 millions d'Allemands recourent aujourd'hui à ce système.
La question de la pénibilité, selon l'agenda présenté par le Président de la République, doit être traitée parallèlement à la question des retraites, et non dans le même cadre de négociation. Si l'on s'en tient à l'aspect financier, qui n'est pas le seul à devoir être pris en compte, il convient de garder à l'esprit ce qui s'est produit à l'occasion de la réforme des retraites de 2003. L'allongement de la durée de cotisation s'est accompagné d'une mesure spécifique pour les carrières longues qui a conduit à 100 000 départs par an et a coûté 10 milliards d'euros. Dans le même temps, l'allongement de la durée de cotisation n'a qu'un effet modéré à court terme, de sorte que cette réforme n'a pas été suffisante pour équilibrer les comptes.
L'âge légal de départ en retraite à soixante ans empêche aujourd'hui l'augmentation de la durée d'assurance de produire ses pleins effets, dès lors qu'un grand nombre de salariés disposent de la durée d'assurance nécessaire lorsqu'ils atteignent l'âge de soixante ans. En 2007, le Cor a estimé que l'augmentation de la durée d'assurance prévue par la loi de 2003 conduira à un report de 0,2 an seulement de l'âge effectif de départ à la retraite. A court terme, le report de l'âge légal de départ à la retraite est un levier plus puissant que la durée d'assurance pour parvenir à l'équilibre des comptes.