Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Réunion du 29 mai 2007 : 3ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • assurés
  • contrepartie

La réunion

Source

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi sous la présidence de M. Alain Vasselle, président, la mission a poursuivi ses auditions sur les évolutions du périmètre de la protection sociale.

Elle a tout d'abord entendu M. Gilles Johanet, président du comité maladie à la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA), directeur général adjoint des Assurances générales de France (AGF).

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a rappelé à titre liminaire l'expérience acquise par M. Gilles Johanet en matière de financement de la protection sociale comme directeur général de la Caisse nationale d'assurance maladie (Cnam) puis, à partir de l'année 2003, comme directeur général adjoint des Assurances générales de France (AGF), enfin, comme président du comité maladie de la Fédération française des sociétés d'assurance (FFSA) à compter de 2004.

Debut de section - Permalien
Gilles Johanet

a d'abord estimé que le niveau de détail et de pertinence des comptes sociaux est encore insuffisant pour permettre au Gouvernement, au Parlement et aux partenaires sociaux de suivre convenablement les évolutions du système de protection sociale et de juger sa performance. De réels progrès ont été faits pour la branche vieillesse grâce à la création du conseil d'orientation des retraites (Cor) et à la réforme Fillon de 2003. Toutefois, les besoins de clarification des comptes sont encore considérables pour la branche accidents du travail-maladies professionnelles (AT-MP), qui se caractérise par des résultats sensiblement différents d'une caisse régionale à l'autre. Pour la branche maladie, l'analyse de la performance médicale, financière et sociale du système est encore très insuffisante.

Pour un niveau d'information optimal, il conviendrait idéalement de disposer d'un « carré magique » comprenant la ventilation des dépenses, leur contrepartie productive, la pertinence de cette contrepartie ainsi que le coût de celle-ci. Or, ces informations restent incomplètes puisque, par exemple, la ventilation des dépenses n'est pas précisée pour l'hôpital, alors que ce poste représente 47 % des dépenses de santé. Pourtant, cette insuffisance est connue depuis de nombreuses années et on ne l'a pas corrigée, malgré une circulaire de 1989 engageant les directeurs d'hôpitaux à améliorer le système d'information relatif aux dépenses des établissements.

A cet égard, la faible productivité des dépenses des hôpitaux constitue un sujet d'inquiétude majeur. Citant l'exemple de l'imagerie à résonance magnétique (IRM), M. Gilles Johanet a indiqué que les hôpitaux effectuent en moyenne 4 700 actes par an et les centres de lutte contre le cancer 468, contre plus de 13 000 pour les structures privées. De fait, l'utilisation des IRM dans le secteur public n'est pas optimale, ce qui peut entraîner un problème de qualité lorsque la pratique de l'acte médical est trop peu courante. Plus généralement, la question de l'allocation des ressources humaines et matérielles dans le domaine de la santé devrait faire l'objet d'une analyse plus fine pour améliorer la productivité des dépenses, notamment par des économies d'échelle. Dans l'exemple précédent, il s'agirait ainsi de limiter le nombre d'IRM en milieu rural et de développer les IRM « en batterie » dont le coût de fonctionnement est de 30 % inférieur à celui d'un appareil utilisé isolément.

Abordant le rôle des partenaires sociaux dans la gestion du système de protection sociale, M. Gilles Johanet s'est déclaré attaché au paritarisme, le jugeant indispensable au dialogue et, au-delà, à la cohésion sociale, même si le paritarisme n'a pas toujours correctement fonctionné.

Il a souhaité que le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie fasse évoluer les mentalités des partenaires sociaux et de l'opinion publique sur le sujet de l'optimisation des dépenses de santé, comme le Cor y est parvenu pour les retraites, même si cette évolution semble plus difficile pour l'assurance maladie, en raison de l'importance des intérêts des professionnels de santé et d'une approche souvent trop systémique de ces questions.

