Cet amendement est quelque peu paradoxal, comme vous l’avez vous-même souligné, madame la secrétaire d’État.
Vous nous avez affirmé que vous craigniez que les résistances et le conservatisme ne plombent les travaux de nos chercheurs. Or vous nous proposez à présent un amendement de suppression de l’autorisation, certes restreinte, du TDM pour les scientifiques.
Nous avons tous reçu ces derniers jours des argumentaires, sinon des plaidoyers, écrits par des chercheurs, des responsables d’organismes de recherche ou encore des directeurs de start-up numériques. Tous nous ont encouragés à adopter sur ce point une exception au droit d’auteur.
Je me contenterai pour illustrer mon propos de lire la dernière de ces lettres, que nous avons reçue lundi et qui a été signée par une foultitude de sommités en matière de recherche scientifique, qui font l’honneur de la France à eux seuls.
Voici ce qu’ils nous écrivent : « Alors que nous commençons à peine à entrevoir les perspectives ouvertes par l’accumulation et la fouille massives de données, tous les acteurs économiques et industriels ont mobilisé leurs ressources et leur intelligence peur explorer les avancées potentielles quelles permettent. Paradoxalement et tristement, la recherche publique française est empêchée de rejoindre ce mouvement à cause de multiples obstacles juridiques. » Votre amendement de suppression constitue l’un de ces obstacles, madame la secrétaire d’État.
« Si cela n’est pas permis en France, c’est que des dispositions du droit d’auteur et du droit sur les bases de données interdisent – sauf convention – la réutilisation des articles scientifiques… même par ceux qui les ont produits ! Cela est déconcertant, car les chercheurs ont déjà payé l’accès sur ces articles. Rappelons en effet que les bibliothèques universitaires et les organismes de recherche dépensent plus de 100 millions d’euros par an pour s’abonner aux revues scientifiques et permettre aux chercheurs d’y accéder. C’est précisément sur ces contenus que le TDM demeure impossible en pratique.
« Continuer à empêcher le TDM va mettre les chercheurs français dans une position de faiblesse vis-à-vis de leurs collègues étrangers exerçant aux États-Unis, au Canada, au Japon, en Grande-Bretagne… qui pourront utiliser le TDM grâce aux législations plus ouvertes […] de leur pays.
« Pour éviter de porter un coup qui pourrait être fatal à la recherche française, les pratiques de TDM doivent être enfin clairement autorisées et encouragées par les pouvoirs publics. Ce n’est qu’à cette condition qu’il sera possible d’éviter le départ de chercheurs français à l’étranger. Une véritable exception au droit d’auteur doit donc être inscrite dans le projet de loi pour une République numérique : la Commission européenne a d’ailleurs annoncé qu’elle allait défendre cette mesure dans le cadre du marché unique numérique. »