Intervention de Christiane Demontès

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 18 mai 2010 : 1ère réunion
Rendez-vous 2010 pour les retraites — Examen du rapport d'information

Photo de Christiane DemontèsChristiane Demontès, rapporteure :

a indiqué, qu'après quatre mois d'auditions, le rapport de la Mecss a pour ambition d'explorer les pistes susceptibles, à court et plus long terme, de régler la situation financière urgente du système de retraite, ainsi que de restaurer le pacte intergénérationnel aujourd'hui gravement compromis.

L'histoire des régimes de retraite commence au XVIIe siècle, mais il faut attendre le début du XXe siècle pour assister à une première généralisation du droit à la retraite. A la veille de la Seconde Guerre mondiale, le droit à la retraite n'est encore une réalité que pour une part restreinte de la population. C'est le contexte exceptionnel de la Libération qui permet d'envisager la création d'un régime d'assurance vieillesse généralisé et unique.

Le mode de financement choisi est celui de la répartition, fondée sur le principe de solidarité entre les générations : les cotisations vieillesse versées par les actifs servent immédiatement à payer les pensions des retraités. Dans les faits, l'instauration d'un régime unique se révélant beaucoup plus difficile que prévu, c'est le pragmatisme qui l'emporte : il est décidé d'organiser les régimes de retraite sur une base socioprofessionnelle.

C'est pourquoi, le système de retraite actuel comprend une multiplicité de régimes formant trois étages :

- le premier regroupe les vingt et un régimes de base légalement obligatoires ;

- le deuxième étage rassemble les régimes complémentaires légalement obligatoires ;

- le troisième étage correspond aux dispositifs d'épargne retraite collective et individuelle.

A cet empilement de régimes viennent s'ajouter des techniques de calcul des droits à la retraite différentes selon les régimes. A quelques exceptions près, les régimes de base français fonctionnent en annuités. Les régimes complémentaires sont, en revanche, tous des régimes en points. Les paramètres de calcul des pensions sont, quant à eux, encore plus divers, qu'il s'agisse du décompte de la durée d'assurance, du salaire de référence, de l'âge de départ ou du taux de liquidation.

Sur le plan institutionnel, le système de retraite français revêt une architecture assez atypique qui le distingue des systèmes étrangers sur trois points :

- les régimes de base structurés par profession y sont plus nombreux et plus éclatés ;

- les régimes complémentaires fonctionnent en répartition et non par capitalisation ;

- la place de l'épargne retraite reste marginale.

En revanche, s'agissant du rôle respectif de l'Etat et des partenaires sociaux, le système français est proche de ses homologues étrangers.

Bien que complexe, le système français a fait ses preuves en assurant aux retraités un niveau de vie comparable à celui des actifs. Quatre évolutions importantes sont observables depuis le milieu des années quatre-vingt-dix :

- la première est l'augmentation du montant des pensions au fil des générations, qui s'explique par le fait que les nouveaux retraités ont généralement fait des carrières plus favorables, entraînant des pensions plus élevées ;

- la deuxième évolution, qui découle directement de la précédente, est la progression régulière du niveau de vie moyen des retraités depuis 1996 ;

- la troisième évolution est la quasi-équivalence entre le niveau de vie moyen des retraités et celui des actifs, dès lors qu'on tient compte des revenus du patrimoine, plus élevés chez les retraités ;

- la quatrième évolution est la stabilisation à 10 % du taux de pauvreté des personnes de soixante ans et plus - soit un niveau inférieur à celui de l'ensemble de la population (13 %) et un net recul depuis 1970 où il était de 30 %.

Cependant, ces moyennes masquent des disparités importantes : les inégalités entre retraités n'ont pas disparu. En 2007, 10 % des retraités, principalement ceux ayant eu une carrière incomplète et les femmes, percevaient moins de 913 euros par mois, et 10 % plus de 2 885 euros. La persistance de ces inégalités est notamment liée à la concentration du patrimoine.

La prise de conscience des difficultés démographiques et financières du système de retraite ne date pas d'aujourd'hui. Au cours des vingt dernières années, plusieurs rapports y ont été consacrés : le livre blanc sur les retraites en 1991, le rapport Briet en 1995, le rapport Charpin en 1999, le rapport Teulade en 2000. Ils ont tous plus ou moins éclairé les grandes réformes successives du système de retraite. La première, en 1993, a engagé trois évolutions majeures :

- la fixation d'une durée d'assurance de cent soixante trimestres pour liquider une pension à taux plein dans le régime général et les régimes alignés ;

- le calcul de la pension sur la base du salaire des vingt-cinq - et non plus des dix - meilleures années, toujours dans le régime général et les régimes alignés ;

- l'indexation annuelle des pensions sur les prix et non plus sur les salaires.

Cette réforme a été complétée en 1994 et 1996 par celle des régimes de retraite complémentaires obligatoires Agirc-Arrco, puis le fonds de réserve des retraites (FRR) a été créé en 1997.

