Intervention de Jean-François Gomez (Cfe-Cgc)

Mission d'évaluation et de contrôle de la sécurité sociale — Réunion du 4 décembre 2013 : 1ère réunion
Table ronde réunissant les organisations syndicales nationales présentes au comité national de concertation des agences régionales de santé

Jean-François Gomez (Cfe-Cgc) :

Je suis praticien-conseil en charge des questions de santé à la CFE-CGC. Je suis d'accord avec le constat pessimiste dressé par mes collègues. Pour autant, je ne demande pas l'avortement des ARS quand bien même la grossesse pourrait-elle être considérée comme pathologique...

Je vais me faire le porte-parole des personnels de l'assurance maladie transférés : sur 214 praticiens-conseils, 31 ont quitté les ARS, soit un taux de fuite de 15 %. Près de 60 % de ceux qui restent ont plus de 55 ans. Pour remédier à la situation, le ministère vient de décider de ponctionner les effectifs des reçus au concours au profit des ARS. Cette mesure est inadaptée car les agences ont besoin de personnels expérimentés et non d'ersatz de médecins-conseils.

Des solutions existent, nous les avons soutenues : elles passent par le recours aux mises à dispositions de personnel, autorisées par la convention collective.

J'en viens à la question du déroulement de carrière. Sur 63 agents de direction, 43, soit 68 % de l'effectif, siègent aux Comex et aux Codir des ARS. En revanche, 18 praticiens-conseils seulement participent à ces comités, soit 7 % de l'effectif. Ces chiffres révèlent une inadéquation entre les qualifications et les classifications, les grades et les responsabilités. Au moment du transfert de personnel, aucune réflexion n'a été menée sur ce sujet. En matière de gestion des ressources humaines, les ARS ressemblent à un bateau ivre, sans pilote. Il est impératif de motiver les personnels en adoptant une ligne de direction claire.

Les praticiens-conseils assurent des missions de prévention et de planification de l'offre de soins. Les premières étaient peu développées au sein de l'assurance maladie et suscitent l'intérêt des médecins. La réalisation des secondes est source de difficultés pour les praticiens qui subissent un choc culturel. Ils travaillaient sur la mesure comptable des dépenses et de leur efficience. Il leur est demandé de réfléchir à des questions théologiques de santé publique. Les bases de données du secteur hospitalier et de l'assurance maladie diffèrent. Enfin, les praticiens étaient habitués à un dialogue entre les personnels de l'Etat et les personnels des anciennes agences régionales d'hospitalisation (ARH). Alors que les ARS devaient constituer une maison commune, le dialogue a disparu pour céder la place à la compartimentation. Une mission de l'inspection générale sur ce point serait donc opportune.

L'efficacité des nouvelles structures nous préoccupe. La loi HPST devait créer une maison commune à l'Etat et à l'assurance maladie afin d'optimiser l'offre de soins. Or les déficiences sont nombreuses. Les bases de données sont insuffisamment exploitées et incomplètes : dans le secteur public, elles ne recensent pas qui prescrit quoi, à qui, quand et pourquoi, alors que ces informations sont collectées dans le secteur privé. L'Objectif national des dépenses d'assurance maladie (Ondam) n'a été atteint que grâce au secteur des soins de ville et aux actions de contrôle de chaque professionnel de santé qui y ont été menées, et qu'il faut donc généraliser. Le pilotage national fait défaut. Les dix priorités sont déclinées dans chaque région sans concertation. Par exemple, les contrôles effectués par l'assurance maladie sur les arrêts de travail devraient avoir une influence sur la politique des structures qui dépendent de l'Etat. Certaines structures sont dotées par l'ARS de personnels salariés, et prescrivent des prestations payées par l'assurance maladie, sans que ce coût soit intégré dans le calcul de leur dotation : mieux vaudrait créer des emplois en leur sein. Les ARS ne fonctionnent pas, faute de culture de la gestion du risque, et de pilotage national en la matière. Leurs interlocuteurs de l'assurance maladie, les directions de caisse, ne sont pas les bons car ils n'ont pas accès aux données pertinentes. C'est un dialogue de sourd.

Je recommande donc d'encourager la mise à disposition des personnels ; de renforcer l'attractivité de toutes les professions présentes dans les ARS ; d'y mettre en adéquation les grades et les métiers ; de mettre les PRS en conformité avec la loi ; d'uniformiser les paramètres d'enregistrement des dépenses dans le public et dans le privé, comme le recommandera le Haut Conseil pour l'avenir de l'assurance maladie ; de faciliter, sous réserve des exigences de confidentialité, l'utilisation des bases de données par les organismes en charge de la gestion du risque ; de mettre en place un pilotage national de la gestion du risque, articulé autour d'une autorité de maîtrise d'ouvrage et d'une maîtrise d'oeuvre dotée d'un corps national de contrôle, qui devra rester indépendant et n'être surtout pas rattaché aux organismes payeurs locaux.

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