Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale

Réunion du 11 avril 2012 : 3ème réunion

Résumé de la réunion

Les mots clés de cette réunion

  • hôpital
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  • médecin
  • parcours
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  • t2a

La réunion

Source

Au cours d'une seconde séance tenue dans l'après-midi, la mission procède à l'audition de M. Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé ».

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Nous accueillons le docteur Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » qui regroupe des médecins, des directeurs d'établissement, des hauts fonctionnaires et des experts du système de santé.

La Mecss travaille depuis deux mois sur le financement des établissements de santé. Si la T2A suscite des critiques, notamment en ce qu'elle a introduit une dimension comptable et financière dans la réalisation des actes de soins, aucun de nos interlocuteurs ne l'a jusqu'à présent remise en question dans son principe et le fait d'établir un lien entre activité et ressources des établissements n'est pas contesté. Comment les acteurs réunis au sein de votre organisme réagissent-ils à la mise en place de ce mode de tarification ? Quelles sont ses incidences sur l'organisation et le fonctionnement des services ainsi que sur la prise en charge des patients ? Quelles propositions pourraient être formulées pour limiter les imperfections de ce mode de financement ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

Je suis à la fois médecin et journaliste. J'ai dirigé un groupe de presse professionnelle avant de prendre la tête du think tank « Economie et santé ». Celui-ci est né il y a un an, dans le prolongement des différents forums liés aux thèmes de l'économie et de la santé créés par les Echos Conférences après la mise en place du plan Juppé, en 1995. Il rassemble notamment les fédérations hospitalières, des responsables de la Cnam, de la HAS, de la conférence des présidents de CME de CHU, un représentant de l'OCDE et d'autres experts du système de santé. Nous avons récemment publié un rapport abordant cinquante thématiques différentes et la T2A est au coeur des travaux qui ont été menés au cours des dernières années.

Nous nous sommes en particulier attachés à l'étude des mutations stratégiques auxquelles fait face l'hôpital et avons le sentiment que la T2A est aujourd'hui l'arbre qui cache la forêt.

Personne ne la remet en cause dans son principe car la T2A est un gage de transparence et d'équité. Cependant, le système présente de nombreux effets pervers : le codage prend beaucoup de temps aux médecins ; une logique d'optimisation du codage se met en place qui conduit en partie à réorienter l'activité vers les actes les plus rentables. Plus grave, le caractère inflationniste de la T2A pose la question de la pertinence des actes. Lors de son audition par votre mission, Annie Podeur a clairement expliqué que le modèle T2A « tend à développer l'activité au-delà du médicalement nécessaire sur un territoire donné ». Différents actes sont concernés, en particulier l'endoscopie, l'angioplastie ou l'appendicectomie. La HAS a pour mission de produire des référentiels permettant d'apprécier la pertinence des actes. Si ces référentiels ne sont pas appliqués, ce sont les ARS qui devront effectuer des contrôles. Le manque de transparence dans la fixation des tarifs constitue une autre difficulté qui empêche les directeurs d'établissement d'avoir une vision stratégique de long terme sur l'évolution de leurs ressources.

Au-delà des effets pervers qui lui sont propres, la T2A s'est inscrite dans un contexte de restructuration des hôpitaux et de réduction des déficits qui n'a sans doute pas facilité son acceptation par les médecins. La forte augmentation des Migac depuis 2005 ne contribue pas non plus à la visibilité du système.

De façon générale, il convient d'anticiper les mutations de l'hôpital, ce qui ne passera pas nécessairement par la T2A. Aujourd'hui, les questions essentielles sont celles de la gestion des maladies chroniques, de l'organisation des soins en amont et en aval de l'hôpital, de l'hospitalisation en ambulatoire ou de la concentration des plateaux techniques. Il est surtout urgent d'effectuer des travaux sur la pertinence des soins et sur les actes inutiles.

Pour finir sur une note positive, j'évoquerai le témoignage que nous avait apporté Serge Morel, directeur du groupe hospitalier Necker, qui dégage aujourd'hui un excédent. Son discours était convaincant. La T2A ne suffit pas à orienter les décisions que doit prendre un responsable d'établissement hospitalier. Celui-ci doit se concerter avec l'équipe médicale pour mieux connaître les besoins de son territoire et développer les activités en conséquence. Avant de parler de la T2A, il faut se pencher sur les missions de l'hôpital et sur la façon dont celles-ci peuvent s'adapter aux besoins de la population. C'est sans doute en voyant les choses sous cet angle que l'on peut parvenir à une meilleure organisation des soins ainsi qu'à une maîtrise renforcée des coûts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

La T2A a-t-elle des effets inflationnistes et conduit-elle, à terme, à la recherche de la rentabilité au détriment de la qualité des soins ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

En tant qu'observateur, j'estime en effet que le risque inflationniste est réel. Annie Podeur n'a pas dit autre chose lors de son audition : l'augmentation de certaines interventions n'est pas nécessairement liée à des besoins de soins effectifs. Le risque inflationniste est donc réel mais l'éthique des médecins joue également.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

La Cour des comptes souligne les effets pervers liés aux évolutions différenciées des composantes de la T2A. En particulier, le tarif journalier de prestations (TJP) serait devenu une variable d'ajustement face à des recettes tarifaires peu dynamiques. Le TJP, au même titre que les aides à la contractualisation, constitue pourtant une entorse au principe de la T2A.

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

On voit bien cependant que, pour le moment, les différents types de financement doivent être mêlés.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

La T2A a-t-elle rempli son objectif de dynamisation de la gestion des établissements de santé en les conduisant à optimiser leur activité tout en assurant une maîtrise accrue des dépenses ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

La T2A a permis de renforcer le dialogue entre gestionnaires et médecins sur l'activité et elle a favorisé une prise de conscience sur la nécessité d'optimiser l'organisation des soins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

N'est-il pas artificiel d'avoir cette enveloppe fermée qu'est l'Ondam et de chercher en son sein, par le biais de la T2A, les moyens d'une allocation efficace, et ce d'autant plus que le système est perturbé par le maintien de dotations forfaitaires ? Ne serait-il pas souhaitable de sortir les Migac de l'Ondam pour éventuellement prévoir un financement différent ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

L'Ondam est voté par le Parlement et ce sont donc les arbitrages de celui-ci vis-à-vis d'autres dépenses qui déterminent son montant. Il faut réfléchir à plusieurs niveaux : non seulement les dépenses doivent être optimisées mais l'hôpital doit être réformé dans son ensemble.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Cette réflexion sur la gestion de l'hôpital a été entamée avec la loi HPST.

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

Les acteurs du système hospitalier semblent fatigués des réformes. Il ne sert à rien de tout casser pour tout reconstruire. Il convient davantage de donner un cap, motiver les acteurs et parvenir à gérer le changement. Il est nécessaire de remobiliser les personnels en s'interrogeant sur les causes de l'absentéisme fort qui frappe les hôpitaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Que pensez-vous de la mise en place d'un financement qui reposerait, non plus sur le séjour, mais sur le parcours de soins ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

Le parcours de soins est une notion très intéressante. Le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie (HCAAM) en a d'ailleurs fait l'un des points forts de son dernier rapport. Selon le Haut Conseil, les efforts d'organisation du parcours de soins doivent être concentrés au niveau du médecin généraliste. Une étude publiée dans la « Revue du praticien de médecine générale » a montré que le patient attend que son médecin généraliste l'oriente dans le système de soins alors que le médecin pense avant tout devoir répondre à un problème médical aigu. Ceci étant, mettre en place une tarification au parcours de soins me semble d'une grande complexité. Mieux vaut améliorer l'existant plutôt que développer de nouveaux concepts.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Une réflexion est en cours sur le paiement à la performance des hôpitaux et sur la définition même de cette notion de performance. Quelle est votre opinion sur ce point ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

L'introduction du paiement à la performance pour les médecins libéraux constitue une avancée positive car ceux-ci tendent à travailler de façon atomisée. Cependant, je conçois qu'il semble conceptuellement choquant d'introduire une dimension d'intéressement dans la rémunération des praticiens : l'objectif premier du médecin est de bien soigner, quelle que soit sa rémunération. Les mécanismes de paiement à la performance permettent cependant d'insister sur certaines tâches qui, telles la gestion du dossier du patient, doivent être effectuées le mieux possible. Les médecins ont trop tendance à chasser les considérations économiques et administratives.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Quel diagnostic faites-vous de l'impact de la T2A sur la décision médicale, notamment sur l'augmentation des actes non nécessaires, sur la réduction de la qualité de la prise en charge et sur un éventuel séquençage ou raccourcissement des séjours ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

Le risque est réel et il a été souligné par Annie Podeur lors de son audition. Il faut donc parvenir à le conjurer en engageant un débat approfondi sur la pertinence des actes. Un million de radios du crane sont réalisées chaque année après un traumatisme alors même qu'elles ne sont pas nécessaires.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

La logique de l'état prévisionnel des recettes et des dépenses (EPRD) conduit à vouloir augmenter les recettes au maximum pour être en mesure de couvrir les dépenses. Celles-ci sont en effet difficiles à maîtriser à partir du moment où elles sont composées à 70 % de charges de personnel.

