La séance, suspendue à dix-neuf heures cinquante-cinq, est reprise à vingt et une heures trente-cinq, sous la présidence de Mme Jacqueline Gourault.
La séance est reprise.
Nous reprenons la discussion du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique.
Dans la discussion du texte de la commission, nous poursuivons, au sein de la section 2 du chapitre Ier du titre Ier, l’examen des amendements déposés à l’article 12 bis.
TITRE IER
LA CIRCULATION DES DONNÉES ET DU SAVOIR
Chapitre Ier
Économie de la donnée
Section 2
Données d’intérêt général
L'amendement n° 63 rectifié bis, présenté par MM. Pintat, Revet, B. Fournier, D. Laurent, Longeot et Mouiller, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après la référence :
L. 322-8
insérer les mots :
et sans préjudice du troisième alinéa du I de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales
II. – Alinéa 9
Après la référence :
L. 432–8
insérer les mots :
et sans préjudice du troisième alinéa du I de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales
La parole est à M. Bernard Fournier.
Est-il besoin de rappeler que les collectivités territoriales ont en charge l’organisation du service public local de fourniture d’électricité ? À ce titre, garantir la bonne information des élus, c’est garantir une gestion efficace de nos réseaux.
L’objet de cet amendement est de prévenir toute ambiguïté. Pour ce faire, il s’agit de distinguer clairement les obligations assignées aux gestionnaires de réseaux de distribution en matière d’ouverture des données au public, et celles qui s’imposent à eux en leur qualité de concessionnaires des collectivités territoriales et de leurs groupements.
Les obligations d’information assignées actuellement aux concessionnaires ne doivent pas être réduites.
Cet amendement porte sur un sujet important, l’ouverture au public des données énergétiques et la transmission de ces données par les gestionnaires de réseaux aux autorités concédantes.
Il s’agit de préciser l’articulation entre, d’une part, la mission nouvelle confiée aux gestionnaires de réseaux de distribution d’électricité et de gaz par cet article 12 bis, et, d’autre part, les missions qui leur ont été confiées par la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte.
Afin de lever toute ambiguïté ou confusion éventuelle entre ces deux types de missions – open data et transmission des données aux autorités concédantes –, l’amendement prévoit donc de préciser que la présente mission s’exerce « sans préjudice du troisième alinéa du I de l’article L. 2224-31 du code général des collectivités territoriales » qui fixe le régime juridique applicable aux concessions d’électricité et de gaz.
En conséquence, la commission émet un avis favorable sur cette clarification, les auteurs de l’amendement ayant accepté de le rectifier, sur la suggestion de la commission des affaires économiques, pour préciser la référence visée.
Le Gouvernement sollicite le retrait de cet amendement ; à défaut, il émettra un avis défavorable.
La précision proposée semble déjà satisfaite par le code général des collectivités territoriales et le code de l’énergie, qui encadrent précisément la transmission d’informations des gestionnaires de réseaux de distribution aux autorités concédantes concernant l’inventaire et la valeur des ouvrages de distribution, les données de consommation retraitées et destinées à l’exercice de leur mission. Cette transmission d’informations aux autorités concédantes n’est pas remise en cause par l’open data tel qu’il est prévu à l’article 12 bis.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 227 rectifié, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Après les mots :
d’électricité
insérer les mots :
et, dans le cadre des missions qui lui sont confiées à la section 2 du chapitre Ier du titre II du livre III, le gestionnaire du réseau public de transport d’électricité
II. – Alinéa 9
Après les mots :
gaz naturel
insérer les mots :
et, dans le cadre des missions qui leur sont confiées à la section 2 du chapitre Ier du titre III du livre IV, les gestionnaires de réseaux publics de transport de gaz naturel
La parole est à M. Yves Rome.
Le présent amendement tend à ouvrir, par parallélisme, l’accès aux données dont dispose le gestionnaire du réseau de transport d’électricité au travers de ses missions de service public, car les seules données des réseaux de distribution ne donnent qu’une vision partielle du système électrique et ne suffisent pas aux besoins des acteurs.
Il vise également à généraliser et pérenniser la mise à disposition de tout public de ces données dans un format ouvert, aisément réutilisable, répondant aux critères usuels de l’open data, notamment en termes d’interopérabilité entre les systèmes d’information.
Dans la mesure où les données recueillies par le gestionnaire du réseau public de transport sont relatives à des entreprises, et non à des particuliers, l’amendement précise que leur mise à disposition doit respecter le secret en matière commerciale et industrielle.
Cet amendement traite de l’ouverture des données par les gestionnaires de réseaux de transport d’électricité et de gaz. Dans sa version initiale, il prévoyait d’étendre l’ouverture des données énergétiques à celles dont dispose le gestionnaire du réseau de transport d’électricité, RTE, afin de disposer d’une vision complète du système électrique.
Bien qu’ils soient peu nombreux, les clients de RTE – 490 au total, dont 258 consommateurs industriels, 135 négociants, 54 producteurs d’électricité, 32 distributeurs et 11 entreprises ferroviaires – sont en effet, et logiquement, essentiels au système électrique : à titre d’exemple, la consommation industrielle des clients directement raccordés au réseau de transport – hors secteur de l’énergie – a atteint 67, 6 térawattheures en 2015, quand la consommation de l’ensemble des clients raccordés aux réseaux de distribution était, pour la même année, de l’ordre de 33 térawattheures. Je dis cela non pour allonger les débats, mais pour signaler cet apport tout à fait pertinent. Du reste, RTE met déjà à la disposition du public un bon nombre de jeux de données, à la fois sur sa propre plateforme open data et sur le portail data.gouv.fr.
La commission avait proposé aux auteurs de cet amendement, qui l’ont rectifié en ce sens, d’aller au-delà en étendant ces dispositions, par cohérence, aux données des deux gestionnaires de réseaux de transport du gaz que sont GRTgaz et TIGF. Elle émet donc un avis favorable sur cet amendement.
Je me réjouis de la position de la commission.
Le Gouvernement n’avait pas envisagé initialement l’extension de l’open data aux données tirées de l’exploitation du réseau de transport longue distance. Cette mesure complémentaire présente néanmoins certains avantages. Les données détenues par RTE pourraient notamment permettre aux fournisseurs de services énergétiques de rendre leurs offres plus réactives à l’état du système électrique. En particulier, ceux-ci pourront prendre en compte, dans les offres d’effacement, des données relatives aux contraintes du réseau que détient cet opérateur. Concrètement, cette mesure permettrait une gestion optimale et plus intelligente du réseau, en compensant des déséquilibres temporaires entre l’offre et la demande, grâce à une connaissance beaucoup plus fine de la réalité des consommations et des échanges.
C’est pourquoi le Gouvernement est favorable à cet amendement.
L'amendement est adopté.
L'article 12 bis est adopté.
L'amendement n° 304 rectifié, présenté par MM. Bizet, G. Bailly, Cantegrit et Charon, Mmes Deroche et Duranton, MM. Emorine, B. Fournier et Houel, Mme Hummel, MM. Laménie, Laufoaulu, Lefèvre et Milon, Mme Morhet-Richaud et MM. Pointereau et Vaspart, est ainsi libellé :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après l’article L. 142-3 du code de l’énergie, il est inséré un article L. 142-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 142 -3 -… – Dans le cadre des objectifs mentionnés à l’article L. 100-2, les opérateurs mettant à la disposition du public les données thermiques et climatiques à partir des objets connectés déployés à l’intérieur des logements ou des bâtiments tertiaire sont chargés :
« 1° De procéder au traitement de ces données dans le respect des secrets protégés par la loi ;
« 2° De mettre ces données à disposition du public par voie électronique, dans un format ouvert aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine, et sous une forme agrégée garantissant leur caractère anonyme.
« Un accès centralisé à ces données peut être mis en place par l’autorité administrative selon des modalités précisées en tant que de besoin par décret.
« Un décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés précise les modalités d’application du présent article. Il détermine la nature des données détaillées concernées et les modalités de leur traitement. »
La parole est à M. Jean Bizet.
Cet amendement vise à ouvrir les données détaillées issues des usages thermiques tels que les thermostats connectés, voire les données climatiques des stations météo et l’affichage de température intérieure. La diffusion de l’ensemble de ces documents faciliterait ainsi le développement de nouveaux services ou d’offres plus ciblées en complément des données issues des compteurs communicants.
Cet amendement a trait à l’ouverture des données thermiques et climatiques collectées à partir d’objets connectés.
Cet amendement vise, sur le modèle de ce qui est prévu à l’article 12 bis pour l’électricité et le gaz, à ouvrir les données thermiques et climatiques collectées à partir des objets connectés déployés dans les bâtiments à usage résidentiel ou tertiaire.
Il s’agit de disposer de données complémentaires à celles qui sont issues des compteurs communicants, afin de pouvoir proposer de nouveaux services d’efficacité énergétique. Seraient en particulier concernées les consommations de chauffage issues des thermostats connectés, qui permettent de connaître la thermosensibilité d’une zone, les données des stations météo et des afficheurs de température intérieure, mais plus largement de tout équipement connecté qui renseigne sur un usage énergétique de la maison. Évidemment, ce n’est qu’un début !
Ce dispositif soulève deux questions, monsieur Bizet.
D’une part, qui effectuera la mise à disposition des données – les fabricants, les revendeurs ou les installateurs des objets connectés concernés ? D’autre part, le champ des objets connectés et des données visées est-il suffisamment précis ?
L’amendement de M. Bizet est très avant-gardiste ; nous reconnaissons bien là notre collègue…
Sourires.
À ce stade, nous souhaiterions entendre l’avis du Gouvernement. Cela étant, nous nous en remettons à la sagesse bien connue du Sénat.
La publication des données sous une forme agrégée pourrait effectivement être une source d’innovation, par le biais d’un meilleur partage des données entre les acteurs d’un secteur de l’énergie en pleine évolution. Je pense par exemple aux données des thermostats connectés : hier soir, pour augmenter la température dans mon appartement, j’ai juste appuyé sur un bouton de mon téléphone portable.
Néanmoins, le Gouvernement est défavorable à cet amendement, car les données potentiellement concernées présentent un caractère privé très marqué. Ce sont les choix personnels du consommateur, par exemple la température, qui sont intégrés dans un objet connecté. Or les questions soulevées par une telle mesure sont d’une particulière sensibilité. En outre, le champ de la mesure n’est pas clairement défini. Il impliquerait en tout état de cause une expertise plus approfondie, qui n’a pas encore été réalisée.
Le Gouvernement estime qu’il est prématuré de légiférer dans ce domaine, même si, je le reconnais, cet amendement précurseur présente un réel intérêt. Une vraie réflexion commune devrait d’abord s’engager pour apporter des réponses à ce sujet.
Cet amendement est effectivement avant-gardiste ! Compte tenu des explications qui ont été données, tant par M. le rapporteur pour avis que par Mme la secrétaire d’État, je veux bien me retourner vers les fabricants pour qu’ils sérient davantage le champ d’exécution et corrigent les éventuelles dérives en matière de données personnelles. J’accepte donc de retirer mon amendement. Toutefois, eu égard à la pertinence de cette approche, nous n’y échapperons pas !
Je retire l’amendement, madame la présidente.
L’amendement n° 304 rectifié est retiré.
Je suis saisie de trois amendements identiques.
L'amendement n° 173 rectifié est présenté par MM. Bizet, G. Bailly, Cantegrit, Chasseing, Chatillon, Cornu et Danesi, Mme Duranton, MM. Emorine, B. Fournier, Grand et Gremillet, Mme Gruny, MM. Houel, Laménie, D. Laurent, Lefèvre et Mandelli, Mme Morhet-Richaud et MM. Mouiller et Vaspart.
L'amendement n° 308 est présenté par M. Courteau.
L'amendement n° 550 rectifié bis est présenté par MM. Husson, Pellevat, de Nicolaÿ et Milon, Mme Micouleau, M. Karoutchi et Mmes Deromedi et Deroche.
Ces trois amendements sont ainsi libellés :
Après l’article 12 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
La sous-section 1 de la section 1 du chapitre II du titre IV du livre Ier du code de l’énergie est complétée par un article L. 142-3-… ainsi rédigé :
« Art. L. 142 -3 -… – Dans le cadre des objectifs mentionnés à l’article L. 100-2, les opérateurs mettant à la disposition du public la consommation du fioul domestique à partir des données issues de leur système de comptage de l’énergie sont chargés :
« 1° De procéder au traitement de ces données dans le respect des secrets protégés par la loi ;
« 2° De mettre ces données à disposition du public par voie électronique, dans un format ouvert aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine, et sous une forme agrégée garantissant leur caractère anonyme.
« Un accès centralisé à ces données peut être mis en place par l’autorité administrative selon des modalités précisées en tant que de besoin par décret.
« Un décret pris après avis de la Commission nationale de l’informatique et des libertés précise les modalités d’application du présent article. Il détermine la nature des données détaillées concernées et les modalités de leur traitement. »
La parole est à M. Jean Bizet, pour présenter l’amendement n° 173 rectifié.
Dans le cadre d’une stratégie nationale bas-carbone et conformément aux objectifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, il est nécessaire d’encourager des offres d’efficacité énergétique sur toutes les énergies et des offres alternatives moins carbonées.
Pour rendre possible le développement de telles offres, il faut ouvrir les données liées aux quantités de fioul livrées et prévoir l’intégration de ce type de carburant « fossile » dans cette stratégie nationale bas-carbone.
La parole est à M. Roland Courteau, pour présenter l'amendement n° 308.
Nous proposons que, dans le cadre des objectifs mentionnés à l’article L. 100-2 du code de l’énergie, les opérateurs mettant à la disposition du public la consommation du fioul domestique à partir des données issues de leur système de comptage de l’énergie soient chargés de procéder au traitement de ces données dans le respect des secrets protégés par la loi et de mettre ces données à disposition du public par voie électronique, dans un format ouvert aisément réutilisable, c’est-à-dire lisible par une machine, et sous une forme agrégée garantissant leur caractère anonyme.
J’ajoute qu’un accès centralisé à ces données pourrait être mis en place par l’autorité administrative selon des modalités précisées en tant que de besoins par décret.
Comme l’a dit M. Bizet, dans le cadre d’une stratégie nationale bas-carbone et conformément aux objectifs de la loi relative à la transition énergétique pour la croissance verte, il est nécessaire d’encourager des offres d’efficacité énergétique sur toutes les énergies – je dis bien sur toutes les énergies.
La parole est à Mme Catherine Deroche, pour présenter l’amendement n° 550 rectifié bis.
Il est proposé, sur le modèle de ce qui est prévu à l’article 12 bis pour l’électricité et le gaz, d’ouvrir les données des distributeurs de fioul domestique afin d’encourager le développement d’offres d’efficacité énergétique, y compris sur le fioul, qui est l’énergie de chauffage la plus carbonée hormis le charbon, voire de proposer à ces consommateurs des offres alternatives moins ou très peu carbonées comme le gaz et l’électricité.
Si l’objectif visé est louable, le dispositif proposé, en assimilant des énergies aux caractéristiques bien différentes, paraît cependant inadapté.
En effet, contrairement à l’électricité et au gaz, le fioul domestique est distribué, non par des acteurs centralisés, mais de façon diffuse – l’électricité correspond à un opérateur, RTE, le gaz à deux opérateurs ; en l’occurrence, sont impliqués plus de 1 800 opérateurs. Il s’agit d’une énergie hors réseaux, sans dispositif de compteurs communicants, et dont la consommation ne peut être calculée à partir des quantités livrées, le fioul – souvent acheté à l’avance lorsque les prix sont les plus bas – étant stocké et ensuite consommé progressivement, éventuellement sur plusieurs années.
Concrètement, on peut également se demander comment les clients pourraient établir des comparaisons de consommation à partir de données agrégées, …
…et dans quelle mesure ils pourraient facilement substituer leur consommation de fioul par une consommation de gaz ou d’électricité pour se chauffer. Il est vrai que certains appartements ou immeubles ont plusieurs sources de chauffage.
Enfin, la référence à l’exemple du chèque énergie pour justifier de la capacité des opérateurs à mettre en œuvre cette ouverture s’avère inopérante dès lors que le chèque est basé sur le revenu fiscal des ménages et qu’il ne constitue qu’un moyen de paiement, sans aucun lien avec une connaissance de la consommation.
La commission émet donc un avis défavorable sur ces amendements, en l’état. §Si ceux-ci devaient malgré tout être adoptés – sait-on jamais ! –, …
… il serait sans doute préférable d’inverser la rédaction actuelle et de rectifier le quatrième alinéa de la façon suivante : « Dans le cadre des objectifs mentionnés à l’article L. 100-2, les opérateurs mettant à la disposition du public la consommation du fioul domestique sont chargés, à partir des données issues de leur système de comptage de l’énergie… »
Le Gouvernement partage l’avis de la commission.
En outre, la mesure proposée serait certainement coûteuse pour les très nombreuses PME qui livrent du fioul sur tout le territoire national, car ces entreprises commerciales devraient ainsi livrer des données privées sur une plateforme open data.
Si l’objectif visé me paraît louable, il est partiellement satisfait par une disposition de la loi du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte, qui prévoit le suivi global de la vente de ce produit. Certes, ce suivi n’est pas mis en open data, mais cela tient à la limite de l’exercice. En réalité, les circuits de commercialisation et de livraison présentent sans doute à ce jour un intérêt plus grand pour les acteurs industriels que pour le grand public.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur ces amendements.
Les explications de M. le rapporteur pour avis et de Mme la secrétaire d’État m’ayant convaincu, je retire mon amendement.
L’amendement n° 308 est retiré.
Qu’en est-il de votre amendement, monsieur Bizet ?
Ayant reçu une proposition séduisante de M. le rapporteur pour avis, j’accepte d’emblée de rectifier mon amendement en ce sens.
Sourires.
L’amendement n° 173 rectifié est retiré.
Maintenez-vous votre amendement, madame Deroche ?
I. – L’article L. 135 B du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Le premier alinéa est ainsi rédigé :
« L’administration fiscale autorise la transmission à titre gratuit, à leur demande, aux propriétaires faisant l’objet d’une procédure d’expropriation, aux professionnels de l’immobilier, aux chercheurs, aux personnes dont l’activité économique consiste à développer des services contribuant à l’information des vendeurs et des acquéreurs et à la transparence du marché immobilier, aux services de l’État, aux collectivités territoriales, aux établissements publics de coopération intercommunale dotés d’une fiscalité propre, aux établissements publics administratifs et aux établissements publics visés aux articles L. 143-16, L. 321-1, L. 321-14, L. 321-29, L. 321-36-1, L. 321-37, L. 324-1 et L. 326-1 du code de l’urbanisme, aux agences d’urbanisme mentionnées au code de l’urbanisme, à l’établissement public visé au titre IX de la loi n° 2013-431 du 28 mai 2013, aux sociétés d’aménagement foncier et d’établissement rural mentionnées à l’article L. 141-1 du code rural et de la pêche maritime, aux concessionnaires des opérations d’aménagement mentionnés à l’article L. 300-4 du code de l’urbanisme, aux associations foncières urbaines mentionnées à l’article L. 322-1 du même code et aux observatoires des loyers mentionnés à l’article 16 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986 les éléments d’information qu’elle détient au sujet des valeurs foncières déclarées à l’occasion des mutations intervenues dans les cinq dernières années et qui sont nécessaires à l’exercice de leurs compétences en matière de politiques foncière, d’urbanisme et d’aménagement et de transparence des marchés fonciers et immobiliers. Cette administration ne peut, dans ce cas, se prévaloir de la règle du secret. » ;
2° Après le deuxième alinéa, sont insérés deux alinéas ainsi rédigés :
« L’administration fiscale statue sur les demandes qui lui sont présentées par les personnes visées au précédent alinéa dans un délai de deux mois à compter de la réception de la demande.
« Un décret en Conseil d’État organise les modalités de transmission des éléments d’information mentionnés au premier alinéa. »
II. – Les dispositions du présent article entrent en vigueur le premier jour du septième mois suivant la publication de la présente loi.
L'amendement n° 228, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3
Rédiger ainsi le début de cet alinéa :
« L’administration fiscale transmet, sous forme dématérialisée dans le cadre d’une procédure en ligne, à titre gratuit, à leur demande, aux professionnels de l’immobilier, …
II. – Alinéas 5 et 6
Remplacer ces alinéas par un alinéa ainsi rédigé :
« Afin de concilier la transparence de l’information sur le marché immobilier qu’organise le précédent alinéa et le respect de la vie privée, les données transmises par l’administration fiscale excluent toute identification nominative du propriétaire d’un bien et les bénéficiaires de la transmission ne doivent à aucun moment reconstituer des listes de biens appartenant à des propriétaires désignés. La transmission de ces informations par l’administration fiscale est soumise, dans le cadre de la procédure en ligne, à une déclaration de motifs préalable, aux fins de laquelle l’organisme demandeur doit justifier de sa qualité et accepter les conditions générales d’accès au service. »
III. – Après l’alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – L’article L. 107 B du livre des procédures fiscales est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, après les mots : « procédure de contrôle portant sur la valeur d’un bien immobilier », sont insérés les mots : «, faisant état de la nécessité d’évaluer la valeur vénale d’un bien immobilier en tant que vendeur ou acquéreur potentiel de ce bien » ;
2° Au troisième alinéa, les mots : « la rue et la commune » sont remplacés par les mots : « les références cadastrales et l’adresse ».
La parole est à M. Yves Rome.
L’article 12 ter a été introduit dans le projet de loi à la suite d’un amendement que nous avions proposé et qui a été adopté par la commission des lois. Il vise principalement à élargir le périmètre des personnes pouvant demander la transmission des données foncières de l’administration fiscale. La transparence des marchés fonciers et immobiliers est un besoin croissant dont l’absence constitue aujourd’hui un obstacle à leur fluidité et à leur bon fonctionnement.
Nous pensons que ce dispositif pourrait être encore amélioré afin d’éviter tout risque de blocage. Plutôt que de créer des processus d’autorisation administrative avec plusieurs acteurs possibles, sources de frein et de lenteur dans l’accès à l’information, des processus dématérialisés en ligne paraissent plus à même d’assurer la rapidité de l’accès qui est souhaité.
Par ailleurs, et même si tout un chacun peut depuis longtemps demander au cas par cas communication des actes de propriété et des noms des propriétaires d’un bien immobilier dans le cadre de la publicité foncière, il semble en revanche souhaitable de souligner le fait que l’accès à cette information n’autorise pas, dans le même temps, un cadre légal pour des fichiers « désanonymisés » de propriétaires.
Enfin, et dans le même esprit de transparence, la base PATRIM, qui constitue aujourd’hui un portail officiel d’accès à une information sur les valeurs immobilières, doit faire l’objet de deux ouvertures complémentaires.
D’une part, il paraît logique d’ouvrir à d’autres motifs que ceux qui sont strictement fiscaux ou liés à des procédures d’expropriation la consultation de cette base. C’est une réalité qui, malgré les motifs invoqués pour la consultation, ne fait guère de doute aujourd’hui et qui paraît légitime.
D’autre part, les précautions prises quant à la faible précision de la base à l’époque de sa création ne paraissent plus de mise à l’heure où se multiplient les sites immobiliers en ligne avec photos permettant de localiser très précisément un bien.
Cet amendement tend à préciser un article adopté par la commission sur l’initiative de Jean-Pierre Sueur et concernant la transmission de données foncières par l’administration fiscale.
Cet amendement ajoute des garanties pour le respect de la vie privée et précise les motifs pouvant donner lieu à cette transmission. Une meilleure articulation est également prévue avec les expropriations pour cause d’utilité publique.
Par conséquent, la commission émet un avis favorable sur cet amendement.
Il est question ici, non pas exactement d’open data, mais bien de la transmission des données détenues par l’administration fiscale qui sont relatives aux mutations, qu’il s’agisse des mutations à titre onéreux comme les ventes immobilières ou des mutations à titre gratuit comme les donations.
Cet amendement prévoit de modifier l’article 12 ter en indiquant directement dans l’article 135 B du livre des procédures fiscales que le transfert s’effectuera sous forme dématérialisée dans le cadre d’une procédure en ligne, mais aussi en interdisant le transfert de données qui permettent une identification nominative du propriétaire d’un bien et les bénéficiaires de la transmission, et en supprimant l’obligation, pour l’administration, de répondre dans un délai de deux mois.
La rédaction prévue par l’amendement aurait pour effet de restreindre la portée de la dérogation telle qu’elle est prévue à l’article 135 B précité, puisque cette partie supprime les données nominatives pour l’ensemble des personnes visées à cet article, et donc aussi pour celles qui en bénéficient depuis 2006, notamment les collectivités locales, ce qui est contraire à l’objectif visé par le Gouvernement. Cet effet de l’articulation des dispositions législatives n’avait peut-être pas été initialement perçu.
Par ailleurs, l’article 12 ter renvoie à un décret en Conseil d’État le soin d’organiser les modalités de transmission de ces éléments d’information. Or il n’apparaît pas totalement pertinent que le texte de loi porte directement sur ces modalités. Celles-ci seront détaillées par un décret, plus adapté en l’espèce.
En outre, la transmission de ces données devrait être assurée par un tiers et non par l’administration fiscale elle-même. Celle-ci n’est pas en mesure de l’assurer, compte tenu de l’élargissement du champ des bénéficiaires de l’article précité.
Pour l’ensemble de ces raisons, le Gouvernement émet un avis défavorable sur cet amendement.
Monsieur Rome, nous souhaitons disposer d’un plus grand laps de temps pour examiner, avec vous et avec ceux de vos collègues qui souhaitent se pencher sur ce sujet, une piste législative dans le cadre du projet de loi de finances pour 2017.
Naturellement, le Gouvernement souscrit au but visé, à savoir une plus grande transparence du marché immobilier dans son ensemble, permettant d’éviter des transactions déconnectées des réalités financières du terrain. Cependant, il faut continuer à travailler la formalisation juridique de ces dispositions.
L'amendement est adopté.
L'amendement n° 625, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
I. – Alinéa 3, première phrase
Remplacer les mots :
agences d’urbanisme mentionnées au code de l’urbanisme, à l’établissement public visé au titre IX
par les mots :
agences d’urbanisme mentionnées à l’article L. 132-6 du même code, à l’établissement public mentionné à l’article 44
II. – Après l’alinéa 6
Insérer un paragraphe ainsi rédigé :
… – Au troisième alinéa de l’article L. 135 J du même livre, les mots : « du onzième » sont remplacés par les mots : « de l’avant-dernier ».
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit d’un amendement de précision rédactionnelle et de coordination, madame la présidente.
L'amendement est adopté.
L'article 12 ter est adopté.
(Non modifié)
Le I de l’article 13 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés est ainsi modifié :
1° Au premier alinéa, le mot : « dix-sept » est remplacé par le mot : « dix-huit » ;
1° bis Aux 6° et 7°, les mots : « de l’informatique » sont remplacés par les mots : « du numérique » ;
2° Après le 7°, il est inséré un 8° ainsi rédigé :
« 8° Le président de la Commission d’accès aux documents administratifs, ou son représentant. »
L'amendement n° 102, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
Madame la présidente, si vous me le permettez, je défendrai par la même occasion les amendements n° 103, 104, 105 et 65, l’ensemble de ces dispositions étant liées les unes aux autres.
Les deux lois de 1978, celle de janvier, portant création de la CNIL, et celle de juillet, créant la CADA, ont, pendant près de quarante ans, et avec succès, fourni un cadre à la protection des Français contre les risques informatiques et assuré la transparence des relations de l’administration avec les citoyens.
Depuis qu’a débuté l’examen de ce projet de loi, on peut dresser le constat suivant. Toutes les inquiétudes que suscite aujourd’hui le numérique, au titre des capacités d’accroissement de la transparence, du nombre de données ouvertes et facilement consultables, convergent vers cette question : comment, au total, protéger les citoyens face à un champ de plus en plus large d’open data ?
En la matière, tout l’enjeu se situe à la convergence des métiers de la CNIL et de la CADA. Je note au demeurant que cette observation fait l’objet d’un consensus.
Tous les articles que je propose de supprimer lient ces deux autorités administratives, en rendant, de manière structurelle, le président de l’un des collèges membre de l’autre collège.
Gardons à l’esprit la commission d’enquête que le Sénat a consacrée aux autorités administratives indépendantes. Souvenons-nous, de surcroît, de la proposition de loi de Jacques Mézard qui a suivi les travaux de cette instance.
À ce titre, nous avons exprimé une double préoccupation. D’une part, on observe un manque de contrôle démocratique exercé sur les autorités administratives indépendantes. De l’autre, dans un certain nombre de domaines, se manifeste un besoin d’autorités administratives indépendantes.
En l’occurrence, les métiers de la CNIL et de la CADA présentent des intersections de plus en plus évidentes, formant le cœur de nos interrogations et de nos inquiétudes. Et pourtant, on nous propose de conserver deux instances distinctes.
Or nous ne pouvons pas nous satisfaire de la création de deux autorités administratives interdépendantes : un tel choix serait contraire à toutes les réflexions menées sur ce sujet depuis des années.
Plutôt que d’aller dans cette direction, nous proposons, dans le but de prolonger le débat, la suppression des articles 13, 14, 15 et 16. Parallèlement, je demande au Gouvernement de rédiger un rapport…
… pour préparer la fusion de ces deux autorités au sein d’une instance administrative unique.
Bien entendu, il s’agit d’un sujet difficile, et, compte tenu des enjeux, nous n’avons pas le droit à l’erreur. Aussi, je n’ai pas la prétention de proposer une solution définitive par le simple biais d’un amendement personnel : un tel procédé serait trop risqué.
Nous avons également l’expérience du Défenseur des droits.
Cet exemple le prouve : la réunion de plusieurs autorités administratives indépendantes ne saurait se résumer à l’addition de différents collèges existants.
Le rapport dont je sollicite la rédaction permettrait de poser le problème dans son ensemble, en gardant à l’esprit l’existence d’une dynamique de fusion de ces deux autorités administratives indépendantes.
Mes chers collègues, je vous prie de m’excuser si j’ai parlé un peu longuement. Je précise que ces développements m’ont permis de défendre, outre le présent amendement, les quatre amendements qui suivent !
Puisque M. Leconte a défendu ses cinq amendements en une seule fois, je donnerai, si vous m’y autorisez, l’avis de la commission sur l’ensemble de ces dispositions.
Tous ces amendements tendent à assurer une meilleure articulation entre la CADA et la CNIL.
Le présent projet de loi s’engage d’ores et déjà dans cette voie, sans aller jusqu’à prévoir leur fusion. On peut s’en étonner. C’est un choix du Gouvernement, et la commission des lois a travaillé à partir de ce postulat. Dans ce cadre, elle s’est efforcée d’améliorer le texte qui lui était soumis.
Ces deux autorités administratives conservent des rôles essentiellement différents. La CADA exerce une mission précontentieuse au titre de la communication et de la diffusion des documents administratifs. La CNIL a, quant à elle, un rôle de régulateur et de garante de données à caractère personnel. Là est toute la différence entre ces deux instances.
Cela étant, une meilleure articulation entre ces deux autorités administratives indépendantes est nécessaire, car leurs champs d’intervention se recoupent parfois. Ainsi, la CADA peut être appelée à se prononcer sur la communication de fichiers comportant des données à caractère personnel.
En conséquence, en vertu du présent texte, le président de la CNIL siège au sein du collège de la CADA, et réciproquement.
De surcroît, ce projet de loi ouvre, pour ces deux autorités administratives indépendantes, la possibilité de se réunir ponctuellement au sein d’un collège unique pour fixer des orientations communes.
Ces dispositions doivent être préservées.
Au reste, notre collègue Jacques Mézard, précédemment cité, n’exclut pas la possibilité qu’un membre de la CADA siège au sein du collège de la CNIL, et vice versa. Dans le rapport qu’il a consacré à la proposition de loi organique relative aux autorités administratives indépendantes, il écrit : « Une telle faculté résulte de la possibilité de la loi de donner par une disposition spéciale à une disposition générale et, plus fondamentalement, du fait que cette présence de droit ne s’assimile pas à un nouveau mandat pour lequel le membre aurait fait l’objet d’une seconde nomination. »
Pour ces raisons, je demande le retrait de l’ensemble de ces amendements. À défaut, j’émettrai un avis défavorable.
Monsieur Leconte, vous estimez que les articles organisant une gouvernance mieux coordonnée entre la CNIL et la CADA méritent d’être supprimés.
Je tiens à rappeler pourquoi le Gouvernement a jugé, à l’inverse, pertinent de rapprocher ces deux institutions. J’insiste par ailleurs sur l’attitude de prudence que nous avons choisi d’adopter : il s’agit d’un simple rapprochement et non d’une fusion. Cette seconde solution a pu être envisagée initialement. En définitive, nous avons conclu qu’il fallait avancer par étapes.
Dans de nombreux pays européens, les équivalents de la CNIL et de la CADA sont réunis au sein d’une seule et même institution. Il en est ainsi au Royaume-Uni, avec le célèbre Information Commissioner’s Office. La plupart des États d’Europe centrale ont, plus récemment, lors de leur entrée dans l’Union européenne, créé une institution unique chargée de contrôler le traitement dont les données font l’objet. Ce sont donc, en quelque sorte, des agences de la data.
À l’heure actuelle, si la France devait créer de toutes pièces une institution de ce type, il semblerait naturel qu’elle opte pour ce système.
Cela étant, nous devons composer avec une longue tradition, à la fois dans le champ de la protection des données personnelles et dans le domaine du droit à l’information. Il s’agit là d’un double secteur.
À un même moment de notre histoire, en 1978, deux lois distinctes ont été adoptées. L’une, la loi CNIL, vise à protéger les données personnelles. À l’époque, ce texte a été conçu en réaction à l’usage de fichiers créés par l’État et jugés liberticides. L’autre, la loi CADA, a été votée dans le contexte de la guerre froide, en un temps où l’Union soviétique employait des méthodes de contrôle de ses citoyens. Ce second texte visait ainsi à libéraliser la société et à accroître les droits individuels.
La France peut être fière de compter parmi les premiers États à s’être organisée en la matière. La CNIL française a d’ailleurs inspiré, par la suite, de nombreux pays.
Cette ancienneté revêt un autre intérêt : grâce à elle, nous disposons d’une doctrine très stable et très éprouvée pour chacune des missions assignées à ces institutions. En conséquence, les entreprises et les administrations peuvent, aujourd’hui, identifier clairement le périmètre de leurs obligations.
On le sent bien, les enjeux se croisent davantage qu’auparavant. L’examen des articles de ce projet de loi relatifs à l’open data l’a bien montré. Les enjeux de respect de la vie privée, le traitement dont peuvent faire l’objet les données personnelles, leur anonymisation, les risques de ré-identification sont très présents dans les questions que se pose aujourd’hui la CADA. En résulte la nécessité de faire collaborer plus étroitement encore ces deux commissions dans les textes, puisque les pratiques sont déjà bien ancrées.
Nous avons fait le choix d’une participation croisée, tout en ouvrant, pour la CNIL et la CADA, la faculté de se réunir au sein d’un collège commun. Il s’agit là, je le répète, d’une démarche progressive.
J’ai demandé à M. Jean Massot, président de section honoraire au Conseil d’État, d’analyser la nécessité d’aller plus loin pour prendre en compte les nouvelles missions prévues dans le cadre du présent texte. M. Massot remettra ses conclusions au Gouvernement. Je pourrai, si vous le souhaitez, vous les transmettre, voire les placer en open data. §Ainsi pourrons-nous poursuivre cette réflexion.
De manière tout à fait pragmatique, le rapprochement de la CNIL et de la CADA se fera tout simplement par un déménagement immobilier : ces deux organisations seront très bientôt logées dans un même immeuble de l’avenue de Ségur. Leurs deux cultures doivent conserver leurs spécificités tout en se rapprochant, pour assurer une stratégie nationale cohérente en matière de données. Peut-être ce rapprochement physique permettra-t-il, au premier chef, une collaboration plus étroite.
Madame la secrétaire d’État, vous insistez sur le fait que ce travail ne constitue qu’une étape, et vous rappelez que le Gouvernement entend procéder avec prudence, compte tenu des enjeux dont il s’agit.
J’en conviens tout à fait, nous ne pouvons en rester à un dispositif fondé sur une définition du numérique, tel qu’il était en 1978. Cela étant, il faut bel et bien progresser par étapes. À ce titre, j’ai constaté, en écoutant vos propos, que nous avions des préoccupations en commun. Nous ne sommes qu’au début d’une réflexion vers une fusion de la CNIL et de la CADA, dont les missions convergent.
Aussi, je retire l’amendement n°102, avant de retirer les amendements suivants.
L'article 13 est adopté.
(Non modifié)
Après l’article 15 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée, il est inséré un article 15 bis ainsi rédigé :
« Art. 15 bis. – La Commission nationale de l’informatique et des libertés et la Commission d’accès aux documents administratifs se réunissent dans un collège unique, sur l’initiative conjointe de leurs présidents, lorsqu’un sujet d’intérêt commun le justifie. »
L'amendement n° 103, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
L'article 14 est adopté.
(Non modifié)
L’article L. 341-1 du code des relations entre le public et l’administration est ainsi modifié :
1° Le 6° est ainsi rédigé :
« 6° Le président de la Commission nationale de l’informatique et des libertés, ou son représentant ; »
2° À la deuxième phrase du douzième alinéa, les mots : « et 3° » sont remplacés par les mots : «, 3° et 6° ».
L'amendement n° 104, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
L'article 15 est adopté.
(Non modifié)
Après l’article L. 341-1 du code des relations entre le public et l’administration, il est inséré un article L. 341-1-1 ainsi rédigé :
« Art. L. 341 -1 -1. – La Commission d’accès aux documents administratifs et la Commission nationale de l’informatique et des libertés se réunissent dans un collège unique, sur l’initiative conjointe de leurs présidents, lorsqu’un sujet d’intérêt commun le justifie. »
L'amendement n° 105, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
L'article 16 est adopté.
(Supprimé)
Le Gouvernement remet au Parlement, dans un délai de trois mois à compter de la promulgation de la présente loi, un rapport sur la possibilité de créer un Commissariat à la souveraineté numérique rattaché aux services du Premier ministre, dont les missions concourent à l’exercice, dans le cyberespace, de la souveraineté nationale et des droits et libertés individuels et collectifs que la République protège. Ce rapport précise les moyens et l’organisation nécessaires au fonctionnement de cet établissement public.
Je suis saisie de six amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 65, présenté par M. Leconte, est ainsi libellé :
I. – Première phrase
Après les mots :
possibilité de
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
fusionner les missions actuelles de la Commission d'accès aux documents administratifs et celles de la Commission nationale de l'informatique et des libertés en créant une entité unique.
II. – Seconde phrase
Remplacer les mots :
cet établissement public
par les mots :
cette nouvelle autorité administrative indépendante
La parole est à M. Jean-Yves Leconte.
L’amendement n° 65 est retiré.
L'amendement n° 108 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Zocchetto, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
Première phrase
Remplacer les mots :
Commissariat à la souveraineté numérique
par les mots :
Haut-Commissariat au numérique
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Avec cet amendement, nous abordons le thème de la souveraineté nationale.
Nous ne pouvons que nous réjouir de voir ce sujet prendre une véritable visibilité depuis les derniers mois : désormais, chacun prend la mesure de l’enjeu que représente la mutation numérique très profonde de nos sociétés pour nos modèles futurs.
L’Assemblée nationale a, elle aussi, manifesté cette prise de conscience en adoptant le présent article, qui demande au Gouvernement un rapport sur l’opportunité de créer un commissariat à la souveraineté numérique. Cette instance aurait notamment pour mission de réfléchir à la construction d’un système souverain.
Mes chers collègues, pourquoi demander la remise d’un tel rapport ? Il est difficile d’affirmer que l’on créera ex nihilo une nouvelle instance : vous le savez, lorsque les parlementaires défendent des dispositions de cette nature, leurs propositions tombent toujours sous le coup de l’article 40 de la Constitution.
M. le rapporteur s’est montré attentif à la question de la souveraineté numérique et soutient la remise d’un tel document. Il a proposé, ce me semble avec raison, de supprimer la définition précise des missions liées à l’établissement de ce commissariat à la souveraineté numérique. En effet, ce travail a vocation à être beaucoup plus large – je vais y revenir.
Le présent amendement tend à remplacer le nom de « Commissariat à la souveraineté numérique » par celui de « Haut-Commissariat au numérique ». Les enjeux de souveraineté sont de la première importance, ils conditionnent toutes les autres questions. À cet égard, l’intitulé de « Haut-Commissariat au numérique » renvoie, à mon sens, à une réalité plus large, plus englobante et plus pertinente.
L'amendement n° 107 rectifié bis, présenté par Mme Morin-Desailly, MM. Zocchetto, L. Hervé et les membres du groupe Union des Démocrates et Indépendants - UC, est ainsi libellé :
I. – Première phrase
Après les mots :
dont les missions
rédiger ainsi la fin de cette phrase :
seront de favoriser une meilleure coordination interministérielle des programmes et des actions technologiques au sein de l’État, de veiller à la cohérence des stratégies et des outils technologiques mis en place par les administrations, d’assurer une meilleure lisibilité des actions de l’État en matière de technologies, de favoriser une meilleure diffusion des savoir-faire stratégiques sur le numérique au sein de l’État et de participer aux négociations européennes et internationales portant sur les normes et standards ainsi que sur la gouvernance des technologies.
II. – Après la première phrase
Insérer une phrase ainsi rédigée :
L’ensemble de ces missions concourent à assurer la souveraineté numérique nationale.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly.
Cet amendement, dont les dispositions découlent du précédent, tend à préciser davantage encore les missions généralistes du Haut-Commissariat au numérique, qu’il me semble essentiel d’énoncer dans ce projet de loi.
Ces missions iront de la coordination des stratégies numériques publiques au service de notre souveraineté numérique à la formation aux outils technologiques et de diffusion des savoir-faire stratégiques en matière numérique au sein de l’État. Elles porteront également sur la participation aux négociations européennes et internationales relatives aux normes et aux standards, ainsi que sur la gouvernance des technologies.
Vous le constatez, ces attributions sont éminemment stratégiques pour l’ensemble des responsables publics. On le sait, les technologies numériques sont devenues des facteurs cruciaux du fonctionnement de l'État et du déploiement des politiques publiques. Il convient de le rappeler.
Bien sûr, il reviendra au futur rapport de détailler les moyens nécessaires pour mettre en œuvre cette cellule de coordination interministérielle de la stratégie gouvernementale, laquelle – j’insiste sur ce point – est devenue essentielle aujourd’hui.
L'amendement n° 229, présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Seconde phrase
Après le mot :
précise
insérer les mots :
notamment, sous l’égide de ce commissariat, les conditions de maîtrise des lieux de stockage des données et de développement de protocoles de chiffrement, ainsi que
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
(Exclamations. – M. Loïc Hervé applaudit.) Les dispositions de son amendement tendant à créer, non un commissariat, mais un haut-commissariat, ne portent en rien atteinte aux finances de l’État. Elles ne sont donc pas menacées par l’article 40 ! Je tiens à saluer cette initiative économe.
Sourires.
Tout d’abord, je tiens à féliciter Mme Morin-Desailly. §
Mes chers collègues, si, à travers l’amendement n° 229, nous avions pris l’initiative de créer un commissariat, voire un haut-commissariat, nous serions évidemment tombés sous le coup de cette disposition.
Nous disons donc subtilement – est-ce d’ailleurs si subtil ? – qu’il serait judicieux d’écrire un rapport sur ce sujet. Ce procédé ne trompe personne.
Au-delà, vous le savez bien, nous sommes face à une question très importante, relevant de la philosophie fondamentale : internet abolit-il les spécificités des différentes nations, notamment de la nation française ? Constitue-t-il un univers uniforme où les identités nationales disparaissent ? À nos yeux, tel n’est pas le cas. Dans la sphère de l’internet comme ailleurs, il est nécessaire de faire prévaloir des impératifs de souveraineté, de puissance et d’indépendance nationales.
Selon nous, il n’est ni inutile ni ringard d’apporter ces précisions. Ces dernières sont, à l’inverse, tout à fait nécessaires.
Les deux points que nous proposons d’ajouter au présent article, à savoir la maîtrise des lieux de stockage des données et le développement des protocoles de chiffrement, sont extrêmement importants, en particulier pour notre défense nationale.
La lutte que nous menons contre le terrorisme est également une guerre du chiffrement et du cryptage. Si, avant le 13 novembre, nous avions pu intercepter diverses communications, nous aurions peut-être pu prévenir les dramatiques attentats que la France a connus. À présent, nous devons éviter de nouvelles attaques.
Le cryptage et le décryptement soulèvent un véritable enjeu de souveraineté nationale. Une plateforme nationale est dédiée à ce travail. La loi relative au renseignement accorde de fortes prérogatives à la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement. Nous sommes donc face à une question qui est très loin d’être négligeable.
Voilà pourquoi nous défendons avec ardeur les dispositions de cet amendement, qui, à nos yeux, constituent un premier pas. Nous y tenons beaucoup sur le fond.
L’amendement suivant, déposé par M. Retailleau, a quant à lui pour objet de détailler les modalités de ce travail. Madame la présidente, vous le constatez, je fais même, gratuitement, la transition avec la suite de la discussion !
Sourires. – M. le rapporteur rit.
L'amendement n° 295 rectifié, présenté par MM. Retailleau, Allizard, Béchu, Bouchet et Buffet, Mme Chain-Larché, MM. Chaize, Commeinhes, Dallier et Danesi, Mmes Deromedi et Di Folco, M. Dufaut, Mme Duranton, MM. Grosdidier et Grosperrin, Mme Hummel, MM. Kennel, Leleux et P. Leroy, Mme Lopez, MM. Magras et A. Marc, Mme M. Mercier, MM. Pillet et Savin, Mme Troendlé et M. Vasselle, est ainsi libellé :
Seconde phrase
Remplacer les mots :
de cet établissement public
par les mots :
du Commissariat à la souveraineté numérique
La parole est à Mme Catherine Troendlé.
Monsieur Sueur, je vous remercie de cette transition !
Nous aussi tenons tout particulièrement à notre amendement.
Il ne faut surtout pas préjuger dès à présent de la forme juridique que pourrait prendre le commissariat à la souveraineté numérique. Un commissariat gouvernemental peut revêtir divers statuts. Il peut s’agir, par exemple, d’un établissement public ou d’une administration intégrée aux services du Premier ministre.
Au reste, le rapport mentionné au présent article aura également pour but de définir le meilleur statut juridique, garantissant la plus grande efficacité pour le commissariat à la souveraineté numérique.
Voilà pourquoi nous ne souhaitons pas préjuger de la forme juridique que pourrait prendre cette instance.
L'amendement n° 230, présenté par MM. Gorce, Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par une phrase ainsi rédigée :
Il présente les différentes voies d’assistance que le commissariat pourra proposer aux administrations, ainsi que les modalités de diffusion des bonnes pratiques en matière de protection des données personnelles.
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur.
J’indique simplement que nous devons rendre hommage à M. Gorce, lequel a eu l’idée de cet amendement tendant à compléter le présent article.
Madame la présidente, vous constatez qu’en l’occurrence, j’économise quelque peu le temps de la Haute Assemblée !
Sourires. – Mme Catherine Troendlé rit.
Quel est l’avis de la commission sur les cinq amendements restant en discussion ?
Madame la présidente, pardonnez-moi par avance si je m’exprime un peu longuement : je tiens à répondre aux divers orateurs qui viennent de présenter leurs amendements.
Mme Morin-Desailly l’a souligné avec raison, la souveraineté numérique est un enjeu pour notre pays et, plus largement peut-être, pour l’Union européenne.
Nous avons consacré plusieurs auditions à ce sujet. Divers intervenants ont évoqué ces enjeux devant nous, au premier rang desquels M. Bellanger, qui a, entre autres dispositions, inspiré le présent article additionnel introduit par l’Assemblée nationale.
Cet article 16 ter vise à ce que le Gouvernement établisse un rapport de faisabilité portant sur un futur commissariat à la souveraineté numérique.
Lors des débats en commission, nous avons choisi une option assez claire par rapport au texte de l’Assemblée nationale : laisser le champ le plus large possible au Gouvernement, en évitant de restreindre son domaine d’investigation par des objectifs à atteindre ou par des missions à détailler.
Aussi le texte de la commission est-il assez simple : il indique simplement que « ce rapport précise les moyens et l’organisation nécessaires au fonctionnement de cet établissement public. »
Dans quelques instants, nous examinerons un amendement tendant à accroître encore la souplesse accordée au Gouvernement dans le cadre de ce travail.
Bien sûr, nous traçons les grandes lignes de ce commissariat à la souveraineté numérique. Il doit être rattaché aux services du Premier ministre. Ses missions doivent concourir à ce qui constitue, à nos yeux, le fondement même d’une telle instance, à savoir « l’exercice, dans le cyberespace, de la souveraineté nationale et des droits et libertés individuels et collectifs que la République protège ».
Hors de ce cadre, il serait contraire à nos objectifs d’entreprendre, dans ce rapport, d’imposer tel ou tel développement, comme le faisait le texte d’origine, qu’il s’agisse du système d’exploitation souverain ou des protocoles de chiffrement.
Dès lors que l’on entreprendrait une telle énumération, la liste se révèlerait non exhaustive. En conséquence, le Gouvernement pourrait très bien se cantonner dans les limites indiquées en refusant d’aller au-delà, et cette liste deviendrait par nature restrictive. Nous passerions ainsi à côté d’une occasion, celle de disposer d’un document véritablement complet.
Tel était l’objet de l’amendement que j’ai déposé en commission et que cette dernière a adopté : laisser le champ tout à fait libre au Gouvernement pour l’élaboration de son rapport.
Je parle sous le contrôle de Mme la secrétaire d’État, qui répondra mieux que moi à cette question, puisque la rédaction de ce rapport sera confiée au Gouvernement, même si un ou deux parlementaires seront peut-être appelés pour y concourir. Cette étude, consacrée à la faisabilité d’un commissariat à la souveraineté numérique, devra porter sur un champ de compétences complet. Je le répète, limiter aujourd’hui ce travail à certains domaines me semble, sinon hors du propos, du moins trop restrictif.
C’est la raison pour laquelle je demande le retrait des amendements n° 108 rectifié bis et 107 rectifié bis.
La souveraineté numérique constitue un sujet en soi, dans un contexte où les citoyens français perdent le contrôle de certaines de leurs données. S’agira-t-il d’un haut-commissariat ? Ce sera au rapport de décider de l’appellation de cette entité. Rappelons que les derniers hauts-commissaires étaient membres du Gouvernement.
L’amendement n° 230 a trait à la coordination ministérielle, que l’amendement n° 107 rectifié bis présenté par Mme Morin-Desailly aborde également. Or celle-ci relève du pouvoir réglementaire et est organisée par le Premier ministre. Je demande donc le retrait de cet amendement ; à défaut, l’avis sera défavorable.
La commission estime qu’il convient de laisser ouverte la discussion et a donc repoussé l’amendement n° 229 présenté par M. Sueur, qui vise à détailler les missions de cet éventuel commissariat à la souveraineté numérique.
En revanche, conformément au choix de la commission de laisser au rapport le choix de définir la nature juridique de ce commissariat, l’avis est favorable à l’amendement n° 295 rectifié présenté par Mme Troendlé, qui tend à modifier la fin de l’article en remplaçant les mots « établissement public » par « Commissariat à la souveraineté numérique ».
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d’État. En écoutant les interventions, j’ai parfois eu le sentiment que ce haut-commissariat avait déjà été créé !
Sourires.
J’ai pourtant rappelé qu’il ne s’agissait ici que de commander un rapport !
Le Gouvernement a accepté l’idée de réfléchir à la notion de souveraineté numérique et, éventuellement, à l’opportunité de créer une structure de ce type. Toutefois, ne vendons pas la peau de l’ours avant de l’avoir tué !
Faut-il parler de commissariat à la souveraineté numérique ou de haut-commissariat au numérique ? Il me semble un peu tôt pour se prononcer à ce sujet. Je constate par ailleurs qu’il existe déjà beaucoup d’organismes commençant par le mot « haut » dans notre architecture institutionnelle : le Haut-Commissariat aux solidarités actives, le Haut Conseil aux finances publiques, le Haut-Commissariat de la République en Polynésie française, le Haut-Commissariat des Nations unies pour les réfugiés, sans parler des « Hauts-de-France »…
Sourires.
Rires.
Plus sérieusement, au vu de l’importance des enjeux du numérique – sécurité et défense nationale, compétitivité économique, protection des données personnelles, enjeux sociaux, éducatifs et, pourquoi pas, de souveraineté agricole –, faut-il continuer à organiser l’État de manière interministérielle pour traiter de ce sujet ou faut-il au contraire mettre en place une structure unique plus centralisée chargée de coordonner l’action numérique ?
Je m’interroge quotidiennement à ce sujet dans l’exercice de mes fonctions, mais je n’ai pas la réponse idéale. Compte tenu de la tradition administrative française, il me semble toutefois qu’il faudrait tendre à la mise en place d’un secteur numérique puissant au sein de chaque ministère, couplé à une bonne articulation interministérielle, plutôt qu’à la création, finalement un peu artificielle, d’un organisme dont la mission serait de coordonner difficilement des ministères qui se considèrent tous – vous le savez bien – comme souverains.
Il est fondamental de s’interroger sur les enjeux de la souveraineté numérique, et je constate avec satisfaction que la question du système d’exploitation souverain n’est plus abordée ici. Cela ne me semblait ni opportun ni conforme à la réalité mondiale, très interconnectée et de plus en plus décentralisée, du numérique.
Parler de souveraineté numérique, c’est parler de technologie, de cybersécurité, de protection des systèmes d’information de l’État – nous l’avons fait à l’occasion des débats sur le logiciel libre – ou encore des opérateurs d’importance vitale. Ces sujets relèvent des compétences de l’ANSSI, l’Agence nationale de sécurité des systèmes d’information, ou, lorsqu’il s’agit du strict domaine régalien, du Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale.
Il me semble important de maintenir une certaine tension au sein de l’appareil de l’État, car tout n’est pas noir ou blanc. Afin de garantir les arbitrages les plus éclairés, il est sans doute nécessaire de conserver des visions parfois divergentes.
La souveraineté numérique peut recouvrir également des enjeux de fiscalité et d’application de la loi. Madame Morin-Desailly, votre rapport a beaucoup éclairé les travaux du Gouvernement à ce sujet. Vous y faites preuve d’une conception large des enjeux de souveraineté, que le Gouvernement partage. J’ai donné l’exemple de l’agriculture. La capacité des agriculteurs de France, non seulement à collecter les données qui proviennent de leur terre, mais aussi à les exploiter et à les partager, plutôt que de les laisser exploiter par des tractoristes issus de grandes entreprises étrangères, peut être également considérée comme un enjeu de souveraineté.
Concernant la question des protocoles de chiffrement, les récents événements tragiques ont bien montré toute l’acuité du sujet en matière de souveraineté. Il faut toutefois faire preuve de nuance. Le Gouvernement a eu l’occasion de rappeler son attachement aux technologies de chiffrement, lesquelles assurent aujourd’hui encore la plus grande sécurité des organisations de l’État, des administrations générales, des entreprises et de nos concitoyens. Les attaques terroristes à Paris, par exemple, ont été synchronisées par des échanges de SMS en clair. C’est la raison pour laquelle j’ai récemment lancé un appel à projets pour promouvoir des technologies émergentes de protection des données personnelles, notamment par le chiffrement.
Ce texte de loi confère en outre une nouvelle mission à la CNIL, qui consiste à promouvoir les technologies de protection de la vie privée, parmi lesquelles celles qui relèvent du chiffrement.
Vous l’aurez compris, nous avons intérêt à prolonger la réflexion que vous aviez amorcée, madame Morin-Desailly, en publiant un rapport ambitieux sur le sujet. Toutefois, il faut rester prudent quant aux suites institutionnelles et organisationnelles qui pourraient être données à la publication d’un tel rapport. Voilà pourquoi je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’ensemble de ces amendements.
La parole est à Mme Catherine Morin-Desailly, pour explication de vote.
J’ai bien entendu le rapporteur de la commission des lois, pour qui la souveraineté est de prime importance. C’est certain ! Je crois pouvoir dire, d’ailleurs, que les rapports sur le sujet ont été réalisés à partir des travaux du Sénat, dès 2012. Nous savons donc de quoi nous parlons.
Je propose l’appellation « Haut-Commissariat au numérique », avec en perspective l’objectif de la souveraineté, qui, comme l’a dit Jean-Pierre Sueur, ne saurait être un repli sur soi. Il s’agit de devenir acteur de notre destin numérique, c’est-à-dire de cesser de subir, comme nous le faisons depuis trop d’années dans ce monde en pleine évolution. Bon an, mal an, les choses se décident sans nous !
Dans la discussion générale, j’ai souhaité rappeler que les États-Unis, à la différence de l’Europe et, a fortiori, de la France, se sont organisés dès les années 1990 pour acquérir le leadership sur ces technologies. Ils ont pris des dispositions législatives et fiscales, mais aussi organisationnelles.
Aujourd’hui, le Président Obama est flanqué d’un chief technical officer, dont le rôle n’a rien à voir avec celui du SGMAP, le Secrétariat général pour la modernisation de l’action publique, madame la secrétaire d’État. Il occupe une position institutionnelle, il est opérationnel et il a autorité sur l’ensemble des départements et des politiques publiques, depuis la stratégie de développement industriel ou la défense jusqu’à l’éducation. Si nous avions disposé d’une telle cellule, aurions-nous commis des erreurs comme la signature par l’éducation nationale de ce contrat sans appel d’offres avec Microsoft, sans mesurer le degré de transparence qui en découlera pour les données relatives aux jeunes de l’éducation nationale ?
Nous souffrons d’une absence d’appréhension transversale. Je regrette donc que la législation soit saucissonnée avec, d’un côté, la loi Renseignement et les droits et libertés numériques et, de l’autre, la loi Macron II, qui devrait concerner l’économie, parce que nous manquons de transversalité au plus haut niveau. Il ne s’agit pas de tomber dans l’étatisme technologique, mais simplement de nous rassembler pour développer une stratégie politique et industrielle nous permettant d’être acteurs du monde numérique de demain. Une prise de conscience est nécessaire et doit intervenir en France comme en Europe.
Je répète, avec une vraie passion, que nous devons inscrire dans la loi ces dispositions, même s’il n’est pas très satisfaisant d’en passer par le biais d’un rapport.
De la même manière, j’ai regretté que soit rejeté mon amendement relatif aux marchés publics. Il aurait été efficace dans la mesure où il était suffisamment normatif pour garantir que les objectifs de l’attribution des marchés publics étaient bien atteints.
Je termine en disant à M. Frassa que je ne confonds pas les solutions et les objectifs à atteindre. Les missions que j’évoque constituent des objectifs, et non des moyens. Le système d’exploitation souverain est, lui, un moyen qu’il convient – je rejoins sur ce point Mme la secrétaire d’État – de ne pas inscrire dans le texte de loi.
Applaudissements sur les travées de l’UDI-UC.
Je souhaite apporter une précision quant au champ de ce projet de loi.
Le titre Ier s’attache à l’économie et à l’innovation, autour du partage des données ; le titre II concerne à la fois les droits des consommateurs, la neutralité de l’internet et les données personnelles ; le titre III a trait aux territoires et à l’accessibilité du numérique aux personnes en situation de handicap ou aux publics les plus fragiles.
Ce texte a été rédigé par quatorze ministères différents et modifie quatorze codes différents. Le plus haut niveau de l’État a donc bien pris conscience que le numérique était devenu un objet politique transversal nécessitant un travail interministériel. Ne sous-estimez pas l’importance qu’accorde le Gouvernement aux enjeux de souveraineté numérique.
Monsieur Sueur, vous évoquiez la nécessité de s’interroger sur la localisation des données. Ces questions traversent tous les jours l’action du Gouvernement : à Bruxelles quand il s’agit de négocier le marché unique européen ou l’agenda « Free Flow of Data », relatif à la libre circulation des données, au cours des négociations commerciales avec les États-Unis sur le partenariat transatlantique, ou encore au moment de définir des exceptions propres aux données sensibles relatives, notamment, à la santé, à la défense ou à la justice.
Pour ces données, nous devons exiger une localisation sur le territoire national ou européen, qui emporte l’application du droit national ou de la législation européenne. C’est bien ce que dit notre droit et c’est cela que nous négocions à Bruxelles.
Ces questions sont donc présentes dans toute l’action numérique du Gouvernement. Il nous reste sans doute à expliquer plus précisément la transversalité des politiques numériques que nous menons.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’amendement est adopté.
L’amendement n’est pas adopté.
L’article 16 ter est adopté.
(Supprimé)
L’amendement n° 455, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Rétablir cet article dans la rédaction suivante :
À la fin de la seconde phrase de l’article L. 312-9 du code de l’éducation, les mots : « et le respect de la propriété intellectuelle » sont remplacés par les mots : «, le respect de la propriété intellectuelle et de l’égalité entre les femmes et les hommes ainsi que la lutte contre les violences commises au moyen d’un service de communication au public en ligne ».
La parole est à M. Patrick Abate.
Le développement du numérique, en constante progression dans notre société, a rendu de plus en plus nécessaires l’apprentissage et la maîtrise d’outils qui lui sont propres, lesquels sont devenus aujourd’hui la condition sine qua non de l’intégration sociale et professionnelle.
Dans ce cadre, la loi de 2009 favorisant la diffusion et la protection de la création sur internet a modifié l’article 3 de la loi de programme sur l’enseignement technologique et professionnel de 1985, passant de l’énoncé du principe d’initiation à la technologie et à l’usage de l’informatique à une véritable définition de ce que doit constituer cette initiation.
Chaque évolution technologique apporte avec le progrès une cohorte de nouvelles pratiques dangereuses. Il apparaît essentiel de préciser à nouveau aujourd’hui les contenus de l’enseignement relatif à la maîtrise de l’outil informatique. L’histoire dramatique de ces adolescents, plus souvent de ces adolescentes, victimes de revenge porn ne cesse de nous interpeller.
L’article 17 A ne conduit pas à rendre la loi bavarde, mais confère plutôt aux équipes enseignantes l’ensemble des outils nécessaires pour lutter contre toutes les formes de cyberviolence, dont une récente étude estimait que plus de 20 % des jeunes scolarisés en ont été victimes, avec des conséquences dramatiques pour ces jeunes et leur entourage.
La commission de la culture du Sénat a décidé de supprimer l’article 17 A, au motif que le véhicule législatif paraissait douteux et que la loi serait affaiblie par son maintien, eu égard à l’impossibilité de présenter une liste exhaustive des droits et des devoirs liés à l’usage d’internet. Nous ne souscrivons pas à cet argument, pour deux raisons : tout d’abord, il nous semble que la question de la lutte contre la cyberviolence a toute sa place dans un texte destiné à fonder une société du numérique ; ensuite, si la loi doit en effet arrêter des règles et des principes généraux, elle doit également se saisir de problématiques spécifiques. Il s’agit ici d’un phénomène de société qui ne relève malheureusement aucunement de l’anecdote.
Lors de sa réunion du 5 avril dernier, la commission a supprimé l’article 17 A. Il ne s’agissait pas de s’opposer à une sensibilisation à la lutte contre les violences commises au moyen d’un service de communication publique en ligne. La commission a seulement estimé que le vecteur juridique choisi – la loi – n’était pas opportun. Elle a en outre rappelé qu’il existe déjà une disposition dans le code de l’éducation prévoyant que, « dans le cadre de l’enseignement moral et civique, les élèves sont formés afin […] d’acquérir un comportement responsable dans l’utilisation des outils interactifs ».
Pourtant, lors de l’examen en commission de l’amendement tendant à rétablir cet article, la commission a émis un avis favorable. Je tiens néanmoins à préciser que, à titre personnel, je reste défavorable à cet amendement, qui me semble rendre la loi bavarde et moins lisible.
Je demande le retrait de cet amendement, qui me semble satisfait par l’article L. 121-1 du code de l’éducation, déjà cité. Celui-ci prévoit d’ores et déjà que l’éducation à l’égalité entre les femmes et les hommes fait partie intégrante de l’enseignement scolaire et supérieur et qu’elle est adaptée, sur le fond comme sur la forme, aux évolutions techniques et culturelles.
Le plan numérique à l’école initié par le Président de la République comprend un volet de formation des enseignants comme des élèves à l’autonomie dans l’environnement numérique, afin de permettre un dialogue constructif entre les enfants et leurs enseignants sur ces sujets.
