Traditionnellement, les départements travaillaient sur les questions sociales et médico-sociales avec les directions départementales de l'action sanitaire et sociale (Ddass), elles-mêmes sous l'autorité du préfet. Leurs relations étaient proches et le climat généralement bon.
La création des ARS a eu un impact ambivalent. Elle a permis d'apporter davantage de cohérence à la mise en oeuvre des politiques médico-sociales. Mais les départements ont très vite compris que les directeurs généraux d'ARS étaient avant tout des « commissaires du Gouvernement », chargés de répartir des enveloppes financières contraintes sans avoir besoin de rechercher nécessairement la concertation. Ceci étant, les qualités personnelles des hommes placés à la tête des ARS ont beaucoup joué et les relations avec les présidents de conseils généraux ont donc pu varier d'une région à l'autre. En tout état de cause, le poids des ARS est parfois difficile à vivre pour les acteurs de terrain que sont les conseils généraux.
Les ARS se sont pleinement emparées du volet médico-social de leur champ de compétences. Cela s'est fait en partie aux dépens de la prise en compte des problématiques propres à certains territoires. Les délégations territoriales ont souvent permis de créer un lien durable entre conseils généraux et ARS. Mais si l'information se transmet bien du niveau régional vers les départements, il est beaucoup plus difficile de faire remonter les interrogations et les demandes de ces derniers vers les ARS. Nous disposons donc de peu de retours sur l'écho que peuvent trouver au niveau régional les travaux que nous menons avec les délégations territoriales.
Au sein des organes de démocratie sanitaire, les disparités de représentation entre les différents acteurs sont patentes. En particulier, les conseils de surveillance des ARS ne comportent que deux représentants des départements. Certes, l'ADF a obtenu que chaque conseil général soit représenté au sein des autres instances. Mais au final, les départements ont le sentiment d'être moins entendus que le secteur sanitaire ou que les établissements et services médico-sociaux.
Les documents de planification régionale, très volumineux, n'ont pas véritablement fait l'objet d'une élaboration concertée. Ils ont généralement été communiqués en une fois et au dernier moment aux départements qui disposaient dès lors de peu de recul pour les analyser. Dans ces conditions, il était difficile pour les conseils généraux de faire entendre leurs demandes, alors même qu'ils sont confrontés à des difficultés récurrentes. Par exemple, une part non négligeable des bénéficiaires du revenu de solidarité active (RSA), prestation gérée par les départements, souffre de troubles du comportement non diagnostiqués, ce qui rend difficile leur réinsertion professionnelle. La mise en oeuvre des politiques de protection de l'enfance se heurte également au manque de pédopsychiatres. Nous ne sommes pas non plus entendus concernant les services de soins infirmiers à domicile (Ssiad), qui sont nécessaires dans certaines zones urbaines ou rurales insuffisamment couvertes par l'activité libérale. Les Ssiad ont également pour avantage de permettre à des aides-soignantes, profession qui n'existe pas en libéral, d'intervenir à domicile. Une autre difficulté concerne le manque de places dans les services de soins de suite et de réadaptation (SSR), qui complique les sorties d'hospitalisation ; les Ehpad accueillent ainsi des personnes qui ont besoin d'un accompagnement médicalisé relevant théoriquement du SSR.
Les programmes interdépartementaux d'accompagnement des handicaps et de la perte d'autonomie (Priac) n'ont pas assez pris en compte, quant à eux, les besoins recensés dans les schémas départementaux. Concernant les personnes âgées, les deux difficultés essentielles sont le maintien à domicile et le paiement du reste à charge en Ehpad. Or, les solutions qui nous sont proposées, par exemple pour la formation des aidants, ne sont pas à la hauteur des enjeux parce qu'elles ne répondent pas directement à nos difficultés. Cette incompréhension risque de susciter du découragement.
L'ADF considère que les procédures d'appels à projet sont essentielles lorsqu'il s'agit de créer des structures nouvelles. Elles sont même salutaires car elles assurent une certaine cohérence dans l'implantation des établissements sur les territoires. Il n'en est pas de même pour ce qui est des projets d'extensions ou de transformations. Sont exonérées de l'appel à projet les extensions inférieures à 30 % ou quinze places ou lits par rapport à la capacité initialement autorisée. L'ADF propose de porter ce seuil à 50 %. Concernant les requalifications, l'ADF souhaite qu'un nouvel agrément puisse se substituer au précédent devenu obsolète sans qu'il soit nécessaire de procéder à un appel à projet. Le droit actuel le permet, mais uniquement dans des cas limités. Il serait souhaitable d'aller vers davantage de souplesse, par exemple pour les requalifications de structures pour jeunes handicapés accueillant des personnes relevant de l'amendement « Creton » en places de maison d'accueil spécialisée (Mas) ou de foyer d'accueil médicalisé (Fam). En outre, les structures expérimentales et les lieux de vie et d'accueil (LVA) devraient être exonérés de la procédure d'appel à projet. Il en est de même pour les établissements publics sociaux et médico-sociaux départementaux, qui accueillent essentiellement des enfants en difficulté, ainsi que pour les établissements ayant conclu un contrat pluriannuel d'objectifs et de moyens (Cpom).
Nous sommes globalement satisfaits de la mise en place des fonds de restructuration des services d'aide à domicile. Mais cela ne change pas le fond du problème. Structurellement, la situation des associations ne s'améliore pas car deux problèmes fondamentaux demeurent : le financement de l'allocation personnalisée d'autonomie (Apa) à domicile ; la coexistence des régimes d'autorisation et d'agrément, une charge supplémentaire pesant sur le bénéficiaire lorsque celui-ci fait appel à un service agréé.
Les ARS sont légitimes pour mener des projets visant à la mise en place de parcours de santé. Mais il faut parler plus globalement de parcours de vie. De façon générale, cette question renvoie à celles des ruptures de prise en charge des patients et de la désertification médicale. Si les centres hospitaliers universitaires continuent d'attirer les jeunes médecins, cela n'est pas toujours le cas pour les hôpitaux de moindre taille, contraints de recourir à l'intérim pour un coût très élevé. Dans certains territoires ruraux, l'absence de médecins au sein des services départementaux d'incendie et de secours (Sdis) crée des risques médico-légaux. On l'a vu, le manque de places en soins de suite et de réadaptation (SSR) conduit à une augmentation de la durée moyenne de séjour dans les hôpitaux. L'enjeu pour les ARS est de parvenir à supprimer tous ces hiatus dans la chaîne de soins avant de mettre en place le parcours de santé, puis le parcours de vie.