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

C'est une difficulté en effet. Le risque inflationniste découle de l'essence même du système.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Quel est votre sentiment sur le processus de convergence ? N'a-t-il pas atteint ses limites ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

Il est normal d'assurer la transparence des coûts mais la convergence ne peut être mise en oeuvre de façon dogmatique et à marche forcée. Ce problème a aujourd'hui pris une tournure politique qui masque les vraies difficultés rencontrées par les hôpitaux.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Vous semble-t-il que les investissements immobiliers des établissements de santé devraient être financés autrement que par la T2A ? Jusqu'à présent, l'effort porte sur l'assurance maladie et les financements autres, notamment de l'Etat, demeurent relativement marginaux. Pourrait-on envisager de retirer les investissements de l'enveloppe Ondam pour les faire supporter par l'Etat et par les régions ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

Il est en effet surprenant que les dépenses d'investissements soient financées par la T2A. Dans tous les cas, les moyens affectés aux investissements résultent des arbitrages effectués entre différents types de dépenses. Une enveloppe est affectée à la santé qui ne l'est pas, par exemple à l'éducation.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Les choses sont différentes. En matière d'éducation, les investissements immobiliers sont portés par l'Etat, les régions ou les départements. Pour la santé, c'est l'assurance maladie qui doit assurer en très grande partie les investissements par le biais de la T2A ou des Migac.

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

Il n'est pas normal que les investissements immobiliers soient financés par la T2A. Mais il existe une enveloppe globale affectée à la santé, votée par la représentation nationale, dont il faut se contenter.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

La logique d'utilisation des fonds n'est pas la même pour des dépenses acceptées par le contribuable local ou national et pour celles que finance le système assurantiel.

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

Il faudrait a minima garantir davantage de transparence.

Debut de section - PermalienPhoto de Dominique Watrin

A partir du moment où l'économique tend à prendre le pas sur le médical, j'aimerais connaître la position des économistes sur une question précise. Dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad), la norme est d'environ six encadrants pour dix résidents. A l'hôpital, faut-il fixer une norme d'infirmières par malade ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

Il faut avant tout agir en fonction des besoins de chaque service. Les économistes aiment mettre au point des systèmes de financement qui incitent à l'activité. Dans le domaine de la santé, un tel raisonnement est plus difficile à mettre en oeuvre.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

En effet, l'idéal pour un établissement de santé serait qu'il n'ait pas d'activité.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Le CHU de Reims connaît des difficultés financières importantes qui ont conduit à l'abandon d'un grand projet d'investissement visant à construire un hôpital neuf, mais aussi à des réductions du nombre de lits et des effectifs, y compris dans des blocs opératoires. Il semble en effet que ceux-ci ne soient pas tenus de respecter des normes minimales de personnels comme cela est le cas pour les services de réanimation. La T2A n'est pas directement responsable de cette situation mais elle peut avoir des conséquences sur une moindre sécurité dans la prise en charge des patients.

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

C'est justement ce qu'il faut éviter.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Concernant les dépenses d'investissement, un autre mode de financement ne me semble envisageable qu'à la condition de faire porter entièrement par l'Etat la politique de santé, ce qui est en contradiction avec la tradition française. Ou peut-être avons nous atteint les limites de notre système assurantiel ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

L'Etat est aujourd'hui de plus en plus présent, notamment par le biais des ARS.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Mais ira-t-on un jour au bout de cette logique ou conservera-t-on un dispositif hybride ?

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

Le problème fondamental est que nous n'avons jamais réussi à trouver un équilibre entre deux démarches économiquement incompatibles : des prescriptions libérales et des prestations socialisées. Il faudrait responsabiliser les acteurs et parvenir à un équilibre.