Pour ce qui concerne l’arsenal législatif, le projet de loi que nous examinons introduit une nouvelle disposition, vous l’avez citée, monsieur Abate, relative au phénomène de revanche pornographique. Le cyberharcèlement est devenu une infraction, réprimée par la loi. Il constitue également une circonstance aggravante depuis une loi du 4 août 2014, puisque le code pénal fait du harcèlement en ligne une infraction passible de deux ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende.
Il importe aujourd’hui de s’investir dans les actions de sensibilisation des jeunes, des enseignants et des parents. Ces actions sont menées. J’en veux pour preuve la diffusion d’un guide de prévention contre la cyberviolence à l’école, la mise en place d’un partenariat avec l’association e-enfance, qui forme très bien à ces problématiques, la mise en place du numéro vert national Net Écoute – 0800 200 000 – qui propose des moyens techniques, juridiques et psychologiques adaptés aux victimes de cyberharcèlement, à leur famille et au personnel éducatif.
Le Gouvernement considère qu’une nouvelle disposition législative n’est pas nécessaire pour continuer à avancer sur ce sujet.
Je ne suis pas convaincu par l’argument selon lequel le vecteur juridique – en l’occurrence cette loi – ne serait pas le bon. Cet argument pourrait être avancé pour de nombreux amendements !
Ce texte a pour ambition de rassembler les problématiques essentielles que recouvre la révolution numérique, dont cette question fait partie. Elle constitue peut-être même la plus discutée de ces problématiques, celle qui suscite une réaction de rejet de l’outil, que certains en viennent à considérer comme le lieu par excellence où la violence s’exprime sans encadrement.
Bien entendu, l’éducation nationale agit, et vous avez relevé les initiatives concrètes qui sont mises en œuvre.
Cet amendement ne vise qu’à rétablir ce que nos amis députés ont inscrit dans le texte. Ils ont autant que nous le souci de bien légiférer. Comme nous, ils sont conscients qu’une loi pour la République numérique qui évacuerait cette question passerait à côté d’un sujet qui appartient pourtant à son domaine global de pertinence.
Nos concitoyens attendent de nous qu’en discutant de la République numérique, c’est-à-dire de la manière dont les valeurs de la République, avec ses règles et ses principes, peuvent accompagner cette évolution qui bouleverse toute la société, nous abordions la question de la cyberviolence. En la mentionnant, nous montrerions que nous nous y consacrons avec insistance, en plus de l’importante action du Gouvernement en la matière et des dispositifs concrets existants. Il me semble donc que le rétablissement de la rédaction issue de l’Assemblée nationale serait judicieux.
Je suis également favorable au rétablissement de cet article, parce que, si nous sommes tous des enfants de la République, nous ne sommes pas tous des enfants de la République numérique. Nous verrons d’ailleurs en abordant les titres II et III un certain nombre d’autres problèmes. Nos débats sur le rôle de la CNIL ont déjà montré que ce qui paraît évident pour certains peut l’être moins pour d’autres.
Certes, les lois sont parfois trop bavardes, mais, en l’occurrence, ce bavardage-là est nécessaire pour affirmer notre vigilance envers les générations futures. La cyberviolence n’est pas une vue de l’esprit, mais une réalité contre laquelle il faut se donner les moyens de se défendre si l’on veut que le numérique ait une vraie place dans notre société.
J’entends bien l’argument consistant à dire qu’un texte de loi ne doit pas être bavard ou reprendre des dispositions déjà prévues dans d’autres textes. J’entends bien aussi que vous vous préoccupez au moins autant que nous tous ici de ces problèmes de violence. En effet, il n’y a pas un camp qui serait favorable à l’expression de la violence contre un autre, dont nous serions, favorable à sa répression.
Il me semble important que le projet de loi et, au-delà, la démarche qui y préside soient transversaux. Ce projet de loi a par nature vocation à viser quantité de sujets qui sont déjà forcément plus ou moins traités dans d’autres textes de loi. Mais, au risque de quelques redondances, il me semble que la cyberviolence ne peut pas être absente d’un projet de loi sur le numérique.
L'amendement n'est pas adopté.
Le chapitre III du titre III du livre V du code de la recherche est complété par un article L. 533-4 ainsi rédigé :
« Art. L. 533 -4. – I. – Lorsqu’un écrit scientifique issu d’une activité de recherche financée au moins pour moitié par des dotations de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics, par des subventions d’agences de financement nationales ou par des fonds de l’Union européenne est publié dans un périodique paraissant au moins une fois par an, son auteur dispose, même après avoir accordé des droits exclusifs à un éditeur, du droit de mettre à disposition gratuitement dans un format ouvert, par voie numérique, sous réserve de l’accord des éventuels coauteurs, la version finale de son manuscrit acceptée pour publication, dès lors que l’éditeur met lui-même celle-ci gratuitement à disposition par voie numérique ou, à défaut, à l’expiration d’un délai courant à compter de la date de la première publication. Ce délai est de six mois pour une publication dans le domaine des sciences, de la technique et de la médecine et de douze mois dans celui des sciences humaines et sociales.
« La version mise à disposition en application du premier alinéa ne peut faire l’objet d’une exploitation dans le cadre d’une activité d’édition à caractère commercial.
« II. – Dès lors que les données issues d’une activité de recherche financée au moins pour moitié par des dotations de l’État, des collectivités territoriales, des établissements publics, des subventions d’agences de financement nationales ou par des fonds de l’Union européenne ne sont pas protégées par un droit spécifique ou une réglementation particulière et qu’elles ont été rendues publiques par le chercheur, l’établissement ou l’organisme de recherche, leur réutilisation est libre.
« III. – L’éditeur d’un écrit scientifique mentionné au I ne peut limiter la réutilisation des données de la recherche rendues publiques dans le cadre de sa publication.
« IV. – Les dispositions du présent article sont d’ordre public et toute clause contraire à celles-ci est réputée non écrite. »
La recherche, en tant que source de progrès dans tous les domaines, ne saurait faire l’objet d’une captation par une minorité – je pense que nous serons tous d’accord –, surtout pour des motifs purement mercantiles – mais peut-être serons-nous un peu moins d’accord sur ce point ! Or, si l’on y regarde de plus près, c’est exactement ce qui se passe aujourd’hui.
Dans ce cadre, la présence de l’article 17, bien que sa rédaction soit très timide, constitue une bonne nouvelle. Nous tenterons par le biais d’amendements de le faire avancer dans le bon sens, en revenant notamment sur le champ d’application de ses dispositions et en élargissant la liste des activités de recherche concernées. Il nous paraît en effet injustifié de fixer un seuil important, pour rappel de moitié, de financements publics pour lancer le processus de publicisation de la recherche, alors même que ce sont les institutions publiques qui souffrent le plus de la politique tarifaire prohibitive pratiquée par le secteur de l’édition.
Il nous semble toutefois que l’article, en l’état, passe à côté de l’enjeu central de la politique d’édition de la recherche. En effet, que penser de la non-régulation des relations contractuelles entre éditeurs et chercheurs, alors même que ces derniers sont aujourd’hui en position d’extrême faiblesse vis-à-vis des premiers ? De fait, il n’y a qu’un tout petit pas à franchir pour considérer que les chercheurs voient leur production captée par une minorité d’éditeurs que l’on aurait du mal à qualifier de précaires. Rappelons que les quatre principaux éditeurs du globe se partagent l’immense majorité d’un marché de près de 22 milliards d’euros annuels !
L’extrême concentration du marché, associée à la question vitale de la qualification de la recherche passant obligatoirement par l’édition dans des revues, conduit inévitablement à un déséquilibre important au moment de la signature d’un contrat entre un éditeur et un chercheur, au détriment de ce dernier, notamment en matière de droits d’auteur et de rémunérations.
Ainsi, si l’article 17 tend à améliorer les choses en ce qui concerne la publicisation des actes de recherche, il ne saurait pleinement nous satisfaire tant il règle de manière insuffisante le problème des conditions contractuelles entre éditeurs et chercheurs, alors même que ces derniers sont à la base de la recherche et que leur position les empêche de pouvoir négocier dans le cadre de la contractualisation.
L'amendement n° 456, présenté par Mme Assassi, MM. Bosino, Abate et les membres du groupe communiste républicain et citoyen, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
1° Après le mot :
financée
insérer les mots :
directement ou indirectement
2° Remplacer les mots :
pour moitié
par les mots :
en partie
La parole est à M. Patrick Abate.
L’article 17 traite de l’élargissement de l’open access aux résultats de la recherche scientifique.
Tout au long de l’examen de cet article en commission s’est posée la délicate question du juste équilibre qu’il convient de maintenir entre le respect de la propriété intellectuelle et le développement de la recherche publique, dans un contexte où le numérique modifie les pratiques en profondeur. Dans la recherche de cet équilibre délicat, j’ai été soucieuse de favoriser une diffusion étendue des résultats de la recherche publique tout en veillant à ne pas mettre le modèle économique des éditeurs en péril.
En ce qui concerne l’amendement n° 456, la commission de la culture avait estimé, lors d’un premier examen, que le critère retenu pour définir le financement public, à savoir un financement au moins pour moitié par des dotations de l’État, des collectivités territoriales ou des établissements publics, par des subventions d’agences de financement nationales ou par des fonds de l’Union européenne, était clair et ne méritait pas d’être modifié. Pourtant, lors de sa réunion du 26 avril, un avis favorable a été donné sur cet amendement.
Personnellement, je reste fidèle à ma position première et voterai donc contre l’amendement.
La libre diffusion des connaissances et le partage des résultats de la recherche sont nécessaires au progrès scientifique et à l’innovation.
L’accès libre à l’information scientifique ne peut pas être complet sans une diffusion libre des résultats exposés dans les articles publiés par les chercheurs. C’est ce qu’on appelle l’open access, conforme au modèle de la science ouverte qui est lui-même conforme à la réalité des pratiques des chercheurs dans leur coproduction d’écrits au sein d’une communauté qui partage et diffuse les savoirs.
À l’heure où le principe de cette libre diffusion des connaissances s’impose chez nos voisins européens, en Allemagne notamment, mais aussi outre-Atlantique, en Amérique latine ou au Québec, il est temps de l’appliquer dans notre pays pour doter la recherche française des moyens de se maintenir à la pointe de la recherche mondiale. Tel est l’objet de l’article 17, qui accorde le droit à tout chercheur de mettre à la disposition du public ses écrits scientifiques au terme d’une durée qui est inscrite dans la loi dès lors que ses travaux sont issus d’une activité de recherche majoritairement financée par des fonds publics.
Cet équilibre trouvé dans la rédaction proposée est important et doit à mon sens être conservé. Il me paraît en effet indispensable de suivre les mêmes principes que les autres pays qui se sont pourvus d’une loi en la matière, afin de garder une cohésion a minima au niveau européen.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 264, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Après les mots :
une fois par an
insérer les mots :
ou dans des actes de conférences scientifiques
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Cet amendement vise à élargir au-delà des seules publications dans une revue scientifique la possibilité de mettre à disposition, sur volonté de leurs auteurs, gratuitement et dans un format ouvert, les données produites et exposées dans des colloques ou conférences scientifiques. Celles-ci représentent un important volume des publications en informatique, électronique, télécommunications et sciences de l’information.
Le consortium universitaire Couperin, qui rassemble les établissements universitaires, écoles et organismes de recherche autour des questions de documentation électronique, a réalisé des analyses récentes sur les bases de données citationnelles des fournisseurs Thomson Reuters et Elsevier. Il apparaît que la place des actes de colloques, congrès et autres conférences scientifiques est prépondérante dans les thématiques disciplinaires des sciences en technologie de l’information et de l’ingénierie. À titre d’exemple, ces actes de rassemblements scientifiques constituent près de 21 % des publications en STM – sciences, techniques et médecine – de la base de données Web of Science de Thomson, soit 39 millions d’articles. Ces articles sont issus des actes de plus de 3 700 000 conférences sur l’ingénierie, de 1 900 000 conférences sur l’informatique et de plus de un million en physique et astronomie, pour ne citer que ces disciplines.
Il serait paradoxal que le projet de loi pour une République numérique, qui a vocation à favoriser et à encadrer la diffusion du numérique dans la société, exclue de son champ d’action les productions de la recherche dans ce domaine et se prive de tout un pan des publications de recherche.
Les actes de conférences constituent la trace écrite de la présentation orale des travaux des chercheurs. Ils ne sont pas moins travaillés ni moins scientifiques que les publications couvertes par la rédaction actuelle de l’article 17. Rien ne justifie donc, à mon sens, que ces actes soient ignorés d’une libre diffusion quand ils sont le produit d’une recherche financée majoritairement par des fonds publics. Cet amendement vise donc à revenir au texte initial du Gouvernement, qui prévoyait cette disposition.
Je comprends la volonté des auteurs de l’amendement d’ajouter les actes de conférences scientifiques au champ d’application du droit d’exploitation secondaire, d’autant qu’ils figuraient dans la version initiale du projet de loi. Toutefois, les délais proposés étaient alors plus longs.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement. Je tiens néanmoins à vous faire part de ma crainte que, en adoptant cet amendement, nous ne remettions en cause un équilibre déjà fragile et contesté.
Dans le cadre de l’élaboration du présent projet de loi, le Premier ministre a demandé au ministère de l’éducation nationale, de l’enseignement supérieur et de la recherche de proposer, en lien avec le ministère de la culture, un plan de soutien, d’incitation et d’accélération du passage au libre accès pour les éditeurs scientifiques français. Je présenterai ce plan ultérieurement dans la discussion.
Dans ce cadre, a été mis en place un groupe de travail composé d’acteurs représentant les différents métiers, fonctions et intérêts concernés au premier chef par cette transition numérique qui bouleverse profondément les modèles, y compris les modèles économiques, des acteurs impliqués. Un document contenant les premières propositions de ce groupe de travail a été transmis à Matignon.
L’ensemble des participants de ce groupe de travail, qui représente l’édition publique comme privée, a proposé l’exclusion de ce type de documents du périmètre d’application de la loi, du fait notamment de la particularité du modèle économique de ces ouvrages, qui sont collectifs, modèle qui n’est pas le même que celui des revues visées par l’article. Le maintien des actes de conférences scientifiques dans le périmètre de la loi serait susceptible de fragiliser trop brutalement, trop directement un secteur déjà vulnérable.
Le Gouvernement émet donc un avis défavorable sur cet amendement.
Permettez-moi de faire remarquer que, en informatique, en électronique, en télécommunications, en sciences de l’information, beaucoup de publications, voire la plupart d’entre elles, font suite à des travaux menés lors de congrès, de colloques et d’autres réunions de ce type. Nous voterons donc l’amendement.
L'amendement n'est pas adopté.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 188 est présenté par Mme Bouchoux et les membres du groupe écologiste.
L'amendement n° 268 est présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, seconde phrase
Après le mot :
est
insérer les mots :
au maximum
La parole est à Mme Corinne Bouchoux, pour présenter l’amendement n° 188.
Je vais considérer que l’amendement est défendu. Mon groupe soutient en effet les amendements de Dominique Gillot, qui a été rapporteur de textes portant sur la recherche et qui connaît très bien le monde des enseignants-chercheurs.
Pour décryptage, permettez-moi de préciser que, sous le terme d’équilibre, que j’ai plusieurs fois entendu, c’est en réalité le face-à-face entre le lobbying du Syndicat national de l’édition, le SNE, et les chercheurs qui se joue.
Nous sommes d’avis qu’il faut soutenir les chercheurs et voter les amendements de Dominique Gillot, mais je constate que le rapport de force ce soir ne penche, hélas ! pas dans ce sens.
La parole est à Mme Dominique Gillot, pour présenter l'amendement n° 268.
Je vais aller dans le même sens que notre collègue Corinne Bouchoux : il serait vraiment dommage d’exclure certains produits de la recherche scientifique d’un projet de loi qui se propose de rassembler dans un même texte tous les enjeux du numérique. Nous avons précédemment réussi à trouver un accord en matière de lutte contre les violences, je ne vois pas pourquoi nous n’y parviendrions pas sur ce sujet.
Faire une différence entre les textes qui sont édités dans des revues qui coûtent fort cher aux universités et les communications ou exposés donnés dans les multiples conférences et colloques scientifiques qui émaillent la vie des chercheurs est une véritable erreur. Nous devons soutenir les scientifiques français dans cette compétition scientifique internationale. Nous devons leur donner les moyens de pratiquer la recherche scientifique de la même manière que leurs collègues issus de pays dont la législation est plus ouverte que la nôtre.
Dans un contexte de forte rivalité scientifique, il s’agit véritablement d’un enjeu de souveraineté scientifique de la France.
Je suis intimement persuadée que nous ne devons pas freiner l’avancement de la recherche scientifique. Toute la difficulté de l’exercice est donc de favoriser une diffusion étendue des résultats de la recherche publique tout en veillant à ne pas mettre le modèle économique des éditeurs en péril.
On ne peut aller contre un modèle économique qui existe depuis très longtemps. Bien que ce modèle économique soit sans doute appelé à évoluer, il convient de trouver une solution d’équilibre.
Ces deux amendements identiques visent à préciser que les délais légaux de six et douze mois sont des délais maximums. Il nous avait semblé inutile de le préciser puisque, contractuellement, l’éditeur et l’auteur peuvent prévoir des délais plus courts. Toutefois, pour rassurer nos collègues du groupe écologiste et dans la mesure où nous sommes d’accord sur le principe qu’il s’agit d’un délai maximum, la commission a émis un avis favorable sur ces amendements.
Mme Axelle Lemaire, secrétaire d'État. Défavorable.
Exclamations sur plusieurs travées du groupe socialiste et républicain et du groupe CRC.
J’ai beaucoup hésité sur cette série d’amendements, car je pense à une problématique équivalente : le droit des auteurs et des créateurs, auquel je suis sensible. Or j’ai été convaincu par Mme Gillot.
Tout d’abord, ce sont les éditeurs et non les chercheurs qui s’opposent à l’élargissement des possibilités de publicisation ouverte des travaux de recherche. Les chercheurs pourraient ne pas être d’accord, ils pourraient considérer que la mise à disposition de leurs travaux sur le net sans contrepartie s’apparente à un pillage, mais non ! Ils demandent une telle mise à disposition.
Ensuite, ce que l’on considère comme absolument fantastique dans la révolution numérique, c’est justement cette possibilité, dans le domaine de la recherche, de pouvoir être informé de tout ce qui émerge dans le monde et de l’intégrer à sa propre recherche pour progresser. Cet échange, cette mise en commun permettent aujourd'hui de réaliser des avancées incomparablement plus rapides, notamment sur les sujets où cette rapidité est cruciale parce qu’il s’agit par exemple de soigner.
S’il y a un domaine où la République numérique, qui regarde avec confiance la révolution numérique, ne devrait pas mettre de barrières, c’est bien dans le domaine de la recherche scientifique. Je sais que l’on va m’opposer les arguments inverses, mais je suis convaincu qu’il y va de l’intérêt général et de celui des chercheurs eux-mêmes. Les chercheurs nous le demandent. Ne cherchons pas à faire leur bien à leur place !
C’est en tant que vice-président de l’Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques que je prends la parole.
Comme Mme Gillot et comme de nombreux collègues membres de l’Office, je suis très sensible à la question de la recherche scientifique. Nous rencontrons en effet en permanence des chercheurs, des académiciens et un certain nombre de personnes concernées par le développement et l’amélioration de la compétitivité de la recherche française. D’autres pays travaillent également à l’amélioration de la recherche chez eux et y arrivent certainement plus vite que nous.
Je pense à la fouille des données, ce qu’on appelle le Text and Data Mi ning, ou TDM. J’interviens peut-être un peu tôt dans le débat, mais, à la suite des propos tenus par M. Assouline, avec qui, pour une fois, je suis d’accord, et surtout par Mme Gillot, je tenais à insister sur l’occasion fantastique que constitue ce projet de loi pour une République numérique d’avancer dans ce domaine.
Madame la secrétaire d'État, l’avant-projet de loi pour une République numérique prévoyait des dispositions en la matière qui ont été retirées. Sous la pression de qui ? Allez savoir… Lors de la discussion qui a eu lieu entre les ministères, ce n’est pas forcément le ministère concerné qui l’a emporté… Or, vous le savez mieux que moi, le Royaume-Uni, les États-Unis et le Japon ont déjà légiféré pour autoriser le TDM sur les résultats de recherches financées par des fonds majoritairement publics. Mme Nathalie Kosciusko-Morizet a d’ailleurs déposé un amendement tendant à autoriser le TDM, qui, contre l’avis du Gouvernement, a été adopté par l’Assemblée nationale.
Permettez-moi d’exposer un argument plaidant en faveur du maintien de cet amendement : le gouvernement actuel s’appuie sur la directive de 2001, mais il sait que Bruxelles va ouvrir des négociations en mai 2016 pour réviser cette directive à la fin de 2016. Certains pays la transposeront très vite, tandis qu’en France, bien entendu, cela prendra au moins deux ans, nous faisant perdre deux années de TDM. La recherche des autres pays prendra ainsi de l’avance par rapport à la nôtre, ce qui sera fort dommageable.
Je ne soutiens pas tel amendement plutôt que tel autre, mais je souhaite que nous abordions le sujet au fond avec Mme la présidente de la commission de la culture, et j’enjoins Mme la rapporteur pour avis à la plus grande attention, car, dans le monde d’aujourd'hui où tout va très vite, il ne faudrait pas que notre pays prenne du retard.
Le Sénat ne doit pas donner le sentiment qu’il se coupe des chercheurs et des universitaires.
Je ne suis pas intervenu lors de l’examen de l’amendement n° 264, mais je tiens à dire que le maintien d’une distinction entre les articles scientifiques qui paraissent dans des livres ou des revues et les articles qui sont le fruit de colloques ou de conférences est totalement incompréhensible. Je ne sais pas qui va pouvoir justifier un tel vote devant les universitaires de ce pays. Pour avoir été moi-même longtemps universitaire, je peux vous assurer que mes articles sont parus aussi bien dans des livres et des revues que dans des ouvrages réunissant des actes de conférences et de colloques. Pourquoi la loi s’appliquerait-elle dans un cas et pas dans l’autre ?