Il s'est déclaré préoccupé par le développement du subreptisme qui modifie sans le dire le paradigme de 1945 selon lequel toute dépense sociale nouvelle est synonyme de progrès social, et son augmentation permise par des ressources humaines et financières quasi illimitées. Cette méthode de réforme opaque n'est à son avis pas étrangère à la « poujadisation rampante » des professionnels de santé, inquiets des changements de leurs conditions de travail et des pressions souvent contradictoires exercées par l'Etat et par les caisses pour améliorer leur performance.

Concernant l'avenir des lois de financement de la sécurité sociale et la place particulière de la protection sociale au sein des finances publiques, il s'est élevé contre la proposition de fusionner les lois de finances et de financement de la sécurité sociale. Si les branches retraite et accidents du travail sont par nature contributives, la stricte logique de solidarité ne s'applique en réalité que pour la CMU, qui ne devrait d'ailleurs pas pour autant être exclue d'une recherche de performance. Il a cité, à cet égard, le paradoxe du remboursement total, unique en Europe, des dépenses d'homéopathie pour les bénéficiaires de la CMU et, à l'inverse, leur mauvaise couverture dentaire. Il a souligné le problème des dentistes qui refusent certains des patients à la CMU, car leur prise en charge constitue pour leur cabinet un coût économique, notamment pour l'activité de prothésiste.

a jugé absurde que les professionnels de santé soient associés à la régulation de la dépense sociale. Aucun contrat n'est en effet crédible entre la puissance publique et les soignants, dans la mesure où ces derniers disposent d'une liberté absolue d'installation, de prescription et parfois de tarification et que le conventionnement n'est pas sélectif.

Il s'est déclaré favorable à une coopération entre l'assurance maladie et les assurances complémentaires, rendue nécessaire par la logique de modulation du ticket modérateur. Ce partenariat doit toutefois être contractuel, et non réglementaire, et ne pas être soumis à l'accord préalable des professionnels de santé. Il suppose également que les complémentaires aient accès aux données de l'assurance maladie, leur permettant de connaître ce qui revient à leur charge et ainsi de répondre au mieux à la demande de performance formulée par les assurés. Enfin, certains transferts de remboursements de l'assurance maladie vers les assurances complémentaires devraient être organisés pour que la solidarité nationale conserve les moyens de prendre en charge de nouvelles dépenses et être accompagnés de la liberté de remboursement pour les complémentaires en fonction de l'intérêt médical de l'acte ou du produit.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a souhaité savoir si le fait d'améliorer la productivité des dépenses de santé, en particulier du secteur hospitalier, suffirait à résoudre le déficit chronique de l'assurance maladie.

Debut de section - Permalien
Gilles Johanet

a convenu que l'augmentation de la productivité ne pourrait régler à elle seule le problème du déficit, mais qu'elle constitue un élément capital de la solution. Il a pris l'exemple du nombre d'infirmiers hospitaliers, passé de 150 000 à 460 000 entre 1975 et aujourd'hui, alors que le nombre d'entrées et la durée moyenne de séjour ne se sont pas accrus dans les mêmes proportions. Le secteur hospitalier est trop diffus, peu hiérarchisé et insuffisamment spécialisé. Les seules améliorations apportées ont concerné les greffes grâce à un décret pris par Michèle Barzac et le maillage territorial des maternités mis en place par Bernard Kouchner, lorsqu'ils étaient ministres de la santé.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

a rappelé que la commission des affaires sociales du Sénat appelle de ses voeux depuis longtemps une réforme ambitieuse de l'hôpital. Elle a souhaité que cette réforme prévoie notamment un système de promotion des directeurs d'hôpitaux en fonction des résultats obtenus.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

Abordant le problème du déficit sous l'angle de la médecine de ville, M. François Autain a considéré que les médecins libéraux bénéficient en réalité des avantages du salariat, compte tenu de leur conventionnement avec l'assurance maladie et s'est déclaré favorable à la mise en place d'un conventionnement sélectif, rappelant que la Fédération hospitalière de France (FHF) le préconise également. Il s'est inquiété de l'individualisme croissant des soignants comme des assurés, qui rend délicate toute tentative de réforme du système de santé.