La deuxième réforme d'ampleur, mise en oeuvre en 2003, a fait de la durée d'assurance le paramètre essentiel d'ajustement du système de retraite, tout en posant le principe d'un rapport constant entre la durée d'activité et la durée de la retraite. Elle a, en outre, aligné la fonction publique sur le secteur privé : même durée d'assurance pour l'obtention d'une retraite au taux plein (cent soixante trimestres en 2008), même méthode de calcul pour la revalorisation annuelle des pensions, instauration progressive d'une surcote et d'une décote. En revanche, elle a laissé intacte une particularité du régime des fonctionnaires, celle du calcul de la pension sur la base des six derniers mois de salaire.

La réforme de 2003 a également mis en place un dispositif de retraite anticipée pour longue carrière qui a connu un grand succès ; elle a défini un droit à l'information des assurés sur leur retraite, procédé à une réforme des pensions de réversion et développé les dispositifs d'épargne retraite.

La dernière réforme en date est celle des régimes spéciaux, réalisée en 2007 et 2008. Son objectif a été d'harmoniser les principaux paramètres de droit et de calcul appliqués par les régimes spéciaux, la SNCF ou la RATP notamment, avec ceux mis en oeuvre dans la fonction publique.

En définitive, toutes ces réformes ont consisté, pour l'essentiel, à accroître la durée de cotisation nécessaire pour obtenir une pension de retraite à taux plein. Pourtant, elles n'ont pas permis d'assurer la soutenabilité financière des régimes de retraite : celle-ci est plus menacée que jamais, pour des raisons à la fois structurelles et conjoncturelles.

Le système est, en effet, dans une situation de déséquilibre financier dramatique. Les montants sont considérables puisque les dépenses de retraites s'élèvent à 270 milliards d'euros par an, soit davantage que les dépenses de l'Etat ou de l'assurance maladie. Elles correspondent à 13 % du Pib, soit l'un des pourcentages les plus élevées de l'OCDE.

Or, plus de 11 % de la dépense ne sont désormais plus couverts par les recettes : selon François Baroin, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'Etat, le besoin de financement de l'ensemble du système de retraite sera de 30 milliards d'euros en 2010, ce qui s'explique principalement par deux facteurs démographiques :

- la dégradation continue du rapport cotisants-retraités, passé de 4 en 1960 à 1,43 aujourd'hui ;

- l'allongement de l'espérance de vie (de six ans depuis les années quatre-vingt).

S'y ajoutent les conséquences de la crise économique. La contraction des recettes assises sur les revenus d'activité a en effet aggravé les déficits. De plus, la crise a affecté profondément et durablement la masse salariale, rendant improbable l'amélioration spontanée de l'équilibre financier du système de retraite en cas de reprise économique (ce qu'on appelle l'« effet base »).

Les dernières projections financières du Cor font apparaître un besoin de financement de 38 à 40 milliards d'euros par an dès 2015, c'est-à-dire demain. A l'horizon 2050, à législation inchangée, il serait compris entre 72 et 115 milliards en fonction des hypothèses retenues.

Une telle évolution n'est simplement pas supportable par le système de retraite et sa pérennité est menacée si l'on ne prend pas les mesures permettant de retrouver la voie de l'équilibre.

Or, le temps de réaction à la modification des paramètres d'équilibre des régimes de retraite peut être particulièrement long, jusqu'à vingt ans parfois pour enregistrer les premiers effets visibles de certaines mesures, de sorte qu'il est nécessaire d'agir le plus en amont possible. Tel est le premier enjeu du rendez-vous 2010 pour les retraites.

Enfin, Mme Christiane Demontès, rapporteure, a insisté sur la dimension sociétale du problème des retraites. On observe en effet une grave perte de confiance de la part des jeunes générations. Le vieillissement de la population, tel qu'il est géré actuellement, ébranle les fondements du pacte générationnel puisqu'un transfert inéquitable de revenu entre les générations est en train de s'établir : une fraction de plus en plus réduite de la population (les actifs) assume financièrement une fraction de plus en plus nombreuse (les retraités).

Le risque est réel de voir les jeunes actifs d'aujourd'hui et de demain refuser de cotiser plus et/ou de travailler plus longtemps. Il est impératif de leur redonner confiance dans les retraites. C'est donc par la préparation du système de retraite de demain, celui de la France de 2030, que passe la refondation du pacte intergénérationnel.

La crédibilité du système de retraite est également gravement entamée par la méthode de réforme. Sur le principe, le choix d'un pilotage par rendez-vous retenu en 2003 relève de bonnes pratiques, s'il laisse le temps de la réflexion et de la concertation. Cependant, par manque de pédagogie et de transparence sur les objectifs qui leur sont assignés, ces rendez-vous sont perçus par l'opinion publique comme l'occasion d'une réforme de fond du système, contribuant à créer un climat anxiogène, qui encourage certains assurés à anticiper leur départ à la retraite afin de ne pas être pénalisés par des règles futures plus strictes.

Au lieu de constituer des bilans d'étape constructifs, les rendez-vous deviennent des moments de crispation et de réactivation des tensions sociales. Assurément, repenser la méthode de réforme participe d'une modernisation durable du système de retraite.

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