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

Le système est aujourd'hui de moins en moins libéral pour les médecins, ce qui me semble plutôt justifié. En revanche, la liberté de choix des patients me paraît une bonne chose.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Par rapport aux autres pays occidentaux, quelles sont à votre avis les forces et les faiblesses du mode de financement des établissements de santé adopté par la France ? Faudrait-il se rapprocher de certaines pratiques développées à l'étranger ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

Je ne connais pas assez bien les systèmes étrangers pour vous répondre exactement. Tous les modèles ont leurs forces et leurs faiblesses. En outre, les comparaisons entre systèmes de tarification sont rendues d'autant plus difficiles qu'elles sont indissociables d'une prise en compte préalable de l'ensemble des spécificités de l'organisation des soins dans les pays étudiés.

Debut de section - PermalienPhoto de René Teulade

Le financement pose problème en ce qu'il remet en cause les principes mêmes de la solidarité. Aujourd'hui, certaines assurances complémentaires mettent en place des systèmes de bonus/malus. Qui dit que cela ne s'appliquera pas demain au régime général ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

En agissant de la sorte, les complémentaires se tirent une balle dans le pied.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

J'en reviens aux mutations stratégiques des hôpitaux. Avons-nous aujourd'hui trop d'établissements de santé ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

Nous avons sans doute trop de très gros établissements. Peut-être faudrait-il avoir moins d'hôpitaux très sophistiqués et davantage d'établissements de premier recours.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Aujourd'hui, un hôpital dispose nécessairement d'un service d'urgences, d'une maternité et doit assurer la permanence des soins. Tous les établissements qui existent actuellement sont-ils en mesure de les conserver à l'avenir tout en assurant la sécurité des patients et une utilisation efficiente des ressources ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

La question est fondamentale. De combien d'hôpitaux avons-nous besoin ? De quel type ? Pour quelle population ?

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Une proposition qui nous a été faite consiste à substituer au financement intégral à la T2A une dotation construite sur des données démographiques, épidémiologiques, complétée par une part de T2A puis par des dotations liées au respect d'indicateurs de qualité. Qu'en pensez-vous ?

Debut de section - Permalien
Philippe Leduc, directeur du think tank « Economie et santé » dans le cadre du financement des établissements de santé

Cette question rejoint celle du paiement à la performance. Les mesures mises en oeuvre pour assurer la qualité des soins peuvent en effet se traduire dans le mode de rémunération des établissements.

La mission procède à l'audition de M. François Zanaska, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement (CME) des établissements privés à but non lucratif.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Nous poursuivons nos auditions avec le docteur François Zanaska, président de la Conférence des présidents de commissions médicales d'établissement des établissements privés à but non lucratif.

Nous avons reçu il y a quelques semaines vos homologues des établissements publics. Il nous paraissait également nécessaire d'avoir le point de vue d'un représentant du corps médical des établissements privés à but non lucratif.

Nous souhaiterions connaître votre appréciation générale sur la mise en place de la tarification à l'activité (T2A), ses incidences sur le fonctionnement et l'activité des services de soins. La T2A induit de nouvelles exigences pour les services, en matière de codage des actes. Quelle évaluation peut-on en faire ? Que pensez-vous des modalités actuelles de contrôle par l'assurance maladie ? Nous nous demandons également dans quelle mesure la T2A permet de prendre en compte les exigences de prise en charge des patients ? Pensez-vous souhaitable et possible d'introduire des indicateurs de qualité dans la détermination des tarifs ? En résumé, quels sont, à vos yeux, les avantages et les limites de ce mode de tarification, notamment du point de vue de la prise en charge des patients ? Quels correctifs faudrait-il le cas échéant y apporter ?

Nous souhaiterions également vous entendre sur les ressources qui ne relèvent pas de la T2A, notamment les dotations relevant des missions d'intérêt général. Les établissements que vous représentez sont-ils dans une position particulière à cet égard ? Le montant de ces dotations est-il déterminé selon vous de manière satisfaisante ? Pensez-vous qu'il faudrait augmenter, ou réduire, la part de ces dotations dans les ressources de ces établissements, par rapport à celles qui relèvent de la T2A ?

