Intervention de Michelle Demessine

Réunion du 12 juillet 2011 à 14h30
Accord avec les émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense — Discussion et adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Photo de Michelle DemessineMichelle Demessine :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, notre pays et les Émirats arabes unis ont signé à Abou Dabi, le 26 mai 2009, lors de la visite officielle du Président de la République pour inaugurer une nouvelle base militaire interarmées, un accord de coopération en matière de défense.

Vous nous avez précisé, monsieur le ministre, que celui-ci se substituait à un accord secret de 1995 devenu obsolète du point de vue tant du champ de la coopération couvert que de la protection offerte à nos personnels sur place. Par la suite, un échange de lettres dit « interprétatif », portant sur le dispositif juridique régissant nos forces, a eu lieu entre les deux parties au mois de décembre dernier.

L’étendue des coopérations contenues dans cet accord en prouve assez l’importance.

À peine deux mois après la réintégration complète de la France dans le commandement militaire de l’OTAN, le Président de la République procédait à une nouvelle réorientation stratégique majeure. L’inauguration d’une base militaire permanente en dehors de l’ancien « pré carré » africain était déjà en soi une première depuis cinquante ans. La signature de l’accord, dans la foulée, concrétisait la volonté d’installer durablement notre pays au centre d’un « arc de crise » défini par le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. Celui-ci, allant du Proche-Orient au Pakistan, en passant par l’Irak, l’Iran et l’Afghanistan, concentre les risques de conflits les plus lourds de la planète.

Cet accord révélait aussi une dispersion de nos capacités et un redéploiement de certaines d’entre elles pour nous aligner, une nouvelle fois, sur la politique des États-Unis, en nous insérant dans leur dispositif dans cette région.

Certes, ces décisions du Président de la République découlaient de certaines analyses contenues dans le Livre blanc, qui avaient été présentées devant le Parlement et que le groupe CRC-SPG n’avait d’ailleurs pas approuvées. Je déplore, toutefois, que de telles décisions, aussi lourdes de conséquences, n’aient fait l’objet d’aucun débat stratégique, ni d’aucune concertation parlementaire préalable.

Trois points particuliers me semblent soulever des questions fondamentales : la clause de sécurité, les articles relatifs au statut de nos forces et, d’une façon plus générale, notre politique de défense dans la région.

L’une des singularités de cet accord de défense se trouve notamment dans les articles 3 et 4 du texte signé. Ceux-ci comportent une clause dite « de sécurité » prévoyant une riposte militaire graduée à tout type de menace contre l’un de nos pays, pouvant aller jusqu’à l’engagement de nos forces. L’adoption de ce texte signifierait très concrètement que, dans l’hypothèse où les Émirats arabes unis seraient soumis à une attaque contre ce qu’ils estimeraient être leurs intérêts vitaux ou qui mettrait en cause leur souveraineté nationale, nous pourrions être presque mécaniquement amenés à un engagement militaire.

Cette clause est paradoxale et contradictoire avec les politiques de coopération et de défense que le Gouvernement mène avec les pays d’Afrique. En effet, lors d’une discussion parlementaire sur de nouveaux accords signés avec des États africains, vous aviez fortement insisté, monsieur le ministre, sur le refus de telles clauses d’assistance mutuelle.

Quand on connaît la situation sensible de cette zone, avec la rivalité entre les monarchies pétrolières soutenues par les États-Unis et l’Iran qui veut s’imposer comme puissance régionale...

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion