Je suis à la fois médecin et journaliste. J'ai dirigé un groupe de presse professionnelle avant de prendre la tête du think tank « Economie et santé ». Celui-ci est né il y a un an, dans le prolongement des différents forums liés aux thèmes de l'économie et de la santé créés par les Echos Conférences après la mise en place du plan Juppé, en 1995. Il rassemble notamment les fédérations hospitalières, des responsables de la Cnam, de la HAS, de la conférence des présidents de CME de CHU, un représentant de l'OCDE et d'autres experts du système de santé. Nous avons récemment publié un rapport abordant cinquante thématiques différentes et la T2A est au coeur des travaux qui ont été menés au cours des dernières années.
Nous nous sommes en particulier attachés à l'étude des mutations stratégiques auxquelles fait face l'hôpital et avons le sentiment que la T2A est aujourd'hui l'arbre qui cache la forêt.
Personne ne la remet en cause dans son principe car la T2A est un gage de transparence et d'équité. Cependant, le système présente de nombreux effets pervers : le codage prend beaucoup de temps aux médecins ; une logique d'optimisation du codage se met en place qui conduit en partie à réorienter l'activité vers les actes les plus rentables. Plus grave, le caractère inflationniste de la T2A pose la question de la pertinence des actes. Lors de son audition par votre mission, Annie Podeur a clairement expliqué que le modèle T2A « tend à développer l'activité au-delà du médicalement nécessaire sur un territoire donné ». Différents actes sont concernés, en particulier l'endoscopie, l'angioplastie ou l'appendicectomie. La HAS a pour mission de produire des référentiels permettant d'apprécier la pertinence des actes. Si ces référentiels ne sont pas appliqués, ce sont les ARS qui devront effectuer des contrôles. Le manque de transparence dans la fixation des tarifs constitue une autre difficulté qui empêche les directeurs d'établissement d'avoir une vision stratégique de long terme sur l'évolution de leurs ressources.
Au-delà des effets pervers qui lui sont propres, la T2A s'est inscrite dans un contexte de restructuration des hôpitaux et de réduction des déficits qui n'a sans doute pas facilité son acceptation par les médecins. La forte augmentation des Migac depuis 2005 ne contribue pas non plus à la visibilité du système.
De façon générale, il convient d'anticiper les mutations de l'hôpital, ce qui ne passera pas nécessairement par la T2A. Aujourd'hui, les questions essentielles sont celles de la gestion des maladies chroniques, de l'organisation des soins en amont et en aval de l'hôpital, de l'hospitalisation en ambulatoire ou de la concentration des plateaux techniques. Il est surtout urgent d'effectuer des travaux sur la pertinence des soins et sur les actes inutiles.
Pour finir sur une note positive, j'évoquerai le témoignage que nous avait apporté Serge Morel, directeur du groupe hospitalier Necker, qui dégage aujourd'hui un excédent. Son discours était convaincant. La T2A ne suffit pas à orienter les décisions que doit prendre un responsable d'établissement hospitalier. Celui-ci doit se concerter avec l'équipe médicale pour mieux connaître les besoins de son territoire et développer les activités en conséquence. Avant de parler de la T2A, il faut se pencher sur les missions de l'hôpital et sur la façon dont celles-ci peuvent s'adapter aux besoins de la population. C'est sans doute en voyant les choses sous cet angle que l'on peut parvenir à une meilleure organisation des soins ainsi qu'à une maîtrise renforcée des coûts.