Le Gouvernement propose, par cet amendement, de supprimer l’article permettant l’utilisation par les chercheurs du Text and Data M ining, ou TDM, c’est-à-dire la fouille électronique de données. Je vous laisse juger de la cohérence de cette position, d’autant que je m’apprête à vous expliquer à quel point le TDM est formidable et combien, à l’inverse, refuser aux chercheurs la possibilité de recourir à cette technologie les pénalise.
Qu’est-ce que le TDM ? C’est l’analyse informatisée de grands corpus de textes et de données scientifiques par le principe des croisements et des recoupements, qui s’effectue grâce à des algorithmes appropriés par des effets de rebond. Ce processus a une double finalité : accélérer les processus de recherche existants et favoriser de nouvelles découvertes. Il est vrai que le numérique décuple encore ce potentiel de découvertes.
Vous connaissez la situation actuelle : en Europe, un seul État a autorisé le recours au TDM, le Royaume-Uni. Sur d’autres continents, plusieurs pays l’utilisent déjà : c’est le cas en particulier des États-Unis et du Japon. Plusieurs pays européens s’interrogent quant à eux sur l’opportunité de légaliser les pratiques de TDM pour les chercheurs.
Aujourd’hui, on me dit que les partenariats entre des laboratoires de recherche français et britanniques sont fragilisés, parce que, si les chercheurs britanniques peuvent employer le TDM, les chercheurs français en sont empêchés. On me dit également que des laboratoires français de recherche se trouvent contraints de signer des contrats de collaboration avec des laboratoires de recherche parfois peu reconnus au plan international mais situés dans d’autres juridictions, ce afin de pouvoir recourir à ces techniques. Je discutais tout récemment encore avec un professeur d’Oxford, le grand informaticien Nigel Shadbolt, qui m’expliquait tout l’intérêt du TDM pour ses recherches et celles de ses équipes. Lorsque je lui ai expliqué la situation en France, il s’est montré très étonné et ne comprenait pas les résistances juridiques opposées à la légalisation du TDM.
Pour cette légalisation, trois voies existent.
La première, c’est la voie législative. C’est celle qui a été choisie par l’Assemblée nationale et celle qui a été adoptée par le Royaume-Uni : elle consiste à insérer une encoche dans la directive européenne relative au droit d’auteur.
La deuxième voie, c’est la solution contractuelle : elle permet à des éditeurs de signer des contrats d’autorisation avec les chercheurs.
La troisième voie, qui est défendue par certains chercheurs, c’est l’exception de copie provisoire.
Sachez que l’Allemagne, parmi d’autres pays, est très attentive aux résultats des débats que nous avons sur ce sujet. Elle veut déterminer s’il convient de prendre une initiative à ce sujet avant même la perspective de l’accord qui doit être trouvé à Bruxelles quant à la renégociation de la directive du 22 mai 2001 sur les droits d’auteur.
J’en viens ainsi à expliquer la position d’apparence paradoxale du Gouvernement. Nous avons fait le choix de réserver l’examen de cette question aux négociations actuellement en cours à l’échelon européen. Ces négociations visent, dans le cadre de la révision de la directive de 2001, à ajouter une nouvelle exception au droit d’auteur. Nous préférons donc ne pas anticiper dans la loi nationale les évolutions à venir du droit européen.