Intervention de Frédéric Boiron

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 23 mai 2012 : 1ère réunion
Table ronde avec les organisations syndicales et professionnelles des cadres hospitaliers

Frédéric Boiron, président de l'association des directeurs d'hôpital (ADH) :

Bien sûr.

On peut critiquer la T2A mais il ne faut pas oublier que ce système est bien meilleur que le précédent. La dotation globale, que j'ai connue lors de mes débuts professionnels, poussait à l'immobilisme. Ceux qui avaient une rente de situation ou des appuis bénéficiaient d'une dotation globale importante, au détriment de ceux qui étaient plus innovants, voire plus utiles à leur bassin de population. En quelque sorte, tout le monde avait intérêt à ne pas avoir de malades supplémentaires et à ne pas faire de recherche. Et il était bien difficile de déplacer des ressources d'un établissement à un autre et même d'un service à un autre.

La T2A a obligé les médecins et les directeurs d'hôpitaux publics, qui n'ont certes pas plus de vertus que les autres, à s'interroger sur leurs pratiques et les coûts des actes réalisés. Elle a permis de rappeler à tout le monde que soigner avait un coût et que le financement était collectif. Elle a aussi permis d'avoir une meilleure visibilité de la répartition des ressources que la collectivité affecte à la prise en charge sanitaire et médico-sociale.

En revanche, la T2A n'est pas le seul élément qui contribue à l'équilibre et à la bonne santé financière des établissements. Elle n'est pas un outil parfait ; un établissement qui était en déficit, sans position privilégiée sur son bassin de population, a peu de chance de revenir à l'équilibre du fait du mécanisme d'ajustement prix-volume. On construit un budget sur une base annuelle, l'exercice commence au 1er janvier ; l'EPRD est établi en juin, si tout va bien ; les tarifs sont connus en mars, la notification du « hors tarif » en avril, mais pas toujours... Comment, dans ces conditions, élaborer un budget cohérent et crédible ? Si le gros défaut de la dotation globale était l'immobilisme, celui de la T2A est le court termisme ; nous sommes en permanence dans l'immédiat, pas dans la prévision, alors que c'était justement le but recherché. En outre, l'évolution des tarifs, qui changent d'une année sur l'autre, ne permet pas de construire avec la communauté médicale une politique durable. Comment bâtir un projet une année, alors que l'année suivante une révision à la baisse des tarifs peut mettre en péril son équilibre économique ? A quoi s'ajoutent les effets de masse dans les CHU... De ce fait, il est difficile de convaincre la communauté médicale, qui était majoritairement acquise à la T2A. Sans compter, tout le monde le sait, que les tarifs sont inférieurs aux coûts...

A l'hôpital, la T2A est vécue comme un outil de recettes plutôt que comme un instrument de régulation nationale des dépenses de santé. Si vous ne faites pas plus d'activité que l'année précédente, vous perdez des recettes. Les dépenses annuelles en investissement et en fonctionnement de mon CHU s'élèvent à 500 millions. L'activité doit augmenter de 1,7 % à 2 % en valeur par an si nous voulons éviter de perdre des recettes. Sur le plan pédagogique, c'est contre-productif ; cela peut même provoquer de sérieuses allergies chez certains praticiens... Le pilotage en interne est extrêmement difficile. Quand le tarif de l'ambulatoire, qu'on veut promouvoir par ailleurs, devient inférieur à son coût, l'effet est désastreux...

La construction des tarifs est obscure. Plutôt que d'entretenir l'illusion, autant dire clairement qu'elle a pour objectif la régulation des dépenses. Mais il est impossible de continuer à manager des équipes en tenant un double discours.

J'ai participé à la rédaction d'un rapport duquel il ressortait que la T2A, telle qu'elle est conçue et pratiquée à l'heure actuelle, est un obstacle majeur à la coopération entre les établissements...

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