Intervention de Patrick Chaize

Réunion du 28 avril 2016 à 10h30
République numérique — Article 18 ter

Photo de Patrick ChaizePatrick Chaize :

La liberté de panorama permet de reproduire une œuvre, essentiellement architecturale, qui se trouve dans l’espace public, mais qui attend encore son entrée dans le domaine public. Elle permet aussi de publier sur internet des photos de vacances lorsqu’un bâtiment ou une sculpture récente se trouvent au centre du cliché. Elle permet enfin à chacun de publier ses propres photos sur Wikipédia, afin d’enrichir des articles relatifs aux auteurs ou aux œuvres.

Proposée parmi diverses exceptions au droit d’auteur par la directive européenne de 2001 et inscrite dans la majorité des législations européennes, l’exception n’a toujours pas été introduite en droit français.

À ce jour, seule la représentation accessoire de l’œuvre est admise. Selon la jurisprudence, « la représentation d’une œuvre située dans un lieu public n’est licite que lorsqu’elle est accessoire au sujet principal représenté ou traité. »

En dehors d’un tel cas de figure, le code de la propriété intellectuelle considère comme contrefacteur toute personne publiant une reproduction photographique d’un espace public comprenant une telle œuvre. C’est tout l’enjeu du débat.

Dès lors que le fait de prendre des photos dans l’espace public devrait être une liberté pleine et entière, celui qui choisit de construire un bâtiment dans l’espace public ou d’y diffuser une œuvre par le truchement de deniers publics ne devrait pas pouvoir privatiser la vue de tous au nom du droit d’auteur. Ce paramètre d’espace public induit par lui-même la potentialité d’une diffusion sans entrave.

Aucune expropriation de l’auteur vis-à-vis de son œuvre ne semble être opérée dans ce cadre. Au contraire ! En outre, l’avantage de nouvelles commandes suscitées par une popularité grandissante et une présence renforcée sur les réseaux sociaux et sur le net est loin d'être négligeable.

Par ailleurs, il est aujourd’hui très difficile de définir la nature commerciale ou non de la diffusion d’une représentation photographique sur les réseaux sociaux ou sur les plateformes accueillant de la publicité.

À quel moment un site perd-il son caractère non commercial ? Facebook, qui peut utiliser à tout moment à des fins commerciales les photos diffusées par les internautes, rend-il ces derniers contrefacteurs de fait ?

L’introduction d’une liberté de panorama dans la législation française apporterait de la sécurité juridique non seulement à l’échelon national, avec la création d’un cadre légal fixe qui éviterait l’apparition d’exceptions prétoriennes instables, mais également à l’échelle européenne, par l’harmonisation des systèmes législatifs. Cette avancée française vers une liberté de panorama pourrait avoir un effet dans les discussions européennes sur la révision de la directive. À l’heure de l’open data, cela permettrait de faire connaître une avancée significative et cohérente à nos débats.

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