Intervention de Axelle Lemaire

Réunion du 27 avril 2016 à 14h30
République numérique — Articles additionnels après l'article 12

Axelle Lemaire, secrétaire d'État :

Tout d’abord, monsieur le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, je vous prie, en effet, de bien vouloir nous excuser pour le dépôt tardif de nos amendements. Cela étant, ce dépôt a tout de même eu lieu dans les temps, puisque les amendements ont été déposés avant la date limite qui avait été fixée pour les sénateurs.

Pour autant, ce retard m’apparaît peu conforme à la volonté qui était la mienne de déposer les amendements du Gouvernement le plus tôt possible, laquelle se conjuguait à celle d’en déposer le moins possible, conformément à une doctrine constante. Ce retard constitue donc en quelque sorte une exception par rapport à la règle que nous nous étions fixée pour ce projet de loi.

Pour l’expliquer, j’évoquerai le fait que ces amendements renvoient à des discussions de nature juridique qui se sont prolongées avec la Chancellerie jusqu’au début de la semaine, et ce afin d’aboutir à la rédaction la plus fine et la plus rigoureuse possible.

En définitive, amoindrir la portée de l’open data des décisions rendues par le juge administratif et le juge judiciaire, comme le suggère M. le rapporteur, reviendrait à introduire un tel nombre de limites et de réserves que je considère, pour ma part, qu’il serait sans doute préférable dans ce cas de ne pas mettre en place cet open data.

Je m’explique : selon un principe général du droit, les jugements rendus sont déjà publics. L’open data consiste donc simplement à publier, mais sous des formats réutilisables, des jugements qui sont déjà publics.

Dès lors que l’on introduit une limite à ce principe en vertu du respect de la vie privée ou des réserves sur l’anonymisation des données, on recule sur les principes généraux qui s’appliquent de manière générale dans le droit commun.

Il n’y a pourtant aucun risque, ni en matière d’atteinte à la vie privée ni en matière de ré-identification. En effet, les jugements sont publics, sauf dans les cas particuliers qu’a déjà prévus le législateur dans sa grande sagesse et qui sont énumérés de manière spécifique.

Le Conseil d’État, la Cour de cassation, dans une note qu’elle a publiée en 2013, ou la CNIL, dans un avis qui concernait spécifiquement la publication de la jurisprudence, s’accordent pour considérer qu’il n’y a pas de risque d’atteinte à la vie privée ! Quant aux quelques cas pour lesquels la publicité des décisions de justice est limitée, il s’agit pour l’essentiel des jugements affectés par les effets des lois d’amnistie, des affaires qui concernent les mineurs ou des affaires de faillite. Or il n’est naturellement pas question de revenir sur ces règles particulières qui sont limitées à des cas bien précis.

Imposer une vérification et une analyse des risques à chaque fois qu’il est question de publier le jugement d’un tribunal de première instance reviendrait en pratique à empêcher la mise en place de l’open data, puisque les ressources des tribunaux ne le permettraient pas. De plus, comme M. le rapporteur envisage de limiter le dispositif aux seuls jugements définitifs, cela supposerait de vérifier au moment de publier un jugement que celui-ci n’a pas été frappé d’appel a posteriori. Cela créerait un système complexe, impraticable, à mille lieues de l’objectif que nous visons, c’est-à-dire la simple publication de jugements qui, je le rappelle, sont déjà publics, et ce en vertu des principes généraux du droit.

Mesdames, messieurs les sénateurs, ne redoutez pas un danger qui n’existe pas. Quand on souhaite engager une politique ambitieuse en matière d’open data, il faut l’assumer jusqu’au bout !

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