Intervention de Henri de Raincourt

Réunion du 12 juillet 2011 à 14h30
Accord avec les émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense — Discussion et adoption définitive d'un projet de loi dans le texte de la commission

Henri de Raincourt, ministre :

Monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, j’ai écouté avec beaucoup d’attention vos interventions. Même si je ne suis sans doute pas en mesure de répondre à toutes les nombreuses questions qui m’ont été posées, j’essaierai d’apporter des précisions sur un certain nombre de points, qui, je l’espère, seront de nature à rassurer les différents intervenants.

Tout d’abord, concernant l’implantation des bases proprement dites, il ne s’agit pas de se disperser, de se fixer, au gré des modes, en quelque sorte, à tel ou tel endroit ; il s’agit de reconfigurer tout notre dispositif de défense, y compris au niveau de son implantation géographique.

La France mène actuellement des discussions avec un certain nombre d’États, notamment africains, en vue d’élaborer – et, je l’espère, de conclure –, des accords reposant sur de nouveaux modes de collaboration en matière de défense.

L’implantation d’une base dans les Émirats arabes unis n’est nullement contradictoire ou en opposition avec l’intérêt que la France porte traditionnellement et continue de porter à l’Afrique.

Il faut également considérer que les situations peuvent évoluer d’un pays à l’autre. Quand un certain nombre de nos soldats sont envoyés en Côte d’Ivoire dans le cadre de la force Licorne, par exemple, ils n’ont pas vocation à y rester à perpétuité. Il s’agit alors de prendre en compte une situation donnée, à un moment donné et, fort heureusement, réjouissons-nous-en, la démocratie a gagné en Côte d’Ivoire. Nous pouvons, par conséquent, adapter notre présence militaire en termes d’effectifs à cette nouvelle situation.

Ce qui importe – et ce n’est pas aux spécialistes rassemblés dans cette enceinte que je l’apprendrai ! –, c’est la mobilité. Il vaut mieux disposer d’un nombre limité de bases, qui soient les plus performantes, les mieux formées et les mieux équipées possible. Leur répartition doit leur permettre, en tant que de besoin, de se mouvoir rapidement et efficacement sur le terrain, de l’Atlantique à l’océan Indien.

Il n’y a pas de dispersion française en la matière, bien au contraire. La France compte aujourd'hui trois bases à l’étranger : au Gabon, à Djibouti et dans les Émirats arabes unis. Les bases de Djibouti et d’Abou Dabi sont complémentaires, en raison d’enjeux à la fois bilatéraux et multilatéraux. Vous avez évoqué, monsieur Boutant, la situation dans ce secteur, notamment la lutte contre la piraterie, et vous avez mille fois raison.

Je précise que les Émirats arabes unis ont assumé la plus grande part des investissements. La France y a contribué à hauteur de 25 millions d’euros – je parle de mémoire – et le coût de fonctionnement est estimé à 75 millions d’euros par an. Ces dépenses sont financées par des redéploiements de crédits, ce qui ne pose aucune difficulté.

S'agissant des droits de l’homme, nous pourrions débattre de cette question indéfiniment. Je veux simplement rappeler, personne n’en doute ici, que la France, toujours et partout, défend la liberté et les droits de l’homme ; il n’y a aucune ambiguïté en la matière.

Pour autant, compte tenu des grands enjeux internationaux, la France, dans le cadre d’une politique d’influence à la fois globalisée et harmonisée, doit pouvoir s’implanter là où elle le juge nécessaire, en raison de la situation géographique de tel ou tel secteur.

Nous n’allons pas critiquer les Émirats arabes unis sur un point sans dire, par exemple, que ceux-ci défendent en ce moment même avec nous le peuple libyen contre les exactions de M. Kadhafi. Il faut, en toute chose, préserver les équilibres nécessaires, me semble-t-il, et se garder de toujours juger ce qui se passe chez les autres. Pour autant, il faut rester ferme sur les principes, c’est-à-dire défendre la liberté des peuples et les droits de l’homme.

En ce qui concerne le Bahreïn, la France a fortement condamné la répression violente contre les manifestations – d’ailleurs pacifiques – qui s’y sont déroulées. La France a alors condamné, comme en Syrie, l’usage disproportionné de la force et a appelé, avec de nombreux pays, au dialogue entre les différentes parties. Je constate d’ailleurs que ce dialogue est amorcé depuis le début du mois de juillet.

Je veux, en outre, rappeler que notre accord de défense ne porte que sur des menaces extérieures ; il ne porte, en aucune manière, sur d’éventuels conflits internes. La France ne peut être amenée à intervenir dans le cadre de cet accord que si une menace extérieure faisait peser un danger sur les Émirats arabes unis.

Madame Demessine, en matière de « parapluie nucléaire », la doctrine de la France est claire et connue de tous, et ce depuis toujours. La France est entièrement souveraine dans son engagement nucléaire et n’est liée, à ce titre, par aucun traité.

Certains d’entre vous ont évoqué l’OTAN. À cet égard, je rappelle que la force nucléaire française n’a nullement été mise à la disposition de l’OTAN, de quelque manière que ce soit. Dans ce domaine, la décision relève exclusivement de la France et du Président de la République. Toutefois, cette question n’a rien à voir avec l’accord qui est aujourd'hui soumis à l’appréciation du Sénat.

Enfin, j’évoquerai l’Iran. Nous parlons bien sûr de la situation dans ce pays et des difficultés que nous rencontrons pour y faire respecter les résolutions votées par les Nations unies. Cependant, là encore, ce sujet est éloigné de l’accord faisant l’objet de la discussion du Sénat cet après-midi.

Cet accord a vocation à être dissuasif en cas de menace extérieure, mais non à être appliqué, d’une manière ou d’une autre, lorsqu’il s’agit de la politique nucléaire menée par l’Iran en matière civile. Ce sont deux questions totalement différentes. Naturellement, la France continuera d’être très active pour faire pression sur l’Iran afin que ce pays respecte les décisions votées à l’ONU par la communauté internationale et qu’il contribue ainsi à accroître la paix, la sécurité et la stabilité dans le monde. Voilà ce que nous demandons à ce pays, rien de plus.

Tels sont, monsieur le président, madame le rapporteur, mesdames, messieurs les sénateurs, les quelques remarques dont je tenais à vous faire part.

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