Il a dénoncé le lien entre l'Etat, qui détermine en particulier le prix des médicaments, et les professionnels de santé. Or, le prix des médicaments devrait être fixé par les organismes d'assurance plutôt que par le ministre et l'assurance maladie obligatoire devrait avoir la responsabilité entière pour les soins entrant dans un panier bien déterminé, le reste pouvant être transféré aux assurances complémentaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Bernard Cazeau

a souhaité connaître l'opinion de M. Gilles Johanet sur les franchises applicables aux remboursements annoncées par le Gouvernement.

Debut de section - Permalien
Gilles Johanet

a rappelé que les pouvoirs publics avaient longtemps eu une approche essentiellement comptable de l'assurance maladie, puis une approche médicale ces cinq dernières années, mais jamais une approche économique du système. Or, l'économie de la santé est une économie de rente, puisque l'offre de soins n'est régulée ni par la demande, ni par les prix. Le système crée ses propres dépenses. Ainsi, la généralisation du dépistage obligatoire du cancer du sein a été pour partie décidée afin d'utiliser les 1 500 mammographes implantés sur le territoire national, nombre élevé comparé aux 400 appareils anglais et aux 600 allemands. De même, la France compte 4 500 laboratoires de biologie, dont un tiers n'atteint pas l'équilibre financier, au lieu de 600 en Allemagne. Il y a donc des progrès à faire en matière d'économies d'échelle.

Les pouvoirs publics doivent se placer sur le terrain du « donnant-donnant » pour faire accepter aux soignants les nécessaires réformes. Or, la tendance est plutôt à ménager leur susceptibilité, comme tel a été le cas avec les médecins généralistes dont les honoraires ont été portés à 23 euros sans contrepartie, alors qu'il convenait, par exemple, de négocier la suppression de la prescription médicale facultative afin de développer l'automédication, moins coûteuse pour la collectivité. Une réflexion doit également être engagée sur les actes effectués par ces professionnels, dont un tiers semble relever du paramédical. Dans un contexte de démographie médicale défavorable - le nombre de médecins généralistes devrait revenir de 55 000 à 40 000 ces prochaines années - il serait utile de recentrer leurs missions sur les actes les plus médicalisés. Or, les pouvoirs publics se sont contentés d'une frileuse délégation de tâches aux professions paramédicales, décidée de manière subreptice, au lieu de mettre en place un véritable transfert de compétences.

a ensuite reconnu que l'établissement du prix des médicaments devrait logiquement revenir aux financeurs, même si ce point ne fait pas partie des principales revendications des assureurs complémentaires. Il serait également souhaitable de disposer d'un bilan annuel précis des rabais, ristournes et remises accordés dans la plus complète opacité par les laboratoires pharmaceutiques.

Debut de section - PermalienPhoto de Marie-Thérèse Hermange

a complété ce propos en indiquant que le niveau de consommation médicamenteuse à l'hôpital, en forte augmentation, ne fait l'objet d'aucune communication.

Debut de section - PermalienPhoto de François Autain

a estimé que la consommation de médicaments ne peut être régulée que par les prix.

Debut de section - Permalien
Gilles Johanet

a rappelé la position particulière du système de santé français, qui a refusé de se réformer par la voie du marché, pourtant choisie avec succès par le Japon et l'Allemagne et consistant en des prix libres et des niveaux de remboursement au tarif de référence. La solution administrée a été préférée par la France pour deux raisons principales : le maintien de l'attractivité du territoire national pour l'industrie pharmaceutique (320 laboratoires sont aujourd'hui présents sur le marché français : l'instauration d'un tarif de référence n'en laisserait subsister qu'une quinzaine) et l'idée que l'administration est capable de réguler le système en l'encadrant. Or, seul, Xavier Bertrand, lorsqu'il était en charge du ministère de la santé, est parvenu à faire en sorte que les laboratoires soient conduits, pour la première fois, à contribuer au financement du système de santé.

Sur les transferts de charges entre l'assurance maladie et les assurances complémentaires pour les soins et les médicaments à faible intérêt thérapeutique, M. Gilles Johanet a souhaité qu'une réflexion soit rapidement menée, de même que sur l'instauration de contreparties mesurables et suivies pour toute augmentation des honoraires des soignants. A cet égard, la négociation en cours sur le secteur optionnel est instructive.

Les franchises ne répondent pas au problème du déficit de manière efficiente. En effet, elles ne sont pas concentrées sur les dépenses les plus coûteuses, qui dépendent de l'heure (honoraires de nuit), de la nature de l'acte (les échographies ou les actes de chirurgie par exemple) et du lieu (les hôpitaux locaux ont un rendement plus faible). En outre, si les franchises ne s'appliquent qu'aux dépenses avec ticket modérateur, elles ne touchent pas les onze millions de personnes en affection de longue durée (ALD), dont les dépenses de santé augmentent trois à quatre fois plus vite que celle des cinquante autres millions de Français.

Plutôt que la mise en place de franchises, il vaudrait mieux modifier les critères de classement en ALD. Les critères médicaux actuels ne sont pas adaptés et exercent une pression très grande sur les médecins pour qu'ils acceptent de déclarer les patients en ALD. Ainsi, si 28 % des diabétiques étaient inscrits en ALD dans les années 1960, ils sont 78 % aujourd'hui, sans que la nature du mal ait changé. Il faut au contraire mettre en place des critères financiers en fonction des ressources du patient, comme le préconise la Haute Autorité de santé, pour limiter le risque de fraude et, par là, l'inflation des dépenses. En effet, il n'est pas souhaitable que l'assurance maladie ne protège à terme qu'une minorité de Français pris en charge à 100 %. Néanmoins, les franchises, sorte de « reste à charge initial », finiront sans doute par se mettre en place, sous réserve de la résolution d'un certain nombre de difficultés techniques.

La mission a enfin procédé à l'audition de M. Jacques Bichot, professeur à l'université Jean Moulin Lyon III.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

a tout d'abord souligné qu'il convient de distinguer les différents prélèvements obligatoires en fonction de la présence ou non de contrepartie et du risque de phénomène de passager clandestin qu'ils entraînent, c'est-à-dire l'apparition de services gratuits financés par tous. Certaines activités, notamment dans le domaine régalien de l'Etat, ne peuvent être financées que par des prélèvements obligatoires sans contrepartie. En revanche, dans le domaine de la protection sociale, qui s'apparente à une activité de prestation de service, il est préférable de choisir des prélèvements obligatoires avec contrepartie. Tel était d'ailleurs le choix opéré par les fondateurs de la sécurité sociale quand ils ont opté pour un financement par cotisations sociales. A l'heure actuelle, le financement de la protection sociale tend à s'éloigner de ce modèle, avec une forte progression du financement par prélèvements obligatoires sans contrepartie.

Les comptes publics constituent un ensemble complexe, en raison de la multiplicité des acteurs concernés et d'une organisation des relations financières entre ces acteurs, qui est source de confusion. Dans le domaine social, les relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale ont été rendues particulièrement peu lisibles en raison des choix opérés en matière d'allégement de charges sociales. Par ailleurs, la multiplication des fonds a entraîné la mise en place d'une tuyauterie compliquée et changeante, qui ne facilite pas la reconstitution des comptes et leur suivi à moyen terme.

Abordant la question de la fusion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale, M. Jacques Bichot a considéré que cette proposition s'inscrit dans la suite logique de la transformation du conseil des impôts en conseil des prélèvements obligatoires et relève de la même idée que la création d'un ministère des comptes publics. Il s'est déclaré défavorable à une telle fusion, estimant que celle-ci n'améliorerait pas la clarté des relations financières entre l'Etat et la sécurité sociale.