Par ailleurs, insérer les mots « au maximum », comme le prévoient les amendements n° 188 et 268, signifie que le délai peut être inférieur dans le cas où il y aurait accord entre l’auteur ou les coauteurs et l’éditeur. Que signifierait le rejet de ces amendements ? Que si l’auteur ou les coauteurs et l’éditeur sont d’accord pour publier sur internet dans un délai inférieur il faudrait qu’ils ne le fassent pas ! Est-ce que quelqu’un a le début d’un argument permettant d’avancer qu’il y aurait un préjudice pour l’éditeur, dont l’accord est de toute façon nécessaire ?
Mes chers collègues, soyons simples, soyons clairs et votons ces deux amendements identiques. Quant à l’amendement n° 264, il faudra tenter de le réintroduire en commission mixte paritaire, parce que, franchement, personne ne pourra défendre un tel rejet.
Pour faire suite à l’intervention de notre collègue Jean-Pierre Sueur, je répète que, pour les raisons précédemment exposées, j’ai émis un avis favorable sur ces deux amendements identiques. En effet, dans la mesure où il s’agit d’un contrat entre les éditeurs et les chercheurs, rien ne s’oppose, selon moi, à la proposition formulée par les auteurs de ces amendements.
Bruno Sido, quant à lui, a tenu à s’exprimer au sujet du TDM avant même qu’on n’aborde cette question, à l’article 18 bis. Toujours est-il que je suis bien d’accord : il nous faut trouver un moyen pour faire avancer ce sujet également.
Ce sujet est extrêmement sensible ; preuve en est que, à l’examen de ces différents amendements, notre assemblée s’est embrasée tout en se retrouvant dans un état de sidération.
Mon amendement précédent, le n° 264, visait à revenir sur l’exclusion du champ du projet de loi des actes de conférences scientifiques. Malheureusement, il n’a pas recueilli une majorité en sa faveur et, comme l’a dit Jean-Pierre Sueur, nous aurons à nous en expliquer devant les scientifiques, ce qui sera très compliqué.
Les amendements identiques n° 188 et 268, quant à eux, visent simplement à donner la possibilité à des scientifiques, en accord avec leurs éditeurs, de raccourcir le délai d’embargo en prévoyant un délai maximum de six mois. C’est tout ! Rien de plus !
Nous aborderons ensuite la question de la fouille de données et de textes et d’autres arguments pourront alors être invoqués.
Mes chers collègues, je vous invite à voter ces deux amendements identiques de manière à permettre aux scientifiques, en accord avec leurs éditeurs, de raccourcir les délais d’embargo afin de faire profiter leurs collègues de l’ensemble des données partagées.
Les amendements sont adoptés.
Les deux amendements suivants sont également identiques.
L'amendement n° 95 rectifié est présenté par M. Leleux, Mmes Duranton et Lopez et MM. Dufaut, Bouchet et Karoutchi.
L'amendement n° 170 rectifié est présenté par MM. Commeinhes, Chatillon et Longeot.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Alinéa 2, seconde phrase
1° Remplacer le mot :
six
par le mot :
douze
2° Remplacer le mot :
douze
par le mot :
vingt-quatre
La parole est à M. Jean-Pierre Leleux, pour présenter l’amendement n° 95 rectifié.
Cet amendement vise à revenir aux délais initialement prévus de mise en accès gratuit, en les portant respectivement de six mois à douze mois et de douze mois à vingt-quatre mois.
Le débat qui vient d’avoir lieu le démontre encore : c’est un sujet sensible, et Mme la rapporteur pour avis a rappelé les enjeux économiques auxquels doit faire face le monde de l’édition. Tout en comprenant bien qu’il faille diffuser le plus rapidement possible le fruit de leurs recherches et les publications des scientifiques dans un but de partage et afin de faire progresser la recherche, deux raisons essentielles me conduisent à penser que ces délais sont un peu courts. C’est pourquoi, par cet amendement, je propose d’en revenir à un délai de douze mois pour les publications dans le domaine des sciences, de la technique et de la médecine et à un délai de vingt-quatre mois dans celui des sciences humaines et sociales.
Le modèle économique de centaines de publications repose sur des accords exclusifs avec les auteurs. Or ceux-ci pourraient donc être autorisés à mettre en ligne leurs articles, cependant que, les publications vieillissant très vite, un certain nombre de revues n’auraient alors plus aucun intérêt à être publiées. Un grand nombre de bibliothèques, comme l’a démontré une étude de l’IDATE en 2015, renonceraient alors à leurs abonnements dès lors que les publications seraient mises en ligne quelques semaines plus tard.
Il faut donc faire preuve de prudence vis-à-vis de ce secteur économique, ce dont est parfaitement conscient le Gouvernement puisque le Premier ministre a proposé un plan d’accompagnement des éditeurs scientifiques français pour les aider à surmonter les difficultés dans leur passage au libre accès. Or ce plan n’a toujours pas été rendu public. Puisque Mme la secrétaire d’État a déclaré qu’elle l’évoquerait, alors ce moment est arrivé.
Autre raison de voter cet amendement : le problème de concurrence avec nos pays voisins, qui n’imposent pas les mêmes délais d’embargo. Or il vaut mieux pour nos chercheurs que les délais en vigueur en France soient à peu près identiques à ceux des autres pays européens. Il serait dangereux pour la recherche française, dont l’impact dépend très largement de sa capacité à être présente dans des publications internationales de qualité, de la soumettre à une législation radicalement différente de celle qui est en vigueur dans les pays voisins.
Telles sont les raisons qui me conduisent à proposer d’en revenir à ces délais de douze et de vingt-quatre mois.
L’amendement n° 170 rectifié n’est pas soutenu.
Quel est l’avis de la commission de la culture sur l’amendement n° 95 rectifié ?
Cet amendement soulève la question des délais d’embargo, qui est d’autant plus délicate que le Gouvernement n’a produit aucune étude d’impact sérieuse non plus qu’il n’existe aucune étude scientifique française solide qui permettraient de trancher dans un sens ou dans l’autre.
Les arguments suivants m’ont donc conduite à pencher pour un maintien des délais d’embargo tels qu’ils ont été votés à l’Assemblée nationale et, par conséquent, à émettre un avis défavorable sur cet amendement.
Contrairement à ce que peuvent laisser penser les groupes de pression, il n’y a pas unanimité des éditeurs sur les délais retenus.
Par ailleurs, aussi bien les directeurs de bibliothèque universitaire que les organismes de recherche m’ont fait remarquer qu’il était de hors de question de remettre en cause leur politique d’abonnement, ne serait-ce que parce qu’ils se heurteraient à la colère des chercheurs, qui ne souhaitent pas attendre six ou douze mois pour avoir accès à l’article qu’ils recherchent.
En outre, le libre accès fonctionne sur la base du volontariat. Même les organismes de recherche les plus favorables à ce dispositif ont reconnu qu’ils vont devoir faire preuve de pédagogie auprès de leurs chercheurs pour les inciter à utiliser ce droit secondaire d’exploitation. C’est donc un dispositif qui va monter en puissance progressivement.
Enfin, je crains que les difficultés de certains éditeurs ne soient moins liées à cette mesure qu’à certains choix qui les ont empêchés d’élargir leur public en refusant de publier en anglais ou encore de passer au numérique.
Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais vous faire part de l’inquiétude des éditeurs, qui considèrent que ce plan d’accompagnement tarde à être annoncé. J’espère donc que vous pourrez nous rassurer, notamment en nous donnant des explications sur celui-ci, ce dont je vous remercie par avance.
Je suis très défavorable à ce que les délais d’embargo, fixés par arbitrage à six mois pour les disciplines scientifiques et à douze mois pour les sciences humaines et sociales, soient de nouveau portés respectivement à douze et vingt-quatre mois. Cela nuirait au travail des chercheurs français, à l’attractivité de la recherche française. Ces délais de six et douze mois sont en phase avec les choix qui ont été faits par nos voisins européens.
La question de l’intérêt des éditeurs privés est bien éloignée de la problématique des droits d’auteur et du droit de la propriété intellectuelle ; les auteurs, ce sont les chercheurs, vérité qu’il est essentiel de rappeler.
Madame la rapporteur pour avis, vous m’interrogez sur le plan d’accompagnement annoncé par le ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche. Ce plan a été élaboré à la demande du Premier ministre, en lien avec le ministère de la culture. Il vise à faciliter l’adoption de ce texte tout en sauvegardant la diversité du tissu éditorial français dans ces disciplines. C’est là un objectif louable. Il est essentiel de repenser les modèles économiques et d’accompagner dans cette transition numérique en particulier les petites maisons d’édition en sciences humaines et sociales indépendantes qui ont réussi à survivre face aux puissantes maisons d’édition, très concentrées et souvent anglo-saxonnes. Un groupe de travail a donc été créé à cette fin et l’on peut d’ailleurs regretter que les représentants de l’édition privée ne se soient pas toujours fortement mobilisés pour participer à ses travaux.
Le projet de lettre de réponse du secrétaire d’État chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche au Premier ministre est en cours de validation. Ce plan prévoit deux axes majeurs d’action : un système d’aide financière et un modèle spécifique de licence nationale passée soit avec les plateformes de diffusion compte tenu de leur rôle fédérateur et centralisateur d’un grand nombre de revues, soit directement avec les éditeurs. Dans cet objectif, des réunions spécifiques avec certains éditeurs ou diffuseurs – comme EDP Sciences ou Cairn.info – ont déjà eu lieu.
Une enveloppe supplémentaire de 2 millions d’euros sur cinq ans a été dévolue spécifiquement à ce plan.
Nous proposons aussi une aide à la traduction des articles en langue anglaise pour les revues de sciences humaines et sociales.
Ce dispositif, notamment dans la perspective de la clause de revoyure à deux ans destinée à analyser de façon plus objective l’impact économique de ce texte, sera placé sous l’autorité d’un comité représentatif des acteurs économiques et de la puissance publique. Il est toujours en discussion et doit être annoncé au plus vite pour une mise en œuvre effective dans les prochaines semaines.
Peut-être la conclusion au Sénat des débats sur ce sujet permettra-t-elle d’avancer enfin sur l’élaboration concrète de ce plan avec l’ensemble des parties prenantes. Les éditeurs, qui disposent déjà d’une version de travail de ce projet, seront bien entendu associés à ses modalités pratiques d’application, et nous les invitons donc à se reprocher très activement des pouvoirs publics pour trouver des solutions satisfaisantes pour l’ensemble des parties prenantes.
Je ne comprends pas très bien : nous venons d’adopter les amendements identiques n° 188 et 268, qui ont modifié l’alinéa 2 de l’article 17 en fixant « au maximum » à six mois et à douze mois les délais de publication respectivement dans le domaine des sciences, de la technique et de la médecine et dans le domaine des sciences humaines et sociales. On nous a expliqué que cette précision était nécessaire pour la recherche, pour la diffusion rapide du savoir.
Or le présent amendement vise à porter ces délais respectivement à douze mois et à vingt-quatre mois. En fait, cette proposition est contraire à ce que nous venons de voter, ce qui est totalement incohérent ! La logique aurait voulu que l’adoption des amendements n° 188 et 268 fasse tomber l’amendement n° 95 rectifié.
Mme la secrétaire d’État vient de nous donner quelques informations sur ce plan, informations dont nous ne disposions pas jusqu’à présent. Aussi, je vous en remercie, madame la secrétaire d’État. Je ferai néanmoins remarquer que la demande du Premier ministre au ministère chargé de l’enseignement supérieur et de la recherche date du 23 novembre 2015 et que, dans ce courrier, Manuel Valls demandait que ce plan de soutien soit élaboré dans un délai de deux mois, à savoir vers la fin du mois de janvier 2016. Or nous sommes en avril…
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement n° 500 rectifié, présenté par MM. Requier, Arnell, Bertrand, Castelli, Collin, Collombat, Esnol, Fortassin, Guérini et Hue, Mmes Jouve, Laborde et Malherbe et MM. Mézard et Vall, est ainsi libellé :
Alinéa 2
Compléter cet alinéa par une phrase ainsi rédigée :
Un délai inférieur peut être prévu pour certaines disciplines, par arrêté du ministre chargé de la recherche.
La parole est à Mme Françoise Laborde.
Cet amendement vise à ouvrir la possibilité au ministre chargé de la recherche de prévoir un délai d’embargo inférieur à six mois dans le domaine des sciences, de la technique et de la médecine et à douze mois dans celui des sciences humaines et sociales.
L’adoption de cet amendement permettrait aux chercheurs de mettre à disposition gratuitement le résultat de leurs travaux sur internet après ce délai inférieur prévu par le ministre, et ce même lorsque l’auteur aurait cédé ses droits à un éditeur. Cela permettrait d’atteindre un objectif satisfaisant de partage des résultats de la recherche, essentiel à l’innovation et à la croissance.
En effet, si les délais d’embargo retenus dans le présent projet de loi correspondent aux préconisations de la commission européenne du 17 juillet 2012, laisser la possibilité au ministre de prévoir un délai inférieur permettrait d’avoir plus de souplesse et d’arbitrer en fonction des spécificités éditoriales, des cultures ou des pratiques relatives à certaines disciplines. Par exemple, dans le domaine de la recherche en informatique, le dépôt en ligne avant même la publication est de coutume pour recueillir les avis de la communauté scientifique.
Cet amendement vise à autoriser le ministre chargé de la recherche à réduire les délais d’embargo par arrêté. Cette disposition n’est pas acceptable pour deux raisons : d’une part, elle créerait une insécurité juridique dans la mesure où les délais prévus par la loi deviendraient indicatifs et susceptibles de modifications selon le bon vouloir du ministre chargé de la recherche ; d’autre part, elle entraînerait une limitation du droit de propriété individuelle, qui ne peut être imposée que par la loi et non par le pouvoir réglementaire.
La commission a donc émis un avis défavorable.
L’avis est également défavorable dans la mesure où il importe au Gouvernement de créer les conditions d’un équilibre durable dans un contexte plus large, le contexte européen, voire le contexte international, pour une science ouverte. Ces délais d’embargo de six et douze mois correspondent aux recommandations formulées par la Commission européenne en juillet 2012 et aussi au cadre fixé par le programme Horizon 2020, que les chercheurs connaissent bien.
Cet amendement ayant été déposé avant le débat que nous venons d’avoir, je le retire.
L'amendement n° 500 rectifié est retiré.
L'amendement n° 262, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’alinéa 5
Insérer un alinéa ainsi rédigé :
« La recherche publique bénéficie sans restriction du droit à l’extraction d’informations sur les données publiées relevant de ses activités scientifiques, pour ses propres besoins à l’exclusion de toute exploitation commerciale.
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Les technologies automatiques de fouille et d’exploration massives de textes et de données scientifiques permettent, grâce à des algorithmes conçus à cet effet, d’analyser des gisements intenses de données numériques. Les puissances de calcul numérique changent complètement les échelles de temps comme la précision des extractions et permettent d’opérer des découvertes ciblées.
Cette nouvelle méthode de recherche permise par l’hyper-accélération des technologies de données ouvre la porte à des analyses jusque-là irréalisables et, par la suite, à des découvertes qui peuvent être fondamentales. Leur utilisation constitue un enjeu majeur en termes non seulement d’innovation, mais aussi de positionnement de la compétition scientifique internationale pour la recherche française.
Comme je l’ai déjà dit au cours de la discussion générale, faire le choix de la fouille de données, c’est non pas une entrave au droit d’auteur, mais un acte libérateur de soutien à la recherche. C’est un enjeu de souveraineté scientifique pour notre pays.
La poursuite de l’étude du génome, la conduite de macroétudes épidémiologiques, la découverte de corrélations improbables dans l’étude de processus complexes : voilà un aperçu des champs d’application de cet outil de recherche que nous devons impérativement autoriser aujourd’hui, faute de quoi des scientifiques continueront de se saisir de nouvelles opportunités créées à travers leurs réseaux en dehors de la légalité.
L’article 18 bis, tel qu’il a été adopté en commission, considère comme non écrite toute clause interdisant la fouille de données dans les contrats liant chercheurs et éditeurs. Même si elle procède d’une intention louable, cette disposition ne suffit pas, car elle est inopérante sur toutes les clauses l’interdisant par voie indirecte, comme la limitation du volume ou l’utilisation exclusive des outils d’exploration de l’éditeur.
Autoriser la fouille massive et organisée pour la recherche publique – le TDM – sur les données qu’elle a produites et publiées, sans exploitation commerciale, est de ce point de vue le minimum que nous pouvons faire pour soutenir nos chercheurs dans leur important travail de construction de la connaissance, pierre angulaire du développement de notre société apprenante, gage d’innovation et de croissance. C’est ce que nous proposons par cet amendement.
Je regrette tout d’abord que cet amendement soit défendu à ce stade du débat, c'est-à-dire juste avant l’examen de l’article relatif au TDM.
Je l’ai dit en discussion générale, je suis favorable au TDM, lequel constitue une technique de recherche numérique dont la France, soumise à la concurrence internationale de pays où il est autorisé, ne peut raisonnablement pas se priver.
Le TDM est pratiqué aux États-Unis, au Canada, au Japon et même en Europe, puisque le Royaume-Uni a décidé de recourir à cette technique, quoique la directive européenne de 2001 ne le permette pas. Nous attendons d’ailleurs la nouvelle directive d’ici à quelques mois. Toujours est-il qu’il importe de trouver une solution transitoire. La commission a donc réfléchi à un nouveau mode de contrat entre les éditeurs et les organismes de recherche et a réécrit l’article 18 bis, qui, dans sa rédaction issue des travaux de l’Assemblée nationale, était inapplicable, car il contrevenait à la directive européenne.
Dans la rédaction proposée par la commission, l’article 18 bis réglerait la question du T ext a nd Data M ining dans un sens favorable aux chercheurs sans remettre en cause le droit d’auteur. Pourtant, lors de sa dernière réunion, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement, qui vise à créer un droit positif à la fouille de données pour le secteur de la recherche. Même si je sais que c’est la position défendue par le milieu de la recherche, à titre personnel, je continue de défendre la rédaction que j’ai proposée à l’article 18 bis pour permettre aux chercheurs d’effectuer la fouille de données.
À ce stade, il me semble plus opportun de discuter de la fouille de données dans le cadre non pas de l’article consacré à l’open access, mais de l’article 18 bis, qui est consacré à ce sujet. Le Gouvernement émet donc un avis défavorable.
L'amendement n'est pas adopté.
L'article 17 est adopté.
La seconde phrase du premier alinéa de l’article L. 611-8 du code de l’éducation est remplacée par deux phrases ainsi rédigées :
« Cette mise à disposition peut se substituer aux enseignements dispensés en présence des étudiants afin d’offrir une formation d’enseignement supérieur à distance et tout au long de la vie. Ces enseignements peuvent conduire à la délivrance des diplômes d’enseignement supérieur dans des conditions de validation définies par décret. »
Le développement des formations en ligne est le fait de l’expansion croissante du numérique dans nos sociétés. Il convient aujourd’hui de ne pas manquer le rendez-vous de la modernité : en effet, le e-learning bouleverse les méthodes d’enseignement classique, et nous avons le devoir de ne pas nous soustraire à l’obligation de moderniser nos systèmes de formation.
Alors que de nombreuses oppositions se font sentir, il ne faut toutefois pas généraliser les mauvaises expériences, bien au contraire. De nombreuses écoles et universités pratiquent aujourd’hui le e-learning et proposent des formations de très haut niveau, extrêmement qualifiantes et abouties. C’est pourquoi je soutiens cet article, dont la teneur avait déjà été intégrée à destination des sportifs de haut niveau dans la proposition de loi visant à protéger les sportifs de haut niveau et professionnels et à sécuriser leur situation juridique et sociale, adoptée en novembre dernier.
Je souhaite toutefois attirer votre attention, madame la secrétaire d'État, sur deux points problématiques.
D’une part, l’article D. 124-2 du code de l’éducation créé par décret le 27 novembre 2014 exclut l’enseignement à distance des dispositifs de formation ou de stages en milieu professionnel, ce qui est un frein à l’aboutissement des projets professionnels des étudiants suivant un tel parcours, notamment ceux qui ont des contraintes lourdes par ailleurs, tels que les sportifs de haut niveau. Il est pourtant primordial aujourd’hui d’avoir accès à des expériences de terrain afin de pouvoir s’intégrer au mieux dans le monde professionnel.
D’autre part, les formations en e-learning ne peuvent bénéficier des ressources issues de la taxe d’apprentissage, ces formations étant exclues de ce dispositif depuis une note du ministère du travail du 14 novembre 2014, alors que les investissements nécessaires au développement de telles formations à un haut niveau universitaire sont très importants.
Il serait souhaitable que le Gouvernement revoie ces dispositions d’ordre réglementaire, alors même que le Parlement souhaite encourager la formation à distance, afin que cette dernière puisse être une réelle force pour l’université et l’enseignement français de demain.
L’article 17 bis assouplit les conditions de l’enseignement à distance.
Introduit en séance à l’Assemblée nationale sans une véritable étude d’impact, avec d’abord un avis défavorable du Gouvernement, puis, au final, un avis de sagesse, cet article modifie l’article L. 611-8 du code de l’éducation.
L’enseignement à distance existe du primaire au supérieur pour répondre aux besoins d’élèves qui ne sont pas en mesure, pour des raisons diverses – santé, handicap, etc. –, de suivre les cours en classe.
