Intervention de Yves Daudigny

Réunion du 27 avril 2016 à 14h30
Projet de programme de stabilité

Photo de Yves DaudignyYves Daudigny :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, mes chers collègues, le programme de stabilité qui fixe les grandes orientations économiques et budgétaires de la France pour les années 2016 à 2019 concerne toutes les administrations publiques : administrations centrales, administrations locales et administrations de sécurité sociale, dites « ASSO ».

Ces dernières représentent près de la moitié des dépenses et recettes de l’ensemble, soit environ 570 milliards d’euros en 2014, sur un montant total de 1 200 milliards d’euros. Elles sont donc un acteur essentiel de la stratégie de réduction des déficits et de baisse des taux de prélèvements mise en œuvre depuis 2012, ainsi que du programme national de réforme transmis avec le programme de stabilité à la Commission européenne, dans le cadre de la coordination des politiques économiques de l’Union européenne.

C’est pourquoi les commissions des affaires sociales du Parlement doivent pleinement s’associer aux travaux des commissions des finances consacrés au semestre européen. J’y suis d’autant plus attentif que, en 2012, l’examen du projet de loi organique relatif à la programmation et à la gouvernance des finances publiques, qui a été adopté en application du traité sur la stabilité, la coordination et la gouvernance et que j’ai rapporté pour avis, m’avait alerté sur le risque d’atrophie progressive du projet de loi de financement de la sécurité sociale et d’éviction des commissions des affaires sociales du champ des finances publiques. Nous pouvons encore nous améliorer sur ce point, me semble-t-il, même s’il est vrai que le calendrier de ce cycle budgétaire est extrêmement serré.

Au fond, ce programme de stabilité se caractérise par le maintien de l’essentiel des prévisions initiales en loi de finances pour 2016 – hormis l’indice d’inflation, fortement revu à la baisse, ce qui nécessitera une compensation de la moins-value mécaniquement entraînée – et la poursuite d’une stratégie associant mesures de rétablissement de l’équilibre des comptes publics – avec un objectif fixé en 2014 de réduction de 50 milliards d'euros de dépenses sur trois ans – et mesures en faveur de la croissance, avec la mise en œuvre du pacte de responsabilité et de solidarité.

Cette stratégie est-elle la bonne ? Le déficit public est ramené à 3, 5 % du produit intérieur brut, en deçà des 3, 8 % initialement prévus. Le taux de progression de la dépense publique est limité à 1 %, contre une moyenne de plus de 3 % entre 2007 et 2012. La dette publique est stabilisée. Le taux des prélèvements obligatoires est en recul pour la première fois depuis 2009. J’insiste bien sur le fait qu’il s’agit là non de projections, mais de résultats acquis.

Les administrations de sécurité sociale connaissent également un redressement plus rapide que prévu, comme le confirment les comptes arrêtés mi-mars par les caisses. La situation de toutes les branches s’améliore : le déficit de l’assurance maladie se réduit à 5, 8 milliards d’euros, soit 1, 5 milliard d’euros de mieux. L’assurance vieillesse réalise 300 millions d’euros de mieux, la branche famille 200 millions d’euros de mieux, la branche accidents du travail et maladies professionnelles 800 millions d’euros de mieux. Si le Fonds de solidarité vieillesse augmente – je ne l’oublie pas – son déficit de 100 millions d’euros, celui du régime général est ramené à 6, 6 milliards d’euros, contre 9 milliards d’euros initialement attendus. Ainsi, en seulement quatre ans, le déficit du régime général a été divisé par trois et retrouve son plus bas niveau depuis quatorze ans.

Ce redressement des comptes est-il réalisé au détriment des droits des administrés ? Non, et là est l’essentiel, car le rétablissement des comptes publics n’a de sens que s’il est mis au service d’un projet de société de progrès et de mieux-vivre partagé par tous. §Or l’amélioration qui se dessine est réalisée sans réduire la protection sociale des assurés et a permis, tout au contraire, la création de droits nouveaux.

Le programme de stabilité 2016-2019 confirme ce choix d’équilibre en ne portant pas les objectifs d’efforts structurels au niveau recommandé par la Commission européenne, ce qui impliquerait 26 milliards d’euros d’économies supplémentaires, mais détruirait, selon l’estimation de Mme le rapporteur général de la commission des finances de l’Assemblée nationale, 150 000 emplois et coûterait un point de produit intérieur brut à l’horizon de 2017.

Le plan de réduction des déficits est donc poursuivi de manière cohérente et mesurée, dans le cadre de prévisions de croissance et de reprise des créations d’emploi qui ne sont pas contestées par le Haut Conseil des finances publiques. Celui-ci en effet estime que « la croissance pourrait se poursuivre, voire dépasser son rythme potentiel », sans méconnaître pour autant les risques liés à la restauration des contrôles aux frontières, à un éventuel Brexit ou à la persistance de fragilités bancaires de certains pays.

Ce programme se traduit pour les administrations de sécurité sociale par une économie de 5, 3 milliards d’euros en 2016 et de 8, 8 milliards d’euros en 2017. Un ajustement sera nécessaire pour compenser les pertes liées à la faible inflation et notamment pour le financement du plan emploi, du plan d’urgence pour les agriculteurs et des mesures en faveur des jeunes engagés depuis le mois de janvier 2016.

Le comité d’alerte a publié le 13 avril dernier son avis anticipant l’exécution de l’objectif national de dépenses d’assurance maladie, l’ONDAM, pour 2016 sur la base de réalisation de l’année précédente. S’il prend date au mois de mai prochain pour mesurer les effets des mesures de maîtrise des dépenses associées à l’ONDAM, il souligne toutefois d’ores et déjà des dépenses de soins de ville plus élevées que prévu et un aléa sur les dépenses de médicaments lié aux nouveaux traitements contre le cancer.

La loi de modernisation de notre système de santé apporte des réponses à ces préoccupations en poursuivant les réformes structurelles fixées dans le cadre de la stratégie nationale de santé. Leurs effets s’inscrivent dans les moyen et long termes, qu’il s’agisse de concrétiser le « virage ambulatoire », l’organisation des mutualisations hospitalières avec la création des groupements hospitaliers de territoire, le plan de promotion des médicaments génériques, le renforcement de la pertinence des soins ou l’appui aux structures interprofessionnelles.

À cet égard, je note d’ailleurs que l’argument d’un effet inflationniste imputé à la généralisation du tiers payant resurgit comme le monstre du Loch Ness. Il en a la même fonction – effrayer – et la même caractéristique : il est faux ! Comme le démontre l’expérience de la CMU, cette mesure produira un effet de rattrapage, source d’économies en soins retardés ; elle est d’ores et déjà pratiquée par une grande partie des professionnels de santé et par presque tous les pays européens, parmi lesquels la France fait figure d’exception. De grâce donc, sur ce point, félicitons-nous désormais de cet élargissement de l’accès aux soins et, ensemble, avançons.

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