Debut de section - Permalien
François Zanaska, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement (CME) des établissements privés à but non lucratif

Les établissements de santé privés d'intérêt collectif (Espic), nouvelle appellation des établissements privés à but non lucratif participant au service public hospitalier, représentent environ 10 % de l'hospitalisation. C'est donc un secteur important, quoique moins développé que dans d'autres pays, comme l'Allemagne, les Pays-Bas ou les Etats-Unis. Notre secteur a été cité en exemple pour ses potentialités de gestion rigoureuse. Nous avons coutume de nous qualifier d'« hôpital invisible », vertueux mais pas assez considéré. Dans le cadre de la T2A, notre échelle tarifaire est identique à celle des hôpitaux publics.

J'exerce en cardiologie et j'ai pu constater comment la T2A a modifié le fonctionnement de l'hôpital, avec certains effets pervers qu'il faut souligner. La T2A ne doit pas être considérée sous le seul angle financier.

La T2A provoque tout d'abord une discordance stratégique entre le comportement des établissements, incités à accroître leurs recettes et entraînés dans une logique concurrentielle, et les orientations assignées aux agences régionales de santé (ARS), censées promouvoir au niveau territorial la coopération entre les différentes composantes de l'offre de soins. Le lien mécanique entre l'activité et les ressources des établissements a certes permis une moralisation du financement, mais il a également suscité une course à l'activité.

La T2A permet aux établissements, sur un mode déclaratif qui n'est contrôlé qu'a posteriori, de déterminer la lourdeur d'un séjour, en fonction de la pathologie principale pour laquelle la personne a été hospitalisée ainsi que des pathologies associées. C'est un mode de tarification beaucoup plus adapté aux actes chirurgicaux qu'aux activités de médecine.

La T2A - c'est l'une de ses vertus - doit permettre de valoriser l'activité des hôpitaux sur des bases les plus objectives possibles. Il nous a cependant fallu des années pour devenir des codeurs honorables. Cela a été fait sans véritable formation ni soutien des praticiens. Le temps assigné au codage, pris sur le temps médical, est incontestablement un effet négatif de la mise en place de la T2A.

Quels correctifs devrait-on apporter ? Le retour à la dotation globale n'est pas souhaitable. Ce système n'obéissait à aucune logique. Toutefois, la classification qui nous est appliquée ne recouvre pas les frais réels. Or nous disposons, dans les établissements, des systèmes informatiques qui permettent de les établir précisément, en décomposant les coûts hôteliers, le coût des soins infirmiers et para-infirmiers, le coût du temps chirurgical, post-chirurgical ou médical, le coût des traitements.

Nos directeurs d'établissements, nos responsables de l'information médicale et les ARS elles-mêmes nous incitent à mieux coder nos prestations. Si nous le faisons mal, les recettes s'en ressentent. Si nous le faisons trop bien, les tarifs baissent, puisque la tarification s'inscrit en tout état de cause dans une enveloppe fermée. La T2A aboutit à fausser la réflexion des soignants, en les focalisant sur la dimension financière de leur activité.

Il faut aussi mentionner l'effet des bornes basses et des bornes hautes qui ont été définies pour réduire ou augmenter la valorisation des séjours dont la durée s'écarte de limites prédéfinies et considérées comme habituelles. Par exemple, pour un patient atteint d'une infection broncho-pulmonaire, l'établissement recevra 1 000 euros supplémentaires si le patient sort le huitième jour au lieu du septième. Cela n'a rien de logique.

Quant au mode de détermination des tarifs, certains actes chirurgicaux sont sous-valorisés, ce qui a d'ailleurs encouragé les dépassements d'honoraires dans les établissements privés lucratifs. On peut remarquer que la convergence est systématiquement réalisée vers le bas.

La T2A était sans doute une étape nécessaire pour mieux analyser l'activité des hôpitaux. Mais le système ne peut être pérennisé tel quel, car il fausse l'état d'esprit de nombreux médecins et gestionnaires, avec un risque de dégradation de la qualité humaine des soins. Il faudrait aller vers un mode de financement prenant beaucoup plus en compte le coût réel des pathologies.

S'agissant du codage, il faudrait renforcer les services d'information médicale, avec un plus grand nombre de techniciens d'information médicale mieux formés et agissant sous le contrôle des médecins responsables des départements d'information médicale (Dim). Il serait nécessaire de pouvoir envoyer ces techniciens dans les différents services, afin d'y superviser les opérations de codage. Les médecins Dim devraient quant à eux se sentir investis d'une mission de formation et de contrôle centrée sur la nécessité médicale, et non exclusivement inspirée par les préoccupations des gestionnaires.