Aux termes de l’article L. 611-8, « Les établissements d’enseignement supérieur rendent disponibles, pour les formations dont les méthodes pédagogiques le permettent, leurs enseignements sous forme numérique, dans des conditions déterminées par leur conseil académique ou par l’organe en tenant lieu et conformes aux dispositions du code de la propriété intellectuelle. Cette mise à disposition ne peut se substituer aux enseignements dispensés en présence des étudiants sans justification pédagogique ».
Introduire la possibilité que cette mise à disposition se substitue aux enseignements dispensés en présence des étudiants risque de se révéler une fausse bonne idée. D’ailleurs, les effets « probants » sur la réussite des élèves dont on fait souvent état restent eux aussi à démontrer.
Notre collègue député porteur de cet amendement à l’Assemblée nationale a évoqué les MOOCs, citant le site openclassrooms.com, un MOOCs privé qui facture de 20 à 300 euros par mois ses cours.
Certes, il ne s’agira que d’une « possibilité », mais la tentation sera grande, nous le craignons, pour des universités en mal de financement – cela, malheureusement, c’est la réalité –, avec des charges de fonctionnement qui explosent, poussées à développer des « ressources propres » pour palier des dotations trop souvent insuffisantes, de supprimer des cours pour des motifs strictement économiques, et ce au détriment de la qualité d’enseignement et de la diversité de l’offre de formation pour les élèves. Il est d’ailleurs intéressant de voir que les classes préparatoires aux grandes écoles et les instituts d’études politiques développent aussi le « présentiel » pour un accompagnement au plus près des étudiants.
Si l’objectif est bien de favoriser la réussite des étudiants à l’université, nous disons « oui » à la coexistence pour enrichir l’offre de formation dans les universités, mais « non » à la substitution.
Les dispositions actuelles nous semblent constituer un bon équilibre et donner toute l’attitude aux universités pour développer ces méthodes. Nous voterons donc contre cet article et les amendements n° 265 et 263.
L'amendement n° 265, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Alinéa 2, première phrase
Remplacer les mots :
à distance et tout au long de la vie
par les mots :
initiale, continue et tout au long de la vie, à distance
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Si vous me le permettez, madame la présidente, je défendrai en même temps l’amendement n° 263.
J’appelle donc en discussion l'amendement n° 263, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Compléter cet article par deux paragraphes ainsi rédigés :
… – Après le deuxième alinéa de l’article L. 611-8 du code de l’éducation, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Les enseignements mis à disposition sous forme numérique par les établissements ont un statut équivalent aux enseignements dispensés en présence des étudiants selon des modalités qui sont précisées par voie réglementaire. »
… – Au dernier alinéa du même article L. 611-8, le mot : « deux » est remplacé par le mot : « trois ».
Veuillez poursuivre, ma chère collègue.
Ces amendements visent à actualiser la loi de 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche, en inscrivant dans le code de l’éducation que les enseignements mis à disposition sous forme numérique et à distance ont un statut équivalent aux enseignements dispensés en présentiel.
L’utilisation du numérique dans l’enseignement supérieur représente une opportunité pour relever les défis à venir, pas seulement pour les étudiants empêchés, comme c’est le cas aujourd'hui. L’ouverture du numérique et les cours à distance permettent de faire des choix qui optimisent la capacité d’apprentissage et la construction de la connaissance. Que ce soit dans le cadre de la formation à distance ou non, l’utilisation de supports numériques sert l’innovation pédagogique. Elle optimise les interactions lors des temps de formation en présence des étudiants. Enfin, elle améliore la gestion de la massification de l’enseignement supérieur. Alors que nous sommes amenés à accueillir de plus en plus d’étudiants, la diversification de l’offre de savoirs permet de dépasser la pratique détestable du tirage au sort lorsque les capacités d’accueil sont dépassées.
Le renvoi à des modalités réglementaires permettra au ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche, après avis de la communauté universitaire, de fixer les conditions de reconnaissance et d’évaluation de ces enseignements numériques.
Par ailleurs, l’amendement n° 263 tend à préciser que les modalités de mise en œuvre des enseignements mis à disposition sous forme numérique sont fixées dans le contrat pluriannuel liant l’établissement et l’État. Cette disposition renforcera non seulement le cadre réglementaire qui leur est donné, mais également la possibilité pour l’État d’accompagner financièrement les projets d’innovation pédagogiques portés dans les établissements.
L’amendement n° 265, quant à lui, vise à prévoir que l’ensemble du champ d’apprentissage est couvert par la reconnaissance des apprentissages à distance.
Nous avons discuté à plusieurs reprises du dispositif proposé par l’amendement n° 265 : le 5 avril dernier, la commission a émis un avis défavorable sur un amendement identique ; le 26 avril dernier, elle a décidé d’émettre un avis favorable.
Je précise que si j’avais proposé un avis défavorable, qui n’a pas été suivi la seconde fois, c’est non pas parce que j’étais opposée aux objectifs de cet amendement, mais parce qu’il me semblait inutile. En effet, et je pense que le Gouvernement confirmera mon analyse, la formation tout au long de la vie est un continuum entre la formation initiale, générale ou professionnelle et l’ensemble des situations où s’acquièrent des compétences : actions de formation continue, activités professionnelles, implications associatives ou bénévoles. Ainsi, la formation tout au long de la vie inclut à la fois la formation initiale et la formation continue.
La commission a émis un avis favorable sur cet amendement, ainsi que sur l’amendement n° 263.
Je suis favorable à l’amendement n° 263 et je m’en remets à la sagesse du Sénat sur l’amendement n° 265.
L’amendement n° 263 a pour objet d’instituer une équivalence entre les enseignements mis à disposition sous forme numérique par les établissements et les enseignements dispensés en présence des étudiants.
Il me semble que cette évolution est très importante. Elle est guidée non par des considérations budgétaires, mais bien au contraire par un objectif de démocratisation et d’accessibilité à l’éducation, à l’enseignement supérieur, aux formations. Il ne faudrait pas que notre pays prenne du retard par rapport à ceux qui ont déjà pris des initiatives dans ce domaine. Je pense aux États-Unis, mais aussi à des pays d’Afrique, qui ont compris tout l’intérêt des formations à distance. Ces formations ouvrent en effet à un plus grand nombre d’étudiants l’accès à l’apprentissage et à l’enseignement. Elles offrent également des méthodes d’apprentissage différentes, plus interactives, moins unilatérales ou hiérarchiques. Les enseignements numériques permettent bien souvent d’innover en matière de pédagogie.
Les nouvelles formations accessibles à tous concernent aujourd'hui pas moins d’un million d’inscriptions dans notre pays pour 150 cours disponibles. Les objets de ces cours vont du droit constitutionnel aux fondamentaux de la gestion des risques financiers en passant par la géopolitique.
Vous avez évoqué les risques de privatisation des enjeux de l’éducation, monsieur Abate. C’est justement pour faire face à de tels risques que la France doit affirmer un modèle républicain en autorisant les établissements publics à recourir à ce type de formation. À défaut, ce sont les universités privées, notamment les établissements anglo-saxons, qui développeront une offre d’enseignement très concurrentielle susceptible, à terme, de fragiliser le service public de l’enseignement supérieur tel que nous le concevons en France.
Le développement de ce type de formation est également un enjeu fondamental pour la francophonie. L’enseignement à distance, lorsque les contenus sont en langue française, permet d’atteindre un public présent dans tous les pays francophones et de contrer la tendance à la domination anglo-saxonne et à une vision très privatisée de l’éducation.
Au-delà des technologies, l’enseignement à distance est fondamental pour la défense d’un service public de l’éducation tel que nous le concevons dans notre pays. La modification que tend à introduire l’amendement n° 263 me semble donc importante et pertinente.
Ces amendements sont essentiels pour permettre à nos établissements d’enseignement supérieur de se projeter sur l’ensemble des territoires – certaines matières ne sont pas enseignées partout –, mais également à l’international, certains cours n’étant pas dispensés par les établissements d’enseignement supérieur installés à l’étranger.
Mme la secrétaire d’État l’a indiqué, nous avons également une responsabilité particulière en matière de francophonie. Les Français ne représentent même pas 10 % des francophones dans le monde. L’enjeu éducatif dans l’enseignement supérieur est majeur pour de nombreux pays d’Afrique. Si nous voulons les accompagner, nous avons besoin de nouvelles technologies afin que nos établissements d’enseignement supérieur puissent avoir directement accès à l’ensemble des populations susceptibles d’être intéressées par un enseignement supérieur en langue française.
À cet égard, ces amendements vont dans le bon sens. Ils sont une véritable chance pour l’enseignement supérieur français, qui n’a jusqu’à présent pas réussi à faire ce que l’Australie, par exemple, a réalisé en termes d’industrie de l’enseignement supérieur. Elle a en effet su se rendre attractive à un grand nombre de jeunes à travers le monde.
S’ils étaient adoptés, ces amendements permettraient d’accroître la présence des établissements d’enseignement supérieur sur l’ensemble des territoires et à l’international. Il faut donc absolument les soutenir.
L'amendement n'est pas adopté.
L'amendement est adopté.
L'article 17 bis est adopté.
L'amendement n° 269, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l'article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
L’article L. 124-3 du code de l’éducation est complété par un alinéa ainsi rédigé :
« Le volume pédagogique minimal de formation en établissement n’est pas requis pour les formations supérieures suivies exclusivement à distance. La charge de travail réalisée lors des périodes de formation en milieu professionnel et des stages par l’étudiant inscrit dans une formation à distance est inférieure ou égale à la moitié de celle prévue dans son année de formation. »
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Cet amendement vise à poursuivre l’adaptation du code de l’éducation aux nouvelles pratiques pédagogiques offertes par le numérique et les enseignements à distance.
Actuellement, un stage ne peut être effectué que dans le cadre d’un cursus de formation ayant un volume pédagogique minimal de 200 heures, fixé par décret. Dans le cadre de formations à distance, dont nous venons de reconnaître l’équivalence de valeur avec les enseignements en présence des étudiants, il n’est donc pas possible d’obtenir le statut de stagiaire, quel que soit le volume horaire effectué.
Le stage est un temps important de la formation, durant lequel l’étudiant mobilise les compétences développées dans son établissement, s’adapte aux particularités de son terrain de stage, se confronte à la réalité d’un métier qu’il envisage de choisir. Les stages de fin d’études sont également particulièrement importants pour l’entrée dans la vie active.
L’enquête de 2015 sur l’insertion des diplômés des grandes écoles, réalisée dans 173 établissements membres de la Conférence des grandes écoles, établit que 30 % des diplômés de l’année précédente ont obtenu un poste dans la continuité de leur stage de fin d’études. Les proportions sont encore différentes au sein des universités, notamment selon les disciplines universitaires. Néanmoins, la réalisation d’un stage dans le cadre des formations y est de plus en plus valorisée, voire organisée.
Cet amendement vise à ouvrir la possibilité aux personnes suivant une formation à distance de réaliser un stage, dans le respect des principes régissant actuellement ces immersions professionnelles. La charge de travail exigée dans le cadre de la formation académique supérieure ou égale à celle réalisée en stage exclut de fait les dérives qui pourraient inquiéter dans cet hémicycle.
Je partage entièrement l’idée des auteurs de l’amendement : il faut supprimer l’obligation d’un volume pédagogique d’enseignement minimal si l’on souhaite développer l’enseignement à distance. Toutefois, il existe un risque réel de voir se développer des formations à distance de qualité très médiocre. Il faut donc s’assurer que les formations à distance, notamment celles qui ne prévoient aucun volume minimal de formation en établissement, respectent des critères de qualité. Cette question devra être réglée par voie réglementaire.
Cela étant, la commission a émis un avis favorable sur cet amendement, souhaitant poser le principe d’une exonération d’un volume pédagogique minimal en établissement pour les formations à distance.
Je demande aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’amendement vise à supprimer la condition du volume pédagogique minimal en établissement pour les formations organisées en ligne et prévoyant un stage.
J’ai déjà eu l’occasion de le dire, je suis très favorable au développement des formations en ligne. Pour autant, je suis aussi consciente que cette condition de volume pédagogique minimal est nécessaire pour éviter certaines dérives possibles en la matière – elles existent ; nous le constatons parfois. Je pense notamment au développement d’organismes spécialisés dans la délivrance de conventions de stage – les boîtes à conventions de stage – qui souhaitent remplir ce volume pédagogique de manière totalement numérique sans y associer le moindre enseignement présentiel réel. À ce stade, il me semble donc important de ne pas modifier la loi.
Mon collègue Thierry Mandon, secrétaire d'État chargé de l'enseignement supérieur et de la recherche, ayant clairement identifié ce sujet dans le cadre du chantier de la simplification de l’enseignement supérieur qu’il a lancé, je vous confirme que le Gouvernement s’engage à apporter des réponses à cette question, lesquelles doivent faire l’objet d’une concertation avec les établissements de formation concernés et les organisations représentatives des étudiants. Il s’agit de modifier le décret d’application du 27 novembre 2014, ce sujet étant d’ordre réglementaire.
Le Gouvernement, vous le voyez, s’engage fortement sur le sujet. Nous avancerons très certainement à l’avenir.
Un encadrement est en effet nécessaire.
Personnellement, je ne pense pas que les boîtes à stages soient intéressées par ce type de développement, sachant en outre que nous avons adopté une loi assez contraignante permettant de garantir la qualité de l’encadrement des étudiants en stage.
Néanmoins, compte tenu du travail engagé par Thierry Mandon en matière de simplification et d’intégration des objectifs de modernisation de la pédagogie, notamment l’introduction du numérique et des cours à distance, je retire bien volontiers mon amendement, assurée que la concertation aura lieu dans les mois qui viennent.
L'amendement n° 269 est retiré.
Je suis saisie de deux amendements faisant l'objet d'une discussion commune.
L'amendement n° 266, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Le deuxième alinéa de l’article L. 612-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après la première phrase, sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Les diplômes peuvent être obtenus en formation initiale ou continue tout au long de la vie, par des enseignements en présence des étudiants, à distance, ou par ces deux moyens combinés. Un décret précise les modalités d’encadrement et d’évaluation des enseignements à distance. » ;
2° Est ajoutée une phrase ainsi rédigée :
« Une période de césure dans les études supérieures peut être réalisée au cours d’un cycle ou entre deux cycles, dans des conditions définies par décret. »
La parole est à Mme Dominique Gillot.
Cet amendement s’inscrit dans la continuité d’un amendement précédent visant à adapter la loi de 2013 relative à l’enseignement supérieur et à la recherche aux usages numériques. Il tend à préciser qu’une formation peut se faire par des enseignements en présence des étudiants, à distance, ou par ces deux moyens combinés.
Il importe que ces modalités nouvelles d’enseignement puissent être comptabilisées et reconnues pour l’obtention du diplôme du cycle concerné. Cette souplesse dans l’organisation pédagogique de la formation nécessite de préciser les modalités d’encadrement et d’évaluation des enseignements. Il existe des organismes agréés à cet effet. Cette précision relève du niveau réglementaire afin que le ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche puisse organiser la consultation des établissements, des équipes pédagogiques et des étudiants sur ce sujet.
Par ailleurs, cet amendement vise à donner un cadre législatif et opposable à la pratique dite de « césure ». Ce dispositif, qui n’est actuellement encadré que par une circulaire, n’est pas suffisamment appliqué. L’amendement tend donc à sécuriser le parcours de formation des étudiants souhaitant interrompre temporairement leur formation pour mener à bien un projet personnel, qu’il s’agisse d’un engagement volontaire ou humanitaire, d’une expérience professionnelle, d’un voyage ou du suivi d’une autre formation. La plus-value en termes d’expérience et de maturité pour les jeunes n’est plus à démontrer. La stratégie nationale de l’enseignement supérieur met d’ailleurs fortement en avant la possibilité offerte aux étudiants de faire une année ou six mois de césure. Elle a été reconnue comme étant intéressante par le Gouvernement.
Certes, la circulaire prévoit de nombreux éléments concernant la protection sociale du jeune en césure, les aides auxquelles il a droit ou non, l’accompagnement offert par les établissements ou encore la valorisation des compétences développées et leur reconnaissance dans son cursus, mais ces éléments méritent une portée plus normative. C’est pourquoi je propose d’inscrire dans la loi la possibilité de faire une césure au cours des études supérieures, suivant des modalités définies par décret.
L'amendement n° 267, présenté par Mme D. Gillot, MM. Sueur, Leconte, Rome, Camani, F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain, est ainsi libellé :
Après l’article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Après la première phrase du deuxième alinéa de l’article L. 612-1 du code de l’éducation sont insérées deux phrases ainsi rédigées :
« Les diplômes peuvent être obtenus en formation initiale ou continue tout au long de la vie, par des enseignements en présence des étudiants, à distance ou par ces deux moyens combinés. Un décret précise les modalités d’encadrement et d’évaluation des enseignements à distance. »
La parole est à Mme Dominique Gillot.
L’amendement n° 266 pose deux principes : d’une part, la reconnaissance des diplômes obtenus par des enseignements à distance et, d’autre part, la possibilité d’effectuer une période de césure au cours des études supérieures.
Je suis bien entendu favorable à ces principes, mais j’ai fait part à la commission de la culture de mes interrogations sur l’utilité d’inscrire ces dispositions dans la loi. En effet, l’article 17 bis traite déjà des diplômes obtenus par des enseignements à distance et renvoie à un décret pour les modalités d’application. Quant à la césure au cours des études, elle est autorisée par circulaire. Néanmoins, la commission n’a pas retenu mon argumentation et a émis un avis favorable sur cet amendement.
L’amendement n° 267 est un amendement de repli ayant également reçu un avis favorable de la commission en dépit de mes doutes sur son utilité.
L’amendement n° 266 tend, d’une part, à préciser que le diplôme peut être obtenu par une formation mixte, c'est-à-dire en ligne et en présentiel, et, d’autre part, à autoriser les césures au cours des études supérieures. Je suis tout à fait en phase avec ces deux dispositions, mais elles sont déjà satisfaites par le droit existant. Je demande donc aux auteurs de cet amendement de bien vouloir le retirer ; à défaut, j’émettrai un avis défavorable.
L’article L. 123-3 du code de l’éducation définissant les missions de service public de l’enseignement supérieur autorise déjà les formations en ligne.
L’année de césure est un moment particulièrement important dans la vie des étudiants, des jeunes, des adultes en formation, marquant sans doute pour toujours une vie. Cette pratique est aujourd'hui permise au cours des études supérieures en France. Vous l’avez dit, les modalités de sa mise en œuvre ont été fixées récemment, dans une circulaire datant du 22 juillet 2015. La césure, qui n’est possible que depuis la dernière rentrée universitaire, sera progressivement étendue à l’ensemble des établissements où elle n’était pas encore permise.
Je ne sais pas si un décret changerait véritablement le régime applicable. L’évolution que nous appelons de nos vœux est plutôt d’ordre culturel. Un certain jeunisme prévaut aujourd'hui, qui pousse les étudiants à entrer vite sur le marché du travail. L’année de césure n’est pas valorisée à sa juste valeur. Dans d’autres pays – je pense en particulier au Royaume-Uni ou au Canada –, cette pratique est beaucoup plus fréquente, pour ne pas dire quasi systématique, et prise en compte par les recruteurs. Pour ma part, j’encourage les jeunes et les employeurs à la valoriser.
J’avoue que je préfère la formulation de l’amendement n° 267, sur lequel je m’en remettrai à la sagesse du Sénat, même si je considère qu’il est également satisfait par l’article L. 123-3 du code de l’éducation.
J’entends les arguments qui viennent d’être invoqués. Je pense tout de même que la circulaire qui a été signée à la rentrée dernière mériterait d’être mieux mise en valeur afin que les établissements s’en saisissent et encouragent leurs étudiants. Les retours des organisations étudiantes montrent que la pratique de la césure n’est pas encore très bien vue dans certains établissements et qu’il faudrait la valoriser.
Cela étant, je vais volontiers retirer l’amendement n° 266 au profit de l’amendement de repli n° 267, qui ne fait plus état de la césure. Je maintiens ce dernier amendement, car, même si l’article L. 123-3 du code de l’éducation prévoit que les diplômes peuvent être obtenus par formation à distance, cette possibilité ne concerne que les étudiants empêchés. Pour ma part, je propose que les diplômes puissent être obtenus en formation initiale ou continue tout au long de la vie, par des enseignements en présence des étudiants ou à distance, ou par les deux moyens combinés, de manière à offrir de multiples formes d’apprentissage aux étudiants, ce qui n’est pas le cas aujourd'hui.
Je vous encourage donc à voter cet amendement, mes chers collègues, car il permettra d’accroître la qualité de l’enseignement à distance et de valider les diplômes ainsi obtenus, au même titre que les enseignements en présence des étudiants.
Je retire l’amendement n° 266.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17 bis.
L'amendement n° 622 rectifié, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Après l’article 17 bis
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 822-1 du code de l’éducation est ainsi modifié :
1° Après le deuxième alinéa, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« Il peut assurer la gestion d’aides à d’autres personnes en formation. » ;
2° À la seconde phrase du dixième alinéa, le mot : « sixième » est remplacé par le mot : « septième ».
II. – À l’article 1042 B du code général des impôts, le mot : « septième » est remplacé par le mot : « huitième ».
La parole est à Mme la secrétaire d'État.
Cet amendement a trait au CNOUS, le Centre national des œuvres universitaires et scolaires. Quel est le rapport avec la République numérique, me direz-vous ?
Ce dispositif a bien toute sa place dans le projet de loi, car il concerne la Grande École du Numérique, laquelle ne correspond pas à la conception classique que l’on peut avoir d’une grande école. Il s’agit de donner une seconde chance à des jeunes sans qualification et sans travail afin qu’ils puissent, en apprenant un métier du numérique, réintégrer un parcours professionnel exigeant et satisfaisant.
