Intervention de Michel Rosenblat

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 23 mai 2012 : 1ère réunion
Table ronde avec les organisations syndicales et professionnelles des cadres hospitaliers

Michel Rosenblat, médecins, dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (Syncass-CFDT) :

secrétaire général du syndicat des cadres de direction, médecins, dentistes et pharmaciens des établissements sanitaires et sociaux publics et privés (Syncass-CFDT). - Nous suivons avec beaucoup d'intérêt vos travaux. On ne peut porter d'appréciation globale sur le système d'allocation des ressources si on ne regarde pas à qui il s'applique. Même en adaptant l'outil tarifaire, un établissement dont le bassin de population ne lui permet pas d'avoir une activité correspondant à ses coûts de production restera dans une situation difficile. La T2A est utilisée comme un outil de planification, d'orientation de l'activité alors qu'elle n'est pas faite pour cela. Si un établissement connaît des difficultés de recrutement, ce n'est pas l'outil tarifaire qui règlera son problème ! C'est dire que la situation est très diverse selon les établissements.

Le système d'allocation de ressources est assis pour l'essentiel sur les ressources tirées de l'activité. Au temps du budget global, les dotations étaient révisées en fonction de l'activité, mesurée par les points ISA. Sur le principe, allouer les ressources proportionnellement à l'activité est un progrès, sachant toutefois que toutes les activités ne s'y prêtent pas, missions d'intérêt général, psychiatrie, soins de suite par exemple.

L'utilisation de ce modèle tarifaire pour chaque séjour et chaque pathologie est complexe. Sa mise en oeuvre a été très progressive. Au départ, les directions, les équipes et le corps médical ont vu la chose d'un bon oeil et se sont mobilisés, mais ils ont vite déchanté : la logique intrinsèque du modèle oblige tous les ans à une progression de l'activité de 1 % à 2 % pour conserver les recettes de l'année précédente, donc incite à en faire le plus possible. L'effet est inflationniste : le nombre de séjours est à la hausse alors que la situation sanitaire du pays n'a pas changé. On voit bien le biais : comment fixer, sur un territoire donné, un objectif d'accroissement annuel des accouchements de 2 % ? Ou alors il faut faire revenir les patientes... Nous touchons là aux effets pervers en termes d'intensification du travail et de conditions de travail, qui provoquent une véritable fuite du personnel hospitalier et des difficultés de recrutement, avec cependant de fortes disparités régionales. Nous ne sommes plus dans la logique « gagnant-gagnant » initiale. Beaucoup ont le sentiment d'avoir été manipulés. Certains établissements s'en sont bien sortis, d'autres sont dans une situation plus calamiteuse. Le système n'a pas prouvé son efficacité au regard de la répartition des ressources. Des rentes de situation demeurent.

Quels correctifs apporter ? Il y a un effet tarif corrélé avec la diversité des disciplines. Outre le cas des CHU, les gros établissements ont plutôt été pénalisés simplement à cause de la typologie des actes qu'ils réalisent. Le case-mix peut avoir un effet de renchérissement des coûts. Les tarifs sont déconnectés des coûts. A l'origine, on s'est fondé sur une moyenne des coûts constatés et on a demandé aux établissements d'améliorer leurs coûts. Ce qui a conduit à des réorientations d'activité et des dérives graves : pour décourager les césariennes, leur tarif a été fixé en dessous de leur coût, tandis qu'on surpayait l'accouchement normal ! Le choix n'a pas à être fonction du tarif ! Et pourtant... Comme les coûts fixes sont importants, les opérateurs qui voudraient rattraper les écarts tarifaires feront davantage de césariennes... Utiliser l'outil tarifaire pour réorienter l'activité induit des biais, coûteux en termes économiques comme de santé publique.

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