Comment qualifier les contrôles de l'assurance maladie ? Comme vous le savez, ils portent sur des échantillons à partir desquels sont extrapolés les redressements infligés aux établissements. Il est normal que le payeur contrôle, mais les modalités actuelles n'ont aucune légitimité.

On ne peut pas dire que la T2A ait engendré des pratiques de sélection des patients, surtout dans les secteurs public et privé à but non lucratif. Mais les médecins savent que les gestionnaires et les Dim sont par exemple attentifs aux durées de séjour qui excèdent la norme. C'est parfois à se demander s'il n'est pas plus profitable à l'établissement, d'un strict point de vue financier, de voir un patient grabataire décéder au cours du séjour plutôt que de le soigner ! Moins que la sélection, je retiendrai plutôt l'incitation à s'orienter vers des activités plus intéressantes, du fait du mode de tarification.

En ce qui concerne les missions d'intérêt général et aide à la contractualisation (Migac), je donnerai deux exemples d'insuffisances tirés de mon expérience personnelle, en Picardie, région souffrant d'une démographie médicale très défavorable. Les Migac doivent normalement permettre de financer la permanence des soins. Or la règlementation distingue aujourd'hui la permanence des soins proprement dite, qui suppose de pouvoir traiter un patient admis à l'hôpital pour un problème urgent, et la continuité des soins, qui doit être quant à elle garantie pour les patients déjà hospitalisés. Seule la première est aujourd'hui prise en compte pas les Migac et les ARS ne se préoccupent pas des gardes et astreintes nécessitées par la continuité des soins.

Il me semble également que les urgences sont très insuffisamment financées. Dans ce domaine, une coopération entre établissements est souhaitable, mais les dotations sont attribuées sur la base de critères non pertinents comme le taux de patients hospitalisés après passage aux urgences. Certains établissements disposent de services d'urgence sans nécessairement pouvoir assurer tous types d'hospitalisations ultérieures.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Je vous remercie de cet exposé décapant. Considérez-vous que la T2A a conduit les établissements privés à but non lucratif à se réformer en profondeur en matière d'organisation médicale et administrative, et à améliorer les modes de prise en charge pour en renforcer la qualité ?

Debut de section - Permalien
François Zanaska, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement (CME) des établissements privés à but non lucratif

La T2A n'a certainement pas amélioré la qualité des prises en charge. Elle a imposé une analyse plus rigoureuse de l'activité, un travail plus attentif des Dim, une meilleure organisation des blocs opératoires. Mais tout ceci répondait à la contrainte financière, et non à la recherche d'une meilleure qualité des soins.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Comment les médecins font-ils face aux exigences lourdes liées au codage des actes ? A-t-on évalué le temps médical qui y est consacré ?

Debut de section - Permalien
François Zanaska, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement (CME) des établissements privés à but non lucratif

Il faut impérativement veiller au temps que le médecin consacre au patient. Dans mon service de cardiologie, j'avais calculé qu'au cours de la matinée, consacrée aux visites, je ne pouvais matériellement pas accorder plus de dix minutes à chaque patient. Et ces dix minutes sont constamment rabotées par le temps que demandent le codage et les tâches administratives. Certes, nous pouvons compter sur l'informatique et l'expérience. Désormais, je consacre environ deux minutes au codage pour un cas ne présentant pas de difficultés particulières. C'est beaucoup moins que lors des débuts de la T2A. Mais l'on pourrait beaucoup mieux préserver le temps médical et s'appuyant sur les médecins Dim et les techniciens d'information médicale, auxquels certaines tâches pourraient être déléguées.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Pensez-vous souhaitable et possible d'introduire des indicateurs de qualité dans la tarification ?

Debut de section - Permalien
François Zanaska, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement (CME) des établissements privés à but non lucratif

Oui, il faudrait davantage d'analyse statistique sur la performance des soins et des actes chirurgicaux. Des éléments importants comme la surface dédiée au patient ou la possibilité de séjourner en chambre individuelle devraient aussi être pris en compte.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Pourrait-on aller vers un paiement à la performance à l'hôpital, à condition de s'accorder sur la notion de performance ?