Cette grande école a été créée voilà un an. Elle propose aujourd'hui 171 formations labellisées, et ce partout sur les territoires, que ce soit dans la capitale, dans les zones périurbaines, dans les quartiers, dans les banlieues ou dans les zones rurales. Vous avez certainement constaté dans vos circonscriptions, mesdames, messieurs les sénateurs, l’enthousiasme soulevé par la création de ces formations aux métiers du numérique.
L’enjeu est double.
Il est d’abord de favoriser l’intégration sociale, le numérique étant un levier d’intégration. On rencontre très souvent de jeunes autodidactes, passionnés d’informatique, ayant appris à coder seuls face à leur écran, sur des sites d’apprentissage, et n’ayant pas mesuré tout le potentiel des compétences qu’ils avaient ainsi acquises. Ils découvrent tout à coup qu’ils peuvent en faire un métier en se tournant vers cette structure publique.
Il est ensuite économique. Il se trouve que la France a du retard en termes de numérisation de son tissu économique de petites et moyennes entreprises. L’une des priorités d’action du Gouvernement est donc de s’assurer que la transition numérique soit aussi profitable aux TPE et aux PME partout sur le territoire. Pour cela, il faut accéder aux talents, aux ressources humaines, à des couteaux suisses du numérique. Or, dans ce domaine, l’offre d’emploi est souvent supérieure à la demande et l’on peine à trouver des développeurs, des managers de communautés en ligne, etc.
Pour créer cette grande école du numérique et afin que celle-ci remplisse son objectif social, nous nous étions engagés à financer pendant trois à vingt-quatre mois la formation des apprenants qui ne pouvaient le faire eux-mêmes. C’est en effet une formation très exigeante en termes de volume horaire, qui, par définition, ne peut pas être poursuivie parallèlement à l’exercice d’un métier.
Cette mesure permet au CNOUS d’octroyer des aides financières aux apprenants de la Grande École du Numérique qui ne disposent pas de ressources financières suffisantes ou d’aides déjà existantes. Celles-ci auront pour barèmes ceux des bourses de l’enseignement supérieur et seront adaptées à ce nouveau dispositif. Il faut donc autoriser le CNOUS à octroyer ces aides à un public qui n’est pas étudiant. Tel est l’objet de cet amendement.
Il n’y a pas de République numérique sans l’espoir d’une intégration sociale et professionnelle de jeunes qui peuvent profiter des opportunités de ce secteur et, ainsi, répondre aux besoins des PME de notre pays. C'est la raison pour laquelle je vous encourage très fortement à soutenir cet amendement.
Cet amendement vise à permettre au CNOUS d’attribuer des bourses à des apprenants qui n’ont pas le statut d’étudiant. Sur le principe, je ne suis pas opposée à cette disposition, mais je m’étonne que le Gouvernement ait déposé cet amendement très tard – avant-hier –, ce qui a limité l’analyse technique et contextuelle de la disposition.
La commission a toutefois émis un avis favorable sur cet amendement intéressant. Je fais remarquer que, si nous, parlementaires, l’avions déposé, on nous aurait opposé l’article 40 de la Constitution, …
… puisque cette mesure appelle des dépenses. Le Gouvernement, lui, peut se le permettre.
Cela étant, je regrette que tout cela se soit déroulé dans la précipitation.
Madame la rapporteur pour avis, à l’évidence, le Gouvernement vous doit une explication. Cette disposition législative était destinée à figurer soit dans ce texte, soit dans le projet de loi Égalité et citoyenneté, ce qui se justifie aussi au regard des objectifs affichés.
Tout est une question de calendrier. Nous avons choisi ce véhicule législatif – tardivement, il est vrai – pour que la mesure soit adoptée plus rapidement et puisse bénéficier plus vite aux apprenants, dont certains ont commencé leur formation dès le mois de janvier dernier. Il y a donc urgence à autoriser cet octroi de bourses par le CNOUS.
J’en viens à l’article 40 de la Constitution. Tous les financements sont assurés et stabilisés dans le budget de l’État. C’est donc moins le sujet du financement que celui de l’autorisation légale qui doit être donnée au CNOUS que vise cet amendement.
Madame la secrétaire d’État, je souhaiterais obtenir quelques explications complémentaires.
Je comprends bien la motivation du Gouvernement et la nécessité de financer des bourses. Toutefois, quelle part du budget du CNOUS sera dévolue à cette opération ? Alors que l’on pourrait aussi envisager une participation des ASSEDIC ou des OPCA, les organismes paritaires collecteurs agréés, au financement de cette opération, pourquoi le CNOUS doit-il supporter exclusivement ce légitime effort pour une opération dont la justification est évidente ? D’autres structures pourraient être impliquées.
Même si l’objectif est tout à fait louable, on peut s’interroger. Cela vient d’être rappelé, le CNOUS s’adresse aux seuls étudiants. Dans ces conditions, pourquoi cette structure a-t-elle été choisie au lieu d’autres organismes pour s’adresser à des salariés au chômage ou en reconversion, à des personnes sans qualification ? Quid en effet de la responsabilité des entreprises envers ce public et du financement qui est lié ?
J’ai cru comprendre qu’il n’y avait pas de problème de financement. Pour notre part, nous connaissons les difficultés actuelles du CNOUS. Nous voudrions donc être sûrs que des financements supplémentaires sont prévus pour accompagner cette volonté, d’autant que la Grande École du Numérique, qui concerne aujourd’hui, sauf erreur de ma part, 170 organismes – associations, collectivités locales, IUT, y compris CFA, etc. –, bénéficie de 5 millions d’euros de financement, voire plus.
J’espère que ces questions trouveront réponse.
À l’instar de Jean-Yves Leconte, je me demande si d’autres organismes ne sont pas plus à même de se charger de cette mission. Pour l’instant, nous sommes plutôt réservés sur cette mesure.
Aïe ! Aïe ! Aïe !
Si nous avons pu créer ces 171 formations labellisées en moins d’un an, c’est justement parce que nous avons pris le parti de ne pas sombrer dans ce type de raisonnement. Si l’on commence à se demander s’il ne faut pas trouver les financements chez tel organisme social plutôt que chez tel autre, chez tel employeur plutôt que chez tel autre, avec tel type de concertation plutôt que tel autre, ce n’est pas en un an que cette formation aurait été créée, mais en trois ans, quatre ans, cinq ans, c'est-à-dire le délai moyen de reconnaissance des diplômes dans le système actuel.
Sur ce sujet très spécifique, le parti pris est assumé. Face à l’urgence sociale, lorsqu’un organisme public, à savoir le CNOUS, accepte de réserver 10 millions d’euros de son budget à des jeunes qui n’ont pas la chance d’être étudiants et qui aimeraient bien l’être, et ce avec l’engagement très fort de la ministre de l’éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche, Najat Vallaud-Belkacem, …
… nous considérons qu’il faut saisir cette opportunité, s’y engouffrer et permettre à ces jeunes d’avoir une seconde chance.
Certains de ces publics peuvent d’ailleurs être étudiants. Là encore, c’est la souplesse qui a primé – des universités, des écoles de la seconde chance, des IUT, mais aussi des formations qui ont été développées par des entreprises privées ou par des associations ont en effet été labellisés. C’est la clef de cette réponse rapide qui a permis de donner espoir à tant de jeunes.
Si j’en parle avec autant de passion, c’est parce que je les ai vus. Je me suis ainsi rendue à Rennes la semaine dernière, dans un quartier prioritaire où l’on m’avait déconseillé de me rendre parce qu’il est, paraît-il, dangereux. J’y ai rencontré des jeunes très doués, talentueux, passionnés par les outils informatiques.
Quand on sait que ces formations garantissent aujourd’hui une employabilité de plus de 90 %, il n’est plus l’heure de s’interroger sur l’organisme public qui doit prendre en charge les financements.
Les financements sont là : 70 000 euros maximum par formation labellisée, 5 millions d’euros pour la Grande École du Numérique qui bénéficie d’un financement partagé dans le cadre du programme des investissements d’avenir, avec un volet jeunesse et un volet formation professionnelle.
Le CNOUS a accepté de se charger du financement des bourses. On devrait à mon sens le remercier.
Il s’agit là d’une expérience absolument extraordinaire, qui remplit plusieurs objectifs.
Il y a des chômeurs et, dans le même temps, il y a des offres d’emplois qui ne sont pas pourvues dans un certain nombre de domaines, en particulier dans celui du numérique, parce que l’on manque de jeunes formés. Or nous avons des décrocheurs, c'est-à-dire des jeunes qui sortent du système éducatif sans diplôme, qui, par des formations au numérique, peuvent très rapidement être employés et le sont même à 90 %.
Face à une telle situation, il faut aller très vite. C’est maintenant que l’offre est là, que la demande est forte et il n’y a pas de travailleurs formés pour y répondre.
On aurait pu se contenter de donner des rudiments à ces jeunes qui sortent du système scolaire, sans aller plus loin. Or – c’est en cela que c’est extraordinaire – on crée une grande école du numérique. En d’autres termes, quelqu’un qui est sorti du système scolaire peut non seulement raccrocher par une formation, mais poursuivre un enseignement supérieur et obtenir une qualification équivalente à celles qu’offrent les écoles supérieures.
On va même encore plus loin ! Alors que l’on reproche aux grandes écoles françaises leur élitisme et, pour la plupart, leur centralisation, on décide de labelliser des formations sur tout le territoire national. En moins d’un an, 170 formations ont été concernées par ce dispositif.
Cette initiative est enthousiasmante et juste : elle répond aux nécessités de notre économie et garantit une insertion réussie, à laquelle on ne croit pas toujours. Cette volonté optimiste marche.
Dans ces conditions, faut-il se demander qui paye ? Là, tout le monde paye, mais il faut que le CNOUS soit dans le dispositif. C’est symbolique et presque plus important que de savoir par où passe l’argent. Ce faisant en effet, on dit à ces jeunes qu’ils sont des étudiants comme les autres.
Surtout qu’il n’y a rien de neuf : la secrétaire d’État a déjà dit tout ça !
Je suis favorable à cette mesure. Toutefois, je me demande si ces 10 millions d’euros seront abondés ou pris sur le budget du CNOUS. Je n’ai pas très bien compris et j’aimerais avoir une réponse sur ce point.
Le budget du CNOUS s’élève à 1, 3 milliard d’euros. Cette mesure coûte 10 millions d’euros sur trois ans.
Oui, cet argent est pris sur le budget du CNOUS.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 17 bis.
(Non modifié)
Le Gouvernement remet au Parlement, au plus tard deux ans après la promulgation de la présente loi, un rapport qui évalue les effets de l’article L. 533-4 du code de la recherche sur le marché de l’édition scientifique et sur la circulation des idées et des données scientifiques françaises. –
Adopté.
Le chapitre IV de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi modifié :
1° Après le I de l’article 22, il est inséré un I bis ainsi rédigé :
« I bis. – Par dérogation au 1° des I et II de l’article 27, font également l’objet d’une déclaration auprès de la Commission nationale de l’informatique et des libertés les traitements qui portent sur des données à caractère personnel parmi lesquelles figure le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques ou qui requièrent une consultation de ce répertoire, lorsque ces traitements ont exclusivement des finalités de statistique publique, sont mis en œuvre par le service statistique public et ne comportent aucune des données mentionnées au I de l’article 8 ou à l’article 9, à la condition que le numéro d’inscription à ce répertoire ait préalablement fait l’objet d’une opération cryptographique lui substituant un code statistique non signifiant, ainsi que les traitements ayant comme finalité exclusive de réaliser cette opération cryptographique. L’utilisation du code statistique non signifiant n’est autorisée qu’au sein du service statistique public. L’opération cryptographique est renouvelée à une fréquence définie par décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;
2° Le I de l’article 25 est complété par un 9° ainsi rédigé :
« 9° Par dérogation au 1° du I et aux 1° et 2° du II de l’article 27, les traitements qui portent sur des données personnelles parmi lesquelles figure le numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques ou qui requièrent une consultation de ce répertoire, lorsque ces traitements ont exclusivement des finalités de recherche scientifique ou historique, à la condition que le numéro d’inscription à ce répertoire ait préalablement fait l’objet d’une opération cryptographique lui substituant un code spécifique non signifiant, propre à chaque projet de recherche, ainsi que les traitements ayant comme finalité exclusive de réaliser cette opération cryptographique. L’opération cryptographique et, le cas échéant, l’interconnexion de deux fichiers par l’utilisation du code spécifique non signifiant qui en est issu ne peuvent être assurés par la même personne ni par le responsable de traitement. L’opération cryptographique est renouvelée à une fréquence définie par décret en Conseil d’État pris après avis motivé et publié de la Commission nationale de l’informatique et des libertés. » ;
3° Au début du 1° des I et II de l’article 27, sont ajoutés les mots : « Sous réserve du I bis de l’article 22 et du 9° du I de l’article 25, » ;
4°
« L’avis rendu sur les décrets relatifs aux dispositions du I bis de l’article 22 et du 9° du I de l’article 25 est motivé et publié. » –
Adopté.
L'amendement n° 627, présenté par M. Frassa, au nom de la commission des lois, est ainsi libellé :
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
Au 4° du II de l'article 27 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l'informatique, aux fichiers et aux libertés, après les mots : « téléservices de l'administration électronique », sont insérés les mots : « tels que définis à l'article 1er de l'ordonnance n° 2005-1516 du 8 décembre 2005 relative aux échanges électroniques entre les usagers et les autorités administratives et entre les autorités administratives, ».
La parole est à M. le rapporteur.
Il s’agit de déplacer l'article 25 bis, adopté sur l'initiative de Jean-Pierre Sueur, et d’en faire un article additionnel après l’article 18. Cette disposition concerne les autorisations délivrées par la CNIL pour la création de fichiers de téléservices administratifs. Cela nous semble plus judicieux. M. Sueur ne m’en voudra pas…
Le Gouvernement émet un avis favorable sur cet amendement rédactionnel.
L'amendement est adopté.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l'article 18.
Je suis saisie de deux amendements identiques.
L'amendement n° 231 est présenté par MM. Sueur, Leconte, Rome et Camani, Mme D. Gillot, MM. F. Marc, Assouline, Guillaume et les membres du groupe socialiste et républicain.
L'amendement n° 615 est présenté par le Gouvernement.
Ces deux amendements sont ainsi libellés :
Après l'article 18
Insérer un article additionnel ainsi rédigé :
I. – L’article L. 311-8 du code des relations entre le public et l’administration est complété par quatre alinéas ainsi rédigés :
« Lorsqu’une demande faite en application du I de l’article L. 213-3 du code du patrimoine porte sur une base de données et vise à effectuer des traitements à des fins de recherche ou d’étude présentant un caractère d’intérêt public, l’administration détenant la base de données ou l’administration des archives peut demander l’avis du comité du secret statistique institué par l’article 6 bis de la loi n° 51-711 du 7 juin 1951 sur l’obligation, la coordination et le secret en matière de statistiques. Le comité peut recommander le recours à une procédure d’accès sécurisé aux données présentant les garanties appropriées, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
« L’avis du comité tient compte :
« 1° Des enjeux attachés aux secrets protégés par la loi, et notamment la protection de la vie privée et la protection du secret industriel et commercial ;
« 2° De la nature et de la finalité des travaux pour l’exécution desquels la demande d’accès est formulée. »
II. – L’article L. 213-3 du code du patrimoine est complété par un paragraphe ainsi rédigé :
« … – L’article 226-13 du code pénal n’est pas applicable aux procédures d’ouverture anticipée des archives publiques prévues aux I et II du présent article. »
La parole est à M. Jean-Pierre Sueur, pour présenter l’amendement n° 231.
M. Jean-Pierre Sueur. Par une inspiration commune, cet amendement se trouve être rigoureusement le même que celui de Mme la secrétaire d’État.
Exclamations amusées sur diverses travées.
Cet amendement vise à compléter la procédure d’accès anticipé aux archives publiques afin de prendre en compte le cas des grandes bases de données utilisées à des fins de recherche ou d’étude présentant un intérêt public et d’éviter un trop grand nombre de refus.
Des administrations comme la CNAF, la CNAV ou l’ACOSS n’ont pas le statut de service statistique ministériel et ne peuvent utiliser la procédure prévue pour la communication des données statistiques aux chercheurs. Elles rencontrent ainsi certains freins pour développer l’accès des scientifiques à leurs données.
Pour faire face à cette situation dommageable, il est proposé le dispositif suivant : lorsqu’une demande porte sur une base de données et vise à effectuer des traitements à des fins de recherche ou d’étude présentant un caractère d’intérêt public, l’administration détenant la base de données ou l’administration des archives peut demander l’avis du comité du secret statistique. Il faut parler de temps en temps de cet organisme, que l’on a tendance à oublier…
Le choix de cette procédure permettra de sécuriser les producteurs de ces grandes bases de données. Le comité pourra recommander le recours à une procédure d’accès sécurisé aux données présentant les garanties appropriées, dans des conditions fixées par décret en Conseil d’État.
L’avis du comité devra tenir compte à la fois des enjeux attachés aux secrets protégés par la loi, notamment la protection de la vie privée et la protection du secret industriel et commercial, et de la nature ainsi que de la finalité des travaux pour l’exécution desquels la demande d’accès est formulée.
Il faut évidemment compléter ces dispositions en prévoyant que l’article 226-13 du code pénal relatif aux sanctions pénales en cas de non-respect du secret professionnel n’est pas applicable aux procédures d’ouverture anticipée des archives publiques, en application de l’article L. 213-3 du code du patrimoine.
La parole est à Mme la secrétaire d'État, pour présenter l’amendement n° 615.
Comme souvent dans ce projet de loi, derrière une description technique se cachent des enjeux tout à fait fondamentaux.
Mesdames, messieurs les sénateurs, je sais que vous êtes attachés à l’attractivité de la recherche française et aux possibilités qui doivent être données aux chercheurs français d’accéder aux technologies et au potentiel de la data – de la donnée – pour optimiser leurs résultats de recherche. Nous sommes tout à fait dans cette problématique.
Aujourd’hui, certaines données sont considérées comme sensibles et, à ce titre, ne doivent pas être ouvertes au plus grand nombre. Pourtant, c’est de notoriété publique, notre pays recèle des trésors de données – parfois, le centralisme a du bon !
Sourires.
Nous avons progressé dans l’analyse des données et leur accessibilité aux chercheurs publics. Ainsi, les données statistiques – par exemple, le budget des ménages – ont été rendues accessibles aux chercheurs par une loi de 2008. Les données fiscales l’ont été par une loi de 2013. On peut désormais localiser les concentrations de foyers s’acquittant de l’impôt de solidarité sur la fortune – pour votre information, la plus forte densité se situe dans le VIIe arrondissement de Paris… Les données de santé l’ont été, sous des conditions particulières, par une loi récemment promulguée, au mois de janvier 2016.
Le but de ce dispositif est de permettre aux chercheurs publics d’accéder aux données d’organismes publics disposant de grandes bases nationales, selon un mécanisme extrêmement protecteur qui consiste à soumettre l’autorisation d’accès à un double verrou.
D’abord, le comité du secret statistique doit être saisi par l’administration. En effet, c’est bien souvent l’administration qui souhaite demander à une équipe de chercheurs d’utiliser ces données pour produire des résultats plus pertinents. Cette instance validera la pertinence des travaux scientifiques envisagés.
Ensuite, le comité des archives doit se prononcer sur la pertinence des recherches envisagées. Cette disposition est issue du code du patrimoine. L’accès aux archives bénéficie d’un régime très spécifique.
On parle toujours de la loi Informatique et libertés, de la loi CADA, mais on parle moins de la loi relative aux archives, qui date elle aussi de 1978. Or ce texte vise à garantir et protéger l’intégrité des archives des administrations, notamment contre une intrusion trop grande qui pourrait donner envie de changer le cours de l’histoire ou de lire l’histoire différemment. Les délais dans lesquels les archives sont rendues disponibles sont donc beaucoup plus longs que dans le régime de la CADA, qui concerne les documents administratifs : cinquante ans, soixante-quinze ans en fonction du type de données.
Pour exempter l’accès aux archives, un mécanisme spécifique a été mis en place et éprouvé, qui prévoit tous les garde-fous juridiques nécessaires. C’est lui qui est importé dans le dispositif que je vous propose d’adopter pour permettre aux chercheurs d’accéder aux données des grands organismes publics. Il s’agit là d’une demande très forte des chercheurs, qui a été moins mise en lumière dans le cadre des débats jusqu’à présent, mais qui pousse nombre de chercheurs français à partir à l’étranger pour accéder à des données qui concernent des pays étrangers. Ainsi, des études ou des enquêtes sur les bas revenus ou sur les hauts revenus ne peuvent pas être menées dans notre pays, parce qu’il n’est pas possible de faire de l’appariement de données.
En réalité, les débats de politique économique que nous avons sont peu objectivés et un peu irrationnels, parce que nous ne pouvons pas mesurer l’impact des politiques publiques. C’est la raison pour laquelle je vous propose de renforcer non seulement l’attractivité de la recherche française, avec toutes les garanties juridiques nécessaires, mais aussi la qualité des débats démocratiques, en objectivant les politiques publiques. De nombreux chercheurs, notamment Thomas Piketty, nous le demandent.
Je conclurai par une dernière précision. La technologie utilisée pour accéder à ces données, c’est notamment le centre d’accès sécurisé aux données, qui consiste à consulter les données sans pouvoir les importer. Aucun transfert n’est possible. Cette technologie est utilisée par exemple par les banques pour sécuriser leurs propres données. Elle a été développée en France et est absolument protectrice.
Mesdames, messieurs les sénateurs, j’espère vous avoir convaincus de soutenir cet amendement, qui est très important pour les chercheurs.