Le projet de loi de financement de la sécurité sociale doit se concentrer sur les sujets relevant réellement de son périmètre afin d'enrayer sa tendance à se transformer en « projet de loi portant diverses mesures d'ordre social » et il faut laisser aux gestionnaires de la sécurité sociale le soin de prendre les mesures de gestion quotidiennes qui n'entrent pas dans le champ de compétences du Parlement.

S'agissant du rôle des partenaires sociaux, il a observé qu'ils assurent correctement leur mission, dès lors que l'on respecte leur rôle de gestionnaire. Ainsi, l'association générale des institutions de retraite des cadres (Agirc) et l'association des régimes de retraite complémentaire (Arrco), qui sont gérées par les partenaires sociaux, réussissent à s'adapter progressivement à l'évolution de leurs charges, là où le régime général échoue en raison d'une intervention systématique de l'Etat. Il serait donc souhaitable d'accroître nettement le rôle des partenaires sociaux dans le régime général et d'éviter que l'Etat interfère dans la gestion de la sécurité sociale.

a estimé ambiguë la notion de droits acquis par le travail, lui préférant celle de droits acquis par les cotisations. La notion de droits acquis par le travail a souvent été mal comprise. En particulier aux Etats-Unis, en déconnectant les prestations servies des cotisations qui les financent, elle a entraîné des dettes sociales très importantes pour certaines entreprises du secteur automobile, qui ont reporté de façon dangereuse une partie de leurs charges dans le futur.

Il s'est dit favorable à un remplacement des cotisations patronales par des cotisations salariales, afin de clarifier le coût du travail pour les entreprises et de montrer que les cotisations sont effectivement supportées par le salarié.

S'agissant de la fonction publique, les charges de pension inscrites au budget d'une année donnée ont en réalité été créées lors d'exercices antérieurs. On impute donc à une mauvaise gestion de la dépense publique un phénomène qui relève en réalité d'une mauvaise gestion de la dette de l'Etat.

Le principe d'un financement par des cotisations salariales peut, à son sens, être conservé pour la plupart des risques, à l'exception des accidents du travail. Dans ce dernier domaine, il est normal que le financement du risque repose sur une cotisation de l'employeur, dans la mesure où c'est lui qui crée le risque pour ses salariés. Il a insisté sur le fait que la branche famille peut rester financée par des cotisations sociales, puisqu'elle finance des dépenses ayant un caractère d'investissement dans le capital humain pour les entreprises.

Il serait souhaitable de mettre fin à la progression de la part de l'impôt dans le financement de l'assurance maladie, sachant qu'un financement par cotisations sociales n'exclut pas la possibilité d'un régime de solidarité. Le régime actuel de la CMU de base en est un bon exemple, puisqu'il consiste à subventionner la cotisation de ceux qui ne peuvent la payer.

La TVA sociale ne constitue pas, à son avis, une ressource de financement réellement intéressante. Sa variante, consistant à moduler les cotisations sociales en fonction de la valeur ajoutée de l'entreprise, n'est pas plus opérationnelle. D'ailleurs, Maurice Lauré, inventeur de la TVA, n'était pas lui-même partisan d'une TVA sociale, puisqu'il avait démontré qu'un financement par cotisations sociales était le mode de financement de la protection sociale le plus compatible avec l'économie de marché.

s'est alors dit favorable à toute mesure permettant aux assurés de mieux percevoir le coût de la protection sociale. Il est nécessaire que chacun puisse expérimenter en pratique ce coût et telle est la raison pour laquelle un financement par cotisations salariales est préférable. Dans le même souci, on pourrait mettre fin au prélèvement à la source des cotisations salariales, afin que les assurés soient obligés de faire un acte positif pour s'acquitter de leurs cotisations. Une meilleure perception, par les assurés, du coût de la protection sociale devrait leur permettre d'influencer son évolution par leurs choix de consommation.

