Intervention de Marie-Agnès Labarre

Réunion du 6 mai 2010 à 21h30
Loi de finances rectificative pour 2010 — Article 1er

Photo de Marie-Agnès LabarreMarie-Agnès Labarre :

L’article 1er de ce projet de loi de finances rectificative a pour objet « de favoriser la stabilité financière au sein de la zone euro ». Là est bien le problème, en effet !

Je ne parlerai pas du manque de réactivité des instances de l’Union européenne, qui ne se sont intéressées à la situation de la Grèce que lorsque cet État s’est trouvé au bord du gouffre. Pourtant, la crise couvait depuis plusieurs mois. Peut-être était-ce l’un des objectifs de l’Union européenne et de l’Allemagne pour obliger la Grèce à passer la corde au cou à sa population.

Je ne parlerai pas de la manière dont les dirigeants politiques de l’ensemble de l’Union, Gouvernement français compris, ont traité le peuple grec, premier représentant de ceux que vous nommez les PIGS. Comme si le niveau de vie des Grecs était aujourd’hui si luxueux !

Que n’avons-nous entendu à propos de ces fonctionnaires se dépêchant de sortir du boulot pour aller conduire leur taxi, reconnaissant au passage que le faible niveau des traitements des fonctionnaires les obligeait à avoir un emploi supplémentaire pour pouvoir vivre décemment !

« Travailler plus, pour gagner plus », ou en tout cas « pour gagner décemment sa vie », voilà ce que sont obligés de faire nos PIGS fainéants !

Je ne parlerai pas non plus du fait que l’Union européenne n’est même pas capable de résoudre une crise au sein de la zone euro sans faire appel au FMI et à son directeur général, que nous connaissons tous ici. Ce FMI qui a déjà tant affamé les peuples dans l’histoire récente : les Argentins, les Hongrois, les Roumains. Voilà maintenant le tour de la Grèce !

Mes chers collègues, par cette faiblesse, nous venons de faire entrer le loup dans la bergerie. Croyez bien qu’il ne sera pas rassasié si rapidement.

Non, je ne parlerai pas de cela ! Je mentionnerai seulement que, si l’objectif recherché par le Gouvernement et par la frange de l’opposition qui approuve cette politique était vraiment « la stabilité financière de la zone euro », alors c’est tout le cadre institutionnel de l’Union européenne qu’il faudrait changer. Il est vrai que, à une époque, il y a déjà eu union sacrée entre l’UMP et le PS pour faire passer le traité de Lisbonne dans le dos du peuple français, qui l’avait rejeté deux ans plus tôt.

Ce cadre institutionnel est aujourd’hui inopérant pour casser les reins de la spéculation contre les États. Si tel était l’objectif de l’Union européenne et des États membres, il n’y aurait qu’une seule solution : la Banque centrale européenne devrait prêter directement au pays agressé par la spéculation au taux européen de 1 %

Ce qui a été possible pour les banques il y a un an devrait l’être a fortiori pour un État, qui représente l’intérêt général. Pourtant, ce n’est pas le cas. L’article 123 du traité sur le fonctionnement de l’Union européenne l’interdit : « Il est interdit à la Banque centrale européenne et aux banques centrales des États membres [...] d’accorder des découverts ou tout autre type de crédit aux institutions, organes ou organismes de l’Union, [...] des États membres ; l’acquisition directe, auprès d’eux, par la Banque centrale européenne ou les banques centrales nationales, des instruments de leur dette est également interdite. »

Contrairement à la Réserve fédérale des États-Unis, la BCE ne peut accorder de prêts directement aux États. La spéculation ne peut donc être stoppée rapidement. Au contraire, cette dernière peut disposer des fonds mis à sa disposition par la BCE. C’est un comble !

Vous nous répondrez sans doute qu’il existe dans le traité des dispositions pour les cas de crise majeure. C’est vrai, mais à des conditions restreintes. En effet, cela est possible uniquement pour des événements exceptionnels échappant au contrôle de l’État concerné. On comprend mieux l’acharnement de certains dirigeants de l’Union européenne, du FMI et même du Gouvernement à toujours mettre en avant la responsabilité des Grecs, ces tricheurs invétérés qui vivraient dans le luxe.

En réalité, la procédure d’aide mise en place pour la Grèce est celle prévue à l’article 143 du traité sur le fonctionnement de l’UE s’agissant d’une aide exceptionnelle à un État non-membre de la zone euro. Cette procédure peut prendre la forme « d’une action concertée auprès d’autres organisations internationales, auxquelles les États membres faisant l’objet d’une dérogation peuvent avoir recours » et « d’octroi de crédits limités de la part d’autres États membres, sous réserve de leur accord ». C’est exactement ce qui est en train de se passer avec la Grèce : appel au FMI et négociation avec les autres États membres pour accorder des crédits exceptionnels.

La Grèce est donc traitée comme un pays ne faisant pas partie de la zone euro parce qu’il n’existe pas de mécanisme spécifique à la zone euro et que la Grèce est montrée du doigt comme le mauvais élève de la monnaie unique.

Telle est « l’Europe qui protège » des tenants du « oui », qui dénonçaient notre égoïsme national !

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