Ces deux amendements ont pour objet d’étendre les possibilités d’accéder à des données non communicables par le recours à la procédure applicable en matière d’archives. Ils visent donc à contourner le problème posé par le caractère non communicable de certains documents en exploitant la possibilité réservée aux services d’archives de donner par exception l’accès à des archives avant le terme prévu par la loi. Il s’agit d’une construction procédurale assez élaborée et, pour tout dire, assez fragile.
Une administration n’aurait pas le droit, compte tenu de la loi CADA, de communiquer un document. En assimilant celui-ci à une archive vivante, le service des archives pourrait décider, après avoir pesé les différents intérêts en présence, d’ouvrir malgré tout l’accès à ces archives. La procédure ne serait applicable qu’aux bases de données, ce qui nécessiterait ensuite une autorisation de la CNIL. Afin d’inciter l’administration à accepter, le comité du secret statistique pourrait être consulté.
Un tel dispositif suscite de nombreuses réserves. Il s’agit en réalité d’utiliser une sorte d’itinéraire bis de l’accès à certains documents non communicables, une voie procédurale exceptionnelle. Je note à cet égard que les archives accèdent à la demande de communication qui leur est faite dans 85 % des cas. Il ne semble donc pas qu’il y ait urgence à faciliter encore cet accès, plutôt assez ouvert.
En outre, emprunter cet itinéraire bis semble une très mauvaise idée, car, si le service des archives peut autoriser la consultation de la base de données, en revanche, il ne peut autoriser la réutilisation des données. Or toute recherche sur une base de données mobilise, par définition, un traitement de ces données par data mining, ce qui équivaut à une réutilisation.
Nous avons adopté, à l’article 4, le principe suivant lequel ne peuvent être réutilisées que les données communicables à tous, ce qui ne sera pas le cas, par définition, de la base de données en cause. L’itinéraire bis semble donc bouché par ce que nous avons voté.
Madame la secrétaire d’État, je comprends certes le but que vous recherchez par cet amendement. J’ai cherché une solution ; néanmoins, son dépôt très tardif ne nous a laissé que peu de temps pour ce faire. Je n’en ai pas trouvé ; il semble en fait qu’il n’y en ait pas. Il faut selon moi revoir l’ensemble du système que vous proposez. Manifestement, le projet n’est pas mûr et mérite un réexamen complet.
J’observe que ce dispositif n’a été évoqué à aucun moment ni dans les travaux préparatoires, ni lors de la consultation publique, ni à l’Assemblée nationale. Nous aurions en outre apprécié d’avoir l’avis du Conseil d’État.
D’ailleurs, si l’on compare ce dispositif avec celui de l’article 18 en matière d’utilisation du numéro d’inscription des personnes au répertoire national d’identification des personnes physiques, ou encore avec celui qui est prévu dans la loi de modernisation de notre système de santé pour l’utilisation des données d’assurance maladie, la différence dans la rigueur et le niveau des garanties prévues est frappante. Or, de l’aveu même du Gouvernement, ce dispositif devrait être utilisé pour faciliter l’accès aux fichiers de la CNAV ou de la CNAF, voire de n’importe quelle autre administration. Nous ne pouvons pas exposer ces données à une procédure qui ne présenterait pas toutes les garanties requises.
Je vous invite plutôt, madame la secrétaire d’État, à vous inspirer des deux exemples que j’ai cités. En outre, vous avez évoqué dans la présentation de votre amendement l’exemple des données de santé. Celles-ci bénéficient pourtant de procédures et de garanties spécifiques, ce qui ne serait pas le cas ici. Le comité du secret statistique n’est pas un verrou ; il donne simplement un avis. Le service des archives n’est pas quant à lui une autorité administrative indépendante ; c’est un simple service. Enfin, en ce qui concerne les enquêtes sur les revenus, on peut déjà avoir accès aux bases fiscales et aux bases statistiques de l’INSEE.
Pour toutes ces raisons, je demanderai à M. Sueur et au Gouvernement de bien vouloir retirer leurs amendements ; faute de quoi, la commission des lois émettra un avis défavorable.
De toute évidence, monsieur le rapporteur, nous ne faisons pas du tout la même analyse des dispositions qui sont ici proposées.
Il vous appartiendra naturellement, mesdames, messieurs les sénateurs, de décider du sort à réserver à ces amendements. Je note tout de même une certaine défiance à l’égard de la communauté des chercheurs.
Or les chercheurs sont liés par le secret professionnel. En outre, des dispositifs similaires sont applicables aux données fiscales, bien qu’y figurent le nom du contribuable, son adresse, le montant de ses revenus ou encore la valeur de ses propriétés. L’accès à ces données fiscales a été accordé aux chercheurs dans des conditions spécifiées par la loi : pourquoi l’accès à des données sociales ne le serait-il pas ?
À mes yeux, le fait de pouvoir mettre en cause la responsabilité pénale du directeur du comité des archives est en soi un gage que l’administration est prête à s’engager sur ce sujet. Ce sont d’ailleurs les administrations qui, bien souvent, sont demandeuses d’un tel dispositif. La CNAM, par exemple, nous a confié son inquiétude vis-à-vis de l’insécurité juridique ambiante, et ce alors même que certains échanges de données ont déjà lieu avec des chercheurs. Néanmoins, ces échanges de données se font sur des bases juridiques très fragiles et dans des conditions de sécurité insatisfaisantes : les données sont parfois envoyées par la poste sur une clé USB !
Le dispositif qui est proposé ici vise donc à combler un vide juridique pour coller à la réalité des besoins de la recherche contemporaine. Sur ce sujet comme sur d’autres, je crains que les réticences, les résistances, les prévenances et les prudences ne plombent les capacités de nos chercheurs à avancer. Je vous prie plutôt de leur faire confiance.
Les travaux de nos deux commissions – je le dis sous le contrôle de Mme la présidente de la commission de la culture et de M. le président de la commission des lois – et nos débats en séance publique sur l’article 18 et les articles précédents montrent bien qu’il n’existe aucune défiance de la part du Sénat vis-à-vis des chercheurs.
Je souhaiterais vous faire remarquer, madame la secrétaire d’État, que votre collègue Marisol Touraine a donné dans la loi de modernisation de notre système de santé des garanties suffisantes concernant l’utilisation par les chercheurs des données de santé de la CNAM. Nous attendions des garanties similaires dans ce projet de loi, en particulier dans cet amendement. Voilà pourquoi je maintiens l’avis défavorable de la commission.
Par ailleurs, le dispositif prévu dans votre amendement n’engage pas la responsabilité pénale du directeur du comité des archives ; contrairement à votre affirmation sur ce point, il dispose explicitement que l’article 226–13 du code pénal n’est pas applicable.
Je dois dire que je n’ai pas été convaincu par M. Frassa. Au terme des nombreuses pages qu’il a bien voulu nous lire, je n’ai pas très bien compris où était le problème.
Nos chercheurs en démographie, en sociologie, en anthropologie et autres sciences sociales ont besoin de données statistiques. Je ne vois donc pas en quoi il serait scandaleux qu’ils puissent bénéficier de séries statistiques issues des organismes de sécurité sociale, dès lors qu’il est prévu deux filtres – l’expertise de deux comités – pour s’assurer que cet accès aux données ne porte pas atteinte à la vie privée.
Franchement, on devient craintif par rapport à la recherche scientifique. S’il s’agissait de recherche, par exemple, sur des armes nucléaires, je comprendrais qu’on prenne des précautions, mais, là, il s’agit du fichier de la CNAF, de données sur l’évolution des familles ou encore sur le niveau de vie, qui sont très utiles aux chercheurs.
On finit par avoir peur de la recherche scientifique en sciences sociales comme si l’on avait peur de son ombre. Il s’agit là selon moi d’une timidité contre laquelle je pense que le Sénat va se dresser.
Mes chers collègues, monsieur le président de la commission des lois, il serait tout de même bon de montrer que, même à cette heure tardive, nous conservons notre faculté de pensée, notre force de réflexion.
Il nous faut soutenir les chercheurs français et créer les conditions nécessaires à leur travail. J’ai de la sympathie pour eux et je ne voudrais pas qu’au terme de cette séance, à une heure trente du matin, on ait essentiellement adopté des mises en garde, des réticences et des restrictions à leur égard. Faisons-leur confiance !
Je dois dire à mon grand regret que je n’ai pas du tout été convaincu par l’exposé de M. Sueur, qui est pourtant d’ordinaire très persuasif.
L’heure tardive ne nous empêche pas d’approfondir cette question fort délicate.
Je voudrais tout d’abord évacuer un aspect de la question. Sur ces travées, il n’est pas de sénatrices ou de sénateurs qui seraient plus sensibles que d’autres aux intérêts de la recherche. Je me tourne vers vous, monsieur le rapporteur : soutenez-vous le développement de la recherche ?
Telle est aussi la position de Mme la présidente de la commission de la culture, de l'éducation et de la communication, ainsi que celle de Mme la rapporteur pour avis et, à n’en pas douter, de chacune et chacun d’entre vous, mes chers collègues.
Là n’est donc pas la question. Au reste, comme notre rapporteur l’a rappelé et Mme la secrétaire d’État l’a reconnu, la procédure de consultation anticipée des archives fonctionne bien : 85 % des demandes sont acceptées. Le régime actuel ne comporte donc aucune entrave à la recherche. D’ailleurs, si de telles entraves avaient existé, je suppose que le Gouvernement s’en serait aperçu à temps et aurait intégré à son projet de loi les dispositions nécessaires pour les lever. Le travail législatif que nous menons relève donc d’une certaine improvisation.
Nous ne sommes par ailleurs pas convaincus de la réalité des problèmes que l’amendement présenté au nom du groupe socialiste par M. Sueur comme l’amendement identique du Gouvernement visent à résoudre. Il faut tout de même rappeler qu’il s’agit de données qui, à des fins de protection de la vie privée, sont non communicables. Nous voulons surmonter leur incommunicabilité par des dispositions qui permettent, dans l’intérêt général, le développement de la recherche. Or de telles dispositions existent déjà, puisque, je le répète, 85 % des demandes sont satisfaites. Alors pourquoi, dès lors qu’il nous faut aussi prendre en compte le respect de la vie privée de nos concitoyens, faudrait-il aujourd’hui mettre en place une procédure qui nous paraît offrir très peu de garanties et, en tout cas, beaucoup moins que d’autres procédures que nous avons acceptées au sein de ce projet de loi ou de la loi de modernisation de notre système de santé récemment présentée par Mme Touraine ?
En vérité, cette question exige la tenue d’autres débats. Je suis tout à fait prêt à y participer mais, pour l’heure, il me semble raisonnable de repousser ces deux amendements.
Les amendements sont adoptés.
En conséquence, un article additionnel ainsi rédigé est inséré dans le projet de loi, après l’article 18.
Après les mots : « intérêt public et », la fin du IV de l’article 8 de la loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 précitée est ainsi rédigée : « soit autorisés dans les conditions prévues au I de l’article 25 ou au II de l’article 26, soit déclarés dans les conditions prévues au V de l’article 22. » –
Adopté.
Dans les contrats conclus par un éditeur avec un organisme de recherche ou une bibliothèque ayant pour objet les conditions d’utilisation de publications scientifiques, toute clause interdisant la fouille électronique de ces documents pour les besoins de la recherche publique, à l’exclusion de toute finalité directement ou indirectement commerciale, est réputée non écrite. L’autorisation de fouille ne donne lieu à aucune limitation technique ni rémunération complémentaire pour l’éditeur.
La conservation et la communication des copies techniques issues des traitements, aux termes des activités de recherche pour lesquelles elles ont été produites, sont assurées par des organismes dont la liste est fixée par décret.
Le présent article est applicable aux contrats en cours.
Compte tenu de l’heure, je serai bref.
Le problème de cet article est que, s’il va potentiellement permettre la fouille électronique de documents par les structures de recherche abonnées aux revues, il va maintenir la situation de domination des maisons d’édition sur ces ressources. Nous nous attacherons à rechercher un meilleur équilibre entre éditeurs et chercheurs.
L’amendement n° 585, présenté par le Gouvernement, est ainsi libellé :
Supprimer cet article.
La parole est à Mme la secrétaire d’État.
Le Gouvernement propose, par cet amendement, de supprimer l’article permettant l’utilisation par les chercheurs du Text and Data M ining, ou TDM, c’est-à-dire la fouille électronique de données. Je vous laisse juger de la cohérence de cette position, d’autant que je m’apprête à vous expliquer à quel point le TDM est formidable et combien, à l’inverse, refuser aux chercheurs la possibilité de recourir à cette technologie les pénalise.
Qu’est-ce que le TDM ? C’est l’analyse informatisée de grands corpus de textes et de données scientifiques par le principe des croisements et des recoupements, qui s’effectue grâce à des algorithmes appropriés par des effets de rebond. Ce processus a une double finalité : accélérer les processus de recherche existants et favoriser de nouvelles découvertes. Il est vrai que le numérique décuple encore ce potentiel de découvertes.
Vous connaissez la situation actuelle : en Europe, un seul État a autorisé le recours au TDM, le Royaume-Uni. Sur d’autres continents, plusieurs pays l’utilisent déjà : c’est le cas en particulier des États-Unis et du Japon. Plusieurs pays européens s’interrogent quant à eux sur l’opportunité de légaliser les pratiques de TDM pour les chercheurs.
Aujourd’hui, on me dit que les partenariats entre des laboratoires de recherche français et britanniques sont fragilisés, parce que, si les chercheurs britanniques peuvent employer le TDM, les chercheurs français en sont empêchés. On me dit également que des laboratoires français de recherche se trouvent contraints de signer des contrats de collaboration avec des laboratoires de recherche parfois peu reconnus au plan international mais situés dans d’autres juridictions, ce afin de pouvoir recourir à ces techniques. Je discutais tout récemment encore avec un professeur d’Oxford, le grand informaticien Nigel Shadbolt, qui m’expliquait tout l’intérêt du TDM pour ses recherches et celles de ses équipes. Lorsque je lui ai expliqué la situation en France, il s’est montré très étonné et ne comprenait pas les résistances juridiques opposées à la légalisation du TDM.
Pour cette légalisation, trois voies existent.
La première, c’est la voie législative. C’est celle qui a été choisie par l’Assemblée nationale et celle qui a été adoptée par le Royaume-Uni : elle consiste à insérer une encoche dans la directive européenne relative au droit d’auteur.
La deuxième voie, c’est la solution contractuelle : elle permet à des éditeurs de signer des contrats d’autorisation avec les chercheurs.
La troisième voie, qui est défendue par certains chercheurs, c’est l’exception de copie provisoire.
Sachez que l’Allemagne, parmi d’autres pays, est très attentive aux résultats des débats que nous avons sur ce sujet. Elle veut déterminer s’il convient de prendre une initiative à ce sujet avant même la perspective de l’accord qui doit être trouvé à Bruxelles quant à la renégociation de la directive du 22 mai 2001 sur les droits d’auteur.
J’en viens ainsi à expliquer la position d’apparence paradoxale du Gouvernement. Nous avons fait le choix de réserver l’examen de cette question aux négociations actuellement en cours à l’échelon européen. Ces négociations visent, dans le cadre de la révision de la directive de 2001, à ajouter une nouvelle exception au droit d’auteur. Nous préférons donc ne pas anticiper dans la loi nationale les évolutions à venir du droit européen.
Le présent article, introduit à l’Assemblée nationale, a fait couler beaucoup d’encre en créant en droit français une exception au droit d’auteur, non prévue par la directive du 22 mai 2001, pour le TDM.
J’ai réalisé de nombreuses auditions sur ce sujet pour tenter de trouver une solution de compromis entre les limitations du droit européen, les contraintes des éditeurs et le grand besoin des chercheurs de pouvoir accéder sans limitation à ce procédé. À l’issue de ces travaux, notre commission a proposé d’imposer le TDM par la voie contractuelle en attendant la révision de la directive de 2001. Cette révision, nous l’espérons tous, ne saurait tarder ; néanmoins, on ne peut pas d’ici là priver la recherche de ce bel outil.
Une suppression de l’article 18 bis sans autre forme de procès constituerait – vous en êtes consciente, madame la secrétaire d’État – un signal extrêmement négatif pour les chercheurs, qui se trouvent déjà aux prises avec des concurrents étrangers pour lesquels le TDM constitue une évidence.
Notre solution est solide, utile et équilibrée ; je la maintiens et j’émets, par conséquent, madame la secrétaire d’État, un avis défavorable sur votre amendement de suppression.
Cet amendement est quelque peu paradoxal, comme vous l’avez vous-même souligné, madame la secrétaire d’État.
Vous nous avez affirmé que vous craigniez que les résistances et le conservatisme ne plombent les travaux de nos chercheurs. Or vous nous proposez à présent un amendement de suppression de l’autorisation, certes restreinte, du TDM pour les scientifiques.
Nous avons tous reçu ces derniers jours des argumentaires, sinon des plaidoyers, écrits par des chercheurs, des responsables d’organismes de recherche ou encore des directeurs de start-up numériques. Tous nous ont encouragés à adopter sur ce point une exception au droit d’auteur.
Je me contenterai pour illustrer mon propos de lire la dernière de ces lettres, que nous avons reçue lundi et qui a été signée par une foultitude de sommités en matière de recherche scientifique, qui font l’honneur de la France à eux seuls.
Voici ce qu’ils nous écrivent : « Alors que nous commençons à peine à entrevoir les perspectives ouvertes par l’accumulation et la fouille massives de données, tous les acteurs économiques et industriels ont mobilisé leurs ressources et leur intelligence peur explorer les avancées potentielles quelles permettent. Paradoxalement et tristement, la recherche publique française est empêchée de rejoindre ce mouvement à cause de multiples obstacles juridiques. » Votre amendement de suppression constitue l’un de ces obstacles, madame la secrétaire d’État.
« Si cela n’est pas permis en France, c’est que des dispositions du droit d’auteur et du droit sur les bases de données interdisent – sauf convention – la réutilisation des articles scientifiques… même par ceux qui les ont produits ! Cela est déconcertant, car les chercheurs ont déjà payé l’accès sur ces articles. Rappelons en effet que les bibliothèques universitaires et les organismes de recherche dépensent plus de 100 millions d’euros par an pour s’abonner aux revues scientifiques et permettre aux chercheurs d’y accéder. C’est précisément sur ces contenus que le TDM demeure impossible en pratique.
« Continuer à empêcher le TDM va mettre les chercheurs français dans une position de faiblesse vis-à-vis de leurs collègues étrangers exerçant aux États-Unis, au Canada, au Japon, en Grande-Bretagne… qui pourront utiliser le TDM grâce aux législations plus ouvertes […] de leur pays.
« Pour éviter de porter un coup qui pourrait être fatal à la recherche française, les pratiques de TDM doivent être enfin clairement autorisées et encouragées par les pouvoirs publics. Ce n’est qu’à cette condition qu’il sera possible d’éviter le départ de chercheurs français à l’étranger. Une véritable exception au droit d’auteur doit donc être inscrite dans le projet de loi pour une République numérique : la Commission européenne a d’ailleurs annoncé qu’elle allait défendre cette mesure dans le cadre du marché unique numérique. »
« L’Allemagne s’apprête à réviser sa loi fédérale sur ces thèmes sans attendre la révision préalable de la directive européenne sur le droit d’auteur […].
« L’Europe doit relancer une politique de recherche ambitieuse ».
L’article 18 bis tel qu’adopté par la commission de la culture permet partiellement l’exercice du TDM par le biais de contrats. Néanmoins, ceux-ci sont défavorables aux chercheurs et compliquent considérablement leurs pratiques.
Mme Dominique Gillot. Madame la présidente, il me paraît important d’aller jusqu’au bout.
Marques d’impatience sur les travées du groupe Les Républicains.
Il vaut mieux toutefois conserver l’article 18 bis dans la rédaction de la commission de la culture plutôt que de ne rien avoir du tout : je préfère donc voter contre l’amendement de suppression du Gouvernement.
L’amendement n’est pas adopté.
Mes chers collègues, nous avons examiné 97 amendements ; il en reste 383.
La suite de la discussion est renvoyée à la prochaine séance.
Voici quel sera l’ordre du jour de la prochaine séance publique, précédemment fixée à aujourd’hui, jeudi 28 avril 2016 :
À dix heures trente :
Explications de vote et vote, en deuxième lecture, sur le projet de loi, modifié par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, ratifiant l’ordonnance n° 2015-1127 du 10 septembre 2015 portant réduction du nombre minimal d’actionnaires dans les sociétés anonymes non cotées. Ce texte a été envoyé à la commission des lois. Il sera examiné conformément à la procédure d’examen en commission selon laquelle le droit d’amendement des sénateurs et du Gouvernement s’exerce en commission.
Suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325, 2015-2016) ;
Rapport de M. Christophe-André Frassa, fait au nom de la commission des lois (n° 534, 2015-2016) ;
Texte de la commission (n° 535, 2015-2016) ;
Avis de M. Philippe Dallier, fait au nom de la commission des finances (n° 524, 2015-2016) ;
Avis de Mme Colette Mélot, fait au nom de la commission de la culture, de l’éducation et de la communication (n° 525, 2015-2016) ;
Avis de M. Patrick Chaize, fait au nom de la commission de l’aménagement du territoire et du développement durable (n° 526, 2015-2016) ;
Avis de M. Bruno Sido, fait au nom de la commission des affaires économiques (n° 528, 2015-2016).
À quinze heures : questions d’actualité au Gouvernement.
À seize heures quinze et le soir, jusqu’à minuit trente : suite du projet de loi, adopté par l’Assemblée nationale après engagement de la procédure accélérée, pour une République numérique (n° 325, 2015-2016).
Personne ne demande la parole ?…
La séance est levée.
La séance est levée le jeudi 28 avril 2016, à une heure vingt-cinq.