Intervention de Gilles Johanet

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 29 mai 2007 : 3ème réunion
Evolution du périmètre de la protection sociale — Audition de M. Gilles Johanet président du comité maladie à la fédération française des sociétés d'assurance ffsa directeur général adjoint des assurances générales de france agf

Gilles Johanet :

a d'abord estimé que le niveau de détail et de pertinence des comptes sociaux est encore insuffisant pour permettre au Gouvernement, au Parlement et aux partenaires sociaux de suivre convenablement les évolutions du système de protection sociale et de juger sa performance. De réels progrès ont été faits pour la branche vieillesse grâce à la création du conseil d'orientation des retraites (Cor) et à la réforme Fillon de 2003. Toutefois, les besoins de clarification des comptes sont encore considérables pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), qui se caractérise par des résultats sensiblement différents d'une caisse régionale à l'autre. Pour la branche maladie, l'analyse de la performance médicale, financière et sociale du système est encore très insuffisante.

Pour un niveau d'information optimal, il conviendrait idéalement de disposer d'un « carré magique » comprenant la ventilation des dépenses, leur contrepartie productive, la pertinence de cette contrepartie ainsi que le coût de celle-ci. Or, ces informations restent incomplètes puisque, par exemple, la ventilation des dépenses n'est pas précisée pour l'hôpital, alors que ce poste représente 47 % des dépenses de santé. Pourtant, cette insuffisance est connue depuis de nombreuses années et on ne l'a pas corrigée, malgré une circulaire de 1989 engageant les directeurs d'hôpitaux à améliorer le système d'information relatif aux dépenses des établissements.

A cet égard, la faible productivité des dépenses des hôpitaux constitue un sujet d'inquiétude majeur. Citant l'exemple de l'imagerie à résonance magnétique (IRM), M. Gilles Johanet a indiqué que les hôpitaux effectuent en moyenne 4 700 actes par an et les centres de lutte contre le cancer 468, contre plus de 13 000 pour les structures privées. De fait, l'utilisation des IRM dans le secteur public n'est pas optimale, ce qui peut entraîner un problème de qualité lorsque la pratique de l'acte médical est trop peu courante. Plus généralement, la question de l'allocation des ressources humaines et matérielles dans le domaine de la santé devrait faire l'objet d'une analyse plus fine pour améliorer la productivité des dépenses, notamment par des économies d'échelle. Dans l'exemple précédent, il s'agirait ainsi de limiter le nombre d'IRM en milieu rural et de développer les IRM « en batterie » dont le coût de fonctionnement est de 30 % inférieur à celui d'un appareil utilisé isolément.

Abordant le rôle des partenaires sociaux dans la gestion du système de protection sociale, M. Gilles Johanet s'est déclaré attaché au paritarisme, le jugeant indispensable au dialogue et, au-delà, à la cohésion sociale, même si le paritarisme n'a pas toujours correctement fonctionné.

Il a souhaité que le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie fasse évoluer les mentalités des partenaires sociaux et de l'opinion publique sur le sujet de l'optimisation des dépenses de santé, comme le Cor y est parvenu pour les retraites, même si cette évolution semble plus difficile pour l'assurance maladie, en raison de l'importance des intérêts des professionnels de santé et d'une approche souvent trop systémique de ces questions.

Il s'est déclaré préoccupé par le développement du subreptisme qui modifie sans le dire le paradigme de 1945 selon lequel toute dépense sociale nouvelle est synonyme de progrès social, et son augmentation permise par des ressources humaines et financières quasi illimitées. Cette méthode de réforme opaque n'est à son avis pas étrangère à la « poujadisation rampante » des professionnels de santé, inquiets des changements de leurs conditions de travail et des pressions souvent contradictoires exercées par l'Etat et par les caisses pour améliorer leur performance.

Concernant l'avenir des lois de financement de la sécurité sociale et la place particulière de la protection sociale au sein des finances publiques, il s'est élevé contre la proposition de fusionner les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Si les branches retraite et accidents du travail sont par nature contributives, la stricte logique de solidarité ne s'applique en réalité que pour la CMU, qui ne devrait d'ailleurs pas pour autant être exclue d'une recherche de performance. Il a cité, à cet égard, le paradoxe du remboursement total, unique en Europe, des dépenses d'homéopathie pour les bénéficiaires de la CMU et, à l'inverse, leur mauvaise couverture dentaire. Il a souligné le problème des dentistes qui refusent certains des patients à la CMU, car leur prise en charge constitue pour leur cabinet un coût économique, notamment pour l'activité de prothésiste.

a jugé absurde que les professionnels de santé soient associés à la régulation de la dépense sociale. Aucun contrat n'est en effet crédible entre la puissance publique et les soignants, dans la mesure où ces derniers disposent d'une liberté absolue d'installation, de prescription et parfois de tarification et que le conventionnement n'est pas sélectif.

Il s'est déclaré favorable à une coopération entre l'assurance maladie et les assurances complémentaires, rendue nécessaire par la logique de modulation du ticket modérateur. Ce partenariat doit toutefois être contractuel, et non réglementaire, et ne pas être soumis à l'accord préalable des professionnels de santé. Il suppose également que les complémentaires aient accès aux données de l'assurance maladie, leur permettant de connaître ce qui revient à leur charge et ainsi de répondre au mieux à la demande de performance formulée par les assurés. Enfin, certains transferts de remboursements de l'assurance maladie vers les assurances complémentaires devraient être organisés pour que la solidarité nationale conserve les moyens de prendre en charge de nouvelles dépenses et être accompagnés de la liberté de remboursement pour les complémentaires en fonction de l'intérêt médical de l'acte ou du produit.

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