Debut de section - Permalien
François Zanaska, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement (CME) des établissements privés à but non lucratif

Qu'est-ce que la performance ? On parle plus souvent d'efficience ou de pertinence. Cela recouvre des aspects médicaux et philosophiques. En Suède ou en Angleterre, il y a débat sur l'opportunité de délivrer certains types de soins au patient très âgés. Il ne faut pas que la recherche de la performance aboutisse à la sélection des patients ou à des décisions de non-soin. Attention à ne pas glisser vers des choix discutables. Je ne sais pas si la santé doit être performante. Elle doit en revanche répondre à une éthique.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

L'amélioration du parcours de soin est un objectif unanimement soutenu. Est-il utopique d'envisager un financement adapté au parcours ?

Debut de section - Permalien
François Zanaska, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement (CME) des établissements privés à but non lucratif

Je constate que dans les faits, la vision idéale du parcours de soin est bien souvent battue en brèche. On relève par exemple que nombre de patients placés depuis des années sous antidépresseurs n'ont jamais consulté de psychiatre de leur vie ! Combien de diabétiques n'ont jamais été examinés par un diabétologue ou n'ont bénéficié d'aucun dépistage précoce de pathologies cardiologiques ? De même, il serait bien plus utile de veiller aux prescriptions superflues, qui entraînent un gaspillage considérable, que d'exiger le recours à un générique, alors que dans certains cas le médicament princeps est mieux toléré par le patient.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Que pensez-vous d'une refonte du financement des établissements qui consisterait à mettre en place, aux côtés de la T2A telle qu'elle fonctionne actuellement, des ressources liées à des indicateurs de qualité et des dotations fondées, pour un territoire de santé donné, sur des facteurs épidémiologiques et démographiques ?

Debut de section - Permalien
François Zanaska, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement (CME) des établissements privés à but non lucratif

Je n'ai pas d'objection de principe à une telle formule. La T2A a incontestablement constitué un progrès en termes de connaissance et d'analyse de l'activité hospitalière, mais pas en termes d'éthique. Il faut donc faire évoluer ce mode de financement et ne pas rester figés.

Debut de section - PermalienPhoto de Yves Daudigny

Parmi nos interlocuteurs, vous êtes l'un de ceux qui a le plus vivement critiqué la T2A. La remettez-vous fondamentalement en cause ? Souhaitez-vous le retour à la dotation globale ou aux prix de journée ? Préconisez-vous d'autres modalités ?

Debut de section - Permalien
François Zanaska, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement (CME) des établissements privés à but non lucratif

Je conteste la pratique actuelle qui impose de classer obligatoirement le patient dans une case. Il y a d'autres moyens d'évaluer le coût des prises en charge, car les différents facteurs qui interviennent sont parfaitement connus, que ce soient les charges salariales, les molécules onéreuses, les dispositifs médicaux ... Dès lors que les effectifs de l'établissement sont en adéquation avec le nombre de patients traités, il est possible de la rémunérer en fonction du coût réel de la prise en charge. Ce sont les effets pervers de la T2A qu'il faut corriger.

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

La convergence tarifaire accentue-t-elle, selon vous, la recherche de la productivité à tout prix ?

Debut de section - Permalien
François Zanaska, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement (CME) des établissements privés à but non lucratif

La convergence tarifaire ne tient pas compte de la situation très différente des établissements en termes de gamme d'activité. Les établissements qui se sont spécialisés sur certaines activités et qui pratiquent essentiellement la chirurgie programmée n'ont pas du tout les mêmes charges que ceux qui admettent tous les patients, y compris en urgence. La convergence orientée vers le bas viendra inévitablement en contradiction avec l'éthique propre aux secteurs public et privé non lucratif, en accentuant les incitations à sélectionner des patients jugés « rentables ».

Debut de section - PermalienPhoto de Jacky Le Menn

Peut-on mesurer la contrainte liée à la part des activités non programmées pour un établissement ?

Debut de section - Permalien
François Zanaska, président de la Conférence nationale des présidents de commissions médicales d'établissement (CME) des établissements privés à but non lucratif

Il faut distinguer sur ce plan la chirurgie et la médecine. En médecine, mis à part les chimiothérapies ou radiothérapies, il n'y a pratiquement pas d'activités programmées. En chirurgie, les établissements privés privilégient l'activité programmée. Il est indispensable que les établissements publics ou privés à but non lucratif puissent maintenir une part de chirurgie programmée, ce qui n'est pas évident compte tenu des tensions sur les effectifs de chirurgiens et d'anesthésistes.