Avec la T2A, chaque établissement est financé en fonction de son activité, alors que les établissements pris globalement sont financés par l'objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam), enveloppe dont le montant est fixé chaque année par le Parlement. La T2A, combinée à certaines dotations spécifiques comme les missions d'intérêt général et aides à la contractualisation (Migac), les forfaits ou les médicaments de la « liste en sus », n'est donc qu'un moyen pour répartir cette enveloppe entre les établissements.
Il faut également distinguer les tarifs et les coûts. Le tarif n'est pas un coût. La hiérarchie des tarifs a vocation à reproduire l'échelle des coûts selon les pathologies.
Enfin, dans notre mode de financement, les tarifs constituent une variable d'ajustement. L'Ondam se répartit entre les Migac et les dotations spécifiques d'une part, l'enveloppe consacrée aux soins d'autre part. De cette dernière, on déduit les tarifs en s'appuyant sur l'évolution prévisionnelle de l'activité.
Lorsque l'on évoque la contrainte financière qui pèserait sur les établissements, c'est moins la T2A que l'Ondam qui est en cause. La T2A sert à répartir une enveloppe fermée. Avec la dotation globale, les budgets des établissements étaient discutés dans une logique de rapport de force impliquant les élus, les médecins, les directeurs d'hôpitaux et les autorités sanitaires régionales. La T2A y a substitué l'application d'une règle automatique susceptible de garantir une meilleure allocation des ressources.
Ce mode de tarification influe nécessairement sur le comportement des établissements. Ceux-ci sont incités à augmenter leur activité, avec pour premier effet bénéfique une meilleure réponse aux besoins de santé. Avec la dotation globale, certains patients atteints de pathologies lourdes étaient renvoyés ou refusés en fin d'année, faute de crédits. La T2A évite de tels dénis de prise en charge. Elle doit également encourager les établissements à renforcer la qualité des soins en vue d'améliorer leur réputation.
La T2A est-elle inflationniste ? Entraîne-t-elle, de la part des établissements, une induction de la demande et des prises en charge inutiles ? Pour que ce soit le cas, il faudrait que les médecins entrent dans cette logique. Leur déontologie devrait les en dissuader et, à l'hôpital public tout au moins, leur rémunération n'est pas directement fonction de leur activité. Induire la demande parait plus difficile au niveau d'un hôpital qu'en médecine de ville, car les implications pour les patients sont plus lourdes.
L'évolution de l'activité hospitalière au cours de ces dernières années tient pour une bonne part à l'effet codage et à l'augmentation comme au vieillissement de la population. La T2A ne paraît pas avoir joué de rôle particulier. On constate par exemple que les séances de radiothérapie et de chimiothérapie comptent parmi les activités les plus dynamiques. A l'évidence, cela résulte de facteurs étrangers à la T2A.
La T2A pousse également les établissements à réduire les dépenses associées à chaque prise en charge. Cette recherche d'efficience s'effectue-t-elle au détriment de la qualité des soins ? Force est de constater qu'il y a très peu de données à ce sujet. Des études ont été menées aux Etats-Unis. Certaines ont pu mettre en évidence des résultats inquiétants, mais on ne peut pas en transposer les résultats dans notre pays car les situations ne sont pas comparables. Il y a très peu d'éléments sur la situation en Europe et il n'est vraiment pas évident de répondre à cette question.
La faiblesse majeure de notre mode de tarification hospitalière est à mon sens notre incapacité à apprécier, en routine, la qualité des prestations et des prises en charge. Par rapport au Royaume-Uni ou à l'Allemagne, la France accuse un retard significatif dans la production d'indicateurs de qualité. Des efforts ont été engagés avec la procédure de certification des établissements, le recueil d'informations sur les infections nosocomiales et les indicateurs de qualité de la Haute Autorité de santé (plateforme Qualhas). Mais nous sommes loin de la généralisation des indicateurs globaux de résultats sur un grand nombre de prises en charge, tels qu'ils sont publiés en Allemagne, où est également effectué un classement des hôpitaux faisant apparaître les situations anormales. Il n'y a pas en France d'indicateur de mortalité après prise en charge, alors que le Président de la République en avait demandé dès septembre 2008 la généralisation.
Notre système d'évaluation apparaît ainsi déséquilibré car si l'on peut apprécier la performance économique des établissements, grâce à la T2A, on ne peut en revanche suivre la qualité des prises en charge et leur performance clinique.