Il est souhaitable de préserver une distinction entre protection sociale et budget de l'Etat, qui pourrait continuer à reposer sur le critère assurance/assistance. Toutefois, la solidarité entre les assurés sociaux ne se limite pas à l'existence d'un régime non contributif, car elle s'opère également dans le cadre de la mutualisation qui préside au régime assurantiel.

a observé que les dépenses de solidarité représentent aujourd'hui entre 25 % et 30 % des dépenses de protection sociale, soit un montant total d'environ 130 milliards d'euros. Cette somme étant équivalente au produit actuel de la CSG et de l'impôt sur le revenu, on pourrait envisager de fusionner ces deux impôts afin d'en affecter le produit au financement de la protection sociale de solidarité.

La gestion de la dépense sociale ne peut être améliorée, à son sens, qu'en rapprochant les gestionnaires de la dépense. Telle est la raison pour laquelle les partenaires sociaux doivent rester les gestionnaires principaux de la sécurité sociale. D'ailleurs, dans certains domaines, les assurés sociaux pourraient eux-mêmes piloter la dépense : en matière de retraites, il serait possible de fixer simplement des règles de neutralité actuarielle permettant aux assurés de faire leur choix en toute connaissance de cause, au lieu d'intervenir sans cesse par des mesures législatives.

Debut de section - PermalienPhoto de André Lardeux

a souhaité savoir si les transferts de compétences réalisés au profit des départements en matière de protection sociale, notamment au titre de la dépendance, ont un caractère vertueux ou inflationniste en termes de dépenses.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

a reconnu qu'en matière de dépendance, la période écoulée fait apparaître une augmentation forte des dépenses, mais qu'il serait injuste d'attribuer cette augmentation à un laxisme des départements. La hausse des dépenses est due en réalité à la montée en charge d'une prestation nouvelle dans un contexte de vieillissement généralisé de la population. Au total, les départements assurent une gestion aussi, voire plus, économe qu'un organisme de sécurité sociale classique.

Le choix de confier la gestion du risque dépendance aux départements ne signifie pas qu'il faille renoncer à l'inclure dans la protection sociale : une véritable assurance dépendance pourrait même être mise en place en mobilisant une partie des revenus des jeunes retraités.

Debut de section - PermalienPhoto de Alain Vasselle

a rappelé que les prestations d'assurance maladie sont principalement concentrées sur onze millions d'assurés, alors que cinquante millions d'autres personnes cotisent avec un faible retour en termes de prestations. Il a donc relevé le risque qu'il y aurait à faire apparaître un écart important entre les cotisations supportées et la consommation réelle de soins, dès lors qu'on mettrait fin au prélèvement à la source des cotisations sociales. Il a souligné qu'en laissant le salarié libre de reverser ou non ses cotisations, il est probable que de nombreuses personnes choisiront de ne pas payer tant qu'elles ne se sentiront pas concernées, ce qui serait contraire à la logique de mutualisation et de solidarité intergénérationnelles de l'assurance maladie.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacques Bigot

a estimé que l'assurance maladie doit rester obligatoire afin de préserver la solidarité propre à la protection sociale. Toutefois, l'assurance maladie n'est pas une assurance ordinaire, puisque certains, comme les enfants, sont assurés gratuitement et que d'autres cotisent de façon identique, alors qu'ils consomment davantage. Il a d'ailleurs évoqué la possibilité d'appliquer une logique actuarielle au calcul des cotisations d'assurance maladie. Le choix d'une telle solution éviterait d'avoir à recourir à des mécanismes d'exonération de charges pour les jeunes afin de compenser un coût du travail trop élevé par rapport à leur productivité. Il a enfin rappelé qu'il est possible de distinguer une assurance obligatoire de base pour les soins les plus importants et les plus coûteux et une assurance facultative pour le reste.