Intervention de Michel Bouvard

Réunion du 27 avril 2016 à 14h30
Projet de programme de stabilité

Photo de Michel BouvardMichel Bouvard :

Ce débat a pour but d’entendre l’avis du Parlement sur le projet de programme de stabilité. Puisque de grands rendez-vous nous attendent l’an prochain – l’élection présidentielle, les élections législatives –, il me semble nécessaire que l’on se pose la question de la place du Parlement.

En effet, le document qui nous est présenté aujourd'hui engage notre pays et a des conséquences sur l’exécution budgétaire, puisqu’en cours d’année, pour atteindre les objectifs, il faudra sans doute souvent récupérer de l’argent sur la réserve de précaution, voire mobiliser une partie des crédits de report. En d’autres termes, des modifications profondes par rapport à ce qui a été décidé par le Parlement au moment du vote de la loi de finances initiale seront apportées, sans qu’il faille même passer par un collectif budgétaire.

Je tiens à exprimer mon souhait que celles et ceux qui aspirent aux fonctions les plus importantes du pays se posent la question d’une éventuelle modification de la loi organique qui a été votée avant que ne soit instituée cette procédure, pour permettre au Parlement de s’exprimer pleinement et de voter sur le document transmis à la Commission européenne.

Bien évidemment, je me félicite de la réduction du déficit en 2015 – chacun peut s’en réjouir – et d’une progression de la dépense publique limitée à 0, 9 point, même si le document remis par le Gouvernement précise que c’est hors crédit d’impôt. C’est la règle, mais cela doit nous inciter à rester vigilants sur l’évolution de la dépense fiscale, dont on sait qu’elle mine la recette et contribue durablement aux déséquilibres budgétaires que nous constatons depuis tant d’années.

Je ne me prononcerai pas sur les perspectives d’hypothèses macroéconomiques, les analyses pouvant en effet diverger, sinon pour formuler deux observations.

En premier lieu – cette observation a été formulée par le Haut Conseil des finances publiques –, je m’interroge sur le fait que, depuis trois ans, la France connaisse une contribution significative des stocks à la croissance. Or il est généralement observé que ce phénomène n’est pas durable au-delà de quatre ans.

En second lieu, je m’interroge sur les hypothèses de croissance qui ont été retenues. Or le Haut Conseil des finances publiques rappelle que la croissance potentielle présentée par le Gouvernement, soit 1, 5 % pour les années 2016 et 2017, est désormais nettement supérieure aux estimations des organisations internationales, qui sont de l’ordre de 1, 1 % à 1, 2 % – je renvoie chacun au tableau qui fait apparaître ce décalage. On peut voir dans cette annonce du Gouvernement soit une expression de volontarisme et de croyance dans le redressement de notre situation économique, soit un élément de fragilité…

Au-delà de ces remarques, la question qui se pose est celle du décalage de notre pays par rapport au reste de l’Union européenne. Fabienne Keller, à l’instar du rapporteur général de la commission des finances, a excellemment rappelé la nature de ce décalage. En France, les efforts d’ajustements structurels sont plus limités que dans les autres pays soumis à la procédure de déficit excessif par la Commission européenne.

Pour ne parler que des pays de la zone euro, les ajustements structurels français se limitent à 3, 1 % du produit intérieur brut, contre 4, 5 % en Espagne, 5, 6 % au Portugal et 6, 2 % en Irlande. Nous sommes également le seul pays dont les dépenses publiques dans le produit intérieur brut ont crû au cours des cinq dernières années. Nous sommes encore le seul pays qui, pour limiter ses déficits, ait accru les prélèvements obligatoires pendant la même période. Cela signifie que les efforts structurels ne sont pas suffisants.

Certes, monsieur le ministre, monsieur le secrétaire d’État, je mesure combien il est difficile d’arbitrer entre une impérieuse austérité budgétaire et la nécessité de ne pas casser la croissance et de ne pas brutaliser le corps social. J’en suis conscient, mais je suis aussi conscient que les efforts qui nous ont permis de diminuer les déficits viennent aujourd’hui principalement de la réduction de l’investissement public…

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion