Intervention de Francis Sahal

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 23 mai 2012 : 1ère réunion
Table ronde avec les organisations syndicales et professionnelles des cadres hospitaliers

Francis Sahal, membre du collectif Directeurs de l'UFMICT-CGT :

Pour la CGT, la T2A n'est pas amendable et doit être supprimée. Il faut une révolution, revenir au budget global. Toutes les personnes que vous avez auditionnées pointent les effets calamiteux de la T2A, mais personne ne donne de solutions pour les réduire. Il n'y a donc pas d'alternative. Pourquoi tout le monde soutient-il ce système ? Les Etats-Unis, qui l'ont inspiré, ont des dépenses de santé de 50 % supérieures aux nôtres, pour 25 % de population soignée en moins. Donc, en proportion de la population, ceux qui ont inventé ce système dépensent 100 % de plus que nous !

Comme le chante Brassens, « ne tirez pas sur la femme adultère, je suis derrière ! » Qui sanctionne-t-on ? Pas le directeur ! L'idée même de sanction, dans le service public, est une aberration, alors qu'on ne touche pas aux bénéfices des patrons du privé ! Rappelons le rôle de l'Etat, de la tutelle ! Il faut un centre de crise pour les adolescents ? Soit, mais ce n'est pas rentable ! Les directeurs signent les contrats avec les ARS le revolver sur la tempe. La poursuite de la rentabilité à tout prix ne fait pas une politique de santé ! 70 % des dépenses hospitalières, ce sont des dépenses de personnel, 15 % sont des dépenses médicales et seulement 9 % vont à l'investissement et l'amortissement ; est-ce à la T2A de financer les dépenses d'investissement ? Finalement, c'est la sécurité sociale qui finance le patrimoine du secteur privé.

Nous sommes une industrie de main d'oeuvre, plutôt artisanale. Comment faire de la productivité dans ce secteur avec peu d'investissement - 9 % !- sans faire peser toute la pression sur le personnel ? Le statut est en déliquescence. Si la tarification est fausse, si l'allocation des ressources est fausse, le système explose !

Je veux insister sur la fausseté de l'échelle nationale des coûts. Un seul intervenant parmi ceux que vous avez auditionnés, représentant le secteur PSPH, a souligné ce point. Est-ce qu'on explique mieux l'évolution de la dépense en ajoutant un indicateur de plus ? Je m'en suis expliqué à plusieurs reprises devant le comité de suivi. Avec la batterie d'indicateurs actuels, on n'atteint pas une variance supérieure à 80 %, ce qui, pour moi, n'est pas beaucoup. On ne peut pas fixer un budget comme ça. Si on se trompe de deux points dans un budget, on va à la catastrophe ! L'expérience a été faite en psychiatrie. J'ai colligé depuis 1984 tous les événements T2A. Dès 1985, il apparaît que les résultats ne permettent pas d'établir un lien entre les groupes homogènes de journée (GHJ) et le coût de prise en charge. Peu de gens savent comment est fabriquée l'échelle nationale des coûts. Je vous renvoie à l'analyse de Jacques Marescaux ou à celle de la fédération hospitalière de France (FHF). Le taux d'erreurs est énorme. On essaye de rectifier le tir avec les Migac, mais cela ne marche pas, on l'a vu en Midi-Pyrénées : si les ressources T2A ont trop progressé, on baisse les Migac. Bref, la croissance de l'activité du secteur privé conduit à sanctionner le secteur public, à travers les Migac.

Autre exemple : on a porté l'aide médicale de l'Etat (AME) à 30 euros, mais qui la paie ? Avant, quand un patient arrivait aux urgences, il pouvait passer directement au bloc ; aujourd'hui, si le planning fait apparaître une opération plus rémunératrice en salle d'opération, on n'y touchera pas et le patient devra revenir par les urgences - facteur supplémentaire d'engorgement. Cela occasionne aussi des créances irrécouvrables, qui viennent en déduction des ressources de l'hôpital ; mais elles seront de toute façon prises en charge par la collectivité.

J'ai été chargé des modèles économétriques au bureau d'analyse économique de l'Assistance publique-Hôpitaux de Paris. A l'époque, il n'y avait que mille pathologies et non deux mille cinq cents comme aujourd'hui. La comptabilité analytique permettait de calculer des coefficients en ramenant le nombre de journées à leur coût moyen. Mais 70 % des dépenses d'un hôpital sont liées au personnel. Comment les affecter à telle ou telle pathologie ? On les affecte à une unité administrative, puis on les divise pour les imputer à la journée, mais pas à une pathologie. On ne peut imputer le temps réel passé dans chaque service pour chaque pathologie. Pour vérifier la validité de ce système, il faudrait, à l'instar de ce que font les médecins, l'évaluer en comparaison d'un placébo... A l'époque où il n'y avait que mille variables, et non deux mille cinq cents comme aujourd'hui, sur les vingt-six hôpitaux de Paris, il avait été démontré que ce système, fondé pourtant sur une comptabilité analytique homogène, n'était pas bon...

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